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Darwin Le Chat
16 mai 2020

Les métiers à la con selon Coco Jasseronde.

Chalut !

Et voilà ! Le confinement est malheureusement terminé, ici on espère tous qu'il y aura un reconfinement, même les pigeons. Pour ma part, je dois dire que j'ai vécu cela comme un véritable don du ciel. C'était totalement inespéré ! J'ai pu me déplacer dans une grande partie de l'arrondissement et même ceux d'à-côté sans avoir peur des mauvaises rencontres. Certes je l'ai fait avec la fée Odette mais c'était tout de même beaucoup plus paisiblement que les autres fois. Depuis lundi Grabel et moi, de retour dans l'appartement de Grabelot, avons beaucoup dormi. Je n'ai appris qu'hier que la rédaction du Coincoin du coin avait été attaquée par le gouvernement et que le journal était désormais illégal. C'est fou cette histoire ! Heureusement Odette a consenti à pirater l'ordinateur de Coco Jasseronde le rédacteur en chef pour récupérer l'article de fond qu'il avait commencé à publier par épisode. Je vais donc pouvoir le poster sur ce blog en espérant que le gouvernement ne vienne pas me chercher les puces.


16 floréal 228

Bullshit Jobs : une analyse des métiers à la cons par C. Jasseronde, rédacteur en chef du Coincoin du coin.

L’organisation citoyenne Foxam a profité du confinement pour faire une large enquête téléphonique visant spécifiquement les travailleurs exerçant des « métiers à la con » ou « bullshit jobs » selon la définition qu’en a donné l’anthropologue David Graeber. Foxam dit avoir repris la catégorisation de Graeber qui divise ces métiers à la cons entre 
/ Faire-valoir, un travailleur dont la tâche principale est de mettre en valeur un supérieur hiérarchique ou un client
/ Sbire, un travailleur qu’une entreprise recrute pour une tâche à dimension agressive et dont l’embauche se justifie par le fait que les concurrents en ont un.
/ Sparadrap, un travailleur censé résoudre un problème qui n'existe pas ou aurait pu être évité.
/ Coche-case, un travailleur qui prouve que l'entreprise se saisit d'un sujet à la mode ou censé laisser paraître qu’elle traite des problèmes dont elle n’a rien à foutre.
/ Petits chefs en carton (contremaîtres) censés superviser des gens qui se débrouillent très bien tout seuls.

Avant de m’atteler plus précisément aux résultats de l’enquête de Foxam, je voudrais m’attarder un peu sur ces notions dont j’ai trouvé un résumé sur internet. Il se trouve que j’ai lu plusieurs ouvrages de Graeber mais pas celui traitant spécifiquement des bullshit jobs. J’aurais probablement pu profiter de ce confinement pour me mettre à acheter des livres numériques (partout ailleurs que chez un géant américain bien sûr) mais j’ai décidé de ne rien acheter du tout sur le net durant cette période. Et au fond ne pas avoir lu ce livre va me permettre de développer mon analyse à partir de ce qu’un tout petit exposé me permet de comprendre (peut-être de travers mais peu importe). Le fil conducteur de Graeber semble consister à montrer à quel point le capitalisme a considéré que des masses largement libérées du travail (par les progrès techniques qu’il engendrait) pouvaient présenter un danger. Si l’organisation du travail et ses techniques suffisaient à produire des quantités suffisantes de bien matériels, s’il devenait possible de travailler 15h par semaine tout en ayant l’assurance d’avoir de quoi se nourrir, se vêtir, se loger, se déplacer, se divertir dans des proportions qui ne remettent pas en cause le postulat de la recherche de maximisation du bien-être chère aux économistes libéraux, alors Graeber postule que les populations organisant de moins en moins leur vie autour de la vente de leur capital humain en viendraient nécessairement à remettre en cause une société dont la hiérarchie est définie par la possession de capital non humain. Il y aurait alors une forme de contradiction inhérente au système, la promesse du capitalisme que nous ont vendue des générations d’idéalistes libéraux (ou plus souvent des manipulateurs d’opinion à la solde des capitalistes), c’est sa capacité à maximiser le bien-être global par le truchement de l’égoïsme individuel, un égoïsme qui, si on lui donne toute latitude pour s’exprimer, génère par l’échange le progrès technique qui rend possible une production supplémentaire de biens tout en permettant l’accumulation de capital générant de nouveaux gains de productivité. En somme reconnaître que le capitalisme s’est mis à inventer des métiers à la con, donc plus précisément des métiers qui, s’ils n’existaient pas, n’empêcheraient pas de produire et d’échanger la quantité de biens que produit le capitalisme, c’est reconnaître que le capitalisme est au moins capable d’un productivisme inouï. Si l’on veut bien reconnaître que c’est mieux que de se trouver totalement sclérosé comme a fini par l’être l’économie soviétique, voilà une vertu que je lui concède volontiers, s’il s’agit de ne regarder que la quantité et de faire l’impasse sur la qualité. Par qualité je n’entends évidemment pas la capacité à produire des choses sophistiquées, performantes et solides, si le capitalisme moderne se concentre généralement sur les deux premiers attributs même concernant les produits haut de gamme, ce n’est pas toujours par incapacité technique. La qualité doit être appréhendée au sens large, particulièrement au sens d’impact sur l’écosystème. Si vous avez deux systèmes capables de produire les mêmes biens en même quantité, on peut tomber d’accord sur le fait que celui qui aura su le faire sans avoir besoin de générer des infrastructures gigantesques, celui qui aura su émettre le moins de polluants en tout genre, celui qui aura par conséquent le mieux préservé la nature et la santé des êtres vivants, toutes choses égales par ailleurs, ce système est le plus performant des deux. Bien sûr je ne pense en aucun cas que le désastre écologique de notre temps soit autre chose que la preuve de l’inefficacité du capitalisme, ou du moins son efficacité apparente ne tient qu’à cela : la consumation à vitesse grand V des écosystèmes.

Il n’y a donc pas de système capable de concurrencer le capitalisme dans sa marche vers la production de plus en plus gigantesque de biens, jusqu’au jour où il se trouve face à un écosystème qui ne répond plus. On pourrait penser que le soviétisme n’avait pas plus d’égards vis-à-vis de cet écosystème et que bien des communistes se seraient réjouis de le voir capable de rivaliser plus longtemps avec le capitalisme en ce domaine. C’est sans doute vrai mais le fait est que le capitalisme lui a été supérieur dans tous les aspects de cette course invraisemblable et donc le devoir d’achever la planète lui incombe faute d’adversaire à sa mesure. Sans que cela invalide les hypothèses de Graeber, il est donc important de noter que ce monde hypothétique où, comme a pu le penser Keynes, le productivisme et le progrès technique pourraient permettre de faire baisser le temps de travail à 15h par semaine, si tant est qu’il soit en vue en prenant le parti de supprimer tous les emplois inutiles, serait un monde totalement adossé à la nécessité d’avoir pris au préalable le chemin de la destruction de la planète. C’est un peu gênant.

Poussons le raisonnement un peu plus loin. Imaginons que ceux qui possèdent le capital soient des libéraux idéalistes, qu’ils pensent une société où rien n’empêche que les salariés travaillent 15h par semaine du moment que eux continuent d’engranger des sommes considérablement supérieurs à la moyenne. Quels seraient les mécanismes laissant suggérer que ces salariés plein de temps libre deviendraient de dangereux rebelles ? Après tout le passage à des semaines de travail salarié dépassant allègrement les 80h hebdomadaires à des semaines de 48h n’a pas rendu la situation plus explosive pour le capital. Le productivisme a tout de même permis d’accéder peu à peu à la revendication de travailler moins sans que cela n’ampute le pouvoir d’achat des travailleurs et sans rogner les profits, du moins pas en valeur absolue. Si on prend les exemples des pays ayant réduit le temps de travail durant les dernières décennies à des niveaux encore inférieurs, comme beaucoup de pays occidentaux, ils semblent que politiquement ils ont eu de plus en plus tendance à s’articuler autour de deux pôles de centre-gauche et de centre-droit pratiquant peu ou proue la même politique néolibérale. Le courant protestataire qui voit plus une alternative à cette politique du côté de l’extrême-droite que de l’extrême-gauche, traduit moins un rejet de la capacité productive induite par le néolibéralisme que de son mode de répartition. Ce n’est pas tant le système qui rebute que la désagréable impression d’être déclassé dans ce système. En France le passage aux 35h semble avoir plus participé aux gains de productivité qu’à l’éclosion d’un nouvel élan protestataire. On peut bien sûr objecter que les barrages systématiques qu’érige le patronat à la moindre évocation de baisse du temps de travail est une preuve de sa phobie du temps libre. Mais est-ce vraiment dans l’idée que l’on est descendu au plancher de ce que le patronat peut admettre comme temps consacré au travail, ou une position classique qui traduit la crainte d’un instant T relative au partage de la valeur ajoutée et aux coûts induits par la réorganisation ? Ce que le système dans son ensemble peut se permettre n’est pas la représentation exacte de ce que les capitalistes peuvent se permettre dans leur schéma concurrentiel. Les dispositions législatives d’un pays s’imposent à ceux qui mettent en œuvre un capital et exploitent une force de travail dans ce pays alors qu’ils sont en concurrence avec des capitalistes qui n’ont pas les mêmes contraintes ou du moins pas au même moment.

L’idée de Graeber laisserait donc entendre que le capitalisme n’œuvre pas tant à développer la concurrence qu’à produire collectivement une forme de système qui vise à ralentir le progrès humain que peut engendrer un moindre investissement dans des tâches trop spécialisées pour donner de l’épanouissement par le travail ; ceci étant donc aussi valable pour des métiers qu’on ne peut pas classer parmi les métiers à la con parce que la nécessité de leur existence est évidente. Il y a quelque chose de séduisant là-dedans, du moins pour moi qui aie tendance à croire à la dynamique globale du système, mais je ne peux guère m’empêcher de voir aussi les choses par le prisme de la microéconomie. Si un métier est inutile, à quel moment l’entreprise qui initie sa mise en place est en mesure de devenir un modèle pour les autres ? J’imagine que le livre de Graeber éclaire cette question mais la réponse ne s’impose pas d’elle-même. Peut-on considérer que les contremaîtres ne font qu’induire un coût supplémentaire puisque les employés qu’ils surveillent sont parfaitement autonomes ? Qu’ils soient tout à fait en mesure de faire la tâche qui leur incombe sans l’aide de personne ne signifie pas qu’ils aient envie de le faire à la cadence qui sied à leur employeur. Les cadences infernales dans le cadre du salariat existent aussi sûrement que les tire-au-flanc. Fallait-il s’attendre à ce que le patronat laisse les choses aller d’elles-mêmes et se régler comme dans une cellule familiale où le bon vouloir des personnes ne rechignant pas aux tâches ménagères compense la léthargie de ceux qu’il faut toujours rappeler aux règles minimales de la vie en commun ? L’aurait-il fait s’il avait envisagé un instant que le coût des contremaîtres dépasserait les gains de la coercition ? Il fut un temps où la productivité du travail était sans doute plus largement mesurable, ne serait-ce que parce que les secteurs primaires et secondaires s’y prêtent mieux. A l’usine de nombreux métiers auraient pu traiter le problème des tire-au-flanc par la rémunération à la pièce, ce qui s’est fait sans devenir le modèle universel d’organisation. Chaque personne qui, dans le cadre d’une activité, s’est entendu du dire, devant un trop plein d’entrain : « Doucement ! On n’est pas à la pièce ! » a parfaitement compris de quoi il s’agissait. Le contremaître n’a donc pas vocation à surveiller seulement les tire-au-flanc mais aussi à s’assurer que les standards de production tendent vers le maximum possible. On peut difficilement penser que leur rentabilité au regard du prix qu’on les paye soit simplement nulle et qu’ils aient un métier inutile. Il n’est en tout cas pas inutile pour le capitaliste, il ne l’est pas pour la productivité, et si cette productivité a fini par aboutir non seulement à l’abondance mais également au processus progressif de réduction du temps de travail, il devient difficile de soutenir qu’il a uniquement servi à occuper ceux qui occupent ce genre de poste, ou plus exactement à gonfler artificiellement le temps global que la société consacre au travail.

Dans les résumés de la théorie de Graeber on trouve l’idée qu’un salarié occupant un métier à la con n’est pas lui-même en mesure de justifier l’existence de ce métier. Mais la méthode empirique capable de cibler réellement de tels métiers consisterait à imaginer qu’on les supprime tout simplement, ou que les titulaires des postes aillent à la pêche au lieu d’aller au travail, si la société continue de fonctionner bon an mal an sans ces métiers, c’est qu’ils ne servent à rien ! Le confinement pourrait paraître être un terrain d’expérimentation merveilleux pour tester cette hypothèse mais ça ne marche pas ! Il est simplement impossible de définir précisément un bullshit job quand des entreprises entières sont presque à l’arrêt. Ce n’est que quand un secteur tourne à plein et en supposant qu’on puisse laisser certains types d’employés chez eux sans que personne dans les entreprises ne récupèrent leur charge de travail, qu’on pourrait cibler précisément le nombre de vrais bullshit jobs. Si un employé prend un an de congé sabbatique et revient sans que personne n’ait ouvert l’un de ses dossiers et sans que cela n’impacte le moins du monde la marche de l’entreprise, il peut suspecter d’avoir un travail inutile ou plus sûrement d’avoir été placardisé. Mais j’ai du mal à penser que beaucoup d’employés se sentent réellement inutiles, c’est même là le vrai problème, le système dans son ensemble n’a sûrement pas l’efficacité qu’on lui prête, la tendance à l’enflure bureaucratique me semble assez pertinente et les données technologiques permettraient sans doute de faire mieux à l’aide de moins de travail, mais le système et les acteurs qui le composent sont deux choses différentes. S’il y avait tant de gens que ça aptes à s’interroger sur l’utilité de leur travail, et surtout l’utilité pour eux-mêmes, le système serait probablement plus remis en question qu’il ne l’est.

Dans un pur processus de production et de distribution le premier aspirateur d’heures de travail qui me semble globalement parasitaire, c’est le marketing. La débauche de moyens et de ressources financières dédiées à la publicité laisse penser qu’un système capable de s’en passer libérerait un nombre conséquent d’heures de travail. A chaque fois que j’ai mis en doute l’utilité globale du marketing dès lors qu’il s’agit de mesurer les choses en termes de bien-être, je me suis entendu répondre des choses frisant la naïve évidence : « Il faut bien que les entreprises fassent leur publicité ! » Eh bien supposons dès-lors qu’elle soit totalement encadrée et qu’une instance internationale soit en mesure de limiter les dépenses publicitaires (au sens large) à 1 % du chiffre d’affaire des entreprises. Supposons que cette mesure rentre demain en vigueur donc avec les poids respectifs actuels de toutes les entreprises du monde. Est-ce que cela bouleverserait l’ordre des choses ? Est-ce que les gens n’auraient soudainement plus accès à la connaissance de la date de sortie du prochain iPhone ? Est-ce que les gens ignoreraient que Amazon, grâce à ses algorithmes, ses idées sur le bien-être en général et celui de ses employés en particulier, peut leur permettre de bénéficier de prix substantiellement plus bas que le magasin du quartier ? Je ne crois pas. Certes il est possible que le recul de l’exposition médiatique de ceux qui envahissent tous les espaces, alors qu’ils sont déjà en position de membres incontournables d’oligopoles internationaux, puisse laisser un peu de place à d’autres. Et alors ? Quelqu’un en dehors d’eux aurait quelque chose à y perdre ? Oui sans doute, à commencer par ceux qui exercent des métiers grassement rémunérés en lien avec la publicité, ceux qui la font bien sûr, et ceux qui en vivent indirectement tels les footballeurs professionnels. Et qu’est-ce que le gros des humains aura perdu quand des footballeurs qui gagnaient 1 million par an n’en gagneront que 100.000 ? Les matchs de football perdront-ils leur intérêt ? Aucune raison de le croire. Le marketing n’est pourtant pas une invention du capitalisme visant à obliger les gens à continuer à travailler 40h par semaine, ce n’est que l’un des éléments de la puissance en environnement concurrentiel. Et en ce sens les professionnels du marketing, qui ne semblent pas être les parents pauvres du système puisque leurs compétences sont recherchées, se sentent parfaitement utiles et aucunement placés à des postes à la con. Si vous les confiniez tous durant de longs mois sans possibilité de télétravail cela n’aurait pratiquement aucune conséquence sur la production de biens (si l’on omet le fait que le design et le marketing peuvent être le fait de mêmes personnes) et leur vente n’en serait que très faiblement perturbée, du moins cette perturbation ne semblerait pas de nature à faire descendre le niveau de bien-être global. A priori, côté consommateurs, seuls les publivores patentés pourraient se plaindre d’un monde avec moins de publicités et de films sans coupures. En ce sens si je réfléchis à un secteur qui s’apparenterait à un secteur à la con, celui du marketing et l’un des premiers qui me vient en tête. Et pourtant, dans la classification des bullshit jobs de Graeber, il n’y a rien d’évident à l’idée d’y retrouver les métiers du marketing, métiers qui, à bien des égards, pourraient s’avérer souvent plus dignes d’intérêt que la moyenne. A peine peut-on s’accorder pour dire que dans sa globalité le secteur a une dimension agressive (catégorie des « sbires »). Si ses salariés ne le ressentent pas nécessairement, la quête de visibilité est, au sein de la chaîne allant de la conception à la distribution vers le consommateur final, un moment de confrontation. Pour vous en convaincre essayez de penser aux affiches des troupes du festival d’Avignon, vous en avez sûrement déjà vu quelques images, la course à la visibilité y étant totalement épique.

Il est certainement plus évident de penser la confrontation dans un métier de négociation de prix. Là, si une personne ayant quelques scrupules arrive à penser avoir un métier à la con, il est relativement aisé pour elle d’en visualiser les conséquences directes. Par exemple quelqu’un travaillant pour une centrale d’achat toute puissante peut difficilement ignorer les conséquences que peut avoir le rabais d’un centime supplémentaire obtenu sur chaque kilo de pommes acheté. Il peut en aller de même pour ceux chargés de faire appliquer des règlements abscons, des normes de plus en plus complexes dont on comprend bien que la finalité n’est pas un accroissement de bien-être global supplémentaire mais une opération d’accaparement des profits par les acteurs en position dominante. Cela ne fait pas pour autant de ces métiers des bullshit jobs dans l’absolu et il n’y a pas de raison d’imaginer qu’ils soient volontairement imaginés pour occuper le peuple afin de préserver le capitalisme du danger du temps libre. Notre raisonnement semble quelque peu dans l’impasse, il ne paraît pas pertinent de rejeter complètement le constat de Graeber pour traiter du capitalisme en général mais on a du mal à trouver une justification pour qu’une entreprise en univers concurrentiel s’embarrasse de faux emplois, surtout grassement rémunérés. Peut-être faut-il s’interroger sur la réalité profonde de cette concurrence. Il est assez difficile de croire que les entreprises hésitent très longtemps à se débarrasser des coûts superflus quand l’évidence s’impose d’elle-même. Quand les entreprises européennes du textile ont commencé à trouver plus avantageux d’aller produire leurs vêtements sur d’autres continents, le secteur y a perdu le gros de ses salariés, même les entreprises les plus soucieuses du devenir de leurs salariés ne pouvaient pas éviter de suivre le mouvement. En supposant que certains métiers dans ces entreprises, plus administratifs et bureaucratiques, paraissent plus difficilement délocalisables, ne pas pouvoir les soumettre à une concurrence globalisée n’empêche pas de les soumettre à la concurrence sectorielle. Pourtant lorsque l’on discute avec des amis faisant carrière dans ces métiers « administratifs », on finit toujours par entendre un mélange de discours concernant la charge de travail toujours plus grande et la fainéantise légendaire de nombreux collègues, collègues qui ne sont jamais aussi imaginatifs que quand il s’agit de s’offrir des RTT qui seraient triplement anéanties si on décomptait l’incroyable temps dédié aux pauses café et cigarette. D’ailleurs de façon générale la France, pourtant reconnue pour avoir une productivité très correcte, semble être rythmée par les pauses café et cigarette, sauf dans les postes pleinement soumis à la supervision des petits chefs en carton chargés de surveiller la mise en œuvre des idées des managers modernes, eux-mêmes chargés d’entretenir, d’améliorer et d’étendre partout où c’est possible les visions d’avenir d’Henry Ford (sans la promesse de hausse du pouvoir d’achat au bout de la chaîne). En somme, s’il était possible de dégoter à coup sûr quelqu’un qui effectue son travail sans mégoter ni se prendre pour Stakhanov, on serait probablement amené à penser que bien souvent la somme des tâches bureaucratiques pourrait être effectuée plus vite. En confiant la supervision à un kapo nazi, on n’a pas de doute sur les idées d’amélioration qui pourraient germer sous son képi. Les entreprises semblent donc avoir moins de volonté à accentuer la productivité à certains niveaux de leur organisation. Est-ce une pierre dans l’édifice de Graeber, la preuve de l’existence de métiers inutiles ? Pourquoi cette course à la maîtrise des coûts qui donne un avantage aux entreprises les plus performantes ne devrait pas être poussée au bout ? Si aucune entreprise n’a individuellement la volonté de comprimer certains coûts, est-ce parce qu’elles répondent toutes à un ordre supérieur ou parce que cela est difficile à mettre en œuvre ? Si on penche pour la seconde hypothèse alors, en place de métiers inutiles, on verra plutôt des métiers dont on peut difficilement se passer, plus difficilement délocalisables et pour lesquels le marché de l’emploi est en tension au profit des travailleurs ; donc des métiers demandant certaines compétences ou expériences recherchées.

