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Darwin Le Chat
19 juillet 2020

Une mouette qui en resta muette, ou quand Banofee-Banofee défie La Flèche.

Lyon, 31 mai 2020

Cher lecteurs, chères lectrices, chalut !

Comment cha va ? Moi cha va, merci ! Bon c’est vrai que cha allait un peu mieux le mois dernier. Olala, je sais que pour beaucoup d’humains la situation n’est pas facile du tout mais nous, les autres êtres vivants de cette planète, nous avons très majoritairement vécu cet événement comme un véritable cadeau du ciel ! Bien sûr certains chats domestiques ont sûrement un autre avis car c’est parfois pénible d’avoir des humains qui squattent la meilleure place sur le canapé toute la journée au lieu d’aller à l’école ou au travail. Les chienchiens à leur mémère, eux, ont sûrement été très contents, vu qu’ils n’ont aucun esprit d’indépendance et n’aiment rien mieux faire que répondre à des demandes comme : « Assis ! », « Debout », « Donne la patte ! », « Vas chercher la baballe ! » En plus les chiens ont acquis une sorte de super-utilité pendant le confinement car grâce à eux leurs humains ont pu trouver un prétexte pour sortir plusieurs fois par jour. Il paraît que certains ont essayé avec des chats mais la police n’a pas semblé trouver cela très loyal. Remarquez, j’ai entendu dire qu’en Chine, chien ou pas chien, personne ne pouvait trouver le prétexte d’avoir un animal à promener, les chiens faisaient leurs besoins sur le carrelage à défaut d’avoir une caisse du chien. Sûrement que certains humains ont fini par manger leur chien. On dit que les chinois aiment bien manger les chiens et les chats, et même les chauves-souris et les opossums. Moi je ne les juge pas, j’adorais manger les chauves-souris avant de subir par la fée Odette l’interdiction d’en attraper. A cause d’elle on est tous un peu dénaturés, surtout les pigeons d’ailleurs, comme vous allez l’apprendre dans la suite de cette lettre. J’ai un peu tardé à reprendre mes écrits après le déconfinement car avec Grabel, on a subi un contre-choc psychologique. Les conséquences de ce virus étaient totalement inattendues, sans doute encore plus pour nous que pour vous. Imaginez-vous ça ! Le premier soir, en nous penchant par-dessus la gouttière, nous observâmes la rue. On attendait, attendait, attendait, personne ne passait. C’était fou ! Et quel silence ! Quand on connaît l’agitation habituelle, dans une ville dont certains disent pourtant qu’elle est naturellement endormie, on comprend que les humains dans leurs habitudes font un vacarme hallucinant ! A côté d’eux, même les hirondelles, les piafs et les mouettes semblent aphones ! Et les oiseaux sont de jour ou de nuit, ils laissent aux autres le temps de se reposer ! Les humains non ! La journée ils font un barouf du tonnerre par l’empilement de leurs milliers de voix et leur incapacité chronique à ne serait-ce que se déplacer en silence. La nuit la plupart se calme ! Mais ceux qui sont décidés à être noctambules font du bruit pour dix, les noctambules humains sont en moyenne les plus déglingués de la tête que le règne animal ait connu, la nuit ça rend débile les humains, quelques chats aussi mais en moyenne non ! D’ailleurs si les pigeons dorment la nuit c’est parce que même s’ils sont cons par nature ils ont la sagesse de ne pas se donner une raison d’être encore plus cons ! Les humains n’ont pas de sagesse !

