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Darwin Le Chat
1 juillet 2019

Loulou Léonard vs Mme Debusse

Les entretiens citoyens de Loulou Léonard, député de la 15ème circonscription du Rhône.

Objet : déplacements urbains.

Citoyen : madame Debusse, usagère des transports en commun.

Date : 25 janvier 2019.

 

– J’espère que vous ne venez pas faire l’apologie de l’automobile parce que je viens de rencontrer un concitoyen figé dans le passé !

– Vous voulez dire de l’époque où l’on a pensé qu’on pouvait transformer tous les abords de nos fleuves en doubles-voies ou en parking ?

– Oui.

– Cette douce époque où l’on a construit en plein centre-ville ce si magnifique échangeur de Perrache que le monde entier nous envie ?

– Voilà.

– Remarquez qu’on ne s’en sort pas si mal. Il me semble que certains pays ont construit des villes entières basées directement sur ce modèle-là. Et en plus on a sauvé Saint-Jean !

– Sauvé de quoi ?

– Des mégalos qui ont pensé faire du passé table-rase. Pour être honnête il n’a pas été utile d’attendre le règne du tout automobile pour que certains se croient autorisés à penser que des rues et bâtiments vieux de plusieurs siècles étaient nécessairement une entrave à une monde d’échanges ! Enfin… s’il est vrai qu’on ne peut pas tout garder du passé, on devrait quand même s’interdire de tout détruire.

– Certes. Et alors vous du coup ? Vous êtes plutôt marche à pied ? Vélo ?

– Ah non ! Comme vous l’avez peut-être remarqué j’ai un petit handicap.

– J’ai vu que vous boitiez un peu. C’est permanent ?

– Oui et j’ai cela depuis très longtemps. Pour moi la marche et le vélo ne sont pas impossible mais c’est moins simple que pour le commun des mortels. Alors j’utilise énormément les transports en commun. D’autant plus que j’habite au centre et travaille en banlieue.

– C’est plutôt mieux que l’inverse non ?

– A quel point de vue ?

– Pour les transports. J’imagine qu’il y a plus de monde qui voyage vers le centre le matin et vers la banlieue le soir.

– Je ne sais pas. S’ils sont moins bien lotis que moi dans l’autre sens, laissez-moi les plaindre parce que ce n’est déjà pas bien simple !

– Vous prenez le métro ?

– Deux métros et un tramway les lundis et mardis. Un métro et un bus les jeudis et vendredis. Je suis assistante administrative mais sur deux sites différents.

– Et comment ça se passe ?

– Quand cela se passe bien c’est pénible. Quand cela se passe mal c’est très très pénible.

– Ah !… Mais en moyenne est-ce que les horaires sont respectés ?

– Le matin ça va en ce qui me concerne parce que je pars avant l’heure de pointe. J’ai même remarqué que bien souvent les métros sont d’une exactitude qui est de l’ordre de la poignée de secondes le matin.

– Vous parlez du métro automatique ?

– L’un ou l’autre ! Je prends la B et la A ou la D mais le fait qu’il y ait un conducteur ou non ne change rien. Les métros sont à l’heure tant qu’ils n’ont ni problème mécanique ni problème lié au comportement des usagers. Or plus on approche la limite de capacité plus les problèmes mécaniques sont susceptibles d’arriver et plus il y a de contretemps liés à l’attitude des passagers. Il y a évidemment plus de chances que des gens empêchent la fermeture des portes quand le métro est plein. Et rien que le temps de laisser descendre et monter les gens devient plus aléatoire.

– Donc concrètement il paraît difficile d’échapper à ces contretemps.

– C’est difficile dans la mesure où le développement de la ville n’a pas été réfléchi il y a 40 ans sur le très long terme et qu’apparemment, vous les politiques d’aujourd’hui, vous ne réfléchissez pas plus sur le très long terme. Je dirais même qu’en raison de l’état déplorable des finances publiques, les décisions prises actuellement conduisent inévitablement à la saturation rapide du réseau.

– Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

– Ce qui me fait dire cela ? Paris ! Paris c’est l’exemple parfait !

– On n’est pas du tout à la même échelle ! C’est dix fois plus grand que Lyon !

– Mais le réseau aussi est dix fois plus grand ! Mais toutes les erreurs faites à Paris vous pouvez les calquer en proportion à Lyon. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent du Grand Paris, rajouter ici et là des lignes de métro, à mon avis c’est de toute façon trop tard, ils sont régulièrement saturés et le seront toujours plus, tout ce qui est fait pour désengorger s’accompagnera de constructions et de nouveaux flux qui ré-engorgeront les lignes nouvelles en presque aussi peu de temps qu’il n’en faut pour le dire. Or Paris semble dédier des moyens proportionnellement bien supérieurs à Lyon à la problématique des transports.

– Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Pour ma part j’ai toujours estimé que nous avions un réseau de transports en commun très bien développé. C’est même quelque chose que je vante.

– On verra bien ce que vous en direz dans vingt ans ! Vous allez déchanter à mon avis si la tendance des humains à s’agglomérer autour des gros centres urbains se poursuit. On nage déjà en pleine schizophrénie en tentant de gommer les erreurs faites il y a 40 ou 50 ans alors que dans les faits nous sommes encore totalement prisonniers de la logique qui prévalait à l’époque. Je dis encore alors que je devrais dire encore plus. Vous savez combien il y avait d’habitants en France en 1960 ?

– Une quarantaine de millions ?

– Non plus ! 45. Il y en avait une cinquantaine en 1970 et 53 en 1980. Dans le même temps le nombre de véhicules immatriculés est passé de 6 millions en 1960 à près de 14 millions dix ans plus tard pour atteindre près de 21 millions en 1980.

– Tout compris ? Voitures, poids lourds ?

– Oui mais de toute façon la part des véhicules individuels représente aujourd’hui plus de 80 % des immatriculations et à-priori cela représente depuis longtemps la grosse majorité. Donc vous voyez qu’en 1960 il y avait un véhicule immatriculé pour plus de 7 habitants. En 1970 il y avait un pour moins de 3,5 habitants. Puis on est passé à 1 pour 2,5 habitants en 1980. Alors vous comprenez pourquoi les hommes politiques des années 60 et 70 avaient des projets pour lesquels l’automobile était tout et le tramway plus rien du tout.

– Sans vouloir vous contredire, à ma connaissance le tramway a disparu de Lyon en 1956, donc bien avant le tout bagnole !

– Oui mais c’était aussi au profit des bus et trolley-bus. Le trolley-bus ça a un peu le même usage que le tramway, une forme de souplesse en plus, le trolley-bus ça monte à la Croix-Rousse, pas le tramway. Tout ça pour dire que depuis les années 90 on a décidé qu’il était temps de reprendre un peu de l’espace concédé au voitures, donc le tramway a fait son grand retour. A première vue c’est plutôt réussi puisque toutes lignes confondues il y aura bientôt plus de 100 millions de voyageurs par an. C’est beaucoup n’est-ce pas ?

– Il faudrait comparer par rapport au nombre de voyages faits en voiture.

– Ce qui est surtout intéressant c’est de comparer avec l’avant-guerre, quand le tramway était à son apogée. Dites-vous qu’à l’époque le tramway comptabilisait 160 millions de voyageurs par an. Il y avait bien sûr beaucoup plus de lignes et puis guère de modes de transport alternatifs. Mais j’imagine que les gens avaient moins la bougeotte qu’aujourd’hui.

– Ils étaient sans doute moins nombreux aussi.

– Cela dépend de quoi on parle. Sur le territoire de l’agglomération actuelle il y avait certes moins de monde mais dans les arrondissements lyonnais proprement dits, cela ne semble pas avoir beaucoup bougé. Disons même que cela a baissé avant de remonter depuis les années 90. Mais c’est un autre sujet ! L’histoire du tramway nous apprend surtout que si au lieu de le supprimer au profit des bus puis de l’automobile, si on n’avait jamais cessé de le développer en le préférant à tout autre moyen de transport en surface partout où la topologie s’y prête, il serait à mon sens capable de transporter des centaines de millions de voyageurs par an. Aujourd’hui on lui a refait un peu de place mais il est condamné à rester secondaire par rapport aux bus et à la voiture. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

– Quels chiffres ?