Graeber semble suggérer que les métiers dont on n’a jamais autant vu la nécessité qu’en cette période de pandémie, tel le métier d’infirmière, sont mal rémunérés. En tout cas ils sont particulièrement soumis à la chasse aux coûts. Or le diplôme d’infirmière n’est pas par nature beaucoup plus facile que de nombreux Bac +3 qui permettent d’accéder à des postes mieux protégés. Je pense qu’il faut prendre en compte la dynamique globale des sociétés occidentales qui, depuis l’avènement du néolibéralisme, ont vu un retournement de la courbe des inégalités qui sont clairement orientées à la hausse même si c’est moins criant en Europe qu’en Amérique du Nord. Cette dynamique n’a été amortie par les gouvernements que par le truchement de la hausse de la dette publique, dette qui donne un prétexte supplémentaire à la poursuite de réformes qui finissent par renforcer la dynamique. Les métiers de pompier ou d’infirmière qui sont liés au domaine public en font les frais. Dans leur cas le transfert d’une partie de l’activité vers des structures privées venant compenser le recul du public ne semble avoir qu’un impact marginal en terme salarial ; en France, où les infirmières des structures publiques sont très mal rémunérées, la concurrence du privé ne jouera jamais puisqu’il est voué à accueillir la clientèle qui peut supporter un surcoût tandis que les politiques néolibérales ont pour objectif de comprimer les coûts du secteur public. Si le capitalisme devait employer des gens à seule fin de les rendre non-oisifs, pourquoi n’encouragerait-il pas des surnuméraires pour les métiers qui sont à la fois utiles et mal payés ? Je suis plutôt enclin à penser que de nombreux métiers bénéficient à contrario de cette dynamique globale parce que les entreprises, même sans pression syndicale, seraient soumises à un turn-over trop coûteux si elles tentaient de dégrader trop visiblement les conditions de travail ou les rémunérations. Je ne prétends pas qu’il s’agisse de positions durablement figées. Il y a sans doute peu de secteurs qui peuvent se dire totalement à l’abri d’un séisme tel que l’a vécu le commerce de détail avec l’émergence d’internet suivi du débarquement à coups de canons d’Amazon. Mais même avec de telles révolutions certains métiers peuvent plus facilement trouver à se recycler dans d’autres secteurs d’activité. Ce serait donc plus leur qualité que leur absence de qualité qui donne certains avantages à ces métiers. Les théories économiques les plus célèbres et simplistes aiment à penser les ajustements toujours très rapides. Dans la réalité il a peut-être été facile d’enlever un paysan à sa terre pour l’envoyer sur une chaîne d’assemblage, un homme ayant acquis de nombreux gestes comme s’ils étaient absolument naturels en apprendra bien deux ou trois en une journée. Mais quand il s’agit d’avoir la maîtrise de règlements, de techniques ou de logiciels spécifiques l’apprentissage est nécessairement plus long. L’image de l’hyper-spécialisation des Temps modernes reflète l’aboutissement des idées d’Adam Smith sur un bonheur globalement rattaché au volume de production. S’il était possible de maximiser la production en donnant à chaque travailleur la mission d’un seul geste à répéter inlassablement, il n’y aurait nullement besoin d’école sinon pour inculquer aux gosses le devoir de l’obéissance, à huit ans tout le monde trouverait sa place dans le monde du travail. Mais il se trouve que pour répéter un seul geste à volonté, les robots ont une efficacité tellement supérieure, qu’un humain qui aurait l’idée de rivaliser afin de sauver son travail devrait consentir à de fortes baisses de salaire à chaque nouvelle génération de robots. Les gestes simples et répétitifs sont soit robotisés, soit délocalisés tant qu’on trouve de la main d’œuvre à prix compétitif. Il y a néanmoins une différence entre le robot et l’humain robotisé, Henry Ford a songé à vendre sa Ford T à ses employés mais pas aux machines qui les accompagnaient dans leur tâche. Fondamentalement le problème reste entier. On pourrait dès lors vraiment envisager que la robotisation oblige le capitalisme à compenser les heures de travail économisées par les gains de productivité, et donc qu’il le fait de manière réfléchie. Je préfère voir la robotisation sous l’angle des nouveaux besoins en travail humain qu’elle amène, au niveau de sa conception et sa mise en œuvre, mais plus encore au niveau de tout ce qu’elle induit en terme de réorganisation des échanges. Si l’on veut bien considérer que le numérique est à bien des égards l’axe principal de la robotisation, on saisit la nature des nouvelles spécialisations. A priori on pourrait penser que la délocalisation est une manière de lutter contre la robotisation, tant qu’il existe des humains bon marché, l’investissement en machines est moins immédiatement compétitif. Historiquement on voit pourtant que cela participe d’un même mouvement, est-ce de l’eau au moulin de Graeber ? La délocalisation n’est-elle qu’une simple quête de nouveaux débouchés par l’intégration de nouveaux humains dans le contrat capitaliste : échange d’heures de travail contre une part des objets qui en résultent ? Je crois que la coïncidence de tout ceci n’est pas pensée, le niveau de globalisation a été rendu possible par le progrès technique et en premier lieu par le développement numérique et les réseaux de télécommunications. Ce n’est pas parce que des chinois à qui on a confié la tâche de fabriquer nos jeans s’en sont finalement trouvés trop bien payés pour que cela dure éternellement, que ce processus sera répété infiniment de proche en proche dans les pays où les salaires sont à la traîne. Certes cela semble être toujours le cas, mais dans quel domaine pensez-vous qu’aucun ingénieur ne se creuse les méninges pour mettre plus efficacement un robot là où il y a actuellement un humain, même mal payé ? Le frein à cela existe sans doute aussi : un monde fini ! Si les robots n’achètent pas encore leur propre voiture, ils sont particulièrement gourmands en ressources dont certaines seront très vite en grave tension.

En attendant le progrès technique est à la fois fruit du savoir et générateur de spécialistes en savoir. Isaac Newton avait sûrement su engrangé dans son brillant esprit une part importante des connaissances humaines sur la physique de son temps. Quel physicien peut en prétendre autant à l’heure actuelle ? Il y en sans doute des gens aussi brillants que Newton mais ils doivent faire des choix de carrière pour faire à leur tour avancer la science, ils se spécialisent. Et si les cerveaux qui ont tendance à fonctionner bien mieux que la moyenne pour ce genre d’applications en sont arrivés à devoir renoncer à plus « d’universalité », il en va de même pour beaucoup d’autres chacun à son niveau. Donc la masse des connaissances humaines est devenue si gigantesque qu’elle participe à un mouvement étrange : chacun doit se spécialiser selon ses compétences (comme l’avait suggéré Adam Smith) ou plus sûrement selon celles qu’on lui prête, mais ces compétences peuvent moins qu’avant se réduire à la maîtrise de quelques gestes. La masse des connaissances oblige donc à la spécialisation mais rend moins utiles les spécialisations rudimentaires. La technique a rendu possible la globalisation mais celle-ci, au-delà de la mise en branle d’une débauche de moyens physiques qui ont modelé la face du monde, a nécessité la confrontation de systèmes nationaux et internationaux et cette confrontation, loin de simplifier les codes et les réglementations, aboutit à empiler les textes. Un empilement qui apporte peu à la grandeur de l’humanité mais demande là aussi des gens suffisamment spécialistes pour y comprendre quelque chose et donc des aptitudes non rudimentaires. Puisque ce qui n’est pas rudimentaire suppose un apprentissage, en univers capitaliste nous sommes ramenés à une logique de coûts, d’offre et de demande, et de valeur ajoutée.

Certains métiers dont l’utilité pour la marche de l’humanité peut tout à fait paraître douteuse, sont utiles à des intérêts particuliers. Vous pouvez être d’une intelligence des plus normales mais avoir la maîtrise de connaissances qui vous donne un avantage dans les négociations apte à vous situer au-dessus de la moyenne en terme de conditions et rémunérations. Potentiellement vous pourriez avoir l’air de faire partie de ces gens qui ne forcent pas plus que ça au travail, cela ne signifiera pas que vous êtes inutiles, au contraire, mais cela ne durera peut-être pas tout le temps. Les ajustements à faire en terme de formation paraissent de plus en plus difficiles à prévoir. Certaines personnes peuvent se sentir très heureuses d’avoir choisi un BTS il y a dix ans, puis d’avoir intégré une entreprise qui leur a donné la maîtrise de techniques qui se sont bien répandues, mais cela ne signifie pas qu’il y a dix ans cette perspective avait été parfaitement ciblée par les personnes censées mettre en phase l’éducation avec les besoins de l’économie. Ne peut-on pas voir dans la floraison de nouveaux « métiers », généralement affublés de noms faisant honneur à la ridicule déferlante des anglicismes les plus idiots, des formes de niches qui correspondent aux besoins de moment, besoins qui ne seront peut-être pas ceux de dans 20 ans. Tout n’est pas qu’une question de chance car malgré tout, lorsque l’on tente de voir à quoi ressemblent ces nouveaux métiers aux noms à coucher dehors, ceux qui embauchent à des niveaux supérieurs à 50.000 euros annuels, n’ont tout de même pas l’air d’être intellectuellement accessibles à n’importe qui. Il reste des individus qu’on paie pour leurs compétences parce qu’ils font partie de la frange de la population capable de les acquérir.

Une fois de plus, mon analyse, juste ou fausse, ne m’a pas permis de donner beaucoup de crédit à Graeber. Suivons une autre piste qui devrait donner de meilleurs résultats. Graeber a sûrement été soumis comme moi à l’idée qui transpire dans la littérature en générale et aussi dans la littérature économique la plus irrévérencieuse, que des incompétents notoires ont occupés et occupent encore des postes à des niveaux totalement déphasés de leurs aptitudes réelles, elles-mêmes, de l’avis de ceux qui les ont rencontrés, très limitées. Mais comment est-ce donc possible ? Si vous vous appelez George. W Bush vous avez beaucoup plus de chances de devenir président des États-Unis que n’importe qu’elle personne ayant le même niveau que vous, n’est-ce pas ? Simplement parce que votre père et presque homonyme l’a été avant vous. Eh bien prenez tout ce que l’Amérique compte de postes importants, c’est peu ou proue la même chose. Bien sûr si vous vous appelez George. W Bush vous n’avez pas le cerveau ficelé pour créer Apple. Mais diriger Apple à la seconde génération ou au moins avoir votre strapontin au conseil d’administration, ça c’est possible ! Dans les universités américaines on trouve des sportifs de très haut-niveau qui faisaient pâle figure en terme de résultats scolaires au lycée, le niveau sportif suffira à avoir un diplôme universitaire pour la forme. Tout le monde le reconnaît mais les plus honnêtes savent aussi reconnaître que dans les grandes universités américaines, on trouve des « fils de » pour l’intégration de qui on ne s’est pas imposé un comparatif forcené avec d’autres lycéens plus anonymes. La France se veut sans doute moins clientéliste, mais croire que ces petits arrangements entre amis n’existent pas chez nous serait avoir une très haute opinion de nous-mêmes. Soyons réalistes, le clientélisme est partout ! On serait presque tenté de dire : « C’est heureux ! » Qui souhaiterait réellement vivre dans un monde assez froid pour tout juger sur la base de tests élaborés à l’aide d’algorithmes ? Même si ce monde-là avance au pas de charge, une société où il y a aussi des choix faits par affinités ou compassion n’est pas critiquable en soi, tout dépend de là où l’on place le curseur. L’exemple des familles dont les noms sont récurrents dans les listes électorales américaines montre un cas où le curseur n’est vraiment pas à sa place. Tout comme vous n’êtes pas tenue d’embaucher votre époux à un poste municipal bidon si vous venez d’être élue mairesse de votre ville. Il y a des tonnes d’exemples comme cela où l’on entre de plain-pied dans l’abus de pouvoir voire le délit de corruption. Et évidemment, à la marge, il y a le clientélisme que certains jugeront acceptables et d’autres non, les premiers ne diront pas « clientélisme » mais « coup de main ». Le coup de main semble assez évident si quelqu’un, dont le fils ne s’en sort pas à l’école et commence à avoir de mauvaises fréquentations, va voir un patron qu’il connaît ou un décisionnaire dans les ressources humaines pour lui demander s’il ne pourrait pas l’embaucher. « On va lui trouver quelque chose ! » J’ai vu des films avec des scènes similaires, parfois ça finissait mal. Ce petit coup de main compréhensible à une personne ayant du mal à trouver sa place dans la société le serait sans doute moins pour une personne n’ayant aucune difficulté. Dans ses ouvrages, l’une des notions chères à Graeber est le communisme des riches, ce qui correspond à la manière dont ceux qui se considèrent comme appartenant à une même élite savent s’entraider pour se maintenir en haut de l’échelle sociale. Réseaux, carnets d’adresse, clubs, il ne s’agit pas simplement d’une manière d’occuper son temps libre ou de privilégier certaines options dans la conduite des affaires entre individus à succès qui se connaissent. C’est plus que cela, donc du clientélisme, quand on est en capacité d’offrir à une personne une position qui ne serait pas la sienne avec une pure concurrence basée sur des critères de « rationalité économique » (pour autant que cela veuille dire quelque chose). Il est aussi vrai que le cinéma regorge d’histoires de riches tombés très facilement en disgrâce et auxquels les amis tournent le dos. Des évocations d’un monde sans pitié qui ne paraissent pas représenter des situations très répandues. Indéniablement, si vous avez la maîtrise des codes de la bonne société, et la meilleure façon de l’avoir est encore d’être tombé dans la potion pratique étant petit, il y a de bonnes chances que les portes ne se ferment pas devant vous même si vous n’êtes pas le plus brillant de votre lignée.

Dès lors que l’on suppose que la solidarité est une pratique répandue chez les riches et que tous les individus en position d’offrir certains avantages aux personnes de leur choix peuvent humainement considérer qu’il n’y a rien d’amoral à cela, on en conclut que des décisions économiques ne répondent pas simplement à l’analyse des informations envoyées par le marché. Cela remet donc en cause l’idée que la concurrence joue à plein mais nous retombons sur le problème qui va finir par nous servir de fil conducteur : comment les entreprises qui s’handicapent par trop de pratique clientéliste peuvent résister à la concurrence de celles qui se contentent de faire les choix les plus rationnels ? La réponse s’impose d’elle-même : le clientélisme est tout à fait rationnel ! C’est la raison pour laquelle les économistes qui tentent de considérer l’économie comme une science exacte, en général dans l’unique but de valider les théories néolibérales, ne peuvent prêcher qu’auprès de convertis. Ceux-là n’ont de cesse de clamer qu’il faut toujours laisser jouer les mécanismes du marché, par exemple ils considèrent que lorsque les syndicats se battent contre les compressions salariales, cela empêche le marché d’ajuster les salaires au niveau du plein emploi. Donc il considèrent qu’il est rationnel pour un employeur de fournir plus de postes quand les salaires sont plus bas, mais ils refusent de considérer comme rationnel le fait pour les salariés de défendre leur niveau de salaire. Tous les comportements humains sont rationnels tant qu’on admet qu’ils ne sont pas le fait de fous irresponsables de leurs actes. Continuer à acheter des actions qui montent en flèche en sachant que la bulle va finir par éclater est tout à fait rationnel tant qu’on a l’espoir de revendre les siennes avant que cela arrive réellement. Celui qui n’a pas le temps de le faire passe pour un gogo, celui qui le fait 15 jours trop tôt a quelques regrets, mais celui qui le fait, par pur hasard, juste avant l’éclatement, est un génie de la finance ! La pratique clientéliste est tout autant rationnelle même quand celle-ci ne consiste qu’à placer quelqu’un à un poste qui serait mieux occupé par un autre ou n’a même pas lieu d’être. Il y a quelque chose à en tirer et il est même tout à fait possible qu’une entreprise qui se voudrait en tout point étrangère à de telles pratiques soit celle qui s’handicape la plus, le clientélisme c’est peut-être d’abord la meilleure façon de s’assurer des clients.

Plus globalement on peut considérer que les milieux d’affaires ne sont pas uniquement des milieux dirigés par la maximisation d’un profit qui sert à acheter des biens dans une logique de maximisation du bonheur matériel. Ce sont aussi des milieux où la frontière entre la vie privée et le monde du travail n’existe pas vraiment. Les conditions de travail y sont donc largement assimilables à un mode de vie. Même si une personne trouvait au fond d’une caverne où l’on ne peut accéder qu’en rampant, un filon d’or si producteur qu’y passer 18h par jour à suer et maltraiter son corps lui assurait de devenir milliardaire, il est assez peu probable qu’elle garde ce filon secret à seule fin d’empocher tout l’argent de la vente ! Non, elle paierait quelqu’un pour le faire à sa place, s’il le faut pour un bon salaire et si possible pour une bouchée de pain. Le travail d’un homme d’affaire qui a réussi peut consister à être actif 18h par jour, mais dans ces 18h il y a quelques chances que certaines se passent autour d’un repas dans un grand restaurant ou toute chose qui fait la différence entre un gentleman en société et un orpailleur en permanence crasseux et détrempé. A chaque niveau de la société les gens sont amenés à rencontrer leurs alter-égaux et il est évident que tout ne peut pas y être vu comme une guerre de chacun contre tous les autres. A chaque niveau il y a un intérêt commun à ce que ce niveau conserve ou obtienne ce qu’il pense être utile à son mode de vie. De nombreuses observateurs ont analysé l’époque néolibérale comme le résultat d’une alliance informelle entre les détenteurs de capitaux et les cadres de haut niveau qui, en tant que décideurs, auraient orienté les politiques vers des choix souvent douloureux pour les classes populaires et très avantageux pour eux-mêmes. Je crois que cette analyse reflète largement la réalité mais je ne considère pas qu’il faille simplement découper la société en deux avec les grands gagnants d’un côté et tous les autres de l’autre. Tous les cadres de haut niveau n’ont pas des familles dont tous les membres peuvent espérer la même réussite. Mais comme tout le monde les cadres de haut niveau sont aussi sensibles au bonheur de leurs proches. Prendre des décisions qui seraient ressenties comme négatives par toutes les strates de la société hormis les décideurs eux-mêmes est pratiquement impossible, même au nom d’un logique concurrentielle qui n’existe que dans la tête des fanatiques du libre-marché. Il faut un niveau intermédiaire suffisamment englobant pour que toute famille ayant quelque fortune puisse y abriter le gros de ses troupes. Ce n’est pas un contrat écrit, cela s’impose. Et ce n’est possible que parce que les décideurs, pour la plupart, ne font pas des choix toujours téléguidés par d’évidents calculs comptables, le « clientélisme » et le retour d’ascenseur participent au mode de vie de ceux qui ont le pouvoir, de leurs proches et donc de ceux qui ont professionnellement quelque chose en commun avec eux.

Pour que ce que je viens d’évoquer puisse apparaître comme une explication plausible de la réalité, il me semble honnête de ne pas occulter la complainte grandissante de nombre de nos concitoyens et qui concerne aussi bien les empêchés des pauses café et cigarette que ceux qui ont encore de larges latitudes pour s’y adonner : la multiplication des systèmes d’évaluation. Tous les départements de ressources humaines enrobent la cacahuète de chocolat et présentent l’évaluation sous l’angle des avantages mutuels que l’entreprise et le salarié en retirent. Assez bizarrement, plus il y a de machines et plus on parle de capital humain. Là où on identifie réellement un « département des ressources humaines » il est assez probable que quelqu’un croie utile, non seulement de mettre en place un système d’évaluation mais surtout de faire évoluer régulièrement ce système selon les tendances du moment, donc en lorgnant du côté de toutes les trouvailles de boites de développement humain et informatique spécialisées dans l’invention de choses superflues mais qu’il faut bien vendre. Il est à craindre qu’on ne soit qu’au début d’une déferlante dont le dernier mot est censé revenir aux neurosciences. Et on dirait que là on touche quelque chose qui nous rapproche réellement de Graeber. Si on commençait par demander aux salariés d’évaluer les systèmes d’évaluation, de ce qui me revient aux oreilles, j’ai tendance à penser que nombreux y verraient de l’argent jeté par les fenêtres, en tout cas ils auraient quelques difficultés à relever en quoi cela tend à leur donner des chances d’évoluer au sein de l’entreprise. Même si cela doit arriver occasionnellement, je n’ai jamais entendu quelqu’un parler du talent caché qu’on aurait découvert chez lui par une évaluation d’entreprise et que son employeur s’est empressé de mettre à profit ; en général les entretiens d’embauches ont largement défriché le terrain et quand ce n’est pas le cas, l’anomalie devient plus souvent gênante que perçue comme une aubaine. Si à une simple évaluation par un entretien individuel se surajoute quantité d’audits internes que certains métiers subissent régulièrement, d’autres externes plus ou moins pilotées de l’intérieur et toutes les procédures de surveillances facilitées et encouragées par l’innovation technologique, on peut penser que certains salariés embrassent totalement les idées de Graeber. Par contre ils doivent avoir quelque difficulté à savoir si tout cela émane de faire-valoir, sbires, sparadrap, coche-case ou petits chefs en carton. J’ai un neveu qui m’a dit avoir été amené, lors d’un simple job d’été de deux mois, à signer des fiches qui validaient son parcours initiatique, à savoir sa maîtrise de l’art de passer la balayette et de vérifier l’état des toilettes toutes les 20 minutes. Apparemment l’employeur recevait une petite gratification de l’État pour chaque fiche validée et signée au titre de la formation professionnelle, sans préjudice de ses allégements de charges patronales glanés par son obstination à payer ses employés au smic, preuve qu’il embauchait des gens ayant absolument besoin de ce genre d’emploi non délocalisable mais sûrement robotisable. Je précise que mon neveu est désormais en doctorat. Les systèmes d’évaluation dans l’entreprise semblent être assez souvent l’une de ces supercheries que le monde du travail promeut pour s’assurer une obéissance consentie. Dans l’entreprise comme en politique la manipulation la plus facile à démasquer est celle qui s’exprime dans des phrases toutes faites comme : « Il faut sortir de votre zone de confort ! » ou encore « Vous avez peur du changement ! ». La première fois qu’une personne entrée récemment sur le marché du travail entend ça, elle peut se sentir impressionnée devant ce savant mélange d’autorité et de bon sens. « Bon sang ! Tout cela sonne juste ! Il faut aller de l’avant ! Je dois me remettre en question ! » Quand les formules auront fait retour deux ou trois fois, elle pensera peut-être que c’est son tour de lire « Le grand guide du petit chef en carton », un livre vraiment rigolo. « Chers caissiers, chères caissières, si nous mettons aujourd’hui des caisses automatiques ce n’est pas pour vous remplacer mais vous soulager ! Ceux et celles qui s’inquiètent sont juste d’un naturel à avoir peur du changement ! » Devinez quoi, hormis quelques esprits aventuriers qui ne vivent que pour connaître de nouvelles expériences, la majorité des humains a peur du changement. Il suffit de trouver le changement apte à faire peur. Par exemple le chef d’entreprise qui remplace ses caissières par des automates aura peur du changement avant qu’il n’advienne si demain 60 % de la population décide de voter pour le NPA ! Ne cherchez pas plus loin, même s’il n’est pas inutile de se remettre en question, tous les gens qui durant votre vie vous conseilleront de le faire n’ont nullement l’intention de SE remettre en question. La façon la plus aisée de s’adapter au monde c’est d’ordonner au monde de devenir ce que vous souhaitez qu’il soit.