Ah non vraiment ! Sans vous offenser on n’en peut plus de vous ! Faut vous calmer les humains là ! Faut réfléchir, se poser un bon moment pour prendre le temps d’analyser cette parenthèse dans notre vie commune, cette espérance du calme s’est concrétisée grâce à une maladie incontrôlable, c’est en faisant en sorte de la contrôler que les humains ont fini par donner un maximum de regrets à les plupart des autres êtres vivants. Les humains confinés c’est un peu comme s’il y avait beaucoup moins d’humains. Rien a faire, on avait beau le prendre par n’importe quel bout, beaucoup moins d’humains ça nous paraissait, de prime abord, être une super solution à plein de problèmes ! Donc au début on a regretté de voir qu’à cause du confinement il n’y aurait que quelques centaines de milliers d’humains en moins au lieu de deux ou trois milliards comme on l’avait espéré ! Quand on a dit ça à Odette elle est entrée dans une colère noire. D’après elle il est absolument scandaleux de penser comme ça quand on vit confortablement dans une ville entièrement bâtie par les humains. Odette pense que ceux qui n’aiment pas les humains n’ont qu’à aller vivre dans les bois. En un sens ce qu’elle dit est vrai, rien ne nous empêche de nous éloigner des humains. Mais par ailleurs il est aussi vrai que les humains envahissent de plus en plus de territoires et qu’il est de plus en plus difficile pour les autres êtres vivants d’échapper à leur présence. Odette se moque particulièrement des pigeons qui aiment raconter qu’ils remplaceront bientôt les humains en tant qu’espèce dominante. Il est évident que cela ne risque pas d’arriver car durant le confinement les pigeons ont d’abord trouvé que c’était plutôt cool d’avoir les rues pour eux seuls, puis ils se sont rendus compte que cela les obligeait à se contenter de ce que le vent voulait bien y déposer. Ils aiment bien traiter les chats de gouttière de pique-assiette mais finalement ils font comme nous dès que l’occasion se présente. Alors voilà dans quel paradoxe nous nous sommes trouvés, nous vivons avec les humains sur des immeubles qu’ils ont construit mais en même temps nous avons l’impression qu’ils ne font rien pour rendre notre vie plus agréable, ce qui nous fait penser que quand ils sont enfermés chez eux la vie est plus intéressante. Pour les pigeons bien sûr cela change moins les choses. Puisque comme le dit Philémon ils sont trop stupides pour se rendre compte du danger, ils passent leur temps au milieu des humains même quand ceux-ci sont nombreux dans la rue. Mais pour nous les chats, qui ne nous risquons pas souvent à marcher au niveau zéro, le confinement ça change tout ! Et j’aime autant vous dire qu’avec Grabel on ne s’est pas gênés pour profiter de ces sept semaines. On a visité tout le nord de la presqu’île et particulièrement les abords de la Saône ! Je dois vous avouer qu’on l’a tout de même fait en compagnie de la fée Odette qui a très bien rempli le rôle qu’elle entendait jouer : celui de guide.

Peut-être qu’au travers de mes futures lettres je ferai référence à nos balades durant cette période, on a fait quelques rencontres intéressantes. Nous avons été aussi régulièrement sur le toit du très grand bloc pour retrouver Aïcha, Burbulle, P’tit gris et d’autres. C’est de l’extrémité ouest de ce bloc que nous avons joué les spectateurs et parieurs pour les concours de vols d’oiseaux. La grande affaire de cette période fut le défi lancé par Banofee-banofee à une jeune mouette que ses congénères surnomme « La Flèche ». C’est donc la mouette (c’est un mouet d’ailleurs) la plus rapide des mouettes installées à Lyon. La Flèche n’est pas peu fière de ses performances et s’en vante régulièrement auprès des habitants du toit du grand bloc où elle semble avoir une cheminée attitrée. Comme tout le clan de Riton a l’habitude d’y débarquer à chaque fois que Grabel et moi nous y trouvons, il était évident que les vantardises de la Flèche finiraient par titiller cette bande de cinglés et cinglées. Banofee-banofee a simplement coupé court à toute discussion en disant à la Flèche : « Tu es peut-être la mouette la plus rapide de Lyon mais si on fait tous les deux un aller-retour entre le pont Bonaparte et la passerelle Saint-Vincent, je vais te laisser loin derrière moi ! » Ce à quoi la Flèche a répondu sans une hésitation : « J’aimerais bien voir ça ! » Ce à quoi Banofee-banofee a répondu : « Tout le monde aimerait voir ça ! »

