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Darwin Le Chat
21 février 2017

Premier Délire d'Atlas

Chalut !

 Avant de vous rapporter ce que déclama Atlas, il me semble utile de donner quelques précisions sur la manière dont il le fit. Sans doute, pour mieux en rendre compte, j’aurais dû faire de nombreux retours à la ligne, comme s’il s’était agi d’une suite de vers. Mais il serait exagéré d’accorder le moindre crédit poétique à ce rat blanc dont l’élocution est assez pénible à entendre. Certes les virgules dans le passage qui suit auraient gagné à être changées en points virgules. Lorsqu’il déclame sa tête va de gauche à droite et de gauche à droite et quand ses yeux s’arrêtent sur vous, son discours semble devoir vous concerner en premier lieu. J’ai préféré me contenter d’une ponctuation permettant une lecture plus fluide sans trop altérer la structure de ce discours passablement haché. Voici, donc, ce que nous dit Atlas :

 – Est-ce ainsi que la culture advient ? Par le côté le moins sain ? Vous vouliez suivre une ombre, un homme, juste, pour en perdre la trace. Vous vouliez être en ego, son égal, vous seriez, celui qui le remplace, à l’heure, des catacombes. Vous vouliez viser haut, dans son dos, construire, sur ses décombres, après, son hécatombe.

Et l’Un vous laissa faire, ou bien vous encourageait-il ? Pour voir s’il s’en trouvait plus vil, à ne suivre qu’un fil. Que fera l’âme ? Cette Ariane, promise, compromise, venue sur l’autre rive, où pour la première fois vous parliez d’entremise, ce jour venu maudit quand vous mouliez monnaie par la bouche idolâtre d’un monstre à carapace. Vos livres sont de compte, les vies devenues âpres et les dus qui s’entassent, auront cédé la place, en toute impunité, à un vocable usé, raboté par le sable, que vous ne faites que crier contre vents et marées : Liberté ! Vous, tel un Grand Debout, fou jaloux, qu’on peine à raisonner, puisqu’il a ses raisons, marquées d’un sceau puissant, petit papier roulé, serré, dans un pieu médaillon, qui fait corps à son cou, quand il ne fait ciment sous son pseudo d’argent, tout au creux de sa main. Il croit, priant l’Un, oeuvrant droit, il a, ses lois gravées aux tables entrelacées de croix, apôtre par ses supplices, des croix en son service, aucun trait ne déduit, n’ira dans les édits que ce qui multiplie. Il est, le spectre dans la pièce, itinérant déjà, au Panthéon des grecs, et bien avant encore, depuis, comme dit le vent, que naître c’est valoir. Il fait semblant, il sait ; depuis longtemps, le dilemme incessant, c’est d’être ou bien valoir. S’il vaut ; est-il ? L’être né dans un corps, sans possession de soi ? Veut-il ? Etre l’être le plus cher d’un père ou bien d’un frère, s’il est à la merci de son moindre souci ? Ainsi, les vies sous ventes, passées de mains en mains, contre espèces sonnantes, sont des vies trébuchantes. Tout le temps, quelque fut le montant, comblant un trou béant, leur point le plus commun, fut qu’elles ne valaient rien. En face, autrui faisant créance, ami ou ennemi, aux degrés de souffrance, jamais non grand jamais, ne sera de guerre lasse. Souviens ! Le droit, la loi pour soi, c’est : « Donne ce que tu me dois ! » Souvent la relation prend forme dans l’inégal, une partie perdue, perdure et devient stable. Au fil de l’épée passent les liens noués, moins pour vous délivrer que mieux vous attacher. Le fil de l’épée veut se faire oublier, tout se voit ramené à un échange inné, il offre contre blé, une garde rapprochée. Prends garde ! Sous leurs atours épiques, les arts héraldiques, peinent à mettre sous clé leur côté hiérarchique ; dans leurs élans cosmiques, c’est encore toi qu’ils piquent, toujours moins protégé, que de près surveillé. Mieux vaudrait écouter, la voix de ton côté, qui parle d’êtres libres, et surtout d’équilibre, vers lequel l’on tend, pour qu’un beau jour sûrement, ton linge revient blanc. En attendant, plus rien ne fera grâce. S’il se trouve deux comparses, pour traiter sans pêché, toujours de gré à gré, qu’importe que l’on sache, que ceci n’est que farce, deux égaux supposés, inégaux dans les faits, devront tout sacrifier, à leur égalité. Tout ici a un prix, depuis que théorie, a été établie. Voici ce qu’elle nous dit : « Au commencement, tous étaient commerçants ! Ils échangeaient pour moindre effort, quelques boyaux de porcs, contre peaux de castors. Olala ! dit soudain, des deux le plus malin ; que fera-t-on demain, si j’ai besoin de pain, et que tu n’en as point ? Inventons s’il te plaît, un moyen plus complet, qu’on nommera monnaie. Très bien ! lui dit consort, mais par quel média, obtiendra-t-on cela ? Ami mon bel ami ! Qui porte mieux le prix, qu’un métal joli, par ma main anobli ? On pourrait y graver, d’un côté mon portrait, et de l’autre ceci : « Je paie donc je suis ! » Puisque dès à présent, le temps c’est de l’argent, c’est ta chance aujourd’hui, ce métal anobli, moi j’en ai plein mon puits ! Je pourrais t’en prêter, oui vraiment j’y consens, matière à rembourser, d’abord par l’intérêt, puis ensuite le principe, sur quelques annuités, que tu puisses entre-temps, le faire fructifier. Bien sûr, l’usure sera d’usage, jusqu’à la mise en gage, si tu es empêché, par incapacité. Nous jouons cartes sur table, aussi chacun le sait, dans une société, où chacun est traité, en pure égalité, tout être incapable, est d’abord un coupable, pour s’être envisagé, en infériorité. De faiblesse en faiblesse, on voit, malgré bien des largesses, nié parfois, jusqu’à ce que l’on doit. Quels recours auraient ceux, qui ont le droit pour eux, s’ils ne savaient s’armer autrement qu’en patience ? Alors oui, certainement, pour que tout se compense, il faut bien que la lance, penche comme la balance ; qu’on pense, tout débiteur honnête, apte à payer sa dette, s’il le faut de sa tête. » Pure méprise, nous voilà pris dans la fuite en avant d’un rêve. Est-ce par lui que l’on s’élève ? Sommes-nous, en l’esprit la violence, la nouvelle occurrence ? Trouvera-t-il sa délivrance, quand nous l’aurons trouvé, l’art, le moyen le plus laid, de nous entretuer ? Saurons-n…