L’efficacité de toutes ces opérations n’a pas réellement besoin d’être démontrée, du moins personne ne cherche vraiment à le faire de peur de se confronter à des résultats dramatiquement décevants. Alors effectivement on peut commencer à donner du crédit à Graeber avant même d’avoir lu son livre parce que cette idée de faire comme les autres est une idée plus puissante qu’il n’y paraît de prime abord. Si ce n’est pas un gage de performance ce n’est pas totalement inutile, dans l’opération quelqu’un aura gagné quelque chose, parfois même ce quelqu’un aura une forme juridique avec un sigle bizarre mais tout le monde saura, car il le clame sur tous les toits, qu’il est une START-UP ! Magnifique ! Quand une start-up vient sonner à la porte de votre entreprise, il n’est pas facile de vous contenter d’opposer une fin de non-recevoir, et si vous aviez chassé la poule aux œufs d’or ? Le monde bouge si vite, y a tant de choses qui étaient à la mode hier et seront déclassées demain ! La prudence impose… Quoi au juste ? Ah oui ! La prudence impose la prudence ! Mais… Non ! Je choisis l’audace ! En tant que numéro 2 on va faire l’inverse de numéro 1 pour lui passer devant ! « Chef ! Numéro 3 a emboîté le pas de numéro 1 ! » « Oh ? Ben… La prudence impose de suivre la tendance ! Faisons juste en sorte que ça ne nous coûte pas beaucoup plus cher qu’à numéro 1 ! » Le phénomène du mimétisme (ou à contrario de la prise de risque) qui demande de faire appel à des services qui ont peu de chance de rajouter à la déjà trop énorme somme de bien-être humain que le néolibéralisme a engendré, n’est donc pas un phénomène dénué de sens. Par contre, là encore, ce n’est pas tant un besoin de mettre les gens artificiellement au travail qui domine, il s’agirait plutôt de gens qui veulent à tout prix vous vendre leur travail, si possible à prix cher. Parmi eux on trouve une flopée de gens au solide bagage technique, surtout dans les nouvelles technologies, mais dont l’imagination, assez souvent sommaire, ne peut guère les mener ailleurs que sur les chemins balisés du néolibéralisme et son aboutissement, ce qu’au Coincoin du coin on appelle le néofascisme numérique. A contrario ceux qui ont tout autant de bagage technique et entendent lutter contre ça ont peu de chance de faire fortune. En tout cas sûrement moins que le type qui aura vendu à votre patron le moyen de savoir où vous vous trouvez précisément à n’importe quel moment de votre journée de travail, la vitesse moyenne du déplacement de vos bras, vos jambes ou vos yeux, etc. Difficile de clore ce passage sans évoquer la grande famille des consultants et formateurs. Là aussi l’effet de mode opère largement, le mimétisme s’écoulant de bas en haut. Je connais personnellement plusieurs personnes qui, après des années de bons et loyaux services dans de très grosses firmes, les ont quittées pour se transformer en consultants ou formateurs dans de petites entreprises qu’ils avaient parfois créées eux-mêmes. Qu’avaient-ils à vendre ou enseigner ? Les processus à l’œuvre dans la grande firme ! Il n’y a rien d’étonnant dès lors, qu’en s’agrandissant la boulangerie du coin ait l’air de s’être réorganisée comme un fast-food !

Conseillés, consultants, formateurs, coachs, il y a sans doute matière à en trouver quelques-uns qui entrent dans les catégories de Graeber. Hors du monde de l’entreprise, donc à titre personnel, ceux qui peuvent s’en passer, immanquablement, peuvent prétendre à pouvoir faire quelques économies et donc travailler moins. Mais c’est plus sûrement parce qu’ils ont quelques économies qu’ils envisagent de les dépenser en formations ou coaching, même pour combler leur temps libre. J’en reste donc à mon idée qu’il y aurait beaucoup moins de gens inutiles que de choses inutiles produites par des personnes qui donc apparaissent inutiles voire toxiques pour l’humanité. Du moment que le coût de ces personnes est supporté de manière à peu près égale par des entreprises qui sont concurrentes les unes des autres, elles n’ont pas à être perçues comme potentiellement inefficaces par le monde des affaires, ou du moins il est difficile d’en avoir rapidement la certitude. Je rajoute un autre critère qui peut expliquer partiellement la difficulté que la théorie économique peut avoir à accepter l’idée que des entreprises ne jouent pas à fond le jeu de la concurrence en affectant des ressources à des emplois potentiellement inutiles ou trop coûteux. Pour moi le critère est encore une fois axé sur l’idée qu’un coût superflu est supportable du moment que tout le monde accepte, même sans s’en rendre compte, l’idée de le partager. Je vais revenir une fois de plus à l’Amérique du Nord où les revenus en général et les hauts revenus en particulier sont substantiellement plus élevés qu’en Europe. On entend souvent dire que les multinationales sont supranationales, avec le sous-entendu qu’elles n’ont aucun compte à rendre à une quelconque nation, ont des capitaux aux quatre coins du monde et des actionnaires qui parlent toutes les langues. C’est peut-être vrai mais je pense que c’est une grossière erreur de considérer que le nationalisme a cessé de guider la marche du monde. En particulier il apparaît évident que le nationalisme économique américain reste une donnée totalement d’actualité et qu’en ce sens il faut de nouveau relativiser ce que peut signifier concrètement la concurrence par rapport à une pure théorie de libre marché. Une part non négligeable des américains profite pleinement de la globalisation économique mais selon la World Inequality Database (WID.world) les 50 % les plus pauvres n’y ont pas gagné grand chose. Parmi les moins bien lotis les jeunes semblent voués à une stagnation durable dans un pays qui s’enrichit, autrement dit ils coûtent de moins en moins à ceux qui les embauchent. Mais il n’est sans doute pas absolument nécessaire que les entreprises se livrent entre elles une guerre sans merci pour voir si la contraction des salaires peut s’appliquer aussi à la frange un peu plus riche que la moitié pas vernie. Si chacun en occident a compris qu’on pouvait gouverner durablement avec une majorité fictive à droite économiquement et un peu plus au « centre » sociologiquement, les dernières années prouvent que la globalisation heureuse ne peut pas se permettre de laisser beaucoup plus de citoyens en chemin.

Les différences qui subsistent entre pays occidentaux peuvent aussi expliquer pourquoi Graeber semble avoir autant de mal à recueillir mon suffrage. Je vis en France et il est américain. Quoique tous ses partis de gouvernement s’y soient convertis depuis longtemps, notre pays à le libéralisme économique honteux, se sentir toujours suspectés de penchant socialiste encourage nos gouvernants et leurs soutiens médiatiques à tenter de devancer l’appel. Néanmoins le retard n’est pas fait et lorsque l’on parle d’économie libérale, on pense nécessairement aux États-unis, et même à l’Allemagne, bien avant la France. Le chômage en France est presque en tout temps réputé supérieur à celui outre-Atlantique, ce dont nos libéraux nationaux se chagrinent constamment en versant des larmes de crocodile : « La France a fait le choix du chômage ! » Il faut sous-entendre que la France refuse de laisser jouer le libre-marché et donc les mécanismes qui ramènent vers le plein emploi, mécanisme dont le ressort principal est la compression salariale. Les principaux responsables de tout cela sont les syndicats les plus réactionnaires et leur corporatisme légendaire. Il y a sans doute du vrai là-dedans mais faut-il en conclure que le bien-être individuel moyen est inférieur en France ? Le bien-être doit-il correspondre au revenu moyen ? Certainement pas ! Si pour avoir un revenu moyen supérieur il faut travailler plus, perdre son temps dans les transports, ou vivre dans une société plus violente, plus autoritaire, le jeu n’en vaut certainement pas la chandelle pour une part conséquente de la population. Au moins le moindre chômage dans les pays plus libéraux est-il la marque d’une supériorité économique ? On peut aussi y voir une nécessité. Il est absolument nécessaire que l’ultra-libéralisme démontre sa capacité à donner du travail, sinon, que lui resterait-il par rapport à un modèle plus social où la base de la pyramide s’en sort indéniablement mieux ? Quelques points de chômage en moins, mais du chômage moins indemnisé, des chômeurs sans couverture sociale et surtout une masse considérable de travailleurs pauvres. En terme de corporatisme syndical, l’Allemagne n’a rien à envier à la France, ses syndicats sectoriels y sont notoirement plus puissants que leurs homologues français, du moins dans les secteurs les plus concentrés, ailleurs, assez souvent, personne ne veut ni n’est en mesure d’y défendre les intérêts des travailleurs. Raison pour laquelle il y a certains métiers qu’il vaut mieux pratiquer en France qu’en Allemagne et inversement. La théorie libérale ne s’en cache pas, des bas salaires encourageraient les employeurs à augmenter le nombre de postes des métiers concernés ; savoir si ces métiers sont utiles en nombre supérieur est une autre histoire. Or si ces métiers ne sont pas réellement utiles, en quoi leur productivité importe ? Peut-être bien en rien ! J’ai une assez bonne mémoire de deux reportages qui m’ont frappé il y a de cela quelques années, sans grand rapport l’un avec l’autre d’ailleurs. Le premier traitait spécifiquement des travailleurs pauvres aux États-unis, on y suivait des personnes le plus souvent issues des minorités, parfois semblant avoir dépassé l’âge de la retraite. L’un d’eux m’avait peiné, il consacrait un temps fou au travail, sans travailler plus que ça d’ailleurs, il embauchait dans trois endroits différents en tant qu’agent de surface, d’abord à un bout de la ville, aux aurores, puis il avait un long trajet en bus, travaillait de nouveau, reprenait un bus pour rentrer chez lui, dormait un peu, repartait travailler à un autre bout la ville, rentrait chez lui tardivement. Autant dire qu’il n’était pas en mesure de faire preuve d’un entrain phénoménal au travail mais cela n’avait pas l’air d’être un problème, au prix où on le payait. Dans le même ordre d’idée mais avec un reportage au sens totalement différent, consacré à exposer la grandeur d’un hôtel de luxe dans un pays du sud-est asiatique, je fus interloqué par l’invraisemblable sens du détail concernant la propreté. Le plus marquant était un employé qu’on reconnaissait comme faisant partie de la brigade de nettoyage par sa tenue de travail spécifique mais tout de même impeccable, et qui portait une petite caisse à outil dans laquelle se trouvait un nécessaire pour aller extirper la poussière et la saleté dans le moindre recoin. On le voyait attendant l’arrivée d’un ascenseur, en laisser sortir les occupants, puis y pénétrer pour y vérifier la propreté avec un luxe de précaution digne d’un horloger suisse. Absolument ridicule mais justifié très sérieusement par un responsable de l’hôtel, la moindre trace n’étant pas admissible. On comprendra aisément que le caractère de productivité n’entrait pas en ligne de compte à cet instant et au demeurant cet employé était peut-être mieux payé que bon nombre d’agents de surface, le documentaire ne le disait pas. A travers ces deux reportages, deux logiques différentes d’un même monde n’entrant pas exactement en résonance avec les catégories de Graeber mais donnant pourtant des pistes sur la manière de mettre en œuvre un travail inutile au bien-être global.

Dans le monde anglo-saxon l’affirmation qu’il n’y a pas de sot métier est réputée mieux ancrée dans la réalité par le jugement qu’on en a réellement. Les métiers en bas de l’échelle y sont supposés mieux considéré qu’en France, pas mieux rémunérés pour autant. J’ignore si c’est réellement le cas mais il est possible qu’une plus grande part de la population ait été amenée un jour ou l’autre à occuper un poste subalterne, ce qui pousserait à une plus grande capacité d’empathie. Cela n’est probablement pas lié à une plus grande mixité sociale. Le coût des études a pu faire que le travail des adolescents et des étudiants au sein des classes moyennes y soit historiquement plus répandu. Ou peut-être est-il simplement vrai que les français ont une trop haute opinion d’eux-mêmes. En attendant le système plus redistributif des français offre un meilleur rempart aux situations telle celle vécue par notre vieil homme fatigué sur son balais. Individuellement, chacun de ses employeurs pourrait préférer avoir un travailleur moins fatigué et plus performant. Si cette situation perdure peut-être que la performance devient secondaire vu le coût horaire réel ; la société dans son ensemble se serait habituée à ce faux rythme pour certains métiers. Ce que j’ai écrit au début de ce paragraphe n’est peut-être simplement qu’un leurre ou une légende. N’est-il pas finalement déculpabilisant pour les dominants d’imaginer les dominés comme des êtres lymphatiques et qui méritent leur place par leur incapacité chronique à faire preuve de dynamisme. Cela me rappelle certains commentaires sur les réseaux sociaux. Je tombai un jour sur une photo prise par un type dont on devinait sans peine les orientations politiques. Il avait pris uncliché d’un groupe d’ouvriers à un carrefour en travaux. Il y devait y avoir 6 ou 7 travailleurs appuyés sur les manches de leurs outils et regardant un autre creuser une tranchée à l’aide d’une pelleteuse. Le sinistre auteur du poste avait légendé la photo : « Un qui bosse et les autres qui glandent, voilà où passent les impôts des français ! » Inutile de préciser que les travailleurs étaient tous d’origine maghrébine. Aucun raciste ne se donnera jamais la peine d’embaucher une année complète sur les chantiers routiers pour savoir ce qu’il en coûte vraiment en terme d’efforts. Pas besoin non plus de réfléchir pourquoi ce genre de scènes arrivent régulièrement, la machine à besoin des humains pour l’assister et donner sa pleine mesure, mais quand elle creuse, il arrive que chacun doive se tenir à l’écart, le chantier n’est pas moins performant qu’un autre pour autant. Ce qui importait à l’auteur du post c’était plus probablement de faire taire ce qui le taraude inconsciemment : les étrangers sont avant tout venus faire le boulot que les français ne veulent pas faire, cette triste vérité est dure à admettre pour les racistes. Transformer tous les immigrés en fainéant est très déculpabilisant. Même sur les articles du Coincoin du coin j’ai vu tant de commentaires de cette veine-là, disant qu’au fond, on aurait vraiment mieux fait d’occuper ces boulots-là parce que le travail aurait été plus vite et mieux fait. Parfois certains poussent le bouchon en s’en prenant à leurs compatriotes pour avoir abandonné les métiers difficiles au profit des arabes, trahissant à demi-mot que ce sont les français les vrais fainéants. Bien sûr aucun ne laissera sa place pour prendre celle de l’immigré et aucun ne se dira que si la France est plutôt pour ses bonnes infrastructures bien entretenues, c’est sûrement que le travail y est bien réalisé. Retournons outre-Atlantique ! Les heures consacrées à certains services doivent être proportionnellement supérieures aux États-Unis en raison des amplitudes horaires réputées largement plus grandes de nombreux commerces, dont certains ne ferment jamais. Cependant, puisque il y a une immigration continuelle, notamment une bonne partie illégale en provenance du Mexique, on pourrait estimer que les employeurs gardent un moyen de pression pour mettre en concurrence les salariés afin de gagner en productivité même dans les secteurs des services les moins rémunérateurs. Il me manque actuellement trop de données sociologiques pour comprendre pourquoi cela ne semble pas être le cas. Néanmoins on peut estimer que développer trop de services ne permet pas de pousser la productivité. Par exemple un commerce ayant des horaires d’ouverture trop restreintes peut difficilement concurrencer le même type de commerce ouvert tout le temps en terme d’image de marque. Les amplitudes d’ouverture des uns poussent les autres à faire de même. Mais il n’est pas certain que cela conduise à une réduction proportionnelle du nombre de commerces, on s’attend plus à une baisse de la fréquentation horaire moyenne et il est plus difficile de gagner en productivité dans ces conditions, le taux de salaire par rapport au chiffre d’affaire est immanquablement plus bas lors des coups de feu. Prenez en France le légendaire épicier arabe et ses horaires d’ouvertures non moins légendaires, il n’y a aucune raison de croire qu’il cherche à atteindre la productivité d’un hypermarché. A certains égards les États-Unis seraient-ils une gigantesque épicerie arabe ? Notez qu’en France certains commerces ouvrant 60h par semaine nous paraissent déjà être en attente quasi-permanente du chaland et qu’en terme de productivité le capitalisme montre là une faille évidente que les géants de la vente en ligne se proposent sans doute de combler, pas de manière à nous faire rêver d’un avenir meilleur. Au fond il est possible que la qualité essentielle d’un employé d’une société de nettoyage ou d’un commerce soit moins sa productivité que sa docilité. Je crois qu’il ne faudrait jamais se contenter de comparer les taux de chômage ou du moins de ne jamais penser que le taux de chômage puisse avoir quelque chose en commun avec le nombre de demandeurs d’emploi. Ce qui compte réellement c’est le nombre d’heure travaillées par la population en âge d’être active et sa valeur ajoutée. Dans un pays qui se dit lui-même bâti sur des rapports de violence et qui compte un nombre inouï d’individus derrière les barreaux, sans doute tout autant qui n’ont aucune intention d’aller gagner quelques dollars au Mc Donald’s du coin, il faut s’intéresser à la manière dont on peut calculer réellement un taux d’emploi.

J’en profite pour faire une petite parenthèse concernant les comparatifs dont nos médias aiment nous abreuver pour nous laisser croire que nous serions en occident une des nations les plus fainéantes. Le besoin de mettre ses citoyens au travail semble d’autant moins pressant quand on est en mesure de faire travailler le reste du monde à sa place. Qui a le plus cette capacité-là ? Le pays qui émet des dollars. Pays dont on dit qu’il est aussi plus travailleur que la France et où les cinq semaines de congés payés semblent une aberration. Mais si l’on fait de simples recherches on saura aussi que les américains sont plus sportifs que les français et qu’ils sont ceux qui regardent le plus la TV au monde. Ils ont un nombre d’arènes de grandes tailles invraisemblables, elles sont souvent pleines, parfois même au cœur d’une après-midi de semaine à l’heure où aucune fédération française n’envisagerait d’organiser une compétition. Mis bout à bout on en vient au constat édifiant suivant : les journées aux États-unis ont plus de 24h !

Revenons à notre méticuleux nettoyeur asiatique ! Là aussi notre logique de petit comptable français qui, à l’aide de son manuel de finance d’entreprise, cherche à maximiser le profit de tout employeur, la dépense d’un ramasse-miettes à temps complet semble quelque peu irrationnelle. En réalité cette situation est beaucoup plus facile à analyser que celle de notre travailleur américain fatigué. Il suffit de considérer que nous ne sommes plus du tout dans une logique de production mais de consommation. Sans même considérer que les femmes de ménage d’un hôtel de luxe ne puissent pas être soumises à la pression d’un nombre de chambres à faire toujours plus grand, cela n’enlève rien au constat que le service poussé à l’extrême pour des gens qui n’entendent pas regarder à la dépense, tend par nature du côté de l’improductivité. Cela n’a aucun espèce d’importance pour le producteur puisque la concurrence ne se joue pas au niveau des prix mais de la qualité du service, il a toujours le loisir d’augmenter le prix de ses prestations et les clients qu’il aura perdu dans l’affaire seront remplacés par d’autres plus riches. Supposons un hôtel de 4 étoiles disposant de 200 chambres très confortables qui est transformé en hôtel de luxe « hors catégorie » ne disposant plus que de 40 suites mais toujours du même nombre d’employés. Le bien-être des 40 heureux clients est-il en moyenne cinq fois supérieur à celui des pauvres clients de l’ancien hôtel 4 étoiles ? Difficilement mesurable mais voilà néanmoins une façon d’aborder l’emploi des ressources sans se référer au schéma concurrentiel ordinaire. Si vous êtes dans une économie ayant opéré des gains de productivité gigantesques par le machinisme, de sorte que vous pourriez envisager tel Keynes que travailler 15h par semaine suffirait à pourvoir chacun en moyens de subsistance, mettez la moitié de la population au service direct des 1 % les plus riches et vous aurez la certitude que cela n’arrivera pas. Comme l’a souligné D. Lepou dans son article de fonds écrit parallèlement au mien durant le confinement, ces dernières décennies semblent marquer un retour de ces services peu productifs à destination des plus riches, mais la tendance s’accompagne aussi d’une explosion d’offre de services en direction des classes moyennes, peut-être la meilleure marque d’une américanisation du monde. Néanmoins il n’est toujours pas certain que ces services-là puissent être classifiés selon les critères de Graeber.