Immédiatement les paris ont été lancés. Nous les chats, on a immédiatement pris le parti de la Flèche. Un peu parce que ça nous semblait logique qu’une mouette aille plus vite qu’un pigeon et beaucoup parce que l’éventualité du contraire nous était désagréable. Tout ce qui rehausse la réputation des pigeons est par nature désagréable. Alors bien sûr, pas question de faire un pari d’amis ! Les pigeons voulaient qu’on mette quelque chose dans la balance et en cette période de relative disette, la monnaie d’échange fut facile à trouver : si Banofee-banofee devait l’emporter, ce qui paraissait très improbable, nous nous engagions à donner aux pigeons notre prochaine ration de farcie. Dans le cas contraire, tout le clan de Riton allait devoir nous céder sa ration. Il y eut un petit moment de flottement avant de nous engager sur ce pari car Aïcha avait un doute. Elle réunit tous les chats dans un coin pour qu’on s’évite une défaite :
– Depuis le temps qu’on les regarde ces oiseaux-là, on doit bien savoir si une mouette va plus vite qu’un pigeon !
– Bien sûr qu’une mouette va plus vite qu’un pigeon !
– Tu l’as déjà constaté P’tit gris ?
– Oui sans doute. Enfin… si j’avais constaté le contraire ça m’aurait tellement étonné que je l’aurais bien imprimé dans ma mémoire.
– De toute façon Aïcha, c’est évident qu’une mouette qui vient de la mer va plus vite qu’un pigeon sédentaire !
– Ben oui mais… et les pigeons voyageurs alors !
– Les pigeons voyageurs n’ont rien à voir avec ces pigeons-là qui ne quittent jamais le quartier !Non vraiment, inutile de s’inquiéter ! En plus la Flèche a vraiment l’air sûre de son coup !
– Bon d’accord, je veux bien parier.

Ainsi l’accord fut scellé. Mais la course n’eut pas lieu immédiatement, on décida qu’il nous fallait un juge-arbitre car nous les chats, nous ne pouvions pas voir si le contournement de la passerelle aurait bien lieu dans les règles de l’art. On aurait pu désigner un pigeon et une mouette pour se poster là-bas afin de valider la course mais nous préférâmes demander le concours de la fée Odette sachant qu’en la mettant dans la confidence, on aurait l’assurance que les gagnants recevraient directement le supplément de farcie mis en jeu. Comme on la voyait tous les jours sans exception depuis le début du confinement, cette demande fut faite assez rapidement. Odette y consentit avec un air malicieux qui me laissa penser qu’elle connaissait déjà l’issue de la course ; celle-ci fut programmée pour le lendemain à 16h.

L’affaire était simple, Banofee-banofee et la Flèche devaient se poser sur la barrière du pont Bonaparte et décoller au signal donné par Odette, ensuite ils iraient jusqu’à la passerelle Saint-Vincent située à environ 900m plus en amont, passeraient en-dessous avant d’amorcer un virage serré pour repartir dans l’autre sens en passant, cette fois, en-dessus de la passerelle, l’arrivée serait située à l’aplomb du pont Bonaparte, sous l’arche gauche ou l’arche droite, peu importerait. Nous étions sur le toit du grand bloc en compagnie de tout le clan de Riton tandis que de l’autre côté de la rivière on apercevait une dizaine de mouettes, dont sans doute George, posées sur le muret qui surplombe le parking de la rive droite de la Saône. Il y eut une chose assez rigolote. Quand Odette donna le top départ, top qu’on n’entendit pas de l’endroit où nous étions malgré le silence qui régnait alors, on vit clairement la Flèche prendre son envol en premier, suivie de près par Banofee-banofee. Cependant aucune des mouettes présentes sur le muret d’en-face ne remua une aile alors que tous les pigeons s’envolèrent d’un même élan pour suivre la course en vol. De notre position on ne put suivre que le début et la fin de la course mais son issue ne faisait déjà plus guère de doute quand Banofee-banofee dépassa la Flèche au bout de moins d’une centaine de mètres. Nom d’un chat ! Ce pigeon-là c’était lui la vraie flèche ! Et à vrai dire les autres n’étaient pas en reste. Je ne pense pas qu’ils firent tout le trajet en entier mais toujours est-il qu’ils revinrent avant la Flèche dans le sillage de Banofee-banofee qui l’emporta assez largement. On en resta stoïques. Tandis que les pigeons fêtaient leur héros en volant en groupe à proximité des mouettes nous prîmes le parti de nous réfugier dans la sous-pente de Burbulle, Aïcha et P’tit gris en attendant la tombée de la nuit. Nous avions fait notre deuil de notre ration de farcie du jour mais nous espérions éviter les sarcasmes des pigeons. Ce ne fut que partie remise et en outre Odette vint nous trouver pour moquer notre côté mauvais perdants.