– On dit souvent que les années 70 sont celles du tout bagnole. Mais à ce compte là on peut en dire autant des années 60 et que dire des décennies suivantes. Je vous ai dit qu’il y avait un véhicule pour 2,5 habitants en 1980. Mais en 1990 c’était un pour 2 habitants ! En 2000 un pour 1,8 habitants ! En 2010 un pour 1,7 habitants ! Et en 2018, je vous le donne en mille…

– Un pour 1,6 ?

– Presque. Alors quoi ? Le tout bagnole c’était les années 1970 ou les années 2010 ? Tout le monde veut sa bagnole ! Et y a même presque un ménage sur trois qui a deux voitures ! Il est où l’effet dans les chiffres de ces fameuses voitures en temps partagé ? De ces quelques places de parking dédiées à des voitures électriques qu’on loue de façon commode pour quelques minutes ou quelques heures ? C’est dérisoire ! En 2020 tout le monde veut sa propre bagnole et tout le monde veut vous en vendre ! Vous avez déjà pris le temps de regarder une page de pub à la TV ?

– C’est difficile d’y échapper !

– Non mais vous avez vu le nombre de bagnoles qu’on veut vous vendre ? Et pas que des bagnoles pour petits budgets ! Alors dites-vous bien que l’ère des transports collectifs n’est pas près d’advenir. Et du fait qu’elle n’adviendra pas, je vous laisse imaginer ce que je pense de l’avenir de la planète.

– Ce que j’imagine c’est que vous n’avez vous-même pas d’automobile.

– Dans de rares occasions j’en loue une. Globalement c’est tout de même incommensurablement moins cher que d’en acheter une pour qui n’en a qu’un usage ponctuel.

– Oui mais il faudrait s’entendre sur ce que vous appelez ponctuel. Car je comprends bien ce que vous suggérez. Vous suggérez que, du fait que les voitures passent la majorité de leur temps en stationnement...

– Vous pouvez dire la quasi-totalité de leur temps, vous serez plus proche de la réalité ! Et c’est réellement absurde. C’est comme si les compagnies aériennes achetaient des avions pour les faire voler une heure par jour ! Ce serait un non-sens économique ! On entend souvent dire que les ménages qui ont les comptes dans le rouge doivent apprendre à gérer leur budget, comme une entreprise. Mais comment comparer un ménage à une entreprise alors qu’on les incite sans cesse à posséder des objets qui représentent un non-sens économique pour eux ?

– Vous jouez sur les mots là ! Personne ne pense qu’une famille et une entreprise ont quelque chose de comparable, ce n’est qu’une façon de parler. A ce compte là vous n’achèteriez pas grand-chose ! Pourquoi avoir une brosse à dents si c’est pour vous en servir six minutes par jour ?

– Parce que vous pouvez difficilement la partager avec votre voisin ! Mais par contre au lieu d’avoir une brosse à dents pour chaque membre de la famille vous pourriez avoir une tête de brosse à dents pour chaque membre de la famille et un seul manche de brosse à dents pour toute la famille. La réalité c’est que si vous vouliez vraiment penser de manière écologique, dès lors que vous estimez qu’il y a urgence à agir en ce domaine, vous finiriez par voir beaucoup de choses de ce point de vue. Or les voitures peuvent être très facilement partagées.

– Partagées de quelle manière ?

– Eh bien de n’importe quelle manière ! En propriété collective, ou appartenant à une entreprise, à la ville ou à l’état. Peu importe à qui elles appartiennent ! Ce qui compte c’est la manière d’y accéder. Pour que cela fonctionne il faut beaucoup de souplesse. On a réservé des places de stationnement pour ces voitures électriques là, les Bluely. C’est un tout petit pas en avant, vraiment tout petit, parce qu’on n’est pas vraiment capable d’imaginer un monde différent. Il faut un changement radical ! Et le changement radical c’est revenir à un nombre de voitures par habitant bien inférieur à ce qu’il est aujourd’hui alors qu’il continue d’augmenter année après année !

– Bon en fait, vous suggérez que tout le monde prenne le taxi ?

– Mais pas du tout ! Je vous parle de souplesse et de choses viables économiquement et écologiquement. Vous prenez un taxi traditionnel, vous y laissez votre chemise, vous prenez un Uber, vous encouragez  le système qui nous conduit dans le mur encore plus vite qu’avant ! Avoir un chauffeur pour soi tout seul, je ne vois pas en quoi cela peut être économiquement et écologiquement viable.

– Et moi je ne vois pas du tout ce que cela change ! Il y a 6 millions de demandeurs d’emplois en France, alors que certains soient chez eux à en attendre un ou qu’ils s’occupent à vous conduire quelque part, je ne vois vraiment pas la différence. Vous serez deux dans la voiture au lieu d’être tout seul, voilà tout.

– Cela fait toujours 60 kilos de moins à transporter, ce n’est pas si négligeable ! Et vous m’interrompez trop pour comprendre mon raisonnement ! Je sais parfaitement qu’on peut louer à l’ancienne des voitures ou appeler un taxi ! Mais cela s’inscrit dans le vieux modèle qu’il faut dépasser ! Et l’unique chance de le dépasser c’est de proposer des alternatives qui peuvent être comprises et acceptées par les gens parce qu’elles changeront les choses sans qu’ils aient l’impression d’être confrontés à des difficultés insurmontables. Louer une voiture quand c’est nécessaire au lieu d’en avoir une c’est bien mais pour que beaucoup plus de gens y viennent, il faut qu’il y ait des voitures à louer partout et de façon très aisée. Si vous en avez besoin à trois heures du matin vous n’allez pas attendre huit heures qu’une agence de location s’ouvre !

– C’est bien le principe des Bluely ! Vous la prenez, roulez et la reposez à une borne de recharge ! Combien de gens ont vendu leur voiture depuis que cela existe, à mon avis pas des masses. Alors ?

– Pas des masses parce qu’on n’a pas fait l’effort massif pour que cela advienne ! Vous prenez une Bluely, d’accord, mais c’est comme le Vélo’v ! Il faut d’abord aller à l’endroit le plus proche où elles sont garées..

– Oui ben c’est pareil pour votre voiture ! Vous ne trouvez pas forcément une place près de chez vous !

– Peut-être mais il y a des chances que votre voiture soit à l’endroit où vous l’avez garée. Des aires de Bluely qui sont vides j’en vois tout le temps ! Cela ne m’encouragerait pas à me débarrasser de ma voiture si j’en avais une. Il faut qu’il y ait des voitures disponibles ! Il faut que les gens aient une probabilité proche de 100 % de trouver facilement le véhicule qu’il leur faut, pour la durée qu’il leur sied et à des tarifs cohérents ! Il faut à la fois de la souplesse et également la moduler selon les objectifs qu’on veut atteindre. Parce qu’en réalité moi je conçois la grande ville comme étant l’espace du vrai transport en commun et des modes doux. A terme l’espace de la voiture partagée devrait être la petite ville et la campagne, là où il est plus difficile d’organiser des transports en communs efficaces. Évidemment, si vous vivez au bout d’un chemin perdu, vous pouvez difficilement vous passer de votre propre véhicule. Mais dès lors qu’il y a autour de vous quelques dizaines d’autres habitants, il y a de la place pour des voitures partagées.

– Vous idéalisez les choses ! Je vais vous donner des exemples pour vous montrer que cela ne peut pas être aussi simple. Premièrement il ne vous aura pas échappé que les gens partent en vacances un peu tous en même temps. Passez la semaine du 15 août à Lyon, la ville semble avoir perdu la moitié de ses habitants. A supposer que tous ceux qui ont voulu embarquer les pelles, les seaux et les matelas gonflables vers les plages aient trouvé une voiture à louer pour cela, il va en rester combien pour ceux qui ne sont pas en vacances ? Secondement, c’est dimanche, il pleut, pas de problème ; c’est dimanche, grand beau temps après un mois maussade, c’est le moment où tout le monde veut une voiture pour partir à la campagne. Troisièmement, s’il y a des heures de pointes pour les transports en commun, quand les enfants partent à l’école et les parents au travail, aucune raison que ce ne soit pas pareil pour les voitures, d’ailleurs c’est bien pour cela qu’il y a autant de bouchons ! Et plus rebutant encore pour la personne qui penserait échanger sa voiture personnelle contre une auto partagée : son emploi est situé au fin fond d’une zone d’activité, si elle a garé là le matin une voiture partagée, il y a des chances que personne d’autre ne l’utilise le reste de la journée puisque la plupart des gens qui travaillent là ont les mêmes horaires. Donc c’est un peu comme si elle était venue avec sa propre voiture, ce qui n’est pas le but recherché. Et de plus, si par hasard quelqu’un d’autre venu à pied décide de repartir en voiture, la personne qui sort un peu tard du travail se retrouve sans véhicule pour rentrer chez elle !

