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Darwin Le Chat
6 novembre 2022

Grabel, le préquel

Lyon, 19 octobre 2022

Chalut !

J’ai nommé cet épisode de mes aventures « Grabel, le préquel » mais j’avoue que c’est pour la rime. Comme je n’ai pas écrit grand-chose sur la vie de Grabel avant ce jour et que je ne suis pas un grand adepte des anglicismes, il serait plus juste de donner le titre suivant : « Grabel, origines ». En effet, dans cet épisode, qui parle finalement assez peu de Grabel, vous allez néanmoins apprendre comment Grabel a atterri dans l’appartement de Grabelot. C’est passionnant n’est-ce pas ? Je sais que vous en salivez d’avance et tout cela, je dois admettre que vous le devez à la fée Odette. Il y a quelques temps, comme elle le fait régulièrement, elle a décidé de fouiller dans la paperasse laissée par Grabelot le jour où il a mis les voiles sans crier gare.

− Matous ! Je crois que j’ai là quelque chose qui va vous intéresser !
− Cha parle de quoi ?
− De souris.
− Ah bon ?
− Voulez-vous que je vous en fasse la lecture ?
− Ma foi, pourquoi pas si c’est intéressant ?
− C’est très intéressant, c’est un texte écrit par Grabelot quelques mois avant son départ.
− Alors écoutons cha !
− Très bien matous ! Ne m’interrompez pas !

«
Jour 1 / Ça faisait longtemps que j’en n’avais pas vu une. Avec celle-là j’ai su d’emblée que la guerre était déclarée. Je l’ai su parce qu’elle a déboulé à deux mètres de moi en longeant le mur et m’a regardé droit dans les yeux. Normalement quand la petite bête croise le regard de la grosse bête qui lui fait de gros yeux, la petite bête rebrousse chemin en se disant : « Je reviendrai plus tard. » Là non ! Cette connasse a continué son chemin en soutenant mon regard !

Jour 2/ Je suis passé à l’épicerie, j’ai pris du gruyère. Je suis passé au magasin de bricolage, j’ai pris deux tapettes que j’ai souhaité payer. La caissière ne l’a pas entendu de cette oreille.
− Avant d’utiliser des tapettes à souris vous devriez chercher l’endroit par lequel elles passent.
− Ah oui ?
− Ben oui. Si vous les laisser rentrer vous n’en finirez jamais.
− Ce n’est pas la première guerre que je livre aux souris figurez-vous ! Et j’en ai déjà gagné une de guerre ! J’en ai gagné une puisque j’ai été peinard durant plus de six années. Peinard après avoir débarqué dans un appartement où elles se pensaient propriétaires des lieux. Donc la technique qui consiste à boucher les trous je la connais. Sauf que là j’ai très envie de parer au plus pressé et pas du tout l’envie de vider tout mon grenier à seule fin de réparer la ligne Maginot ou de la prolonger jusqu’à Dunkerque. Donc, si vous le permettez, je vais me débarrasser de l’intruse. Avec un peu de chance elle n’a pas encore averti ses frangines.