Ayant un peu abordé la pauvreté et les bas salaires pour envisager l’obligation de travailler longtemps, je voudrais désormais aborder la question de la gestion de la pauvreté. La masse d’heures nécessaires à cette gestion est considérable. Et la pauvreté est tout autant la conséquence de métiers mal payés que d’absence pure et simple d’emploi. Il est donc notable que l’oisiveté subie des uns apporte du travail à ceux qui prétendent leur en trouver. Mais bien au-delà de ça, la pauvreté est source de bien des maux, et notamment des maux qui ont la fâcheuse habitude de déranger la société dans son ensemble, comme le vol et la violence par exemple. Les forces de police ne sont si importantes que parce que la pauvreté confronte les moins pauvres aux aléas du système. Mais la répression n’est sans doute pas le principal générateur d’heures rendues utiles uniquement en raison de ces aléas, il faut aussi prendre en contre la gigantesque machine à faire du social. Bien sûr le social n’est pas uniquement tourné vers la pauvreté, il y aurait toujours besoin de certaines assistances même dans une société moins inégalitaire. On peut néanmoins difficilement nier que la pauvreté démultiplie ces besoins. A l’opposé la société construite sur la « liberté de commerce » refuse toujours de s’accorder avec les vues romantiques des économistes classiques. Faites du commerce pas la guerre mais faites la guerre pour le droit au commerce et si la guerre s’arrête, inventez-en une pour la survie du complexe militaro-industriel ! Est-il utile de préciser que quand on consacre quelques centaines de milliards à entretenir une armée surdimensionnée et que par ailleurs on vend des armes à qui veut bien les acheter, cela demande également des ressources humaines conséquentes ? De manière plus joyeuse on peut aussi remarquer que la société de l’opulence est aussi une société qui combat le farniente par des moyens plus ludiques : les loisirs et notamment les loisirs marchands ! Toute consommation de loisirs et de culture suppose leur production. Cette production peut-être autant source d’épanouissement personnel que source de totale aliénation. Les métiers du spectacle permettent de monter sur scène pour jouer Juliette comme être assailli de marmots déguisé en costume de Mickey devant l’illustre château de Marne-la-Vallée. Et derrière la scène et le château une myriade de métiers dont certains ressemblent à s’y méprendre à des métiers de secteurs qui n’ont rien à voir avec les loisirs et la culture. Il faudra que je lise le livre de Graeber pour voir s’il pense que la pauvreté et les loisirs font partie du projet visant à mettre les gens au travail. Pour l’heure je pense que la fabrique de la concurrence internationale initiée par les occidentaux ne demande pas d’éviter l’oisiveté, elle peut même se permettre des millions de chômeurs permanents, mais elle demande la mise en œuvre d’un système complexe qui a le double-avantage de ne pas bousculer trop brutalement l’ordre établi tout en générant un nombre conséquent de nouveaux métiers qui ont leur utilité dans cet objectif ; à ce titre ils s’en trouvent plutôt bien rétribués et semblent devoir être globalement épargnés des affres de la délocalisation quand même celle-ci serait peut-être envisageable. Le savoir-faire occidental lié à son système éducatif et à ses entreprises permet d’ailleurs à pas mal d’européens et d’américains des expatriations rémunératrices dans divers pays émergents ou sous-peuplés au regard de leurs ambitions tels les pays du Golfe. L’étendu du chômage et la rareté des carrières longues au sein d’une même entreprise ont laissé dire à certains analystes que chacun devrait savoir désormais se recycler en permanence. Là encore c’est une pièce à deux faces. Il faudra peut-être que beaucoup de personnes sachent apprendre en cours de carrière, mais le coût de l’apprentissage des spécialisations, qui sont de moins en moins liées à la maîtrise de quelques gestes, est une contrainte importante pour les entreprises. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui peuvent freiner les nouvelles volontés de baisser le temps de travail. J’appelle personnellement cela la jurisprudence Sarkozy. « Travailler plus pour gagner plus ! » signifiait aussi, en langage Medef « Travailler plus pour coûter moins ! » Quand une entreprise est très satisfaite d’un employé, elle préférera bien souvent lui payer des heures supplémentaires (surtout défiscalisées) que de s’encombrer de l’appoint d’une personne un peu moins performante ou pas formée. C’est particulièrement vrai dans les petites structures. Quand cette tendance est accentuée au point d’arriver à une forme d’épuisement des meilleurs éléments trop sollicités, soit il s’agit de métiers où la main d’œuvre compétente est difficile à recruter, soit les heures supplémentaires sont payées au black (ou pas payées du tout).

En résumé je dirai que la globalisation est une mégastructure que se complexifie à chaque génération et qui effectivement rend le système hyper-bureaucratisé, donc relativement peu efficace au regard des pures moyens techniques sur les chaînes de production. Tout comme il semble que ces chaînes, si on les analyse en terme d’échanges d’intrants, de pièces détachées et d’assemblage, ne peuvent prétendre répondre qu’à un seul critère d’efficience : l’efficience financière. A tous les autres égards elles sont assez désastreuses, en terme environnemental elles sont un pur non-sens. Or, comme l’a souligné D. Lepou dans son article de fond, de nombreux métiers occidentaux sont en lien direct ou indirect avec notre manière de produire loin de l’occident dans un monde globalisé. S’interroger sur le sens de son métier paraît assez difficile sans interroger le système tout entier. Et hors de ce système rien ne dit que l’on pourrait vivre dans l’opulence en travaillant 15h par jour. C’est donc avant tout à l’opulence qu’il faut renoncer ! Je ne suis pas sûr que beaucoup y consentent.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les enquêteurs de Faxom aient reçu régulièrement une fin de non-recevoir quant ils se sont mis en quête de personnes semblant rentrer dans les catégories de métiers à la con. Ce n’est pas parce que bien des français disent avoir l’intention de changer quelque chose à leur vie quand la pandémie sera vaincue, que cela s’incarne dans un projet radical visant à se débarrasser de son emploi si celui-ci est jugé inepte. Sans surprise, en très grande majorité les interrogés ont très mal pris le fait qu’on les suppose inutiles. Parmi ceux qui ont admis avoir un métier dont ils savaient le caractère inutile ou même néfaste à la société, une très faible minorité a affirmé vouloir changer de métier et redonner un sens au travail, l’autre partie pensant généralement « qu’il faut bien vivre ». Bullshit job ou non, le principal semble donc sa propension à vous assurer un revenu correct.

Il serait sans doute bien plus digne d’intérêt de demander à toutes les personnes qui pensent qu’on ne peut décidément pas continuer comme ça, ce qu’elles entendent faire pour que cela cesse.

C. Jasseronde, rédacteur en chef.

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11 mai 2020

Le Coincoin du coin, la chute du canard noir

22 floréal 228 ou 01/01/01 après Covid ?

Ceux qui penchent pour la deuxième option seraient bien avisés de ne pas oublier que le covid est encore là et bien là ! Et il semblerait qu’une très faible partie de la population dispose de masques, du moins au centre-ville de Lyon, une population peut-être moins proche des hypermarchés Leclerc qui vendent dix masques ridicules réemballés dans des barquettes de viande à prix défiant toute indulgence ! Il faudra qu’un jour le gouvernement s’explique comment il peut dire être entré en guerre contre le covid sans même avoir un seul de ses membres compétent pour avoir une notion de contrôle des prix ! Les américains ont gagné la deuxième guerre mondiale et pratiquant un contrôle de très nombreux prix mais chez nous, imposer deux ou trois prix fixes à des géants de la distribution qui, par hasard, ont récupéré les stocks au nez et à la barbe des pharmacies est impossible ! De Wuhan à Wuhan, vivement les procès d’après guerre !

Alors, déconfinement ou déconfiture ?

22 floréal 228

Le Coincoin du coin est-il vraiment polypartisan ?

De nombreux internautes de passage sur notre site mais ne faisant pas partie de nos fidèles canardés trouvent que nos parutions ont tout de même une empreinte gauchiste assez marquée. Si cela les rebute et les empêchent de s’abonner à notre version papier ou notre version en ligne payante, qu’ils se rassurent, il y a une explication à cela. Les auteurs de nos articles, journalistes ou pigistes, doivent renoncer à être rémunérés lorsqu’ils acceptent de voir leurs articles publiés sur la partie gratuite du site. En effet nous supposons que la notoriété qu’ils en reçoivent compense largement la perte de la rémunération qu’ils touchent normalement, surtout que celle-ci est souvent assez faible. Et donc, on dirait bien et de manière tout à fait inexplicable, que nos collaborateurs des pages droites ont plus de mal à accepter ce postulat, sauf l’inénarrable Élie Couenne, imbu de notoriété et par ailleurs à l’abri du besoin depuis plusieurs générations.

22 floréal 228

Les drones de livraisons plus énergivores qu’attendus.

On vient de constater que l’empreinte carbone des drones de livraisons serait largement supérieure à ce qui ressortait des calculs ordinaires. L’explication à cela est assez hallucinante : la plupart des calculs ont été faits sans prendre en compte la charge utile ! C’est comme si une société de levage vous louait un hélicoptère en comptant le carburant nécessaire à soulever seulement le poids de l’appareil et non pas les troncs d’arbres que vous entendez transbahuter d’un village d’écureuils à une demeure de castor édenté. Comment cela est possible ? Après enquête nous avons découvert que tous les fabricants de drones de livraisons utilisaient le même logiciel de calcul d’éléments aéroportés, celui de la société EFEC (Easy fly easy count), une start-up californienne qui s’apprêtait à être vendue à un géant du net. Bug ou malversation, le fondateur de la start-up, qui pensait bientôt toucher 500 millions de dollars, s’est suicidé hier soir en s’allongeant sur une voie de chemin de fer à l’approche d’un train de marchandises de deux kilomètres de long capable lui, de transporter des tonnes de marchandises avec un bilan carbone mieux maîtrisé. Ce petit génie des mathématiques nous a-t-il quitté en nous montrant la voie à suivre ou avait-il quelque doute sur la force d’inertie d’un véhicule plus léger ?

22 floréal 228

13h30 / Votre canard est attaqué en vol !

Alerte générale : en ce jour de chasse aux escargots on dirait que la chasse au canard est ouverte ! Le Coincoin du coin est depuis quelques minutes sous le coup d’une perquisition ! Le quartier tout entier est cerné par des cars de CRS et plusieurs véhicules de police stationnent devant notre immeuble. Alors que pour la première fois depuis sept semaines nous avons fait un comité de rédaction sans le truchement de caméras, le gouvernement semble décidé à nous punir pour les nombreuses critiques que nous avons faites de sa gestion du covid-19 et de sa politique en général. Cette journée devait marquer pour nous le début d’une action antifasciste d’envergure à travers la Troustache et le Trouday, mais nos adversaires utilisent la diffamation pour tuer toute contestation dans l’œuf ! Pour l’heure certains de nos salariés précaires tentent de se donner une chance de monter les barreaux de l’échelle sociale, certains en faisant opposition à la perquisition en empilant les gestes barrières dans l’espoir que cet empilement finisse par créer une barricade, d’autres plus frontalement à la manière de Mélenchon ! Il y a un vrai risque que les barreaux passent de la position horizontale à la position verticale mais on n’a rien sans rien. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la situation mais en attendant, chers canardés, chères canardées, nous vous demandons de vous mobiliser pour votre canard préféré sur les réseaux sociaux et dans la rue (en respectant bien sûr les gestes barrières) ! Le néofascisme numérique ne passera pas !

22 floréal 228 / 14h

La situation se complique !

Apparemment le Coincoin du coin fait l’objet de nombreuses accusations dont plusieurs nous inquiètent beaucoup. Il semble que nos incessantes attaques des noirs desseins fascistes de Tristan Escroçi nous valent d’être accusés de « Tentative d’obstruction à l’avancée d’un projet ayant trait à la sécurité de la nation et de ses citoyens ! »

Nous sommes aussi sous le coup des accusations de : mise en danger de la vie d’autrui, diffamation de représentants de l’état, outrage à agents assermentés, fraude fiscale, intelligence avec l’ennemi, non respect du confinement, défaut de solidarité nationale en période de crise, fautes d’orthographe, démoralisation des troupes, rassemblement de plus de 10 personnes, entrave à la liberté de commerce, apostasie de la religion européenne (concurrence libre et non-faussée), complot visant au renversement d’un gouvernement démocratiquement élu, incitation à la violence envers les escargots, incitation à la chasse illégale d’espèce protégée, appel à la rébellion, manquement aux règles élémentaires de l’esthétisme, utilisation illégale d’un système de datation appartenant à autrui, mésusage de la langue franglaise, manquement au port obligatoire du masque, recel, abus de biens sociaux, manquement aux règles de sécurité, et port illégal de la troustache.

Pour l’heure la perquisition est limitée aux deux premiers étages de notre rédaction des pages gauches mais la situation est très tendue ! Restez mobilisés !

22 floréal 228 / 14h35

Toute l’aile du bâtiment réservée à la rédaction des pages gauches nous est désormais inaccessible et de nombreux pigistes sont d’ores et déjà en garde à vue, sauf R. Mite qui, sévèrement passé à tabac, attend qu’un lit se libère en réanimation. Les couloirs où officient les larbins qui s’occupent des encarts centraux sont envahis de flics. Certains d’entre-nous ont pu se réfugier dans l’aile des pages droites, un endroit qui semble sûr et qui pourrait nous permettre de publier presque normalement notre édition de demain.

22 floréal 228 / 14h55

Le pire est en train d’arriver ! Nos pages droites sont attaquées à leur tour ! Notre rédacteur en chef C. Jasseronde est réfugié sur le toit d’où il tente de téléphoner à des contacts en Europe dans l’espoir de trouver des personnes aptes à raisonner le chef de l’État.

22 floréal 228 / 15h10

C. Jasseronde vient d’apprendre que le domicile d’Élie Couenne à Davos a lui aussi été perquisitionné et que celui-ci a été arrêté par la police suisse. Il serait accusé d’être un agent double à la solde d’un mouvement terroriste dont personne n’a jamais entendu parler : « Les ultra-écolos très très radicaux ». Cela devient réellement n’importe quoi ! C. Jasseronde diffusera sous peu un message à l’attention de nos canardé-e-s.

22 floréal 228 / 15h30

La chute du canard noir !

Mes amis, c’est la fin ! Nous nous attendons à tout moment à voir notre site internet mis hors-circuit ! Ce message est potentiellement le dernier ! Nous ferons tout notre possible pour continuer à diffuser, sous le manteau, ce canard qui, canardant depuis avant l’invention de l’écriture et publiant aujourd’hui son numéro 521626, est la plus ancienne parution journalière du monde ! Mes chers canardés, mes chères canardées, nous n’avons jamais cesser de lutter pour le seul et vrai esprit libéral qui soit : la liberté de l’individu à disposer de lui-même, et qui passe nécessairement par la lutte collective ! Je vous demande de continuer cette lutte coûte que coûte contre le plus grand danger qui menace cette liberté : le néofascisme numérique ! N’achetez rien chez Amazon ou équivalent ! Privilégiez les logiciels libres ! Chiffrez toujours les données que vous ne souhaitez pas partager, si vous ne savez pas le faire, demandez à quelqu’un qui sait ! Changez votre moteur de recherche en canard (Duckduckgo.com) ! Luttez contre tous ceux qui souhaitent vous changer en robots à l’aide d’implants sous-cutanés ou autre bijoux technologiques du genre ! Contre ceux qui veulent faire de leurs délires technologiques des réalités ! Et enfin, non, vous ne pouvez pas accepter le déploiement des caméras à reconnaissance faciale, autant mettre une balle dans la tête de vos gosses, si vous n’êtes pas en mesure de le comprendre aujourd’hui, vous le comprendrez quand ce sera trop tard ! Le néofascisme est déjà là, il a gagné les premières batailles par manque de combattants dans les rangs des opposants, mais il n’a pas gagné la guerre ! Tout dépend de VOUS, de vos envies de rester humains et d’avoir des enfants humains !

Pour relayer notre action soutenez les associations, projets et organismes qui ont les mêmes visées que nous. Voici une liste non exhaustive d’adresses qui vous permettront de rentrer en lutte et de comprendre pourquoi il est urgent de le faire !

https://www.laquadrature.net
https://mastodon.social/about
https://mouton-numerique.org
https://technopolice.fr
https://framasoft.org/fr/

Chères canardées, cher canardés, ce fut un honneur d’être à vos côtés durant tout ce temps ! Au revoir et bon reconfinement !

C. Jasseronde.

11 mai 2020

Le Coincoin du coin, sélection des 20 et 21 floréal 228

20 floréal 228

Avertissement de bec de canard

Ne faites pas ça chez vous !

Depuis le début du confinement nous n’avons eu de cesse de vous répéter qu’il fallait éviter de se blesser pour que l’ensemble du personnel hospitalier puisse se consacrer aux malades du covid-19. Malheureusement, certains d’entre vous sont gagnés par l’ennui et s’attaquent aux multiples défis qui pullulent sur le Net. Parmi ceux-ci il en est un qui s’est avéré particulièrement dangereux : le défi de la table, défi qui consiste à monter sur une table et à passer dessous sans jamais toucher le sol jusqu’à retrouver sa position initiale. Normalement il n’y pas trop de danger à s’essayer à cela si on possède une table en chêne et qu’en ne présumant pas de ses forces, on fait les premiers essais en mettant un matelas sous la table. Beaucoup n’ont pas jugé utile de s’encombrer du matelas et parmi ceux-ci quelques-uns sont immanquablement tombés sur le sol, assez souvent la tête la première. Même les têtes dures ont quelque difficulté à rivaliser avec le carrelage et les urgences ont accueilli un peu moins de personnes dont le séjour ou la salle à manger possède un plancher. Mais les cas les plus graves n’ont rien à voir avec la dureté du sol mais avec la solidité de la table. Des dizaines de personnes se sont lancées dans ce défi sans penser que la table sur laquelle elles le faisaient pouvait basculer, s’affaisser voire même se briser. Et le drame ultime est justement survenu quand un jeune homme adepte de l’escalade a décidé de tenter l’expérience sur toutes les tables à sa disposition. La grande maison de ses parents lui a donné l’occasion de montrer l’étendue de ses talents à ses suiveurs sur internet. Puis il a dégoté une table de camping dans le garage et quelques minutes plus tard il était mort embroché.

Ne faites pas ça chez vous !

20 floréal 228

Non, quelques milliardaires ne possèdent pas la moitié des richesses du monde !

Par notre économiste détaché permanent à Davos, Élie Couenne.

Au début de la crise du covid, tandis que les économies rentraient en mode ralenti, le Coincoin du coin a publié un court article stipulant que l’ordre du monde n’était pas en phase d’être bouleversé par la chute des cours boursiers. Il y était stipulé que si certains riches étaient obligés de vendre leurs titres dans la précipitation pour respecter certains engagements, cela n’avait qu’un impact marginal pour la marche du monde dans la mesure où ces titres ne risquaient pas d’être achetés par des pauvres. Cet article a valu au Coincoin du coin de très nombreuses critiques irritées émanant d’économistes réputés et qui me considèrent à juste titre comme l’un des leurs. Globalement la critique était la suivante. Comment étions-nous capables d’imaginer la chute des cours comme un phénomène neutre ? Comment pouvions-nous dire que les riches n’avaient rien perdu, surtout ceux qui, ne cédant pas à la panique, étaient restés sur leur position et qu’ils n’avaient qu’à attendre que les cours remontent sachant qu’ils remontent toujours ? Le raisonnement des économistes est le suivant : si vous avez un portefeuille de titres qui a, à un instant T, une valeur de 1 milliard de dollars, cela signifie qu’à tout instant vous pouvez vendre ces titres et obtenir en échange des dollars avec lesquels vous pouvez vous acheter un jet privé, une Ferrari, une Villa gigantesque et tout ce que vous aimeriez posséder. Donc si les cours dévissent de 30 % et que la valeur de votre portefeuille tombe à 700 millions d’euros, mathématiquement vous aurez 300 millions d’euros de moins pour vous acheter toutes ces belles choses que vous aimeriez posséder.

D’accord, mathématiquement. Mais j’aimerais attirer l’attention de mes amis économistes de droite du danger qu’il y a à considérer les choses de ce point de vue. En allant au bout de ce raisonnement, vous laissez entendre que quelques dizaines de milliardaires possèdent la moitié des richesses du monde, comme on l’entend souvent dire. Car de ce point de vue c’est vrai, ils possèdent en capital la moitié des richesses du monde. Dans ce capital il y a des biens immobiliers, des autres richesses matérielles, comme des tableaux de maître ou des objets de valeurs, des comptes en banque, et des titres. Il faut relativiser certaines richesses matérielles par rapport à leur caractère monnayable. Si de mauvaises positions en bourse vous obligeaient à vendre ce que vous possédez en urgence pour honorer vos engagements, il est fort possible que votre garage plein de voitures de luxe ait une valeur très décevante si chacune d’entre elles était vendue aux enchères. Cette décote que connaissent tous ceux qui ont été acculés à la faillite n’est pas sans rapport avec la volatilité des titres financiers. Le caractère immédiatement monnayable des titres financiers peut sembler être une réalité tangible dès lors qu’à tout moment on peut les échanger contre des dollars. Mais si tous les détenteurs de titres voulaient les échanger en même temps contre des dollars, ces titres ne vaudraient plus rien très rapidement puisqu’il s’agirait du phénomène récent poussé à son extrémité. Si par un artifice quelconque il existait une garantie des cours comme il existe une garantie des dépôts et que chaque détenteur pouvait réellement obtenir des dollars à la valeur des cours avant la chute, le pouvoir d’achat du dollars (et de toutes les monnaies en général) dégringolerait en flèche. Puisqu’il n’y a, heureusement, pas de garantie de cette sorte, la chute des cours est théoriquement un transfert de richesse d’un investisseur à un autre, c’est seulement notre incapacité à laisser l’économie réelle à l’abri d’une contamination de la morosité boursière qui est problématique. Si on en était capable, le seul vrai critère de jugement d’un transfert de richesse indiquant que ceux qui possèdent des titres perdent de leurs avantages, serait le rendement annuel reflété par l’intérêt ou les dividendes perçus.