– J’ai bien conscience que cela peut générer des difficultés mais si on vous écoute alors on ne change rien ! Mais ce n’est pas comme cela que ça va se passer. On ne change rien ! Très bien ! Et les gens continuent à perdre des heures de leur vie dans des transports en commun inadaptés ou des bouchons interminables. Et puis un jours les new-yorkais et les hollandais ont les pieds dans l’eau.. vous savez, à cause de la fonte des glaces. J’ai bien dit les new-yorkais et les hollandais ! Bien sûr un tsunami pourrait emporter la moitié du Bangladesh, on aurait une pénurie de tee-shirt pendant un temps mais on oublierait vite cet incident. Mais les new-yorkais et les hollandais, ainsi que pas mal d’autres dont on pense qu’ils nous ressemblent un peu, ceux-là, le jour où ils seront contraints de quitter leur territoire, eh bien…  en fait j’ignore ce qu’il se passera exactement mais je sais que les choses changeront d’elles-mêmes, pour le meilleur et plus probablement le pire. Et pour ce qui vous concerne, quel sera le bilan de votre action ?

– On le fera en temps voulu si vous voulez bien.

– C’est maintenant qu’il faut agir ! On ne peut pas faire l’économie de la mise en avant des biens communs.

– Je veux bien mais dans ce que vous m’avez dit je ne vois pas réellement où sera l’avancée. Les gens prennent une voiture qui ne leur appartient pas et que d’autres utilisent aussi. Au final vous dites que si tout cela est très bien organisé les gens y trouveront leur compte. Dans l’idéal ils auront le véhicule qu’il leur faut toujours facilement à disposition. Donc ils feront toujours autant de kilomètres, sinon plus. Donc cela ne changera rien écologiquement.

– Vous avez une drôle de manière de compter.

– Ne venez pas me dire que ce sera des voitures propres ! J’imagine que vous pensez que toutes ces voitures seront électriques mais jusqu’à preuve du contraire l’électricité est majoritairement produite à l’aide d’énergies fossiles. Je veux bien croire que les moteurs électriques puissent être plus efficaces et durer plus longtemps mais si vous considérez que globalement c’est le fait de rouler qui use les voitures et consomme de l’énergie, il y a des chances que les voitures partagées fassent beaucoup plus de kilomètres par an que les autres. Donc elles partiront aussi bien plus vite à la casse ! Où est le progrès ?

– Eh bien déjà vous pouvez considérer que cela permettra de bénéficier plus rapidement des progrès technologiques. On pousse les gens à jeter leurs voitures qui sont anciennes et jugées polluantes. Mais tous comptes faits ce n’est jamais écologique de jeter quelque chose encore en état de marche. En partageant les objets on les use et jette plus vite mais globalement ils auront servi plus efficacement et seront remplacés par des objets aux nouvelles normes écologiques.

– Mais pas du tout ! Si vous avez une entreprise qui met des voitures à louer en grandes quantités à disposition de tout un chacun, vous pouvez être sûre qu’elles partiront à la casse bien avant d’être réellement usées ! Prenez l’exemple des Vélo’v ! Ils en ont changé plusieurs milliers d’un coup l’an passé ! Mais les anciens étaient encore capables de rouler des années ! Une entreprise commerciale a une image de marque à défendre et doit apporter sans cesse des améliorations aux yeux de ses clients. Si on reste dans le domaine du vélo je suis convaincu que malgré ses avancées Lyon est complètement à côté de la plaque par rapport à une ville comme Amsterdam.

– Oui mais l’avantage du partage c’est que vous pouvez adapter sans cesse les véhicules loués à votre usage. Dans l’idéal les gens qui partent seuls au travail devraient utiliser une voiture une place. Si le soir il faut passer récupérer les gosses que votre conjoint a déposé le matin, vous pouvez louer une trois ou quatre places alors que le matin vous êtes parti en Twizzy. En moyenne nous ferons un usage bien plus cohérent du parc disponible surtout si l’on joue sur le portefeuille. La location d’un gros 4X4 sera très largement taxée quand celle d’un scooter le sera moins. Je ne crois évidemment pas que les nouvelles technologies puissent résoudre la crise climatique, sinon on n’en serait pas là. Mais tout de même, cela peut aider d’avoir une auto qui détecte le nombre de passagers d’un véhicule, parce que celui qui s’évertuera à rouler seul dans une cinq places pourra voir s’envoler ses taxes locatives. Cependant il ne faut pas perdre de vue que c’est vers le transport collectif qu’il faut pousser les gens. Vous voyez bien qu’il n’est pas simple d’imposer une taxe sur les carburants parce que vous ne donnez aucune solution alternative à des gens qui ont déjà du mal à faire face. Il faut commencer par s’attaquer aux grandes villes mais pas comme vous le faites vous, les politiques. Pic de pollution, celui qui a les moyens d’avoir une voiture neuve roule encore et celui qui ne les a pas enrage. Si vous rendez les stationnements hors de prix en  ville vous faites la même politique. Ils n’ont pas à être hors de prix ! Ils peuvent être limités en nombre et limités dans le temps mais pas hors de prix. Ce sera dur de se garer et de plus en plus dur pour les véhicules individuels mais ce ne sera pas une question de prix, juste de places. Les places seront pour les véhicules partagés. Parallèlement on investit massivement dans les métros, tramway, bus, pistes cyclables. On ne fait pas comme à Lyon où l’idée est de remettre des tramways parce que le métro c’est trop cher à construire ! Si les générations précédentes avaient fait pareil le métro n’existerait même pas ! C’est pas métro ou tramway mais l’un et l’autre en même temps qui peuvent faire reculer l’auto. Et évidemment vous donnez aux gens la possibilité de se déplacer en transports en commun la nuit, du moins beaucoup plus facilement qu’à l’heure actuelle. Quand de moins en moins d’habitants des grandes villes auront leur propre voiture, le modèle s’étendra aux petites villes et aux campagnes.

– Peut-être. Mais outre le fait que vous n’avez pas donné de solutions aux problèmes que j’ai soulevés, je crois que vous êtes un peu plantée au milieu du gué. Vous imaginez des choses pour résoudre le problème de l’engorgement des villes tout en pensant œuvrer pour l’écologie, mais il y a quelques minutes de cela vous m’avez fait part de votre pessimisme. En réalité j’ai bien compris que vous n’y croyiez pas vous-même à ce que vous dites.

– Ah mais je sais parfaitement que cela ne va pas arriver. J’essaye juste d’imaginer une voie qui pourrait être acceptable par les gens. Je pense d’ailleurs que ce serait loin d’être suffisant. Je pense qu’il ne suffira pas de mieux se déplacer mais qu’il faudrait surtout beaucoup moins se déplacer, moins déplacer les humains, moins déplacer les choses… et puis moins vite.

– La décroissance en somme.

– Parfaitement ! Mais c’est tout le contraire qui obsède le monde. Il faut aller toujours plus loin et plus vite.

– Et de plus en plus nombreux.

– Cela n’aide pas mais c’est un peu facile de se cacher derrière la surpopulation. Prenez tous les pays occidentaux, rajoutez-y la Russie, la Chine, le Japon et les pays du Golfe, enlevez les autres, cela réduit déjà bien la population mondiale, du moins cela nous ramènerait au niveau d’il y a quelques décennies, à une époque où l’on avait moins conscience des problèmes écologiques. Vous croyez qu’avec ces pays en moins la situation serait bien plus brillante ? Moi je ne crois pas ! Ce qui est en question aujourd’hui c’est notre mode de vie, pas celui de l’africain ou de l’indien moyen !