Jour 3/ L’affaire semble se corser. Je suis tombé sur une futée. Elle a déclenché les deux pièges sans se faire prendre. La bonne nouvelle c’est qu’elle aime le gruyère. Rira bien qui périra la première. Je suis retourné au magasin de bricolage, toujours la même caissière trop curieuse.
− Des pièges à glu ? Vous allez vraiment prendre utiliser des pièges à glu ?
− Vous ne les vendez pas ?
− Si mais ce n’est pas une raison pour les acheter.
− Ah bon ? C’est pour faire joli ?
− Non mais vous n’avez pas bien lu les avertissements !
− Quels avertissements ?
− Regardez ! C’est pour les gens qui sont envahis de souris, pas pour ceux qui n’en ont qu’une !
− Comment vous savez si je n’en ai qu’une ?
− Si vous en avez plusieurs c’est parce que vous n’avez pas fait ce que je vous ai dit de faire. Il fallait boucher les trous !
− Et moi je vous ai dit qu’en ce moment, je n’ai pas le temps de prendre le temps de boucher les trous ! Capish ?
− Eh ben vous devriez ! Ce n’est pas humain d’utiliser des pièges à glu !
− Ce n’est pas pour attraper un humain mais une saleté de souris !
− Les souris sont des êtres vivants comme les autres !
− Je suis bien d’accord avec vous. a dit une voix dans mon dos. Je me retourne, bingo : un membre de la tribu des Krokkrionos. J’veux pas d’emmerde avec cette meuf, allons-y mollo !
− On vous a demandé votre avis ?
− C’est pas une question d’avis mais de vie !
− Ah ouais ? Alors selon vous je devrais me laisser envahir par les souris ?
− Y a d’autres solutions !
− Ah ouais ? Et laquelle par exemple ?
Là, la caissière ramène sa pelle, son seau et son mortier dans la discussion :
− La solution c’est de boucher les trous. Je vous l’ai déjà dit !
− J’ai déjà bouché les trous il y a des années de ça. Moi aussi je vous l’ai déjà dit ! Mais les rongeurs ça ronge, voyez-vous ? C’est même obligé de ronger si ça ne veut pas avoir les dents qui rayent le parquet ! Alors en attendant que je trouve le temps de réinspecter partout pour trouver quelle partie de l’immeuble va s’écrouler en premier à cause de ces connasses, j’ai bien l’intention de leur montrer qui est le maître des lieux ! Avec votre permission !
− Vous ne l’avez pas. Ah ben ça non alors !
− Alors je m’en passerai. Combien je vous dois, vous ?
− Ça dépend. Vous voulez boucher les trous avec du ciment ou avec du plâtre ?
− Très drôle ! Mais dites-moi, les deux amies des bêtes ! Supposons qu’il n’y ait qu’une porte d’entrée pour cette souris et que je referme cette porte. Quel monstre suis-je pour enfermer une souris chez moi, loin de sa famille et de ses amies ! Vous n’allez pas me dénoncer à la SPA ?
− J’ai une meilleure idée ! Pourquoi vous n’achèteriez pas une nasse ?
− Une nasse ?
− Excellente idée la nasse.
− Moi aussi j’ai une excellente idée ! Auriez-vous l’obligeance de passer avant moi ? Je vous cède volontiers le passage.
− Je n’en ferais rien.
− Si si, j’insiste.
Au lieu de profiter de mon offre, la fille de la tribu précédemment nommée repart d’un pas décidé dans les rayons et s'en revient trente secondes plus tard avec une petite cage en métal entre les mains.
− C’est même pas plus cher que les plaques de glu.
− Même pas plus cher ? Combien ça coûte ?
− 7 euros.
− 7 euros pour ce bout de machin. On voit que ce n’est pas vous qui payez !
− Figurez-vous que j’ai la même chose pour les chats. C’est encore un autre budget.
− Vous attrapez les chats ?
− Ben oui.
− Ah parce que vous êtes envahie par les chats ? Ils creusent des chatières dans les murs et ils rentrent chez vous ? Sans blague ? Non ! Laissez-moi deviner ! Vous attrapez les chats pour protéger les souris ?
− J’attrape les chats pour les rendre à leur propriétaire, si vous voulez tout savoir.
− Je vois. Ben moi j’attrapais les souris avec des tapettes pour les rendre à leur propriétaire : dieu ! Mais on dirait que dieu a décidé de leur enseigner l’art d’esquiver les tapettes. Alors j’imagine qu’il en ira de même avec ce piège à la con.
− Non je ne pense pas. Vous n’avez qu’à essayer, vous verrez par vous-même !
− Si ça peut mettre un terme à cette discussion, je suis prêt à tenter le coup.
− C’est vrai ?
− Même si c’est hors de prix, je vais en prendre deux au cas où elle longerait l’autre mur.
− Vous pouvez tout aussi bien la mettre au milieu de la pièce, croyez-moi, elles ont un meilleur sens olfactif que nous. Évidemment, si vous laissez plein de nourriture à disposition des souris en dehors des nasses à souris, ça peut ne pas marcher.
− Le reste du fromage est dans le frigo. Je ne pense quand même pas qu’elle va réussir à ouvrir le frigo. Ou alors c’est un rat et il va falloir envisager la taille au-dessus.
− On en vend des plus gros si vous voulez.
− Pourquoi vous ne mettez pas une cacahuète à la place du fromage ?
− Pourquoi voudriez-vous que je mette une cacahuète ?
− Pour avoir un piège à souris végan !