En quoi est-ce dangereux pour les ultra-riches de laisser croire, pour flatter leurs égos, qu’ils possèdent à quelques-un des richesses colossales parce que leurs portefeuilles de titres sont colossaux ? C’est dangereux car cela laisse entendre qu’ils sont en capacité de consommer une part phénoménale de ce qui est produit sur la terre, ce qui n’est pas possible comme je viens de le démontrer. Mais si les gens se mettent cette idée en tête, à l’heure où l’écologie en général et le réchauffement climatique en particulier deviennent les sujets de discussion les plus anxiogènes, ils vont finir par penser qu’il suffirait d’aller arme à la main s’emparer de quelques centaines de milliardaires, de les fusiller sans autres forme de procès, et alors, comme par magie, les émissions de gaz à effet de serre seront réduites de moitié ! En prolongeant la purge sur quelques milliers de millionnaires, on en viendrait même sûrement à respirer un air pur ! Et ainsi les gens croiront pouvoir se laver les mains de leur responsabilité dans le changement climatique. Certes les très riches ont des niveaux de consommation bien supérieurs à la moyenne, mais cela ne peut pas avoir un impact si considérable. Les voyages en avion ont sans doute l’impact le plus directement visible car les jets privés émettent beaucoup au regard du nombre de passagers. Mais l’on peut difficilement transposer cela à tout ce que possèdent les milliardaires. Et même si quelqu’un possède de nombreuses propriétés dans lesquelles vit un personnel conséquent pour entretenir le terrain de golf, les jardins, la piscine, les chevaux, pour faire à manger, faire le ménage, garder les enfants, le milliardaire n’est qu’à un endroit à la fois et ne mange pas l’équivalent de nourriture ingurgitée par des millions de personnes. Si ses gens ne travaillaient pas pour lui, il faudrait bien qu’ils mangent quand même, qu’ils aient des vêtements, un logement, un véhicule. Et les milliardaires sont rarement des pingres, leur argent permet à de nombreuses personnes de vivre confortablement, à commencer par les membres de leur famille. En réalité la plus grosse part des possessions matérielles des milliardaires n’ont pour lui aucune utilité en terme de consommation. Celui qui possède une chaîne d’hôtel n’entend pas garder pour lui l’ensemble des chambres.

Il n’y a donc pas lieu de fanfaronner pour apparaître dans le haut du classement des plus grandes fortunes du monde ou s’affoler quand les cours baissent. Il est bien plus important que les gens qui tirent l’économie vers le haut et en retirent, fort justement, un train de vie supérieur à la moyenne, s’attellent à faire en sorte que les rendements annuels du capital restent à un niveau suffisant pour stimuler l’envie d’entreprendre et la croissance.


21 floréal 228

Courrier d’électeur : les vrais métiers de merde.

L’une de nos fidèles canardées, madame C. Onserve, a tenu à réagir à l’article de C. Jasseronde traitant des bullshit jobs tels qu’ils ont été définis par David Graeber.

« 
Cher Coincoin, bonjour,

J’ai été très intéressée par l’article de C. Jasseronde et il me semble en effet nécessaire de distinguer ce qui peut paraître utile à la société de ce qui l’est pour une entreprise. Pourtant dans mon travail, ni la société ni mon employeur ne me pensent inutile, à tel point que je n’ai jamais autant travaillé que durant le confinement. Et pourtant j’ai bien l’intention de me reconvertir dans quelque chose qui sera peut-être moins visiblement utile à ceux qui considèrent que l’utilité se mesure en unités ou kilos. Mon travail est assez rébarbatif, mais ce n’est pas nécessairement là le problème, il est utile que quelqu’un réapprovisionne les rayons d’un magasin. Mais est-il utile à la société que des parisiens aient accès à de l’eau de source qui vient d’Allemagne ou du sud de la France ? Est-il utile que chaque chose chose achetée génère une telle quantité de plastique, métal, verre ou carton ? Est-il utile que des bouchers qui font de la découpe sur place mettent la viande dans des barquettes à seule fin de la rendre disponible en libre accès ? Est-il utile de s’enfoncer dans le désastre ? Des métiers utiles, certes, mais utiles à un système de merde !
»

Nous conseillons à madame Onserve de se rapprocher du député Léonard.

21 floréal 228

Précision sur nos publications.

De nombreux canardés se demandent pourquoi, depuis le 2 mai 2020 / 12 floréal 228, nous avons adopté le calendrier républicain. La raison est la suivante : dans l’élan de leur mouvement de grève du 1er mai, nos contrats précaires et nos pigistes se sont quelque peu emballés dans leurs revendications. Nous avons cru utile de satisfaire prioritairement celles qui ne nous coûtaient rien, et parmi celles-ci, l’idée saugrenue du calendrier républicain. Nous nous sommes engagés à utiliser ce calendrier jusqu’à la fin de l’année 228, date à laquelle nos insurgés de salon ont réussi à se persuader que la révolution aura fait son œuvre.

21 floréal 228, 22h30, 1h30 avant le déconfinement !

Pensez-vous qu’il existe en France une personne qui soit actuellement en train de préparer sa chère automobile restée trop longtemps sur un parking, ce afin de fêter comme il se doit la fin officielle du confinement dès 0h01 en tambours et trompettes, ou plus précisément en traversant tout Paris à grands coups de klaxons, comme si le PSG s’était qualifié en demi-finale de la coupe d’Europe, pile au moment où les gamins s’apprêtant à retourner à l’école ont besoin d’avoir des nuits paisibles ?

Si oui, nous serions reconnaissant à cette personne de s’assurer, avant le premier contrôle de police ou maréchaussée, qu’aucun exemplaire du Coincoin du coin ne traîne sur l’une des banquettes ou dans la boîte à gants, nous sommes suffisamment mal vus comme ça.

21 floréal 228

Le Coincoin du parler français.

Si certains et certaines de nos canardé-e-s éprouvent quelque difficulté à maîtriser la prononciation du mot « Cluster », nous leur conseillons d’utiliser en lieu et place le mot « Foyer ». Foyer n’est certes pas l’exacte traduction de Cluster mais pour l’usage qui est fait actuellement de ce mot, croyez-nous, chacun comprendra aisément de quoi il s’agit si vous utilisez Foyer. Sachez aussi, que sans compromettre gravement votre côté IN, vous pourriez assez facilement vous éviter le ridicule de votre prononciation française de mots beaucoup plus compliqués tel « Think-tank » en ayant simplement un sens plus aigu de la séparation des torchons et des serviettes.

21 floréal 228

Préparez vos rasoirs !

Rappel ! Demain, 22 floréal 228, est un grand jour à double-titre ! Trouday et troustache marqueront le jour 1 de la lutte contre le néofascisme numérique ! N’oubliez pas que le trou à faire dans votre système pileux doit correspondre exactement à la moustache d’Adolf Hitler ! Malgré son nom, la Troustache sera d’avantage significative si vous gardez l’ensemble barbe + complémentaire moustachu de moustache hitlérienne. Concernant le Trouday, malgré les menaces de représailles gouvernementales, il vous suffit de refuser tout télétravail et de ne pas vous rendre dans votre entreprise. Puisque le temps sera malheureusement assez morose sur l’ensemble de la France, vous pourrez avoir avantage à aller à la chasse aux escargots !

8 mai 2020

Le Coincoin du coin, sélection du 16 au 19 floréal 228


17 floréal 228

Publireportage.

La start-up française FFFM (French Federation of Face-Mask), créée il y a 6 semaines et dans laquelle on murmure que le président en personne aurait des billes, est déjà en mesure de fournir à un prix record les masques que tout le monde attend. Puisqu’il est possible que la population soit obligée de porter des masques durant de longs mois, tout le monde comprend bien ce que cela signifie en terme de relations sociales : on ne sera plus en mesure de distinguer les beaux des laids ! Les beaux seront tous ceux qui ont de beaux yeux et les laids seront tous les autres. A quoi bon se déconfiner si c’est pour perdre l’une des affaires qui nous guident le plus dans la vie : la quête de la beauté et accessoirement celle d’un ou d’une partenaire ? Eh bien, sans être la première à s’être lancée sur ce marché porteur, la FFFM a, par un judicieux espionnage industriel et une pression monumentale sur les fournisseurs de matière première, réussi à rattraper tout son retard sur la conception de masques permettant de reconstituer le visage du porteur.

Pour bénéficier vous aussi des masques qui permettent de montrer votre vrai visage aux gens que vous croisez, il vous suffira d’envoyer vos photos à l’adresse suivante : orders.fffm@gmal.com. Pour un résultat optimal vous devrez prendre et envoyer les mesures de votre visage selon les indications que vous trouverez sur le site de la FFFM. Les masques sont de type lavable et seront accessibles à partir de 39,99 l’unité. Il est possible et conseillé d’en faire faire plusieurs pour que votre visage apparent corresponde à votre humeur du jour, dans ce cas vous devez envoyer les photos correspondantes.

Attention : la FFFM s’attend à ce que certaines personnes moches en profitent pour se donner les apparences de la beauté. Cela pourrait s’avérer rapidement être illégal. En effet la commission Tristan Escroçi qui planche actuellement sur le projet de loi lié au déploiement national des caméras à reconnaissance faciale, a d’ores et déjà averti qu’elle entendait rendre obligatoire le port de masque à reconstitution faciale dès qu’ils pourront être produits en quantité suffisante et ce pour que les gens ne prennent pas l’habitude de vivre cachés ; quand on n’a rien à se reprocher on n’a rien à cacher comme dit le plus bel et plus vrai adage que l’homme ait jamais énoncé. Dans ce cas il est évident que toute contrefaçon sera sévèrement punie.

Avec la FFFM vous optez pour le made in France, sans enrichir Amazon ! A vos CB !

17 floréal 228

L’Europe commissionnaire a de la suite dans les idées !

Après avoir confié à BlackRock, gigantesque cygne blanc de la finance vierge de tout soupçon de conflit d’intérêt, la charge d’élaborer des propositions sur la manière d’intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans la supervision bancaire, la Commission européenne a annoncé avoir fait un pré-tri concernant les appels d’offre en lien avec les autres recherches indispensables à la marche de l’Union.

Pour l’étude de l’incidence de la charge de microparticules aéroportées d’origine chimique sur l’espérance de vie, les dossiers retenus sont ceux de Exxon Mobil, Royal Dutch Shell et Total.

Pour l’étude sur la préservation des espaces non-bâtis, les dossiers retenus sont ceux de Bouygues, Vinci et Amazon.

Pour l’étude pour la sauvegarde du commerce de détail, les dossiers retenus sont ceux d’Amazon, Amazon et Amazon.

Pour l’étude sur le déploiement de l’agriculture biologique, les dossiers retenus sont ceux de Carrefour, Mc Donald’s et Nestlé.

Pour l’étude sur les trajectoires des régimes d’assurance maladie, les dossiers retenus sont ceux de Antin Infrastructure Partners, JPMorgan Asset Management et Bridgwater Associates.

 

17 floréal 228

Déconfinement : ne vous précipitez pas chez votre coiffeur ou votre esthéticienne !

Vos poils ont un peu trop poussé à votre goût durant les semaines écoulées, vous envisagez de vous rendre dès lundi prochain chez votre coiffeur ou votre esthéticienne. Mauvaise idée ! Certes les ciseaux, tondeuses, peignes ou rasoirs de plus d’un mètre de long ont été livrés chez les professionnels du secteur grâce à la précieuse collaboration d’Amazon, mais il faudra de nombreuses journées avant que les employés et indépendants soient en mesure de s’en servir sans danger pour le client. N'est pas Edward aux mains d'argent qui veut. Nous vous conseillons d’attendre deux ou trois semaines avant d’envisager un rafraîchissement de votre système pileux.

17 floréal 228

Le Coincoin du déconfinement.

Tous les français se sont demandé en quoi consistait la règle des 100 kilomètres, allait-on être autorisés à nous déplacer à 100 kilomètres de distance de notre domicile en comptant les kilomètres par la route ou les kilomètres à vol d’oiseau ? Bien sûr, tous malins que nous sommes, nous avons interprété cette annonce comme une autorisation d’aller à 100 kilomètres à la ronde, ce qu’on exprime par l’expression « A vol d’oiseau » et les plus déterminés d’entre nous ont pris un compas qu’ils ont planté dans une carte à l’aplomb de leur domicile pour voir si ce vol d’oiseau allait leur permettre de se rendre enfin chez tante Gertrude où les attend un délicieux fondant au chocolat.

Halte là concitoyens ! Il y a maldonne ! Croire que le vol d’oiseau est avantageux par rapport à la route est une grossière erreur, ça dépend de quel oiseau on parle ! Grâce à l’un de ses plus fidèles canardés, Darwin Le Chat, adepte du courrier d’électeur, le Coincoin du coin est mieux renseigné sur les vols d’oiseaux que les meilleurs ornithologues. Et donc nous sommes en mesure de vous dire que vous avez intérêt à choisir le bon oiseau si vous voulez avoir une chance d’atteindre la maison de tante Gertrude avant d’avoir fait 100 kilomètres. Imaginez que vous soyez un lyonnais qui entend se rendre quelque part dans la région stéphanoise (oui oui, figurez-vous qu’il y a vraiment des gens qui ont ce genre d’idées saugrenues, même des lyonnais). Si vous choisissez l’un des moineaux qui en temps normal bouffent les frites des affreux, sales et méchants clients du Mc Donald’s à l’angle de la rue de la République et de la place Le Viste à Lyon, quand vous aurez fait 100 kilomètres, vous n’aurez pas dépassé le semblant de verdure en pot qui végète au-dessus des bouches de métro place Bellecour. Si vous choisissez Banofee-Banofee, l’un des pigeons du clan qui vit sur un bloc au sud de la place des Jacobins, vous ne dépasserez pas non plus le côté sud de la place Bellecour puisque Banofee-Banofee a prétendu limiter ses déplacements à un rectangle allant de la rue Herriot aux quais de Saône dans la longitude et du sud Bellecour au nord de la place des Jacobins dans la latitude. Riton, un autre pigeon du même clan se déplace un peu plus le long de la Saône mais il va généralement vers le nord. Il semblerait alors judicieux de vous en référer à des oiseaux plus réputés pour leur goût du voyage, tels les cormorans qui ont élu domicile à Lyon ces derniers temps. Eh bien apparemment, eux non plus n’ont pas l’air de penser qu’ils ont fait tout ce chemin pour repartir de sitôt en sens inverse. Il vous reste donc George, une mouette anglaise installée à Lyon pour le compte de la Gull International et qui fait encore régulièrement des voyages au long cours. Cependant George lui-même ne va pas bien plus droit que les routes, il suit les rivières et les fleuves, un peu comme les routes donc. Au demeurant ses activités lui commandent de voyager entre Londres et Paris et entre Paris et Lyon, qu’est-ce qu’il irait foutre à Saint-Étienne ? Qu’est-ce qu’il vous reste alors ? Une hirondelle ? N’y pensez même pas, vous aurez la gerbe avant même d’avoir fait un kilomètre à prendre des G dans la gueule dès qu’une mouche ou un moustique passe dans les parages. Vouloir faire 100 kilomètres à vol d’hirondelle en mai c’est comme entreprendre de manger des huîtres dans un avion de chasse lancé à mach2 à la poursuite d’un autre, sauf qu’en plus vous aurez toutes les chances de vous retrouver tout proche de votre point de départ une fois faits les 100 kilomètres, pour un peu vous allez dégueuler dans votre salon. La solution la plus efficace semble donc de se rabattre sur une oie sauvage. Une oie sauvage est assez susceptible d’avoir l’idée d’aller en droite ligne durant 100 kilomètres ou plus. Certainement, oui. Sauf qu’à cette saison il est plus probable qu’elle aille vers le nord. Et puis quelle que soit la saison, qu’est-ce qu’elle irait foutre dans la région stéphanoise ? D’ailleurs y a-t-il un seul oiseau qui ait, depuis que ces villes existent, eu l’idée de partir de Lyon pour aller à Saint-Étienne ? On peut raisonnablement en douter ! Un corbeau peut-être ?

Non vraiment ! Le Coincoin du coin vous conseille d’oublier cette histoire de vol d’oiseau, de nettoyer les merdes de pigeons accumulées sur votre pare-brise, de redémarrer votre bagnole en veillant à réinitialiser le compteur intermédiaire, et de rouler dans la direction de Sainté, vous devriez pouvoir allègrement dépasser tous ses faubourgs même si vous partez du fin fond de Rillieux-la-Pape. Et pensez à bien appuyer à fond sur le champignon histoire de vite ramener la saturation de l’air et le fond sonore à leur niveau habituel avant que tous ces connards d’oiseaux même pas fichus de profiter du vol d’oiseau ne pullulent !

18 floréal 228

Le Coincoin publicitaire : le Medef rappelle le CSA à l’ordre !

La situation est un peu ubuesque chez les patrons. Le patronat semble s’inquiéter de la communication de certaines entreprises et demande au CSA de veiller à ne pas laisser passer des publicités qui laissent entendre que la vie durant le confinement est une vie humainement plus épanouissante que la vie ordinaire. Lors d’une visioconférence entre des décideurs du Medef et des membres du CSA, diverses publicités ont été montrées comme symbole de spots qu’on peut interpréter comme un hymne à la paresse. Mais l’interprétation est par nature subjective. La publicité qui a le plus fait parler d’elle et pour laquelle le ton est même monté à un point où les attaques personnelles n’étaient plus très loin, est une publicité O2. Publicité que le Coincoin du coin, canard avisé, est en mesure de comprendre. O2 se vante à la fin du spot d’être le numéro 1 du service à domicile. Le spot en lui-même est très court, on y voit un aspirateur avec en fond sonore des enfants qui jouent puis une voix off disant « O2 solidaire de ceux qui ont retrouvé la joie de faire le ménage et de garder leurs enfants. » Faut-il interpréter ce spot comme anticapitaliste comme le suggère le Medef ? Il est vrai qu’on peut y sous-entendre que le moment est un moment de joie que le monde du travail nous empêche d’ordinaire de vivre. Mais si on se place du côté des salariés de O2, ceux-ci pourraient l’entendre de la manière suivante : « Je garde MES enfants et je fais MON ménage au lieu de le faire chez les autres, ce qui devrait être la norme dans un monde qui tourne rond » Bref… pas très vendeur tout cela. En réalité aucune de ces deux interprétations n’est la bonne et O2 n’est pas anticapitaliste, O2 offre des services dont certains sont indéniablement indispensables à la société, notamment des services aux personnes dépendantes. Mais ce clip ne parle pas cette partie de son activité, il s’adresse justement à ceux qui pensent que la vie est bien plus épanouissante quand on a les moyens de faire garder ses enfants par d’autres à chaque fois qu’on le désir et surtout faire faire son ménage à d’autres. Certes les conditions actuelles obligent à faire des spots minimalistes mais celle-ci est très réussie dans l’objectif qu’elle se fixe. Ce n’est pas un aspirateur vendu pour son silence par d’autres capitalistes en pointe de la technologie des aspirateurs, c’est un aspirateur bruyant dont le bruit se surajoute à celui que font les enfants, ces insupportables enfants qui sèment leurs jouets partout dont on a hâte qu’ils retrouvent une nounou ou retournent à l’école. La personne qui passe l’aspirateur n’est pas visible mais on comprend qu’elle ne le fait pas en sifflotant et de gaieté de cœur, elle n’y met aucun enthousiasme, c’est si rébarbatif que l’aspirateur passe 6 fois exactement au même endroit.

Alors nous pensons que le Medef aurait dû applaudir des deux mains ce spot et nous pensons utile de le faire à sa place : Bravo O2 ! Et merci à ses 13500 salariés en France, qui font pour les autres ce que les autres ne peuvent pas faire pour eux-mêmes, assez souvent avec des horaires à la con, assez souvent pour le smic horaire, assez souvent loin de chez eux, assez souvent sans qu’on les applaudisse à 20h. Le non-sens du capitalisme que d’autres publicités ont peut-être mieux fait sentir, c’est que certains clients de O2, généralement mieux situés dans l’échelle sociale, ne passent pas l’aspirateur et font garder leurs gosses non pas parce qu’ils trouvent cela indigne mais parce que leur propre rythme de travail ne leur laisse pas le temps de le faire, métro, boulot, dodo. Quant aux clients de O2 qui ne sont pas débordés mais trouvent que l’aspirateur est très rébarbatif mais tout de même moins pénible que des gosses H24, il est grand temps d’apprendre à vous servir de préservatifs ou tout autre chose qui pourrait vous prémunir contre ce danger à l’heure des pandémies. Ne pas vous reproduire est mieux pour vous et pour l’humanité en général, faites d’une pierre deux coups !


18 floréal 228

Courrier d’électeur : un voyage via l’aéroport de Bogota.

Nous avons reçu ce matin un courriel de Madame X (elle a souhaité garder l’anonymat) qui dit avoir été très marquée par l’article de C. Jasseronde relatif aux métiers à la con. Pour autant son courriel ne traite pas vraiment de cela mais plutôt d’une certaine drogue : la cocaïne.