– Certains prétendent le contraire !

– Ah bon ? Eh bien ce sont de fieffés menteurs !

– Sans doute mais par exemple si vous prenez le cas de Haïti dont on dit qu’elle souffre d’une grave déforestation, on a typiquement là une population pauvre qui détruit son écosystème. Et cela fait longtemps que des scientifiques s’interrogent sur les pratiques agricoles qui sont ancestrales comme les brûlis.

– Vous n’allez tout de même pas me faire croire que les problèmes d’Haïti sont liés à autre chose que le rapport de domination capitalistique que ce pays a subi depuis son indépendance et bien avant ! Quant à la culture sur brûlis c’est sûrement un sujet polémique mais on peut l’aborder sous différents angles ! J’avais vu une fois un reportage qui faisait grand cas du peu de respect que les aborigènes australiens ont eu de l’écosystème du continent quand ils ont commencé à pratiquer massivement les brûlis il y a quelques dizaines de milliers d’années. On ressentait dans ce reportage une forme d’accusation concernant la disparition de la mégafaune et l'aridité de certaines régions. Mais quand j’ai voulu avoir confirmation de cela je suis allée sur Wikipédia et si j’y ai lu la confirmation des transformations liées aux pratiques aborigènes ; cela semble avoir été une transformation mettant en péril la vie de nombreuses espèces mais en apportant une autre biodiversité à la place. Et il était assez clair que les transformations liées au passage à une économie capitalistique et au recul de la culture aborigène étaient autrement plus problématiques et rapides. Actuellement comme bien d’autres pays l'Australie subit une déforestation à marche forcée et elle n’est pas liée à la culture aborigène.

– Oui vous avez sans doute raison mais je pense qu’il serait justement très intéressant de mesurer précisément ces choses-là !   

– Précisément ces choses-là sont difficilement mesurables à mon avis. Vous pourrez toujours accuser de pauvres paysans dont les pratiques ancestrales sont contestables et passer sous silence le fait qu’elles n’ont guère posé de problèmes durant des millénaires ! Il n’y a absolument plus personne au monde qui ne soit soumis de près ou de loin à l’influence des économies capitalistes !

– Certes mais je dois concéder que j’ai toujours été un peu malthusien. Enfin non ! Je suis loin de la pensée de ce type assez peu recommandable mais en tout cas j’ai toujours eu l’idée que la surpopulation ne pouvait qu’être source de problèmes. Je me souviens avoir eu une prof qui répétait à l’envi que faire des enfants ne saurait jamais être un problème. J’avais 13 ans et une forme de respect envers cette prof sympathique et cultivée mais cela, viscéralement je crois, me faisait tiquer ! Cela a toujours été une évidence pour moi que l'humanité prise dans son ensemble n'a guère d’intérêt à croître et croître et croître. Un groupe d’individus peut avoir cet intérêt dans la mesure où il se compare à un autre groupe avec lequel il rentre en compétition. Mais s’il cherchait simplement à garder le même nombre d’individus, il devrait tenir compte de sa fertilité et de son espérance de vie. Or il ne vous aura pas échappé que malgré des conflits majeurs, l'ère de l’avènement du capitalisme est aussi celle de l’explosion démographique et des gains en espérance de vie un peu partout dans le monde ! Le fait est que dans bien des endroits la logique reproductive est celle qui servait tout juste à reproduire le groupe à l’identique.

– Oui ben dans d’autres endroits c'est l'inverse désormais. Comme en Europe ou au Japon qui se dépeupleront sans apport extérieur.

– Certainement ; c’est une autre forme de problème. Mais pour ce qui est de la surpopulation, doit on également accuser le capitalisme de permettre ces gains d’espérance de vie ? D'après les projections, en 2050 l'Afrique pourrait avoir décuplé sa population par rapport à 1950 !

– D’abord il faut s’entendre sur ce qui est nécessairement le fait du capitalisme. Les progrès sanitaires qui ont plus particulièrement fait dégringoler la mortalité infantile peuvent aussi être perçus comme des progrès scientifiques humains. Progrès qui ne seraient peut-être pas à ce stade sans l’accumulation d’un savoir au fil des siècles. Et puis vous cela peut paraître inouï de décupler sa population en un siècle mais ramené à une année c’est une progression de 2 à 3%. Avec moins d’individus qui meurent avant d’avoir atteint l’âge de se reproduire et une progression lente mais continue de l’espérance de vie on y est vite. Si cela vous désespère de constater qu’en Afrique les femmes donnent encore naissance à 4 à 6 enfants, ben qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

– Cela ne me désespère absolument pas ! Je relève simplement que des pratiques ancestrales qui paraissent parfaitement viables sur un continent gigantesque peuplé de quelques centaines de millions d’habitants, pourraient ne plus l’être du tout pour un même continent peuplé de deux milliards et demi d’habitants. Et ce sont aussi des choses à anticiper sans systématiquement faire porter tout le poids de la culpabilité sur les occidentaux.

– Moi ce qui m’intéresse c’est de savoir pourquoi l’on passe de six enfants par femme à moins de deux ! On ne va pas reprocher aux africains une fertilité qui a été celle de tous les continents jusqu’à un temps pas si lointain ! Il est instructif de ne pas seulement tenir compte de l’espérance de vie à la naissance mais aussi de l’espérance de vie à 25 ans ! Il y a moins de 200 ans la moitié des gosses mourraient avant d’avoir 10 ans et vous aviez sans doute une meilleure espérance de vie à 25 ans qu’à la naissance ! Vous comprenez qu’il était difficile pour une femme de se contenter d’avoir deux enfants ! Maintenant on peut faire semblant de ne pas se rendre compte que la dénatalité est fortement liée à la progression du niveau de vie avec un nécessaire temps de décalage et se réveiller un jour entouré d’enfants à la peau noire… Que les racistes crient au nègre ! Il n’ont pas fini de crier ! Peut-être qu’ils auraient dû y penser avant et se dire qu’il y avait sans doute autre chose à faire pour la pureté de leur race que de s’en aller conquérir et piller l’Afrique !     

– Oh mais je suis d’accord avec vous sur ce point ! Mais cela n’enlèvera rien à la problématique de la surpopulation même dans des zones qui penseraient rester à l’écart de notre folie consumériste !

– Le vrai problème c’est que personne ne veut rester à l’écart de cette folie-là ! Notre mode de vie c’est justement celui que tout le monde voudrait copier, et ça c’est totalement impossible que cela arrive vu qu’on est déjà à saturation. Si on est un modèle pour les autres, l’unique solution c’est de changer de modèle ! Mais je sais parfaitement que cela ne va pas arriver non plus. Je n’attends pas des constructeurs de voitures qu’ils fassent soudainement l’apologie de voitures imaginées pour être partagées, roulant moins vite, moins loin, en moins grand nombre. Non, ils feront l’apologie des produits que mes contemporains attendent, des voitures d’une technicité folle, plus sûres, roulant plus propres à défaut d’être plus propres à construire, des voitures qui avanceront seules dans les bouchons de sorte qu’ils pourront vraiment dormir au volant, des voitures qui vous amèneront vers les immenses parkings à la porte des centre-ville, où tout le monde rêvera de travailler mais ne pourra plus jamais habiter. Alors on consentira à faire le reste en métro ou en trottinette parce qu’on a bien conscience que la ville est de plus en plus grande et le centre toujours aussi petit. Problème ! Ces immenses parkings n’existent pas et ne semblent pas dans les cartons, pas plus que les lignes de métro. On fait des tours à la Part-Dieu, personne ne sait réellement comment on ira là mais on ira, dans des transports en commun surchargés, mal conçus, des voitures individuelles prises dans des bouchons invraisemblables. Les mieux lotis iront de tour en tour par la voies des airs, ils regarderont tout cela d’en haut, faudra pas leur demander de trouver une solution, pourquoi la chercheraient-ils ?

– Moi je la cherche.

– Et vous pensez la trouver ?

– Pas plus que vous.

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1 juillet 2019

Loulou Léonard vs Mr Pignon

Les entretiens citoyens de Loulou Léonard, député de la 15ème circonscription du Rhône.

Objet : Déplacements urbains et écologie.

Citoyen : Monsieur Pignon, militant anti-vélo.