Jour 4/ Échec total ! La souris ne s’est prise dans aucune des deux nasses et pourtant elle a bouffé les deux morceaux de gruyère ! Rien d’étonnant à cela vu le montage de ces pièges à Mickey ! Je suis retourné directement au magasin de bricolage pour leur dire ma façon de penser :
− Vous abusez quand même ! Regardez !
− Quoi ? Où est le problème ?
− Je vais vous le dire où est le problème ! Regardez le crochet !
− Eh ben quoi ?
− Mais il est monté à l’envers ! Quand la souris arrive sur le morceau de gruyère - entre nous un gruyère bio à plus de 40 euros - normalement la souris pousse le crochet et le piège se referme derrière elle. Sauf que là, plus elle pousse, plus la trappe est solidement accrochée au crochet ! Vous voyez bien qu’il est à l’envers !
− Ben il suffit de le remettre à l’endroit ! Attendez !... Là ! C’est simple comme un jeu d’enfant ! Et moi qui pensais que vous étiez bricoleur !
− Mais je suis tout à fait capable de le remettre à l’endroit tout seul ! C’est juste que je trouve abusé de vendre des pièges qui sont montés à l’envers ! A part à gaspiller du fromage ça sert à quoi ?
− Vous auriez pu vous en rendre compte quand vous avez mis le fromage, aussi.
− Oui ben j’ai pas fait gaffe. Et ça m’énerve !
− Je vois ça. Remarquez que la pharmacie n’est pas loin.
− Pour ?
− Si jamais vous avez besoin d’un truc pour vous apaiser.
− Ne m’énervez pas plus que je ne le suis. Ce qui me ferait plaisir, c’est que vous alliez dans le rayon pour remettre les crochets dans le bon sens. Ce serait plus correct.
− Qu’est-ce qui vous dit qu’ils sont dans le mauvais sens ?
− Comment vous le saurez si vous n’allez pas le vérifier ?
− Je demanderai à un de mes collègues de le faire. C’est promis.
− Bien.
− Autre chose pour votre service ?
− Non.

Jour 5/ Les pièges sont en place, aucune souris à l’intérieur. Peut-être que cette connasse a viré végan dans la nuit. Ou bien elle s’est barrée à l’étage d’en dessous, ce qui serait une sacrée bonne nouvelle.

Jour 6/ Nouveau fléau ! Je crois que je me suis un peu trop focalisé sur les rongeurs. J’ai dû laisser traîner la poubelle un jour de trop, y a des moucherons. Retour au magasin de bricolage.
− Dites-moi ! Puisque selon vous les pièges à glu sont à bannir. Qu’est-ce que vous me conseillez contre les moucherons.
− En tout cas pas un piège à glu.
− Oui, ça j’avais compris.
− Contre les mouches oui. Mais les moucherons non, ce ne serait guère efficace.
− Et surtout inhumain.
− Oui mais en même temps ce ne sont que des moucherons.
− Et alors ? C’est quoi la différence entre les moucherons et les souris ?
− Je vous retourne la question ! C’est quoi la ressemblance ?
− C’est des bêtes à bon dieu dans les deux cas.
− Laissez dieu en dehors de ça. Vous n’allez quand même pas comparer des moucherons et des souris ! Y a quand même une échelle de valeur !
− Peut-être bien mais moi je ne la connais pas ! Alors qu’est-ce qu’on fait ?
− Mais je ne sais pas, moi ! C’est une affaire de sensibilité personnelle ! Et une souris c’est beau, c’est intelligent, c’est agile. Et puis d’abord c’est un mammifère comme nous !
− OK ! Pas de problème. Donnez-moi un piège à glu anti-moucherons !
− Je vous ai dit que ça ne serait pas efficace. Contre les moucherons faut y aller à la bombe insecticide !
− Sûrement pas ! J’ai des araignées chez moi !
− Alors il vous faut une bombe qui tue à la fois les insectes et les araignées !
− Mais je ne veux pas tuer les araignées ! Elles me servent d’insecticide !
− La preuve que non !
− Elles ne sont pas partout non plus.
− J’espère bien. Rappelez-moi de ne jamais venir chez vous !
− Oui, ben pour ça, y a pas de danger !
− En tout cas y a des insecticides qui ne ciblent pas les arachnides. Je ne sais pas ce que ça vaut s’il est question de les épargner totalement.
− De toute façon mes convictions écologiques me tiennent à l’écart de cette solution. Ce serait vraiment en dernier recours.
− Ah bon ? Vous êtes écolo vous ?
− Ben oui.
− J’aurais pas cru.
− J’essaye de l’être au mieux en tout cas. Alors je ne vais pas bomber l’atmosphère à la moindre apparition de moucherons.
− Fort bien. Alors essayez de vivre avec le temps qu’ils se meurent.
− S’il le faut.
− Je crains que oui. Sinon essayez le système D avec vinaigre de cidre + produit à vaisselle, mais je ne garantis pas le résultat.
− Je croyais qu’on n’attirait pas les mouches avec du vinaigre.
− Oui ben c’est comme « faire long feu », la moitié des gens pensent que ça veut dire le contraire de ce que ça veut dire. Et puis ça ne coûte rien d’essayer.
− Rien, rien, c’est vite dit. Ça coûte quand même le prix du vinaigre et du produit à vaisselle.

Non mais c’est vrai. Si on écoute les gens, tout est gratuit.

Jour 7/ Le fléau des moucherons s’intensifie. Et le fléau de la souris est de retour ! Malheureusement le magasin de bricolage est fermé. Je regrette de ne pas avoir acheté l’insecticide.