«
Cher Coincoin.
J’ai lu avec grand intérêt l’article de monsieur Jasseronde qui émet une critique des idées de monsieur Graeber sur ce qu’il appelle les bullshit jobs. Au contraire de votre rédacteur en chef je me suis empressée de commander la version numérique de cet ouvrage (pas chez Amazon, chez Decitre) et même s’il n’est pas totalement convaincant, je n’arrive pas à m’empêcher de penser que fondamentalement, ce processus pratiquement inconscient est à l’œuvre ; on a bien créé un monde dans lequel, même si vous en arriviez à avoir un bon salaire en travaillant 6h par jour, ce qui est peu, le fonctionnement de la société vous obligerait encore à tout organiser en fonction de ces 6 heures-là. Bien entendu la principale manière d’y être obligée vient de la distance qui ne semble pas devoir s’amenuiser entre le domicile et le lieu de travail même si nous disposons de réseaux et de matériels de transport de plus en plus sophistiqués. Personnellement je suis sur mon lieu de travail environ 10h par jour cinq jours par semaine, mais il faut rajouter à cela au minimum 10h de transport, et je suis loin d’être la plus mal lotie parmi mes collègues. J’ai un très bon poste, cadre de haut niveau, bien rémunéré et ma vie sociale est largement conditionnée par le travail, mes sorties entre ami-e-s sont souvent des sorties entre collègues. Pourtant j’ai de plus en plus de mal à accepter l’idée que mon travail participe totalement à la marche d’un monde qui à bien des égards est absurde. J’ai des enfants qui semblent vouloir attraper tous les maux généralement attachés à ce qu’on appelle les maladies civilisationnelles. Rien de dramatique pour le moment et je sais que les défenseurs de notre mode de vie contestent le fait que l’on soit en moins bonne santé qu’il y a 20 ou 30 ans ; rien à faire, quelque chose en moi me laisse penser que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je ne sais pas s’il est tout à fait juste de voir le covid-19 comme symptomatique de notre époque mais toujours est-il qu’il m’a amenée au télétravail et que cela a eu plusieurs implications directes.

En premier lieu j’ai réduit ma consommation de cocaïne, plus contrainte que par choix, mon « dealer » est un collègue. Je me suis mise à la cocaïne plus tardivement que bien des personnes autour de moi, bizarrement un jour où cela ne se justifiait pas du tout puisque c’était à l’occasion d’un séminaire où la charge de travail était réduite. J’ai pris de la cocaïne pour être bien en fête et j’ai malheureusement compris tout l’avantage que je pourrais en tirer dans mon travail. Depuis j’ai pris un peu de galon ce qui ne m’a guère poussée à ralentir ma consommation. Le télétravail n’est pas une chose si évidente malgré que le gros de mes journées se fasse d’ordinaire rivée derrière un écran, il ne m’a pas semblé au préalable judicieux d’arrêter totalement de prendre de la cocaïne. J’avais pris quelques précautions mais le confinement étant susceptible de durer longtemps, j’ai tout de même baissé un peu la cadence. Mon rythme de travail s’est de toute façon ralenti de lui-même, mon secteur d’activité tout entier semblant figé dans le temps. Je me suis mis à passer plus de temps avec mes enfants, ce qui fut un peu synonyme de gavage télévisuel en famille. Je n’ignorais pas que mes enfants passaient trop de temps devant les chaînes idiotes de la TNT mais tout ce que je considérais comme non regardable, pas au point de vue moral mais au point de vue de l’intérêt, est devenu curiosité. Dans ce monceau de stupidités je suis tombée un jour sur de la télé-réalité ressemblant à tous ces reportages où un cameraman suit des policiers, sauf que là ça se passait dans un aéroport, celui de Bogota. Je peux vous assurer que même si je suis absolument convaincue que mes enfants ignorent tout de ma consommation de cocaïne, j’étais dans mes petits souliers. J’ai vu plusieurs épisodes de cette série, mais un seul en compagnie de mes enfants, les autres je les ai regardés sur mon ordinateur, il fallait que je les regarde, tous ! C’est devenu ma nouvelle drogue, une drogue pour chasser l’autre. Comment mon cerveau a-t-il pu occulter cet aspect des choses, l’absolue nécessité que la cocaïne voyage entre son point de production et mon sac à main ? Pour moi, mon « dealer », mon collègue, c’est comme un employé à un stade intermédiaire d’une chaîne d’approvisionnement classique, pas le complice d’un réseau de grand banditisme. Et moi je ne suis pas non plus la complice de ce réseau ! Non ! Je suis juste une femme de bien, une femme performante insérée dans une société performante ! Je ne me drogue pas, je prends ce qu’il faut pour rester performante. Pourquoi les autorités qui demandent une société performante ont rendu illégal la cocaïne ?

A l’aéroport de Bogota passent des troupeaux de mules. J’ai voulu me concentrer sur celles qui réussissent leur coup, celles qu’on ne voit pas quand elles crient leur joie de l’argent facile. Ce ne sont pas de bonnes personnes, impossible, ce sont plus sûrement des personnes qui exploitent les autres avec de l’argent facile. J’ai tout fait pour m’en persuader, mais ça ne tient pas. Des pauvres pour la plupart, 8 à 12 ans de prison, 12 à 20 ans de prison, le plus gros risque dans le réseau mais la portion congrue de ses bénéfices, les menaces et la peur, sans doute la mort parfois. Je fais partie de ce réseau et je ne risque presque rien.

Comment je vais faire désormais ?

 

18 floréal 228


Brève de Coincoin

Notre pigiste P. Lebref nous a envoyé un message dans lequel il s’excusait de ne pas avoir livré son article du dimanche 10 mai. Comme beaucoup de nos pigistes il est entré peu à peu dans un état de léthargie avancée mais il ne pensait pas en être arrivé au point de dormir plus de 80h d’affilée. Ce matin, aux alentours de 13h, ouvrant sa fenêtre, P. Lebref s’est rendu compte qu’on était le 11 mai car la rue avait à peu près repris son rythme normal. Nous tenons à rassurer P. Lebref qui n’a pas dormi 80h d’affilée, les lyonnais de son quartier bourgeois, à l’instar les quartiers populaires de Marseille ayant décidé de se déconfiner avec 3 jours d’avance. Il ne pouvait pas le savoir car au contraire des quartiers populaires de Marseille, aucun média n’en a fait la publicité.

Par contre notre autre pigiste du coin, R. Mite, doit redescendre de son petit nuage. Quand on se réveille à 19h45 et qu’on ouvre ses volets à 20h, les applaudissements ne signifient pas qu’on est devenu l’attraction de la rue.

 

18 floréal 228

Courrier d’électeur : le retour des héros en blouses blanches

L’un de nos canardés, Mr J. Aplodi nous a envoyé le courriel suivant.
« 
Ce matin en m’autorisant une petite sortie jusqu’au local poubelle, j’ai trouvé un mot dactylographié scotché sur ma porte et qui comportait le message suivant : « Surtout n’applaudis pas nos héros en blouses blanches connard d’égoïste ! On espère tous que tu vas choper le Covid-19 et que tu vas en crever ! Vas au diable ! »

Je précise que je vis dans un quartier chic du 17ème arrondissement de Paris et qu’il n’y est pas coutume de tutoyer ses voisins. Je dois également admettre que je n’ai jamais applaudi aucun héros en blouse blanche. Après tout personne ne m’a jamais applaudi pour mon travail et si présentement je ne travaille pas, cette situation n’est pas de mon fait comme pour des millions de chômeurs à temps partiel et même à temps complet. Cependant j’ai un profond respect pour ceux qui font des choix de carrière qui sont plus guidés par la dévotion que par la rémunération attendue, notamment quand ces métiers sont reconnus difficiles. J’ai toujours pensé que la seule véritable aide que le reste de la société pouvait leur apporter, était de rendre ces conditions moins difficiles, et j’ai un avis assez tranché sur la façon d’y parvenir. Pour ce qui est d’une gratitude plus visible, le jour venu je saurai remercier personnellement ceux et celles par qui mes problèmes se résolvent, comme je remercie toujours ma dentiste et mon médecin. Il se trouve aussi que j’aime m’intéresser aux résultats de mon bureau de vote, je crois pouvoir affirmer que parmi ses inscrits, je fais partie des 4 ou 5 % capables d’envisager voter à gauche de LREM à chaque scrutin. Alors je voudrais répondre simplement à celui ou celle qui a mis ce mot sur ma porte, sait-on jamais, cette personne est peut être abonnée au CCC pour ses pages droites.

Madame ou monsieur, libre à vous d’avoir galopé tant d’années comme un buffle dans une direction pour vous rendre compte soudainement que ce que vous pensiez être une petite haie s’avère être un mur infranchissable à la seule force de vos jarrets. Libre à vous d’avoir fait volte-face et d’avoir décidé soudainement de vous changer en mouton dans l’idée de galoper en troupeau. Sachez simplement que ce virage à 180° vous amène tout droit vers un précipice à moutons ! »


19 floréal 228

Erratum.

Nous avons publié hier dans notre édition papier un court reportage sur les américains en lutte contre le confinement. Ce reportage n’était qu’une évocation des faits et ne faisait même pas mention des manipulations de Donald Trump concernant les États dirigés par des démocrates. Pourtant cela nous a valu de nombreux retours nous comparant à ses américains bardés de drapeaux et assez ouvertement portés sur les armes à feu. Nous ne polémiquerons pas plus à ce sujet mais par contre nous tenons à nous excuser pour la photographie qui accompagnait ce reportage. En effet de nombreux canardés ont remarqué que cette photographie, certes envahie de bannières étoilées, montrait essentiellement des personnes ayant dépassé la soixantaine et pesant en moyenne plus de cent kilos. Cette photo a évidemment amené nombre de nos canardés au bord de l’apoplexie, quelle inconscience !

Nous tenons à les rassurer, cette photo achetée à un journal concurrent que nous avons légendée « Des américains organisent des fêtes covid-19 à seule fin d’attraper le virus pour créer une immunité collective. » ne concernaient vraisemblablement pas ce type d’évènement, tout en nous faisant pigeonner nous avons apparemment fait preuve de négligence. Il est en effet peu probable que ce soit le public à risque qui s’expose en premier lieu à une contamination qui peut les foudroyer. Il n’est pas stupide à ce point n’est-ce pas ?

4 mai 2020

Le Coincoin du coin, sélection du 01/05/2020 au 15 floréal 228

1/05/2020
Communiqué du Coincoin du coin.

En ce premier mai nous ne serons pas en mesure de mettre en ligne autre chose que ce communiqué en raison d'un mouvement de grève amorcé par nos pigistes et nos salariés précaires qui entendent faire entendre leur voix devant la baisse substantielle de leurs revenus et les incertitudes concernant leur avenir. Notre situation économique ne nous permet pas de compenser ces pertes de revenus au-delà de ce que prévoit l'État car notre holding financière a subi des pertes conséquentes suite à la déprime boursière et il faut bien que nos actionnaires puissent vivre.

Nous tenons cependant à apporter notre soutien à tous nos collaborateurs en difficulté et nous rappelons à nos canardés que nos positions sur le confinement ont toujours été très claires notamment parce que nous avons anticipé mieux que la plupart des publications du groupe de presse auquel nous appartenons les conséquences de cet arrêt brutal de l'activité sur les populations les plus précaires.

Nos canardés voudront donc bien excuser cette courte pause dans nos publications et nous les encourageons à profiter de ce jour pluvieux un peu partout en France en s'imprégnant du silence inouï qui y règne. A Lyon les hirondelles ont tenté ce matin de se poser en briseuses de grève en choisissant précisément ce premier mai pour se mettre au boulot mais la météo leur a très justement cloué le bec.

13 floréal 228
Information le Coincoin du coin

Après quelques concessions et ayant réussi à négocier une petite prime pour ses salariés les plus précaires auprès de la Holding, ayant parallèlement monté ses pigistes les uns contre les autres, le Coincoin du coin est dores et déjà en mesure d’assurer un service minimum d’honnête qualité. Sa fibre sociale lui aura, une fois de plus, permis de désamorcer une grève, qui, dans d’autres rédactions, aurait pu mettre en péril la pérennité de la publication.


13 floréal 228
Conversations de fenêtres et balcons, nos pigistes ont entendu.

10h42
– Allô !
– Oui bonjour ! Livraison pour vous !
– Ah ! Vous pouvez mettre le colis au niveau des boites aux lettres.
– OK !

10h43
– Oui ?
– Vous m’avez pas ouvert là !
– Normalement ça s’ouvre tout seul maintenant.
– Ben apparemment non !
– Ah oui je vois. C’est sûrement à cause de votre masque et de vos lunettes ! Faudrait les enlever !
– Pour ?
– Pour que la caméra puisse vous valider !
– Comment ça ?
– Ils sont venus nous installer un nouveau système de sécurité hier.
– Un premier mai ! Qu’est-ce que c’est que cette connerie encore ?
– Oh dans ces boites-là, le premier mai, tout ça, c’est de la préhistoire. Place à la modernité !
– La modernité c’est d’empêcher les livreurs de livrer ?
– Non. Pas tant qu’on n’a pas le système de livraison par le toit en tout cas.
– …
– Vous voulez pas enlever votre masque ?
– Elle est où cette fichue caméra ?
– Ne vous inquiétez pas pour ça ! Moi je vous vois parfaitement. Vous avez un masque bleu, des lunettes noires et un polo orange.
– D’accord… Putain !… Bon voilà et alors ? Vous pouvez m’ouvrir maintenant !
– Ah mais moi je peux pas vous ouvrir comme ça ! C’est le système de surveillance qui doit vous valider.
– Me valider ?
– Si ça s’ouvre pas c’est que vous êtes sûrement fiché comme indésirable.
– Comment ça indésirable ?
– Ah ça y est ! Bonjour monsieur Alidolo !
– Vous connaissez mon nom ?
– Pas moi mais le système E.T.Digitit oui. Écoutez ça ! Je le branche sur le haut-parleur !
– Stéphane Alidolo, type caucasien, cheveux bruns, 28 ans, 1m84, 78 kilos, marié, 1 enfant. 38 PV historiques dont 3 pour consommation de stupéfiants. Vendeur-représentant-placier. Entrée interdite sauf rendez-vous dûment déclaré au syndic par le résident.
– Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Je suis pas VRP ! J’ai jamais été VRP !
– Bon ben, c’est une erreur. Une erreur de jeunesse du système. Il va sûrement s’améliorer.
– S’améliorer ? Mais qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Vous craignez une attaque de zombies ou quoi ?
– Par les temps qui courent vous savez…
– Ils courent plus là, il galopent ! Bon… Je vous laisse le colis dans la rue et démerdez-vous !
– Ah non ! Si vous faites ça et qu’il disparaît, je porte plainte contre vous moi ! Attendez-moi, je descends !
– Oui ben dépêchez-vous ! J’ai pas que vous sur ma liste moi !

10h49
– Surtout prenez votre temps !
– J’étais tout nu.
– Passez-moi les détails scabreux ! Et respectez les gestes barrières s’il vous plaît !
– Excusez-moi ! Ça fait bientôt sept semaines que je suis confiné, vous vous rendez-compte ?
– Ouais ouais ! Ah mon avis vous êtes confiné depuis bien plus longtemps que ça. Gardez-bien tout ce que vous avez en vous pour vous ! Vivement qu’on fasse sécession ! Allez au-revoir monsieur !

13 floréal 228
Brève de Coincoin.

Comme vous le savez vous n’êtes plus à présent autorisé à prendre les transports en commun sans masque. Mais il est aussi possible que pour acheter des masques vous soyez contraint-e de prendre les transports en commun, notamment si les endroits où vous pensez pouvoir acheter des masques sont, comme il est prévisible, dénués de masques. Pour solutionner ce problème nous vous conseillons de faire le trajet dans l’autre sens. Au lieu de commencer par le voyage aller qui vous mène vers le magasin, faites d’abord le voyage retour qui vous ramène du magasin. Ensuite, comme vous aurez des masques (si vous avez choisi le bon magasin), vous pourrez entreprendre le voyage aller pour vous y rendre. En plus un aller-retour ou un retour-aller c'est exactement la même distance donc vous ne perdrez pas de temps. Voyez, on se fait une montagne de tout mais quand on veut, on peut !

13 floréal 228
Brève de Coincoin

Madame M.A Line, une femme âgée a appris aux informations qu’une autre femme ayant exactement le même âge qu’elle, avait, il y a déjà quelques temps, été verbalisée pour avoir rempli une dérogation au crayon à papier ; la police ayant supputé qu’elle entendait gommer et changer l’heure comme bon lui semblait afin de passer plus de temps dehors. Madame Line qui, avant cette histoire n’avait aucunement l’intention de ne pas respecter les règles, fut proprement scandalisée par cette excès de zèle de la part des force de l’ordre à l’encontre d’une dame de son âge. C’est alors qu’elle a décidé de passer plusieurs heures dehors juste par défi. En lieu et place d’un crayon à papier elle a simplement décidé de remplir cinq dérogations au stylo en faisant en sorte que les heures déclarées se chevauchent d’une dizaine de minutes. Puis elle les a bien rangées par ordre chronologique dans son sac à main et est allée nourrir les pigeons aux abords d’un parc. Une patrouille de police passant par là l’a repérée une première fois en s’en désintéressant. Mais quand deux heures plus tard l’un des agents, sans doute le plus observateur, a de nouveau aperçu madame Line, il est allé lui réclamer sa dérogation. C’est alors qu’ayant un peu perdu la notion du temps et oublié de se débarrasser au fur et à mesure des dérogations arrivées à péremption, madame Line s’est trouvée très embarrassée en fouillant son sac et, prise de panique, a fini par sortir les cinq d’un coup et les lâcher sur le sol. Si la dame ayant écrit au crayon de papier s’est vue retirer son amende et a reçu les excuses de la préfecture, madame Line doit s’attendre à moins de mansuétude ; elle a d’ailleurs reçu plusieurs contredanses dont une relative à l’interdiction de nourrir les pigeons et une autre à l’interdiction de jeter du riz pas cuit sur la chaussée.

13 floréal 228
Le confinement, un activateur inouï de phéromones ?

La période de confinement a été annoncée comme une forme de mise à l’épreuve pour les familles et les couples et beaucoup avaient raison d’en redouter les conséquences. Certes il est bien trop tôt pour tirer un bilan des drames qui se seront joués ici et là. Cependant on peut d’ores et déjà supputer que dans de nombreux cas les liens du couple s’en sont trouvés totalement renforcés. Serrés dans leur nid douillet les humains deviennent-ils comme certains de ces oiseaux, que seul-e-s la balle d’un chasseur, les crocs ou les serres d’un prédateurs ou la mort naturelle parviennent à séparer. On est tout de même en droit de s’étonner de la force de ce lien nouveau. Les oiseaux semblent tout de même être aptes à se séparer le temps d’aller chercher de quoi se nourrir, du moins quand c’est absolument nécessaire de veiller sur la progéniture à l’état d’œuf ou d’oisillon ! L’humain confiné en couple non ! L’humain confiné en couple passe tout son temps intérieur en couple et quand il sort, il faut qu’il le fasse encore en couple ! Alors qu’on aurait pu penser à priori exactement le contraire, notamment parce si le gouvernement nous a confinés, s’il a demandé le respect des gestes barrières, si ces gestes barrières sont les plus difficiles à respecter dans les commerces de première nécessité, en tout cas bien plus que dans la rue ou au milieu d’une forêt désormais interdite à tous, il va de soi que moins il y a de monde dans ces commerces de première nécessité, moins le risque de propagation est grand.

Tout à l’heure je me rends dans un commerce de première nécessité. Le temps était maussade et j’ai pensé que cela pourrait être une heure de moindre influence. Cela sembla être le cas car quand je suis entré je n’ai vu aucun client. Mais là où d’habitude je trouve au moins trois employés, il n’y en avait qu’un. Je rempli mon panier sans plus de hâte que ça quand rentre un premier couple. Au moment où j’allais passer en caisse un second couple entre et le premier demande à l’employé de lui servir du fromage et autres choses à la découpe. Voilà ce héros sans blouse blanche occupé durant une bonne dizaine de minutes, le couple devant lui, absorbé dans la recette du soir, n’est pas conscient du remue-ménage dans son dos, ni qu’en ces temps de confinement il est bien de savoir ce qu’on veut par avance. Durant ces dix minutes où je suis tranquillement à côté de la caisse, je compte cinq autres couples qui rentrent, puis deux autres qui, voyant le début de l’embouteillage, décident de patienter sur le trottoir. Une seule femme de l’un des couples déjà entrés pense à son tour qu’elle peut attendre son compagnon dehors, le magasin n’étant pas très grand. Bref, au total 20 personnes : moi, l’employé, et 9 couples ! Statistiquement cela commence à être assez parlant !

J’ai ouï dire que certaines personnes avaient été réprimandées, voire verbalisées, pour être sorties avec leurs enfants, enfants dont on peut comprendre qu’il faille les emmener avec soi quand on est parent célibataire. OK ! Mais vous les couples dont chaque moitié semble le plus souvent avoir deux bras valides, vous ne pouvez pas prendre un sac à dos, deux cabas et aller seul faire les courses pour deux ? Sérieusement !

R. Haleur, pigiste pour le CCC.

13 floréal 228

Le Coincoin musical

Ce soir une sympathique reprise du « Rock Amadour » de Gérard Blanchard qui nous vient de monsieur O. Primet, brillant accordéoniste qui nous a dit avoir dû enregistrer cette chanson à la va-vite de peur que sa compagne ne revienne de sa promenade, elle qui déteste l’accordéon au contraire des voisins de monsieur Primet. Courage monsieur Primet !

Sorti faire un tour

Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
Chaque fois qu’elle s’en va moi je m’ fais l’ trip
De m’envoler sur mon balais magique
Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
Si ça m’ botte d’être en prison
J’ me dis qu’ j’ai peut-être la nouille coincée dans son caleçon

Eh oh eh ah
Elle planque ses délits
Sous sa lingerie Seafolly
Ses airs de douceur
Mais c’est un vrai dictateur

Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
J’ peux pas sortir sans sa main
Elle a planqué la laisse du chien et le sac à pain
Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
Elle me vendrait aux flics
Si pris par la lassitude j’enfilais un sweet

Eh oh eh ah
Elle planque ses délits
Sous sa lingerie Seafolly
Ses airs de douceur
Mais c’est un vrai dictateur

Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
Mon amour est sorti avec mes sous et mes clopes
Sorti faire un tour
J'attends son retour

J'attends son retour.