Date : 25 janvier 2019.

 

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– J’espère que vous n’êtes pas un cycliste extrémiste parce qu’hier j’en ai reçu un qui…

– Un cycliste ? Sûrement pas ! Les cyclistes sont les néo-cons !

– Ah !… C’est un peu extrême comme jugement.

– Pas du tout ! C’est tout à fait factuel ! Allons à la fenêtre, regardons la rue 5 minutes et nous en conclurons ensemble que le vélo rend con !

– Vous exagérez !

– Pas du tout ! Ah qu’est-ce que je donnerais pour revenir trente ans en arrière quand les rares cyclistes avaient au moins l’idée de s’intéresser au code de la route ! Aujourd’hui un cycliste vous pourriez lui mettre trois feux rouges géants et clignotants, la probabilité qu’il en tienne compte est proche de zéro ! Le cycliste est seul au monde, voilà tout. Le feu est vert, il trace sa route en insultant les piétons aussi peu soucieux du code de la route que lui. Le feu est rouge, il jette un œil à droite et à gauche, évalue, mal, le danger que représente les véhicules arrivant perpendiculairement et dans leur bon droit, et le plus souvent il traverse, quitte à forcer les automobilistes à ralentir. Quant aux piétons qui traversent très normalement au passage protégé, il leur passe allègrement devant le nez à toute berzingue ! Vous trouvez cela normal !

– Vous généralisez là !

– Et vous trouvez cela normal qu’on soit autorisé à rouler sur la voie publique sans même avoir besoin de passer le code de la route ?

– Non mais vous n’allez tout de même pas demander aux gens de passer le code de la route pour faire du vélo !

– Et pourquoi pas ? Comment voulez-vous respecter le code de la route si vous ne le connaissez pas.

– Oui, enfin bon, les cyclistes représentent tout de même un danger mineur au regard des véhicules motorisés.

– C’est vous qui le dites ! Moi je pense au contraire qu’ils sont des dangers publics !

– S’ils sont des dangers, c’est surtout pour eux-mêmes. Je ne nie pas qu’ils puissent provoquer des accidents comme je le relevais hier à monsieur Salottino mais…

– Qui est monsieur Salottino ?

– Le cycliste que j’ai reçu hier.

– J’espère que vous l’avez remis à sa place !

– Qui est ?

– A pied sur un trottoir si vous me demandez mon avis !

– Je vais garder le mien alors. Donc comme je le disais à Salottino, il est sûrement vrai que quelques accidents peuvent être provoqués par les erreurs de cyclistes. Mais même quand c’est le cas ce sont eux qui en sont les principales victimes.

– C’est vite dit ! Si je roule sur un cycliste qui a tout fait pour se faire écraser, il est possible que je m’en sorte sans une égratignure, mais quid de la blessure morale ? Vous croyez que c’est facile à porter psychologiquement, d’écraser quelqu’un, même un con ? Sans compter qu’on passe inévitablement pour un imprudent alors même qu’on est un très bon conducteur.

– Jusqu’à preuve du contraire je pense que la grande majorité des accidents sont le fait de conducteurs qui sont justement de mauvais conducteurs. Et quand je dis mauvais conducteurs cela ne veut pas dire qu’ils ne sont de mauvais pilotes mais qu’ils s’arrangent un peu trop avec le code de la route ! Les principales causes des accidents impliquant deux voitures, ou une voiture et un cycliste, ou une voiture et un piéton, ça reste la le manque de concentration, l’alcoolémie et la vitesse.

– Peut-être, mais l’alcoolémie des cyclistes, on en parle ?

– C’est anecdotique !

– C’est vous qui le dites !

– Écoutez ! Avant d’avoir convié des citoyens pour parler de transport vous pensez bien que je me suis un peu penché sur les statistiques de la sécurité routière. La moitié du temps les automobilistes qui ont des accidents font simplement des sorties de route sans raison apparente le plus souvent en rase campagne et sur des lignes droites. Ils sont alcoolisés, ou roulent trop vite, souvent les deux, ou ils s’endorment. Ou même ils regardent leurs SMS, cela représente maintenant 10 % des accidents, c’est quand même pas rien alors qu’on ne cesse de leur répéter qu’il ne faut absolument pas le faire ! Donc vous voyez bien que si ces comportements suffisent à vous envoyer dans le décor quand vous êtes presque seul sur la route, si vous faites pareil en ville c’est proprement criminel ! Apportez-moi les statistiques qui disent que les piétons et cyclistes mettent plus souvent en danger les automobilistes que l’inverse et j’abonderai dans votre sens. Mais jusqu’à preuve du contraire le principal danger pour l’automobiliste c’est lui-même, ou un autre automobiliste, ou bien celui qui conduit un engin encore plus gros. Tenez ! 6 % des accidents de voitures sont dus à un non respect des distances de sécurité. Si vous êtes embouté par l’arrière par une auto ou un camion ça peut être très grave, mais je vous mets au défi de trouver un automobiliste blessé par un cycliste qui aurait percuté son pare-choc arrière ! Par contre l’inverse est sûrement plus fréquent !

– Peut-être mais admettez que même pour un automobiliste qui respecte parfaitement le code de la route et est parfaitement concentré, tout est fait pour qu’il finisse par avoir un accident !

– Comment cela ?

– Vous les politiques vous vous lancez dans des trucs sans réfléchir aux conséquences ! Comment vous pouvez décider d’autoriser les cyclistes à rouler à contresens dans des rues où un vélo et une voiture n’ont même pas la place pour se croiser ? Allez vous plaindre qu’il y a des cyclistes écrasés après cela ! Les cyclistes sont des cons et vous vous les encouragez dans leur connerie ! Quand on est en voiture et qu’on est engagé dans une rue étroite à sens unique et que tout d’un coup déboule un cycliste qui croit que la rue lui appartient, inévitablement les choses s’enveniment !

– Arrêtez de m’inclure dans le tas de ceux qui ont pris ces décisions ! Pour ma part je trouve cela effectivement souvent inadéquat et pas très utile dans la mesure où un vélo peut facilement emprunter la rue d’à-coté sans perdre beaucoup de temps.

– A la bonne heure ! Pour ma part c’est bien simple ! Le vélo et la voiture ne sont pas faits pour cohabiter simplement parce qu’un vélo roule le plus souvent en-dessous de trente kilomètres heure alors que la voiture est autorisée à rouler jusqu’à 90 kilomètres heure sur les routes ordinaires ! C’est aberrant d’autoriser des cyclistes à aller sur des départementales ou des nationales !

– Où voulez-vous qu’ils roulent ?

– Mais sur des pistes qui leur sont réservées pardi !

– Et quand il n’y en a pas ?

– Mais il n’y a qu’à en faire !

– C’est plus facile à dire qu’à faire justement ; surtout à la campagne. Par contre en ville…

– Ah non ! C’est bon ! Des pistes cyclables en ville il y en a assez ! Y aura bientôt plus moyen de se garer  ! Non mais cela devient vraiment infernal ! Tout leur est dû aux cyclistes et quand vous leur faites des pistes cyclables, ils roulent quand même au milieu des voitures !

– Vous exagérez ! Vous allez finir par me dire que les vélos sont mieux traités que la voiture mais si vous deviez vous contenter des vraies pistes cyclables, il faudrait le plus souvent que vous fassiez de sacrés détours pour aller d’un point A à un point B comme me le signifiait justement monsieur Salottino. Vous dites qu’il est problématique d’avoir des véhicules qui ne vont pas tous à la même vitesse sur les mêmes voies, soit ! Eh bien figurez-vous que je suis tout à fait décidé à remédier à cela ! Zone 30 dans toute l’agglomération !

– Quoi ?! Non mais vous perdez la tête ! 70 à l’heure sur le périphérique ! Et bientôt 50 ? Et vous vous voudriez qu’on soit limités à 30 en ville ! Ah non mais je vous le dis tout net ! Cela ne va pas se passer comme ça ! Vous vous êtes là tranquille dans votre bureau, j’imagine que vous habitez pas bien loin ! Mais moi c’est plus de 50000 kilomètres par an que je me tape ! Vous croyez que je vais me taper deux heures de route au lieu d’une parce que vous les politiques vous perdez tout sens de la mesure ?