 

C’est l’instant que choisit Odette pour enfoncer la tête d’Atlas dans l’eau. Cela eut sans doute l’effet escompté mais provoqua quelques remarques outrées dans l’assemblée qui s’était peu à peu agglutinée tout autour de la vasque :

– Mais enfin Odette ! Il n’avait pas fini !

– C’est sans fin son truc ! On ne va pas y passer la journée !

Atlas ouvrait à présent des yeux exprimant une interrogation évidente : « Qu’est-ce qu’ils ont tous à me regarder comme ça ? » Odette, ne lui laissa guère le temps de chercher une réponse :

– Sors-toi de là Atlas ! On bouge !

Atlas obéit, non sans peine, et Odette ouvrit le chemin vers la porte de sortie. Son empressement connut un nouvel empêchement quand un rat arriva tout essoufflé en sens inverse :

– Ah vous êtes encore là ! Il est où Boobi ?

– Derrière ! Qu’est-ce que tu lui veux ?

– Lui proposer un marché honnête en forme de défi !

– Du genre ?

– Deux piloms contre une chanson !

– T’es si pressé de te faire insulter ?

– Justement ! Le défi consiste à abandonner le registre du Gang-Chat rap !

– Tu prends pas beaucoup de risques ; l’insulte est une seconde nature chez lui ! J’ai toujours pas trouvé la première…  Boobi ! Fraye-toi un chemin et ramène ta sale face !