14 floréal 228

Le Coincoin du déconfinement

Le gouvernement vient de nous dévoiler une disposition de son plan d’action pour la reprise des cours dans les écoles primaires. Chaque enfant devra être en possession d’une règle de distanciation lui permettant à tout instant de s’assurer qu’il se tient à bonne distance de ses camarades. Ces règles mesurent 1m30 et ont une certaine flexibilité pour leur donner un côté multifonctionnel. Face à l’impossibilité de pratiquer de nombreux jeux dans la cour de récréation, les enfants de France vont pouvoir, dès le 11 mai, se lancer dans une pratique qui a valu à l’hexagone moult médailles olympiques : l’escrime. Plus précisément les enfants pourront pratiquer une forme de fleuret, certes un peu long. Ces règles, de conception américaine et de fabrication chinoise, seront éminemment ludiques puisqu’elles produiront de jolis sons et de jolies couleurs quand elles s’entrechoqueront à distance réglementaire. En cas de choc prouvant une distance non réglementaire les deux enfants recevront une décharge électrique non létale. En dehors de cette pratique de l’escrime, qui nous permettra de dénicher nos futurs talents pour Paris 2024 (ou 25 en cas de covid-23), chaque enfant devra toujours se promener avec sa règle et la tendre à l’horizontale à chaque fois qu’un autre enfant s’approchera. Les enfants rentreront ainsi un par un dans la classe et avec un agencement judicieux, la classe sera remplie de manière optimale et le cas échéant les enfants en trop resteront dans la cour. Le gouvernement assure que les règles sont déjà arrivées dans les entrepôts d’Amazon, distributeur exclusif pour la France, et qu’elles seront en vente dès demain matin pour la modique somme de 99,99 euros. Aucun enfant arrivant aux grilles de son école sans sa règle n’y sera admis.

14 floréal 228
Le Coincoin de l’écologie.

Selon en étude financée par l’ONU, les personnes en vie composant les deux milliards d’humains les plus pauvres de la planète ont, en moyenne, un bilan carbone annuel inférieur à celui des 1.000.000 d’humains décédés ayant le pire bilan carbone parmi les morts. Ces chiffres sont à prendre avec précaution car dans le coût en carbone des personnes décédées on a cru bon d’intégrer le coût originel des sépultures, qui en l’occurrence ont généralement abouti à des tombeaux démesurés. Cependant il faut noter que le coût originel ramené à l’année baisse théoriquement au fur et à mesure de l’éloignement de la date du décès, en dehors du fait que ces monuments ont aussi besoin d’un entretien régulier. En outre on ne trouve pas trace, parmi ce million de défunts qui nous pompent encore l’air, de pharaons égyptiens ou de très anciens morts qui ont construit leurs tombeaux à une époque où la notion de réchauffement climatique était une autre notion ou bien inexistante. L’étude n’a en effet porté que sur les morts survenus après la construction en occident des cimetières modernes, donc à partir du 19ème siècle. On peut supposer que si des tombeaux de la taille des pyramides étaient construits aujourd’hui, et même avec les techniques de l’époque, rien que l’alimentation nécessaire au maintien de la main d’œuvre constituerait un émetteur de carbone conséquent et que plusieurs milliers d’années ne suffiraient pas à ramener le ou les morts résidant sous ces gros tas de pierres au bilan carbone d’un humain pauvre vivant en 2020. En outre un calcul plus pointu ne devrait-il pas prendre en compte ce que laisse un défunt en héritage à ses ayant-droits ? Nous sommes en droit de nous le demander !

Notons que parmi les morts français ayant un mauvais bilan carbone on compte sans surprise les résidents du Panthéon, qui le sont généralement malgré eux, ainsi que le soldat inconnu. Parmi les morts internationaux au bilan carbone qui va leur permettre de rester longtemps assez haut dans le classement, on trouve un couple d’américains dont une partie des cendres a été catapultée dans l’espace. Beaucoup moins romantiques mais plus ponctuels sont les coûts induits par les longs séjours en morgue ou les exhumations de personnes victimes de meurtres. Dans le même ordre d’idée, mais qui pose là bien plus de questions sur notre société, on trouve bien sûr de plus en plus de personnes qui sont conservées actuellement dans des chambres froides par des entreprises grassement payées par des défunts remplis de produits chimiques et qui ont pour mission de garder leurs tissus intacts en attendant qu’une société future n’ayant pas assez de dégénérés à sa disposition daigne les remettre sur pattes. Au rythme actuel le bilan carbone des humains congelés à d’autres fins que celle d’être mangés par des cannibales 2.0 possédant des micro-ondes, pourrait bientôt dépasser celui du Mozambique.

15 floréal 228

Zéro et Nullos : Entretien avec un empire

Notre pigiste parisienne É. Riquéric vient de faire preuve d’une initiative remarquable qui, si elle est en mesure de réitérer une telle opération une dizaine de fois, pourrait lui permettre d’accéder au statut tant envié de journaliste au Coincoin du coin. Émilie a réussi à convier en visioconférence les célèbres Ricos Zéro et Ricos Nullos après l’horrible agression que le premier des deux a subie la semaine passée.

ER – Mr Zéro, comment vous sentez-vous après cette épreuve ?
RZ – De quelle épreuve parlez-vous ?
ER – De l’agression dont vous avez été victime.
RZ – Ah ça ! J’y suis plutôt habitué, dès qu’un chien se promène sans laisse dans mon quartier, il s’en prend à moi. Que voulez-vous ?
ER – Pensez-vous qu’on devrait obliger les chiens à porter des muselières ?
RZ – On devrait surtout laisser les chiens retrouver leur ordre naturel. Ces bêtes-là sont faites pour vivre dans les bois. Depuis le temps que je le dis.
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
ER – Monsieur Nullos, vous avez apporté tout votre soutien à votre ami Zéro. Mais vous-même vous avez admis que les attaques personnelles faisaient partie de votre quotidien. Vos idées divergent pourtant largement de celles de votre ami. Est-ce simplement parce vous prenez systématiquement sa défense ?
RN – Je ne prends pas sa défense par amitié mais je la prends comme je prendrais la défense de n’importe quelle personne à qui on refuse un quelconque droit d’expression. Et je suis absolument convaincu que Ricos fera de même si demain l’extrême-droite tente de m’intimider par des menaces.
ER – Monsieur Zéro ?
RZ – Cela n’arrivera pas car si je subis des attaques plus animales que mon ami Ricos, c’est que ce que je me situe en opposition à la bête islamo-gauchiste. Ricos, lui, a tendance à lui trouver des excuses.
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
ER – Monsieur Zéro. Niez-vous dès lors que l’extrême-droite puisse avoir elle aussi des réactions animales vis-à-vis de ses opposants ?
RZ– Quand cela arrive ce n’est qu’une réaction normale à la brutalité adverse. Parfois il convient de combattre le mal par le mal. Je ne nie pas que le nazisme ait pu commettre des atrocités, ce à quoi la droite française a tenté de mettre un frein ; cependant si la peste rouge n’avait pas montré aux nazis tout ce que l’extrême-gauche était en mesure d’imaginer en terme de barbarie, jamais un esprit germanique droitier n’aurait pu concevoir l’idée même de camp concentrationnaire. Au demeurant il est de notoriété publique que les camps nazis étaient incroyablement plus civilisés que le goulag.
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
ER – Monsieur Zéro. Ne pensez-vous pas faire preuve d’abus de position dominante pas votre exposition médiatique ? Pour reprendre votre semblant de métaphore, si vous estimez que vos adversaires ne sont pas arrivés au stade du développement d’un dialogue constructif, ne comprenez-vous pas que vos positions puissent apparaître comme une demande de soumission par la violence verbale. Chacun sait que l’on peut dresser un chien afin qu’il devienne doux et aimant tout comme on peut dresser un chien, ou plutôt le martyriser, afin d’en faire une bête qui ne sait que mordre. N’avez-vous pas vous-même élevé la bête qui vous mord ?
RZ – Absolument pas ! Cette bête-là ce sont les islamo-gauchistes qui la dressent contre l’ordre et l’esprit européen ! L’exposition médiatique des idées que je défends ne représente absolument rien au regard de celle des islamo-gauchistes ! Chacun sait que le système médiatique est très majoritairement à leur botte !
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
ER – Monsieur Nullos. Vous ne cessez de défendre le droit d’expression mais en même temps vous répétez souvent que votre ami Zéro ne devrait pas être en droit de dire ce qu’il dit.
RN – Façon de parler. Ce que je veux dire c’est que je ne suis pas d’accord avec son point de vue. D’ailleurs lui et moi ne sommes pas souvent d’accord.
ER – N’est-ce pas un peu étonnant pour deux amis ? Qu’avez-vous en commun au juste ?
RN – Notre souci de préserver coûte que coûte le droit d’expression ainsi qu’un certain goût de la culture, un certain art de vivre… sans doute aidés en cela par des cachets en commun.
ER – Monsieur Zéro. Beaucoup de gens s’étonnent de trouver en vous un fond d’islamophobie prononcé.
RZ – Je ne suis absolument pas islamophobe. J’ai même plusieurs amis saoudiens et qataris.
ER – Oui mais justement. Vous donnez l’impression d’être un homme attaché à certaines valeurs que les féministes jugent rétrogrades…
RZ – Vous voulez dire les chiennes de garde ?
ER – Ce que je veux dire c’est que par ailleurs vous semblez aussi attaché à la liberté d’entreprendre, au libre-marché. Or certains historiens pensent que durant ses siècles de grandeur, la civilisation islamique fut l’essence même du marché, pas de la pseudo libre-concurrence des ultra-libéraux que vous pourfendez par ailleurs, mais du vrai marché régulé simplement par la confiance mutuelle. En somme une société plutôt patriarcale organisée autour du bazar et de la mosquée ne paraît pas être une société dans laquelle vous auriez été malheureux.
RZ – Je ne vois pas le rapport ! Vous oubliez que les hordes barbares qui déferlent sur l’Europe n’ont pas grand-chose à voir avec cela ! Rien d’étonnant quand on sait à quel point la décolonisation a été téléguidée par les soviétiques !
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
RZ – Ben je le dis quand même !
ER – Monsieur Zéro. On dit que le président en personne vous aurait appelé pour vous soutenir.
RZ – C’est exact !
ER – Et vous en avez pensé quoi ?
RZ – J’ai préféré l’appel de Jeanne-Marine Le Pen. Et que monsieur Macron n’espère pas gagner mon approbation à sa politique immigrationniste en échange !
RN – Je ne peux pas te laisser dire ça Ricos !
ER – Monsieur Zéro. Que souhaiteriez-vous dire à votre agresseur ?
RZ – Rien ! Que voulez-vous que je dise à ce… cette…
RN – Racaille Ricos ! Il faut appeler un chat un chat !
RZ – Oui c’est vrai. Cette racaille !
RN – Cette racaille qu’il faut éliminer !
RZ – Oui Ricos ! Que fait la police ! Hein ? On se le demande !
RN – Y en a marre de la racaille !

La suite de l’interview est d’un intérêt très relatif mais nous remercions Zéro et Nullos d’avoir accordé un peu de leur précieux temps à notre journal.

15 floréal 228
Le Coincoin télévisuel.

Erratum.
Dans notre édition papier de ce matin nous vous annoncions la diffusion ce soir sur France-2 d'un secret d'histoire consacré à Guillaume Caillet, dit "Jacques Bonhomme", documentaire qui nous semblait digne d'intérêt. Constatant que France-2 a préféré diffuser un secret d'histoire consacré à Thérèse de Lisieux nous avons contacté la chaîne qui nous a répondu que jamais aucun sujet sur Guillaume Caillet (ou Carle) n'avait été envisagé... On se disait aussi, les chiens ne font pas des chats.

15 floréal 228
Défense de chasser les canards. Non le Coincoin du coin n’est pas anti-chinois

De nombreux canardés d’origine chinoise se sont récemment manifestés pour nous faire part de leur sentiment d’une ligne éditoriale de plus en plus anti-chinoise et pro-occidentale. La rédaction tient à apporter un certain démenti à cette assertion. Certes nous considérons que la Chine actuelle peut avoir pour de nombreux observateurs le mérite d’aller économiquement de l’avant. Mais cette marche quelque peu forcée pour de nombreux citoyens, au lieu de tendre vers un idéal de liberté, ne fait que renforcer le caractère totalitaire acquis au siècle dernier par le parti communiste. Or les innovations technologiques de ces dernières années laissent entrevoir aux derniers vrais libéraux l’émergence de sociétés totalitaires qu’aucune contre-tendance ne sera en mesure de combattre. En ce sens la Chine actuelle incarne à elle seule bien des cauchemars pour les vrais libéraux. Mais il n’y a là aucun jugement de valeur qui puisse se raccrocher à un passé plus lointain. Bien au contraire, non seulement nous considérons que la Chine fait sans conteste partie des plus grandes civilisations mais que son histoire devrait être largement revisitée par les historiens, les sociologues et les économistes car elle recèle de nombreux enseignements sur les formes de société qu’il serait possible de construire pour en finir définitivement avec l’opposition binaire entre capitalisme et communisme. Nous croyons comme d’autres que la Chine a eu, à travers l’histoire, l’occasion de ravager des villes et des villages côtiers de l’océan indien comme ont pu le faire de nombreuses peuplades européennes en Atlantique ou Méditerranée tels les Vikings et plus tard les portugais, espagnols et tant d’autres après eux qui ont considéré que le monde leur appartenait. En d’autres termes la Chine a prouvé au monde que l’inexorable soif de conquête par le sang n’était pas inhérente à la nature humaine. En outre le peuple chinois, dont certains croient pouvoir moquer une forme d’obéissance aveugle, est plus prisonnier de conditions historiques qui dépasseraient n’importe quel peuple qu’en proie à une faible nature, c’est même tout le contraire car question rébellion la paysannerie chinoise peut donner la leçon à n’importe quelle autre sur la planète. Lorsque nous avons émis l’idée que les USA avaient plus de chance de devenir une société totalitaire que la Chine de devenir démocratique, il ne s’agissait pas non plus de positionner historiquement les USA au-dessus de la Chine. Pour nous l’ordre normal des choses serait que les pays les plus peuplés soient aussi les plus riches de par leur poids démographique, mais pas qu’ils imposent pour autant un régime impérialiste. Et il nous semble qu’historiquement il y a plus d’espoir à avoir en la Chine pour l’orientation du monde vers plus d’égalité qu’en n’importe quel peuple occidental au sens large du terme. Nous ne saurons jamais si le plus grand drame de la planète n’est pas d’avoir vu la Chine évincée par l’occident ou le Japon lors de l’émergence des empires capitalistes, en tout cas on voit difficilement ce qu’il aurait pu en sortir de pire si elle avait pu garder un rang d’interlocutrice incontournable. A vrai dire nous sommes si peu anti-chinois que l’un de nos derniers espoirs est de voir les chinois redevenir ce peuple capable des plus grands renversements de situation en terme de politique intérieure. Vite !

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2 mai 2020

Le Coincoin du coin, sélection du 26 au 30 avril 2020

26/04/2020

Le Coincoin musical

Nous recevons actuellement beaucoup de vidéos de nos canardés qui s’essayent aux reprises de chansons. Pour tout dire cela égaye les journées de pas mal de nos pigistes qui tentent de faire circuler les plus réussies ou drôles. Nous vous avertissons cependant que nous n’entendons pas remplacer la plateforme Youtube, donc allez-y mollo tout de même !

Hier, à l’unanimité c’est une reprise de Claude François qui a été reconnue la plus réussie. Elle nous vient de monsieur G. Ameur et sa vidéo filmée à l’aide d’une Gopro et d’une perche est tout bonnement hilarante. Malheureusement nous ne pouvons pas la diffuser sur notre site. Là encore nous conseillons à monsieur Ameur d’essayer Youtube ou à défaut un site porno-chic qui aurait eu l’idée d’avoir une section porno-pas-chic. Et de notre côté nous nous contentons de la version audio qui est moins drôle mais tout de même beaucoup plus légère.

Comme d’habitude

Je me lève, d’un pas ridicule
Pas un pas de chat
Comme d’habitude
Deux fois, je m’ébroue le gras
Il ne fait pas froid
Comme d’habitude
Ma main, s’agrippe à mes nœuds
Je me gratte six fois
Comme d’habitude
Mes doigts, sont poisseux et gros
Comme d’habitude

Et puis, je me touche la bite
Elle dort ou elle bande
Comme d’habitude
Ma gueule, demande un café
Les cheveux en pétard
Comme d’habitude
Confit, je vais au salon
Aucun bruit dehors
Comme d’habitude
Des doigts, j’attrape mon bol
Comme d’habitude

Comme d’habitude, toute la journée
Je vais jouer, à Résident
Comme d’habitude, je vais mourir
Comme d’habitude, je vais dépérir
Comme d’habitude, je pourrai revivre
Comme d’habitude

Et puis, le jeu m’ennuiera
Je, l’insulterai
Comme d’habitude
Là, quelques vieux sushis
Feront mon entrée
Comme d’habitude
Tout seul, je me contenterai
De ces produits froids
Comme d’habitude
D’une carne, que je mâcherai
Comme d’habitude

Comme d’habitude, toute la nuit
Je vais jouer, des jeux d’argent
Comme d’habitude, ça rentrera
Comme d’habitude, je me griserai
Comme d’habitude, tout me sourira
Oui comme d’habitude

Comme d’habitude, tout se désagrégera
Comme d’habitude, quelqu’un me suivra
Comme d’habitude, une Quinte sortira
Comme d’habitude
Comme d’habitude, je ferai chou blanc
Comme d’habitude, je serai à court
Comme d’habitude, je ferai chou blanc
Comme d’habitude

27/04/2020

Le Coincoin des festivités.

Grand bal masqué de la Saint Jean !

Les pages droites du Coincoin du coin sont en mesure de vous annoncer que le Rotary International, l’Automobile Club de France et le Polo de Paris, organiseront le 21 juin 2020 un grand bal masqué populaire au château de Versailles !

Ce projet en gestation depuis plusieurs semaines attendait le feu vert gouvernemental, lui-même conditionné par les avancées techniques de la Start-up française « Tech-Medifibres » spécialisée dans la conception de masques FFP2.2.0. Tech-Medifibres prétend être en mesure de fournir, d’ici la mi-juin, plus de 3000 masques lavables anti-covid de très très haute efficacité pour la bagatelle de 12000 euros pièce. Les heureux détenteurs de ces masques recevront une dérogation gouvernementale qui les affranchira de nombreuses contraintes concernant la distanciation sociale et leur permettra de participer aux grand bal masqué de la Saint Jean au château de Versailles. Bien sûr le masque ne suffira pas à faire un déguisement de caractère. Afin de relancer l’économie les invités au bal seront amenés à commander une tenue chez Alexandre Vauthier, Adeline André, Alexis Mabille, Bouchra Jarrar, Chanel, Christian Dior, Frank Sorbier, Giambattista Valli, Givenchy, Jean Paul Gaultier, Gustavolins, la Maison Martin Margiela, Julien Fournié, Maurizio Galante ou Stéphane Rolland. Les couturiers susnommés s’engagent à rendre unique chacune des tenues qui seront fabriquées pour l’occasion. Chaque tenue sera en outre livrée chez le participant par un coursier encadré de deux motards et le jour J une escorte accompagnera également la limousine qui le mènera au château, sauf s’il préfère s’y rendre en hélicoptère. Le petit personnel assurant le service du champagne et des petits fours sera quant à lui équipé de masques chirurgicaux classiques mais Tech-Medifibres garantit que ses propres masques mettront les invités à l’abri de toute contamination. Toutes les mesures pour éviter une transmission du covid-19 semblent donc réunies. Ce bal devrait accueillir toutes les grandes fortunes de France, qu’elles soient d’héritage, financières, sportives ou du show-business car il faudra s’acquitter, en sus du prix du masque et du déguisement, d’une participation de 50000 euros pour couvrir le coût de l’événement et participer au fonds de soutien pour la médecine libérale durement touchée par la crise du covid-19. Monsieur Macron et sa charmante épouse seraient, d’après nos informations, les invités d’honneur et il se murmure que Carlos Ghosn en personne pourrait faire le voyage du Liban. La soirée sera animée par le plus grand artiste du monde, David Guetta, et sera retransmise en direct sur toutes les chaînes de la TNT pour que chaque français puisse en profiter un peu.

Ainsi ce grand bal populaire devrait marquer la première grande réjouissance de l’après covid-19 et servir de point d’ancrage au renouveau de la nation française, un renouveau en forme de retour au 19ème siècle, un siècle incontestablement pacifique et dynamique.

28/04/2020

Le Coincoin des assistés

Les mésaventures de monsieur Brandon Smith

Nous ne le répéterons jamais assez, le confinement peut prendre des tournures dramatiques pour certaines personnes en situation précaire. Ainsi les services de santé de la ville de New-York ont cru tout à fait normal de laisser une personne en situation de handicap seule avec un bébé en bas âge. La maman ayant contracté le covid-19 sous une forme qui a nécessité une hospitalisation, monsieur Smith a dû se débrouiller seul malgré ses incapacités manifestes.