– Vous ferez comme tout le monde ! Ou alors élisez des gens qui s’opposent à cette idée ! Pour ma part j’y suis tout à fait favorable et je ne m’en suis jamais caché. C’est une mesure tout à fait pertinente et en phase avec son époque. Elle est pertinente d’un point de vue écologique, et pertinente pour la cohabitation des anciens et nouveaux modes de transport. Et sauf votre respect, ceux qui pensent qu’ils mettront deux fois plus de temps pour traverser la ville sont soit des nuls en calcul soit des chauffards !

– Je ne suis pas un chauffard figurez-vous !

– Alors admettez premièrement que 30 ce n’est pas la moitié de 50 ! Ensuite, ce sera peut-être difficile à voir de la fenêtre mais on peut monter sur le toit si vous voulez pour observer un peu les comportements des automobilistes. L’âne indécrottable c’est celui qui persiste à accélérer à fond quand le feu passe au vert pour finir par freiner au feu suivant alors que s’il avait pris son temps le feu suivant aurait été vert. Les bouchons sont inévitables quand il y a effectivement trop de véhicules, mais ils sont largement accentués par les mauvais conducteurs. On ne s’engage pas sur un carrefour non dégagé et pourtant plein d’automobilistes continuent à le faire, soit parce qu’ils sont des ânes eux-mêmes, soit parce que les ânes de derrière klaxonnent comme des ânes.

– Figurez-vous que je suis tout à fait d’accord avec vous, aussi étonnant que cela puisse paraître ! Et pour ma part, l’âne de derrière, je m’en bats les flancs ! Il peut klaxonner autant qu’il veut !

– C’est tout à votre honneur ! Mais malheureusement la plupart n’agit pas comme vous.

– Parce que les flics aiment bien mettre des contraventions pour un dépassement d’horaire sur une place de stationnement mais je n’en ai jamais vu qui verbalisaient les automobilistes s’engageant sur un carrefour encombré. Et encore moins qui verbalisaient des cyclistes grillant des feux !

– Moi j’ai vu des cyclistes verbalisés. Tout cela pour dire qu’en définitive, si tout le monde respectait le code de la route, je suis convaincu que même en limitant la vitesse à 30, vous seriez loin de doubler votre temps de parcours sur une même distance. De plus cela rendrait la rue plus sûre et favoriserait la pratique du vélo et des autres modes doux. Plus de vélos c’est moins d’autos, et moins d’autos c’est sûrement un avantage pour ceux qui sont contraints à prendre leur voiture parce qu’il y a moins de bouchons.

– Que vous dites ! Moins il y aura de voitures, moins elles rouleront vite et moins elles seront respectées ! Les piétons traverseront encore plus n’importe où parce qu’ils auront moins la crainte de se faire renverser ! Et les cyclistes seront encore plus cons ! Ah non ! Parlez pas de malheur !

– C’est vous qui parlez de malheur ! Je pense que pour une grande majorité des citadins cela serait sûrement un peu de bonheur en plus.

– Pff ! De toute façon une telle réglementation ne passera jamais ! Si vous mettez des zones 30 partout et verbalisez les automobilistes qui ne les respectent pas, la moitié des conducteurs va se retrouver rapidement sans permis !

– Eh bien ils s’achèteront un vélo !

– Ah ben c’est bien une réaction de politique ça ! Vous les politiques vous décidez d’un truc et pour les autres c’est marche ou crève ! Cela ne vous viendrait pas à l’esprit que bien souvent les gens ne peuvent tout simplement pas respecter la loi parce qu’ils sont pris entre le marteau et l’enclume ? Vous croyez que les types qui vous livrent vos paquets peuvent respecter les limites de vitesse ? Les pouvoirs publics leur intime de les respecter mais en même temps ils font tout pour encourager la plus féroce des concurrences. Il y a des dizaines d’entreprises qui font de la messagerie désormais mais pour gagner des parts de marché il faut livrer toujours plus vite. Même les facteurs sont obligés d’aller pied au plancher désormais !

– Ma foi, quand leurs livreurs n’auront plus de permis, ces entreprises seront bien obligées de changer leurs méthodes.

– Ah ben c’est bien une réaction de politique ça ! Vous êtes au courant du nombre de chômeurs qu’il y a ? Si un livreur perd son permis et son travail, l’entreprise qui l’emploie prendra quelqu’un d’autre à sa place !

– C’est possible mais il y a bien des solutions pour éviter cela !

– Laquelle par exemple ?

– Par exemple si un employé est pris en excès de vitesse alors qu’il est au volant d’un véhicule d’entreprise ou bien simplement en déplacement professionnel avec son propre véhicule, on verbalise à la fois l’individu et l’entreprise. Quand cela leur coûtera beaucoup plus cher que de respecter la loi, elles changeront de méthode. A terme ce sera bénéfique pour toute le monde et en premier lieu pour les livreurs eux-mêmes car ils auront des tournées allégées. Et aussi les entreprises se rendront compte qu’elles font de grosses économies de carburant.

– Balivernes ! Je n’y crois pas une seconde ! La vérité c’est que vous les politiques vous nous annoncez le monde des bisounours tout en fabriquant le monde du tous contre tous ! La concurrence ! La concurrence ! La concurrence ! Il n’y a que ça qui compte ! Il suffirait qu’on aille ensemble au centre ville sur les coups des 18 20 heures pour que je vous en apporte la preuve ! Vous verrez la multitude des livreurs à vélo là, ces soi-disant autoentrepreneurs ; je vous prends le pari qu’en choisissant le bon carrefour, en moins d’une heure on aura relevé de leur part de multiples infractions au code de la route !

– Vous venez de me dire qu’aucun cycliste ne respectait le code de la route, pourquoi eux le feraient ?

– Mais eux c’est encore pire ! En plus ils sont de plus souvent en scooter ! Ah ben c’était bien la peine de nous vendre le miracle des livreurs à vélo de la nouvelle économie ! Soi-disant ça apporte de nouveaux services très écologiques alors que bientôt ils seront tous en scooter pour pouvoir arriver les premiers ! Ah elle est belle la nouvelle économie ! Ça fait des dizaines d’années que les pizzerias livrent à scooter ! Vous parlez d’une nouveauté !

– Oui ben c’est un autre sujet là ! Où voulez-vous en venir ?

– Tout ça pour dire qu’on peut rester des plombes à ce carrefour à observer ces livreurs faire n’importe quoi, à nous rouler limite sur les pieds, la probabilité de voir un flic dresser un procès verbal à un livreur est proche de zéro ! Les flics ont la consigne de ne surtout pas entraver la bonne marche de la concurrence économique !

– Vous exagérez ! C’est totalement n’importe quoi ce que vous dites !

– Non je n’exagère pas ! Et je ne vois pas pourquoi moi je devrais respecter des lois impossibles en tant qu’individu tandis que d’autres les bravent ouvertement sous prétexte qu’ils sont dans le cadre d’une activité professionnelle ! Alors vos zones 30 que seuls les citoyens honnêtes comme moi s’obligeront à respecter, vous pouvez vous les mettre où je pense ; sauf votre respect. 

– Très bien ! Alors on ne fait rien ?

– C’était très bien avant !

– Quand on était 4 milliards sur terre et non 7 ?

– Pff !

–  Quand la planète était moins chaude ?

– Pff !

 

1 juillet 2019

Loulou Léonard vs Réqual

Les entretiens citoyens de Loulou Léonard, député de la 15ème circonscription du Rhône.

Objet : Déplacements urbains et écologie.

Citoyen : Monsieur Réqual, militant anti-trottinette.

Date : 25 janvier 2019.

 

Alors Mr Réqual ! Qu’avez-vous à me proposer ?

Un juste retour des choses !

Ah !… L’idée c’est plutôt d’envisager le futur.

Ah mais je veux bien l’imaginer ! Mais à des années lumière du présent !

C’est à dire ?

C’est à dire sans le truc le plus insensé qui soit et qui prouve à quel point, vous les politiques, vous avez perdu la raison.

Allons bon ! Cela va encore être de ma faute !

N’y voyez pas une attaque personnelle !

Bon. Alors quel est le problème ?

Le problème ? Mais c’est les trottinettes voyons !