Le lendemain les pigeons passèrent une bonne partie de leur temps juchés sur des cheminées du très gros blocs cherchant par tous les moyens à nous rappeler notre défaite de la veille. Odette vint trouver Banofee-banofee pour lui proposer un nouveau défi :
– Dis donc Lance Armstrong ! Ta renommée a déjà franchi les limites du quartier ! Devine quoi ?
– Quoi ?
– Un faucon voudrait faire la course avec toi.
– Un faucon ? Et puis quoi encore ?
– Tu te défiles emplumé ?
– Oui je me défile !
– Peur de perdre ?
– Pas du tout ! Je fais la course avec qui tu veux mais ni avec un faucon ni avec un aigle.
– Je ne vois vraiment pas pourquoi ! Si t’es sûr d’aller plus vite que lui, quel est le risque ?
– Inutile d’insister, c’est non !

De cette courte conversation je ne retins pas grand-chose mais un détail retint l’intention de Burbulle. Un peu plus tard il nous fit part de son observation :
– Vous avez entendu ? Odette a appelé Banofee-banofee, Lance Armstrong !
– Eh ben ?
– Vous ne savez pas qui c’est ?
– Ça me dit quelque chose mais…
– C’est un ancien coureur cycliste ! Un champion qui laissait tout le monde derrière lui ! Comme Banofee-banofee avec la Flèche !
– Ah oui ! Logique donc !
– Logique sauf que Armstrong était dopé ! Le roi du dopage ! Tellement dopé qu’on lui a supprimé ses 7 victoires du tour de France. Donc si Odette appelle Banofee-banofee, Lance Armstrong, c’est qu’elle sait qu’il est dopé ! Et s’il est dopé c’est qu’elle l’a dopé !
– Oh ?
– Elle lui donne de la farcie dopée ! Avec ça il est imbattable et c’était évident qu’on allait perdre notre pari ! Ce n’est pas du tout réglementaire !
– Mais oui ! Tu as raison !
– Euh… Attendez ! a dit Aïcha. Si ça se trouve il n’est pas dopé ! Du moins pas plus que nous ! Vous trouvez ça bon vous la farcie ?
– Pas plus que ça mais à chaque fois que j’en mange je me sens bien !
– Ben oui ! On aime la farcie parce qu’elle nous met en forme ! C’est pour cela qu’on ne veut jamais laisser notre part au chien.
– Mais si ce que tu dis est vrai, pourquoi ce n’est pas George qui a fait la course avec Banofee-banofee. Il en mange aussi de la farcie.
– Peut-être que la flèche en mange aussi ! On ne connaît pas toutes les fréquentations d’Odette ! Peut-être que Banofee-banofee n’a pas gagné parce qu’il est plus dopé que les autres mais parce que c’est lui le plus fort parmi tous ceux qui sont dopés à la farcie.
– C’est possible.

Eh oui chers lecteurs, chères lectrices, peut-être bien que les pigeons sont vraiment de très grands voleurs, nous qui préférons les moquer pour leur manière saugrenue de marcher dans la rue.

Ah ben chalut !

Darwin.

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