Une personne valide peut estimer qu’il est assez aisé de changer une couche d’un bébé mais quand on est en situation de handicap, les choses vont autrement. Le fait est que monsieur Smith n’a tout simplement pas pu accéder aux couches et que, dans l’attente de pouvoir en obtenir par un achat sur internet, il a d’abord laissé longuement bébé baigner dans ses excréments avant de considérer qu’il lui fallait prendre le problème à bras le corps. C’est alors que tout s’est compliqué. Où poser bébé ? Sur une table adaptée ? Sur le canapé ? C’est la solution que Brandon a choisie mais il a sans doute sous-estimé l’étendue des dégâts et dans sa précipitation il a omis de mettre une protection sur le tissu du canapé. L’odeur repoussante et la vision d’horreur, un canapé tout neuf souillé, donna à Brandon une soudaine envie de vomir, ce qu’il fit. Bébé, qui pleurait à chaudes larmes depuis de longues minutes, ne sembla pas accepter cette bouillie chaude comme un repas de bon aloi. Horrifié, Brandon recula de quelques mètres et se figea sur place ! Le bébé en profita pour basculer sur le côté et roula jusqu’à tomber sur le sol, sol fort heureusement recouvert d’un fin tapi qui suffit à étouffer le bruit que fait une tête se cognant sur du carrelage. Après trois secondes de silence pétrifiant, les cris reprirent de plus belle. Ouf ! Plus le choix pour Brandon ! Il comprit que la prochaine étape passait par la salle de bain. Tentant de transporter le bébé sans se souiller lui-même, il parvint jusqu’à la baignoire mais il ne put accéder à la baignoire en plastique du bébé. Qu’à cela ne tienne, au moins connaissait-il le fonctionnement de la vraie baignoire. Une baignoire ayant l’avantage d’avoir un robinet sur lequel est graduée une échelle de température. Cependant il eut un doute sur la température de l’eau pour laver bébé. Il lui parut évident qu’une température de 99°F était la plus cohérente mais, pour une fois qu’il faisait une chose bien, il n’en fut pas pleinement conscient du fait que le bébé n’arrêta pas de crier pour autant. Dans le doute Brandon préféra rajouter un peu d’eau froide plutôt que de prendre le risque d’ébouillanter le bébé. Comme cela eut pour effet de redoubler les pleurs, Brandon revint à son idée initiale. Cependant, ne pouvant pas accéder au nécessaire de lavage du bébé, il utilisa ce qui lui tomba sous la main pour le savonner, son propre gel douche qui lui donne une odeur masculine qui plaît tant à sa femme (note de la rédaction : vous les femmes, vous avez vraiment des goûts de chiotte!) Il trouva fort délicat de décrotter un merdeux juste par l’usage d’un gel douche, comme si la peau du bébé était plus glissante que le gel douche lui-même. Bravant le dégoût que tout ceci lui inspirait, il parvint tant bien que mal à ses fins et dû sécher le bébé avec la seule serviette à laquelle il put accéder et faisant normalement office d’essuie-mains. Ne pouvant accéder au linge du bébé il décida de l’emmener dans son petit lit pour le couvrir à minima. Un réflexe paternelle lui fit penser à relever la climatisation de trois degrés pour que bébé ne prenne pas froid. La bosse sur la tête de bébé l’inquiéta un peu mais ne voulant pas passer pour un père brutalisant son enfant, il préféra ne pas demander conseil. Comme bébé pleurait encore Brandon pensa qu’il fallait lui préparer un biberon ! A sa grande surprise il put accéder au placard contenant la nourriture de bébé mais tandis qu’il tentait de lire les notices, soudainement bébé cessa de pleurer. Brandon retourna dans la chambre de bébé pour voir de quoi il retournait, bébé s’était simplement endormi. Brandon pensa mettre ce répit à profit pour se laver lui-même et pour tenter de se débarrasser un minimum de cette affreuse odeur émanant du canapé et de la couche trônant dessus. En fouillant bien il trouva enfin les sacs poubelles, des éponges, un seau. Ayant épongé le gros de la matière, non sans avoir de nouveau vomi durant ce pénible exercice, il ne sut pas vraiment comment faire pour se débarrasser de l’odeur résiduelle sinon en utilisant un produit ménager annonçant la couleur. Sans doute un peu fatigué par tant d’exercice, il arrosa sans précaution le canapé d’un produit qui transforma immédiatement la teinte du tissu. Là il pensa que sa femme risquait de faire la gueule si elle se tirait de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouvait. L’odeur du produit ne lui plaisait pas trop non plus. Il décida de balancer 10 litres d’eau chaude sur le canapé qui but cela sans sourciller mais, l’odeur restant prégnante, il prit le parti d’arroser copieusement la zone sinistrée de son propre parfum qui plaît tant à sa femme (note de la rédaction : vous les femmes, vous avez vraiment des goûts de chiotte!). Enfin il sentit qu’il avait gagné une bataille et s’en alla dans sa salle de bain pour prendre un bain. Au sortir, comme bébé semblait dormir encore profondément et que lui-même avait grand faim, il se sentit partant pour un nouveau défi : se faire lui-même à manger ! Il avait une soudaine envie de riz ! Il trouva du riz dans un bocal en verre estampillé « Riz ». Il alla sur internet regarder le temps de cuisson du riz et trouva cela un peu long mais décida de prendre son mal en patience. Il y avait du beurre et du gruyère dans le frigo, ce serait sans chichi, à la bonne franquette comme disent les grenouilles. Durant le temps de la cuisson il alla s’allonger sur le canapé (un autre canapé) mais de là où il était, il sentait encore cette désagréable odeur de merde qui s’immisçait encore dans les effluves de parfum pour homme. Il s’approcha et constata que cela venait du sac poubelle contenant la couche et qu’il avait laissé là sur le carrelage sans savoir qu’en faire. Mais qu’en faire justement ? L’emmener au local poubelles ? Mais en tant qu’handicapé, jamais personne ne lui avait demandé de faire cela, il ne savait tout simplement pas où se trouvait ce local. Il lui fallait trouver une solution. Comme Brandon est du genre ingénieux, il eut l’idée de jeter le sac par la fenêtre et c’est ce qu’il fit. Il regarda le sac s’écraser quinze étages plus bas dans un écrin de verdure, ni vu ni connu ! Un peu après, une fois que Brandon eut regardé le président des USA déclencher des rires, des pleurs ou des accès de fureurs selon le tempérament de ses administrés, Brandon restant, lui, totalement stoïque, une sonnerie sur son portable lui indiqua que le riz était prêt. Il versa le contenu de la casserole dans une passoire, sortit une assiette, des couverts et un verre à vin, déboucha une excellente bouteille, mis le riz dans l’assiette, rajouta de cet excellent fromage français, du beurre, puis se dit qu’il manquait quelque chose : du ketchup ! Il y alla franco sur le ketchup et, très satisfait, plongea sa fourchette dans le tas de riz !… Pas cuit ! Le riz n’était pas cuit ! Normal, c’était du riz complet, encore une lubie de sa femme ! Furieux il prit son assiette et la jeta par la fenêtre. Il la regarda s’écraser 15 étages plus bas, ni vu ni connu ! Il avait faim là ! Il sortit du congélateur un paquet de frites qui avaient la prétention de pouvoir être simplement réchauffées à la poêle, une bénédiction ! Il jeta 500 grammes de frites dans une poêle à feu vif. A cet instant, comme s’il avait tourné le bouton ON dans son cerveau, bébé se mit à beugler. Brandon se porta à son chevet, marcha par hasard sur une tétine miraculeusement égarée qu’il lui fourra dans la bouche, rien à faire, bébé voulait vraiment pleurer, comme s’il avait aperçu en rêve la vierge Marie toute habillée. Brandon tenta son possible pour l’amuser avec l’espèce de manège suspendu au-dessus de son lit. Cela fut assez peu efficace mais comme l’alarme incendie se déclencha assez rapidement, Brandon laissa le bébé sur place pour se rendre illico au chevet de ses frites. Par sécurité il s’empara de la poêle et la jeta par la fenêtre. Il la regarda s’écraser 15 étages plus bas, ni vu ni connu !

Le calvaire de Brandon dura encore un peu. Il dut par exemple éponger les quatre litres d’huile qu’il avait fait tomber par terre après que lui fut venue l’idée de manger de vraies frites. Huile froide, par chance, mais ceci ne facilitant en rien le nettoyage, Brandon en était à son septième rouleau de PQ jeté dans la flaque puis expulsé par la fenêtre ni vu ni connu, quand deux gardiens de Central Park sonnèrent à sa porte pour lui signifier qu’ils l’avaient vu et qu’il était désormais reconnu.

Lors de son petit interrogatoire, Brandon Smith s’est laissé aller à toutes ces confidences. Bien sûr il est tout à fait conscient que si tous les habitants des immeubles bordant le parc balancent leurs déchets par la fenêtre, le quartier risque de perdre rapidement de son standing. Mais lui a plus d’excuses que les autres car son handicap est plus grand. Il n’est pas uniquement multi-millionnaire mais aussi fils, petit-fils et arrière-petit-fils de millionnaire. Oh bien sûr ce n’est pas ce qu’on croit ! Lui-même est un self made man puisque son père était un industriel et lui a choisi de devenir chirurgien ! Il ne doit donc rien à personne mais son handicap est supérieur à ceux qui ne doivent rien à personne mais ont été élevés dans des milieux plus populaires. Ceux-là ont pu apprendre dans leur jeunesse à repérer l’endroit le plus probable pour situer le vide-ordure dans un immeuble de grande hauteur. Ceux-là ont pu apprendre à cuire du riz parce qu’ils n’avaient pas de personnel de maison dans leur jeunesse. Ceux-là on pu apprendre tout un tas de choses qui peuvent faire retour dans une période où l’assistanat recule parce que le personnel de maison est confiné loin des gens qu’ils assistent au quotidien ! Ceux-là peuvent s’en sortir seuls mais lui… Non ! Le handicap est trop important ! Et il est encore plus important quand on a un bébé en bas âge qui est privé de sa nourrice et que vous avez une épouse malade au point de mettre sous clé tout objet appartenant à bébé par crainte qu’il ne s’étouffe avec !

Monsieur Brandon Smith a été mis à l’amende de plusieurs centaines de dollars mais il a si bien plaidé sa cause que les services sociaux ont accepté que la nourrice passe le reste du confinement au domicile des Smith. Tout est bien qui finit bien !


28/04/2020

Le Coincoin du coin va-t-il retourner sa veste ?

Comme vous le savez le Coincoin du coin est l’un des grands médias ayant le plus milité en faveur du confinement ciblé et contre le confinement généralisé. Alors qu’une forme de confinement ciblé se profile enfin la rédaction ne sait plus sur quel pied danser. D’abord le confinement résiduel tel qu’il a été présenté par le gouvernement nous semble très flou et donc potentiellement dangereux pour les personnes à risque. Secondement nous ne sommes plus en mesure d’analyser les informations de plus en plus contradictoires des scientifiques partagés en plusieurs camps, notamment ceux qui croient de plus en plus à la saisonnalité du covid-19 et ceux qui s’attendent à une deuxième vague meurtrière. Mais ce qui nous inquiète réellement concerne ces différentes informations relatives aux symptômes bizarres que contractent certains enfants. Est-ce juste anecdotique et sans complications futures ou faut-il y voir le signe que cette maladie a décidément de trop nombreux moyens d’expression pour ne pas devenir totalement flippante ?

Dans ces conditions le Coincoin du coin milite d’ores et déjà pour que l’équipe qui mettra au point un vaccin ou un remède apte à annihiler cette maladie, se voie statufiée en lieu et place de Louis XIV au milieu de la place Bellecour.

28/04/2020
Le Coincoin de la science

Les dernières analyses statistiques laissent entendre que les individus du groupe O seraient moins susceptibles de contracter une forme grave du covid-19. Cela semble être un indice important renforçant l’idée d’une maladie fabriquée par l’homme. En effet chacun sait que les individus du groupe O sont les individus les plus primitifs du genre humain. En tant que primitifs ils sont plus naturellement sensibles aux maladies issues de la nature et plus résistants à celles qui sont nées de manipulations humaines.

29/04/2020

Brève de Coincoin : l’œil du tigre !

Nous avons appris hier le fait divers étonnant suivant :
A Lyon madame D. Efflouze, une femme fortunée actuellement confinée seule dans son Triplex, a eu la désagréable surprise de se faire cambrioler lundi dernier. Un voleur aurait profité d’une absence de 15 minutes pour lui dérober de nombreux objets de valeur, notamment tous ses bijoux et montres, deux iPhones, une tablette, un Mac, des caméras, plusieurs milliers d’euros en liquide et des sous-vêtements. Les policiers venus sur place ont tout d’abord pris la femme pour une affabulatrice puisque celle-ci a affirmé avoir quitté l’immeuble précisément 13 minutes comme en a témoigné son Apple Watch. Madame Efflouze a l’habitude de sortir tous les jours à 18h pour aller faire un peu de course à pied dans son quartier. Ce qui a intrigué les policiers c’est que l’appartement ne leur a pas du tout semblé avoir été fouillé, tout était parfaitement en ordre, hormis les objets que madame Efflouze prétendait manquants. Or ces objets n’étaient pas disposés tous au même endroit et il semblait difficilement possible pour un voleur ne connaissant pas les lieux d’avoir opéré en un temps si court sans même avoir donné l’impression d’être passé par là. Madame Efflouze tentait-elle de faire une arnaque à l’assurance ? C’était assez peu probable et, fins limiers, les policiers ont su, après investigation, tirer le fin mot de cette histoire à défaut d’avoir retrouvé le voleur.

Il se trouve que Madame Efflouze a reçu en cadeau de Noël, de la part de son mari sans cesse occupé aux quatre coins du globe, un système de web cam traceuses « Follow Me Yes ». Ces caméras ont l’avantage de pouvoir bouger dans tous les sens pour suivre les personnes qui souhaitent faire des visioconférences ou des strip-tease sans être forcées de rester devant un écran. « Follow Me Yes » permet en outre de mettre en place tout un système de façon à couvrir différentes pièces d’un même appartement. Le dispositif peut accessoirement servir de vidéo-surveillance mais en l’occurrence le voleur est parti avec l’ensemble des caméras et disque-durs et les enregistrements en nuage prouvent que le voleur a su désactiver tout le système ainsi que la procédure d’alerte qui aurait dû avertir madame Efflouze sur sa montre connectée. Le voleur est donc avant tout un cybercriminel qui a su se connecter très en amont sur le système de madame Afflouze afin d’étudier tous ses faits et gestes et repérer les endroits où elle déposait les objets qui l’intéressait. En outre il semble avoir été capable de désactiver l’alarme et d’ouvrir sans trop de difficulté le Velux par lequel il s’est vraisemblablement introduit, Velux à commande informatisée. Le Triplex faisant partie du grand bloc bordant le nord de la place Bellecour, la police a d’abord imaginé que le voleur pouvait être un habitant du même bloc, auquel cas il devrait être facile à démasquer parmi les quelques personnes réputées suffisamment calées en informatique pour un tel forfait. Cependant les possibilités de quitter ce bloc sont également assez nombreuses et le volume total du larcin ne dépasse pas celui d’un sac à dos susceptible de contenir un plein de course. Les caméras de vidéo-surveillance de la ville n’ont pas donné de piste probante.

30/04/2020

Le Coincoin musical

Une fois de plus c’est un clip que nous ne pouvons pas diffuser qui a fait l’unanimité dans la rédaction. Monsieur B. Attus, un jeune homme au physique peu commun et possédant de multiples tatouage et « trouages » en tout genre, a réalisé chez lui un clip très noir mais d’une très grande imagination qui, à notre sens, vaudrait que quelqu’un du métier s’intéresse à lui. La chanson dont il a fait une reprise si détonante et si particulière est « Quatre murs et un toit » de Benabar. Les paroles imaginées par monsieur Attus n’entrent guère en résonance avec les paroles originales, ou disons plutôt qu’elles en sont le complémentaire. A la vie de famille bourgeoise et empreinte de nostalgie décrite par Benabar, se laisse imaginer une vie de famille bien plus sombre pour monsieur Attus, qui laisse des traces mais immunise contre la nostalgie. Mr Attus a tenu à préciser que le confinement n’était pas à priori une épreuve difficile pour lui, d’un caractère solitaire et introverti, mais qu’au fil des jours, n’ayant plus la possibilité de se rendre chez son tatoueur, son reflet figé dans la glace devenait de moins en moins tolérable. Par crainte d’en arriver à se scarifier dangereusement, il s’est totalement immergé dans la reprise de cette chanson et la production de son clip maison avec l’ambition d’être mis à l’affiche dans les colonnes du Coincoin du coin. C’est désormais chose faite.

Des coutures et puis quoi ?

Sur mon teint fade, j’ai la rage en peintures
Un double visage et ma raison future
Une tête de trente ans, encore temps d’être un autre
Suis-je le fruit d’ mes parents ? Devrais-je porter plainte ?
Des travaux pas finis, rien que le gros œuvre
Je me gratte et me dis : « Est-ce une mise à l’épreuve ? »
Me gratte et me dis : « Est-ce une mise à l’épreuve ? »

Des oreilles aiguës, des coutures au menton
Je m’ refais le nez, dès que j’ai du pognon
Je rajoute un étage, une rampe un peu pentue
Au petit air, jamais vu qu’on me donne
Ce long tarin il faut qu’il s’agrandisse
Je pourrais en faire un jour une sarbacane
Je pourrais en faire, un jour une sarbacane

Un autre œil a poussé, ils sont trois maintenant
Je regarde sans ciller le dernier vainement
Le gland abrite un codage qui parle du grand Orient
Une Ariane, au passage, c’est un peu bidon
J’ l’ai tatouée au-dessus de ma main
Je pourrais la changer en un esprit divin
Ou bien, en un esprit malin

Mes élans demoiselle me valaient des « Pédale ! »
Si j’ devenais un autel à mon sens filial ?
J’ai gravé sur ma peau de multiples décos
Comme des sangles de lits, des pendaisons d’amis
Ce n’est pas un défi mais se sentir vivant
Petit à petit je m’étends en mutant
Petit à petit, je m’étends en mutant

Si mes bras sont finis j’ai encore de la place
Sous mes sourcils, y a trop d’espace !
Je vais oser, je sais, des pores électriques !
Ce sera peut-être laid c’est vrai, mais ce sera magique
Comme un écho d’école à mon côté poupée
Sur mon ventre résonne une comptine à chanter
Sur mon ventre résonne, une comptine à chanter

Pris dans mon élan je continue la messe
Et dessus mon dos, je laisserai la trace
De mes années de rien et de toute ma jeunesse
Ce sera le résultat, d’un rêve de gosse
A côté de l’entaille de ce chien qui mord
Où je ferai le deuil de mon papa terreur
Qu’on se détruise, pour la dernière fois
La détresse est permise, des coutures et puis quoi ?

La guérison est lente, comme vous le voyez
Je suis, je me présente, un enfant oublié
Qui voit veut me fuir, je ne veux me cacher
Pas besoin de vous dire, que mon âme, est hantée
Ne riez pas Monsieur, ayez crainte Madame
Âme hantée c’est vrai, par de méchants fantômes
Un monstre et un dragon, que vous ne voulez voir
Par des pleurs et bagarres, la victoire est un leurre
« C’est ce qu’on va voir ! », «  A genoux sous la table ! »
« Ce gosse est un enfer ! », « Prends ça sur le râble ! »

Entendez la musique, est-ce que vous m’écoutez ?
Entendez la musique, est-ce que vous m’écoutez ?
Entendez la musique, est-ce que vous m’écoutez ?

30/04/2020

Le Coincoin des sportifs.

La LFP ayant décidé d'attribuer officiellement le titre de champion de France au PSG, les Ultras parisiens donnent rendez-vous à tous les fans du club sur les Champs Elysées ce soir à 20h02 pour fêter dignement ce titre dans des embrassades de circonstances !

30/04/2020

Le Coincoin du coin tient à s'excuser auprès de ses canardés :

Vous souvenez-vous que le 19 mars dernier nous avons publié la courte information suivante :

"Durant le confinement, et contrairement à ce que pourraient penser nombres de complotistes, la démocratie et le droit d'expression restent la priorité du gouvernement. Ainsi il est possible et même encouragé de tendre des draps peints à la fenêtre à la condition express que le voisin du dessous ne soit pas à même de saisir par mégarde ou volontairement le drap en question. Vous devez donc au préalable vous assurez de la taille de vos voisins d'en-dessous mais une fois cela fait, oui il est tout à fait possible d'écrire sur de grands draps jaunes :"Macron démission !", ou "Edouard, salaud, le peuple aura ta peau !" ou "Moins de fric pour les flics, plus de briques pour l'Hôpital public !" ou "Achète PQ, même usagé !"

Eh bien nous vous avons donné une fausse information ! C'est en fait le contraire qu'il fallait comprendre. Un drap à la fenêtre critiquant l'action gouvernementale peut vous valoir une amende conséquente. Un grand nombre de nos canardés l'ayant appris à leurs dépends nous tenions à leur faire nos plus plates excuses et comprenons leur mécontentement au regard du préjudice subi.

Nous vous demandons également d'arrêter toute tentative de faire entendre une autre voix que celle de l'organe officiel du parti de La République En Miette jusqu'au 11 mai. Après cela inutile de vous dire ce que vous aurez à faire !

30/04/2020

Le Coincoin télévisuel.

Vous vous souvenez que le 14 mars dernier le Coincoin du coin vous annonçait que France télévision allait compenser l'absence de cours en confiant des émissions historiques à Stéphane Bern et Laurent Deutsch. Si au départ il était prévu que chacun produirait sa propre émission durant le confinement, faute de budget mais pour que nos deux historiens royalistes.. euh, républicains, puissent continuer à vivre, France Télévision a décidé de se contenter de diffuser les épisodes de "Laissez-vous guider" présentés conjointement par les deux plus grands historiens de l'histoire de France que l'histoire de France ait connu. Si avec ça les enfants de France n'arrivent pas à se faire une juste idée sur Louis XVI le juste, Marie-Antoinette la pure, Jean-Baptiste Carrier, le très vilain vilain, Robespierre, cœur de pierre, les Mentagnards, affreux, sales et méchants ou l'abominable Marat, ami du très bas peuple, c'est à désespérer de nos têtes blondes ! Merci France TV !

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