Les trottinettes ? Ah oui ! Je vois. Vous trouvez qu’il y en a trop ?

Trop ? Ah ben pour le coup c’est rien de le dire ! Non mais une seule c’est déjà trop ! Non mais c’est un truc de malade ! Non mais on marche sur la tête là !

Vous exagérez ! La trottinette existe depuis des lustres. Ce n’est pas tout d’un coup devenu l’objet le plus maléfique de la terre !

Mais je vous parle de la trottinette électrique ! C’est pas que je voyais d’un bon œil les gamins qui trottinent à côté de vous en oubliant que vous avez des chevilles, mais enfin, cela restait supportable ! Non mais la trottinette électrique, c’est juste insupportable !… C’est… Je sais pas… J’arrive pas à comprendre comment on peut accepter cela. Comment les politiques peuvent être tombés si bas. Quelle médiocrité !

Quel est le rapport ?

Quel est le rapport ? Mais qui laisse faire cela sinon les politiques ?

Laisser faire… Laisser faire… Ce n’est pas une question de laisser faire. On ne peut pas tout interdire. Pour quelle raison devrait-on interdire la trottinette électrique ?

Ah ben ça c’est la meilleure ! Ah vous ne voyez pas de raison vous ! Ah ben de mieux en mieux ! J’hallucine !

Remettons les choses dans l’ordre ! Imaginez-vous en possession d’une trottinette ! Parce que vous êtes très ingénieux vous parvenez un jour à y adjoindre un moteur électrique. Vous l’utilisez dans la rue et soudainement un agent de police vous arrête et vous dit que vous n’avez pas le droit de rouler avec cela. Pendant qu’il vous dresse procès verbal un individu en vélo électrique passe à côté, l’agent de police ne lui dit rien. Allez-vous penser que cela est tout à fait normal ?

Cela dépend ! Qu’entendez-vous par « utiliser dans la rue » ? C’est une utilisation à 10 à l’heure sur le trottoir ? A 20 à l’heure sur la chaussée ? A 30 à l’heure sur le trottoir ? Parce qu’aux dernières nouvelles, les vélos sont interdits sur les trottoirs ! Je ne dis pas que les cyclistes respectent toujours cette interdiction mais ceux qui ne le font pas ont quand même conscience qu’ils sont en tort. Le trottinettiste lui n’a conscience de rien sinon de lui-même ! Poussez-vous de là que je m’y mette ! J’ai priorité sur le trottoir ! Si je vous rentre dedans c’est vous qui aurez mal ! J’ai priorité dans la rue ! Si une voiture me rentre dedans elle sera forcément en tort ! Laissez-moi poser ma trottinette où bon me semble ! Devant la porte de votre immeuble ! Dans votre jardin ! Sur votre paillasson ! Je fais ce que je veux ! Je suis dangereux pour moi et pour les autres et je vous emmerde !

Vous exagérez !

Non je n’exagère pas ! Je n’ai jamais vu un tel ramassis de débiles de toute ma vie ! Et pourtant je pensais en avoir côtoyé pas mal ! Non mais où on va ? Et vous vous trouvez cela normal ? Je rêve !

Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes lié à ce niveau mode de transport, mais enfin, il faut bien un temps d’adaptation, c’est comme toute chose.

Oulala ! Oulala ! Le délai est passé monsieur le député ! On attend encore un peu ? On réagira quand il y aura 100 morts ? La vérité c’est que vous les politiques vous n’en avez rien à foutre !

Vous ne pouvez pas dire cela ! C’est un sujet parmi d’autres. On va s’adapter, il y aura des évolutions, des propositions de lois.

Tu parles Charles ! En parlant de Charles, du temps de De Gaulle ça risquait pas d’arriver un truc pareil !

Que vous dites ! Les rues sont sûrement plus sûres aujourd’hui qu’au temps de De Gaulle !

Non je crois pas ! Et vous allez faire quoi pour arrêter cette anarchie ?

Écoutez, je ne fais que vous répéter ce que j’entends, cela reste des bruits de couloir mais je sais que certains envisagent d’obliger les entreprises de trottinettes à les brider. Si vous les bridez en-dessous de 10 kilomètres heure vous pouvez considérer qu’elles sont aptes à rouler sur le trottoir car elles ne seront pas plus dangereuses qu’un coureur à pied ou quelqu’un qui fait de la trottinette classique. Ou bien vous les laissez à pleine vitesse avec la même règle que les cyclistes : interdiction de rouler sur les trottoirs.

Bravo ! Vous parlez d’un progrès ! Rajoutez sur la chaussée des gens qui n’ont aucune idée du code de la route, font absolument n’importe quoi, prennent les carrefours en diagonale… Bravo ! J’applaudis le sens de l’irresponsabilité !

Non mais vous êtes drôle vous ! Comment voulez-vous qu’on traite les trottinettes différemment des cyclistes ? Si l’un et l’autre vont entre 15 et 30 kilomètres heure, on est bien obligés d’avoir les mêmes règles pour les deux ! Et c’est pas simple dans la mesure où il est souvent justifié pour quelqu’un d’emprunter le trottoir pour sa propre sécurité. Il est légitime d’emmener ses enfants faire du vélo mais il y a bien des endroits où vous hésiteriez à passer en vélo avec eux. Pour la trottinette c’est pareil ! Encore plus depuis qu’il y a une vraie différence de vitesse entre celle qui a un moteur et celle qui n’en a pas.

Oui oui je vois ! Je vois qu’on va trouver toutes les excuses possibles pour ne pas verbaliser les trottinettistes.

Non c’est faux ! Il finira par y avoir des contraventions qui auront valeur d’exemple car ceux qui utilisent des trottinettes n’ont aucune raison d’enfreindre la loi plus que les autres. J’ai même entendu des députés émettre l’idée qu’on pourrait les obliger à porter un casque !

Et qu’est-ce que cela changerait ?

Cela pourrait éviter quelques morts !

Parce que si un trottinettiste me rentre dedans, vous pensez que j’aurais moins mal s’il a un casque ? Ou bien vous envisagez d’obliger aussi les piétons à en porter ?

Mais non bien sûr. Mais cela entre dans le cadre d’une interdiction de rouler sur les trottoirs. Accessoirement, s’il devenait obligatoire de porter un casque en trottinette, cela réduirait considérablement son usage. Il paraît en effet difficile de fournir un casque avec chaque trottinette mise en location. Et même si c’était le cas les gens auraient peur d’attraper des poux où je ne sais quoi.

Alors je suis tout à fait favorable à l’obligation de porter un casque en trottinette ! C’est exactement la loi qu’il nous faut ! Soutenez cette idée et la prochaine fois je voterai pour vous !

J’en conclus que vous n’avez pas voté pour moi en 2017.

Pourquoi j’aurais fait ça ? Personne ne vous connaissait. Mais s’il faut avoir voté pour vous pour avoir droit à un entretien, dites-le tout de suite, je m’en vais !

Ce n’est pas ce que je voulais dire… Mais pensez bien que je ne peux pas soutenir un projet de loi en faveur du casque à trottinette.

Vous préférez que les gens se tuent ? Bravo ! C’est très responsable !

On n’a pas obligé les cyclistes à porter le casque donc on ne peut pas le faire pour les trottinettes ! Ce serait de la discrimination ! A ce compte-là on peut aussi estimer que le port du casque en voiture éviterait aussi bien des blessures en cas d’accident. Mais à un moment il faut quand même garder le sens de la mesure !

Obliger les cyclistes à porter un casque ne me semble pas être une manière de passer les bornes ! Et ainsi on pourra obliger les trottinettistes à porter aussi un casque et il y en aura moins.

Écoutez ! Quand il a été question de l’obligation du casque à vélo, les systèmes de location de vélo comme le vélib et le vélo’v prenaient de l’ampleur. Je pense qu’il était difficile d’imposer le port du casque parce que ces systèmes de location auraient perdu une grosse partie de leurs clients. Ces pareils pour les trottinettes, vous ne pouvez pas tuer l’activité de ces entreprises sur une décision arbitraire !

Et pourquoi on se gênerait ? Personne ne leur a demandé de venir ! On vivait très bien sans elles et pour ma part beaucoup mieux ! Mais qu’elles disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?