La galerie marchande était désormais bien encombrée, Boobi passa à côté de moi et je me sentis passablement comprimé entre lui d’un côté et un rat de l’autre. C’est peu dire que je n’en menais pas large tandis que Herbert s’accrochait à ma queue pour bien me signifier qu’il ne fallait surtout pas l’oublier. Après quelques palabres Boobi accepta les termes du défi et signifia à l’assemblée que les trois minutes suivante étaient siennes :

– Un peu de silence bande de rats ! Je vais relever ce défi avec Brio. Cette chanson est dédiée au Dieu Herta !

Boobi respira longuement avant de s’élancer :

 

Un jour j’ai rencontré Herta et depuis je vous emmerde

Je me suis léché les babines, pas pris d’ repas hier

Maintenant je vais m’ fourrer l’œsophage jusqu’au bout d’ la nuit

Dévorer sans partage, apprécier l’ p’tit d’ la truie

 

J’ fouilles juste un sac, y a du gavage en route

Aujourd’hui, j’ai les idées claires

Je me bâfre, j’ délaisse bananes et choux

Une fois mon doux méfait derrière moi, j’avoue

J’ai r’ commencé à bouffer,  parie qu’ ça se finira en-dessous

Puis j’ai repris du foie, je mords j’ brise les côtes à vive allure

Je pisse droit, l’œsophage tassé-nourri comme un vide-ordure

Mes gazages sont inodores depuis que j’ai le nez bouché

Puisque le veau est d’or, expliquez-moi le sang sur le bout de mon nez

J’ai l’impression qu’ chaque fois qu’ j’ respire, j’ai des envies d’ bouffer

J’explore et j’ trouve les gamelles des chiens en laisse

Eh ! trottoir ! Excuse-moi d’ te chier des chaînes

J’ fais pas du fumier

Herta, son assiette se diffuse et son lard est fumé

Un jour j’ai rencontré Herta et depuis je vous emmerde

Je me suis léché les babines, pas pris d’ repas hier

Maintenant je vais m’ fourrer l’œsophage jusqu’au bout d’ la nuit

Dévorer sans partage, apprécier l’ p’tit d’ la truie

 

Je rentre à l'aube d'une nuit réchauffée par la graisse

J’entends les autres qui sortent de boite

Leur gueule aboie et dans un premier but, tout le monde les remarque

Ils sont différents, ils hurlent fort, chiens bien méchants

Ça sait japper ! plus jamais j’ai de l’empathie pour les dents

Qui ont connu le potage, l’anchois pour s’ soulager

Une envie pour pas grand chose

La collation ouvre l’appétit pour les harengs saur

Il faut tout prendre et je crois que seul le ventre le permet

On tend le notre par intérêt, du mou, de la cervelle

Faire semblant d’avoir trop peur des chiens poilus, on fait tous pareils

Puisqu’ils m’ coursent toute l’année, leur sourire ferait croire que je bouffe à peine

Alors que j’étais destiné à me gaver les intestins

Herta, y a d’ la joie de vivre et j’accoure au festin

 

Un jour j’ai rencontré Herta et depuis je vous emmerde

Je me suis léché les babines, pas pris d’ repas hier

Maintenant je vais m’ fourrer l’œsophage jusqu’au bout d’ la nuit

Dévorer sans partage, apprécier l’ p’tit d’ la truie

 

Tu peux te nouer le bout d’ la queue

A l’air majestueux d’ tes plaintes

T’as le droit de garder le silence

Qu’on me croit deux ou qu’on me croit cinq

Moi j’ai choisi d’ bouffer tout ce que je pouvais avant qu’on me stoppe

Rien à foutre d’être un tigre, je marche en équilibre vers un cyclope

Et je volerai le meilleur de sa pitance

Quand tu t’endormiras loup contre joue

Mes hommages au beau toutou

« Je veille et je guette ! » Pauvre poire ! T’en verras d’autres encore

Herta ! je viens par la fenêtre, ta ration s’envole

 

Pour autant que je puisse en juger, je ne pense pas que le défi ait été totalement relevé. Néanmoins l’ovation fut telle que les deux piloms furent payés sans discussion. Boobi les confia à Odette et nous sortîmes enfin de la galerie marchande. Il était grand temps de prendre un peu de repos après cette aventure. 

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