Je ne vois pas en quoi c’est souhaitable ! La trottinette électrique c’est un moyen de transport très intéressant.

Un moyen de transport ? Non mais vous croyez que les gens ont mis de côté leur moto ou leur voiture pour aller bosser en trottinette de location ? La quasi-totalité de ces débiles, parce que bon sang ce qu’ils ont l’air débiles juchés sur leur monture, debout sur leurs grands chevaux, droits comme des i, roides comme Don Quichotte, hautains, débiles… au moins ceux qu’ont des trottinettes pas électriques ils ont l’air un minimum de faire un effort, ça leur donne un peu d’allure. Donc ces débiles disais-je, sont l’archétype de cette génération de débiles ! Avant vous les retrouviez le cul posé sur un banc de pierre place Bellecour ou à la terrasse d’un Mc Do, les yeux rivés sur un smartphone à chercher la meilleure façon de ne rien faire de leur vie. C’était même pas des usagers du vélo’v non, trop compliqué, faut pédaler, plutôt du genre à encombrer le métro pour éviter de marcher un kilomètre. Et ces gens-là vous leur montrez un truc qui roule tout seul, un truc qu’ils n’auront pas à entretenir vu que cela appartient à quelqu’un d’autre, un truc avec lequel on peut faire tout et n’importe quoi sans en payer le prix…

Ah si le prix ils le payent ! Vu ce que cela coûte à la minute.

Laissez-moi finir ! Donc ces gens là, qui passaient le gros de leur temps le cul posé sur un banc ou une chaise, sans dépenser trop d’énergie, eh bien vous les voyez à 30 kilomètres heure, sans but autre que de sauter du trottoir à la rue, pour se donner une chance de ressentir le petit frisson de la petite vitesse et de faire rendre l’âme plus vite à leur monture. Ensuite ils la posent n’importe où, charge à quelqu’un d’autre de panser ses plaies et de la nourrir. C’était pas mon propos de vous parler d’écologie mais comme vous avez bien saoulé le monde avec cela durant votre campagne, je vous ferai remarquer qu’entre passer sa journée à ne rien faire sur un banc et vider des batteries en pure perte, la position la plus écologique c’est la première ! La trottinette ça n’apporte strictement rien en termes de déplacements préexistants, ce n’est qu’un prétexte pour créer des déplacements qui n’existaient pas auparavant ! C’est anti-écologique !

En vous prenant au second degré je vous trouverais presque sympathique. J’aime assez quand on force le trait jusqu’à la caricature mais au-delà de ça je pense que votre analyse repose sur des présupposés et qu’en réalité vous n’en savez absolument rien ! Vous dites que le vélo’v c’est trop dur pour certains, mais ce n’est pas forcément une question de faire un effort. Il y a des gens qui ne sont pas du tout à l’aise sur un vélo et encore moins sur un skate ou des patins. Que ces gens là puissent avoir enfin un mode de transport doux à leur disposition, je pense que c’est une bonne chose et que globalement, oui, cela finira par participer à désengorger la ville. Moi je suis convaincu que la trottinette peut finir par remplacer de nombreux voyages en voiture. Entre une voiture à essence ou électrique et une trottinette électrique sur un même trajet, y a pas photo, la trottinette bat haut la main l’auto en termes écologiques.

Si c’est le cas ce ne le sera jamais avec des trottinettes de location ! D’ailleurs pour celui qui voudrait faire dix kilomètres par jour en trottinette le calcul est vite fait, il a tout intérêt à s’en acheter une ! Ces boites à la con à qui vous les politiques avez donné l’autorisation de squatter l’espace publique sans contrepartie, elles se contrefichent de l’écologie, elles viennent en rapaces créer un besoin qui n’existait pas. En plus de n’offrir que des emplois précaires pour de pauvres types mis au service de gens débiles elles nous pourrissent la vie !

Vous exagérez ! Moi elles me vont très bien.

Parce qu’en tant que député vous ne faites peut-être pas grand usage de la rue !

Plus que vous ne l’imaginez ! Je ne suis pas très connu comme vous l’avez souligné. Mon seul vrai problème avec les trottinettes c’est que beaucoup d’entre elles finissent dans le Rhône ou la Saône, avec les batteries c’est pas super pour la qualité de l’eau !

Et moi je suis assez convaincu que ce sont les mêmes débiles qui utilisent les trottinettes et les jettent ensuite dans le Rhône ! C’est la génération Kleenex ! Mais pour ma part je les encourage fortement à le faire ! Cela précipitera leur disparition. D’ailleurs je me demande qu’est-ce qui m’empêche moi-même de les jeter dans le Rhône ?

C’est illégal !

En quel honneur ?

Vous n’avez pas le droit de jeter quoique ce soit dans le fleuve et encore moins quelque chose qui ne vous appartient pas !

Un truc abandonné sur la voie publique n’appartient à personne !

Ah bon ? A supposer que vous trouviez une voiture ouverte avec les clés sur le contact, vous n’avez pas le droit de partir avec. A supposer que vous trouviez un vélo non attaché vous n’avez pas le droit de partir avec.

Pas si sûr. Parce qu’on peut réfléchir la chose de manière inversée. Si je laisse la porte de mon appartement ouverte et que je me fais cambrioler, que va me demander mon assureur ? « Avez-vous bien fermé tous les verrous à double-tour ? » « Euh non j’ai même laissé la porte ouverte. » « Alors désolé, pas d’effraction pas de délit ! »

La police d’assurance et la police tout court sont deux choses très différentes.

Pas si sûr. Et si, parce qu’un débile a pensé que le meilleur endroit pour abandonner sa trottinette de location c’était devant la porte de mon hall, je me prends les pieds dedans et je me casse un bras ou le col du fémur, je dois porter plainte contre qui ?

Cela je n’en sais fichtre rien. J’imagine que vous êtes tenu de regarder là où vous mettez les pieds !

Ah ben c’est la meilleure celle-là ! Et voilà que ce serait de ma faute ! Non mais j’hallucine ! Tout cela parce que vous les politiques vous êtes incapables d’assumer votre nullité absolue !

Écoutez ! Je ne dis pas que ce n’est pas un problème ! Pour ma part j’ai suggéré qu’on puisse obliger les usagers à déposer les trottinettes dans des endroits qui leur seront réservés. Comme il existe des parcs à vélo il peut exister des parcs à trottinettes. Les gens devront marcher un peu pour prendre et déposer une trottinette mais cela enlèvera cette impression d’anarchie dont j’ai parfaitement conscience. Mais tout cela prendra du temps. Soyez patient !

Mais bien sûr ! Pour pondre des arrêtés qui finiront par nous interdire d’avoir des boules de pétanque ou un couteau dans notre coffre sous prétexte de lutte contre l’insécurité, ah ça y a du monde et ça réagit au quart de tour ! Mais pour lutter contre l’invasion des trottinettes faut attendre des lustres ! Que cela passe par l’assemblée, le sénat, le premier ministre, le président ! Je vais vous dire ! Je ne sais pas qui possède ces entreprises de trottinettes à la con mais ça m’étonnerait pas que ce soit des sous-filiales de groupes appartenant à des fonds de pensions gigantesques. Et pour le coup, on en viendrait à croire que ça arrose les partis politiques à tout va. Allez ! On est entre nous ! Vous pouvez me le dire ! Combien ils vous ont donné pour que vous vendiez la trottinette comme le Nec plus ultra de la lutte contre le réchauffement climatique ? En toute franchise !

Arrêtez un peu ! Je vous rappelle que je suis non-inscrit et au demeurant je n’essaye pas de vous faire aimer la trottinette. C’est juste que je trouve ce moyen de transport sympa et en phase avec son époque. Ce que j’adore par-dessus tout c’est que des gens se sont creusé la tête pour inventer le gyropode en lui donnant un pseudo-look futuriste mais qui au final m’apparaît beaucoup plus ringard et prétentieux que la trottinette. Puis d’autres ont pris un objet existant depuis des lustres, lui ont collé une batterie et un petit moteur et bingo ! Là où vous croisez un gyropode il y a 1000 trottinettes ! Voilà une histoire que je trouve assez fun ! Alors moi je dis vive la trottinette !

Et mort aux cons ! Ça vous parle ?

Darwin Le Chat
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