Jour 8/ J’ai été le premier client au magasin de bricolage.
− Devinez quoi ! Les souris sont totalement attirées par les moucherons ! A croire que les souris mangent les moucherons !
− Qu’est-ce qui vous laisse croire ça ?
− Hier et plus encore ce matin, j’ai trouvé de nombreuses déjections de souris autour de mon lavabo. Or c’est dans cette zone que j’ai le plus de moucherons. Jusqu’à présent je n’avais pas trouvé la trace du passage de la souris. Je l’avais juste vue passer.
− Vous avez supprimé les pièges ?
− Non mais elle n’y touche pas. Comme si elle savait que c’était un piège.
− Vous avez essayé la cacahuète comme l’a suggéré la demoiselle de la semaine passée ?
− Non mais arrêtez avec ça ! Je ne peux pas croire qu’une cacahuète sera plus efficace qu’un gruyère bio à 40 euros le kilo !
− Oubliez ça et achetez des crevettes ! Ça va marcher !
− Sérieusement ? Je suis censé attirer une souris avec un produit de la mer ?
− Vous faites comme vous voulez, moi je vous conseille juste de le faire.
− Ouais ben ce n’est pas donné les crevettes, quand même.
− Je ne vous dis pas de prendre de la crevette de Madagascar. Quoique ça ne nuirait en rien à son pouvoir d’attraction sur les souris.
− J’imagine que ce n’est pas en mettant des crevettes dans des cages en métal que je vais me débarrasser des moucherons.
− Si vous pensez que les souris bouffent les moucherons, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, faites un élevage de souris, voilà tout ! Entre les araignées au plafond et les souris au sol, avec vous les actionnaires de la pétrochimie seraient bien inspirés de changer d’âne !
− Vous ne m’aidez pas beaucoup là ! D’ailleurs, quand on y réfléchit, vous ne m’aidez pour ainsi dire jamais !
− Vous trouvez ? Je peux me rattraper assez facilement. Par exemple, en fouillant bien dans la réserve, je peux peut-être vous trouver un vieux morceau de colle à bouche.
− De colle à bouche ? Pourquoi faire ?
− Pour vous détendre, ou autre chose, ce que vous voulez.
− Ah ouais, je vois. Très drôle ! Vous en avez d’autres comme ça ?
− En tout cas je peux vous donner une piste. Imaginons que vous n’ayez pas une souris à cause des moucherons mais vous ayez des moucherons à cause d’une souris crevée !
− Comment elle pourrait être crevée et chier autour de mon lavabo en même temps ?
− Ce n’est peut-être pas la même. Ou bien, autre piste, vous n’avez pas remarqué au préalable que cette souris avait chié partout. La meilleure arme contre les moucherons c’est l’hygiène, et la meilleure arme pour l’hygiène c’est de ne pas oublier ses lunettes !
− Ah oui ? Je me demande bien qui m’a conseillé de ne pas prendre une mesure radicale pour me débarrasser d’une souris par qui le manque d’hygiène n’allait pas manquer d’arriver ! Mais si je m’en souvenais je ne lui dirais pas merci !
− Allez acheter vos crevettes, mettez vos lunettes et puis on en reparlera !

Décidément cette caissière encaisse tout. Elle commence sérieusement à me gonfler !

Jour 9/ Dans la nasse ! Elle est dans la nasse ! Tu fais moins la maligne là, souricette ! C’est la première souris que j’attrape, ah ah ah ! Je n’ai peut-être pas encore gagné la guerre mais j’ai gagné cette bataille ! Et j’ai une prisonnière ! J’ai une prisonnière… Merde alors ! J’ai une prisonnière.

Arrivé au magasin de bricolage j’ai sorti la nasse de la boite à chaussures dans laquelle je l’avais mise et je l’ai posée directement sur le comptoir.
− Vous avez un chat ?
La caissière a fait un bond digne de Michael Jordan :
− Mais vous n’êtes pas un peu malade ? Mais qu’est-ce qui vous prend de me foutre ça sous le nez ? Ça ne va pas bien dans votre tête ! Sérieusement !
− Pourquoi vous m’avez vendu ça ?
− Exactement pour faire ce que vous avez fait ! Attraper une souris !
− Finalement c’était très efficace. Fallait juste le bon appât, merci de votre aide. Mais maintenant que j’ai attrapé cette souris, je me demandais si vous aviez un chat. Vu que moi je ne sais pas quoi en faire, peut-être que lui il saura !
− Oui j’ai un chat figurez-vous ! Et du coup je n’emmerde personne avec mes histoires de souris !
− Fort bien mais vous vendez des nasses à souris pour ceux qui n’ont pas de chat ! Sauf que vous ne leur dites pas ce qu’ils doivent faire une fois qu’ils ont attrapé la souris ! Est-ce que je dois l’emmener devant la porte de mes voisins en lui disant : « Attends sagement ici qu’ils ouvrent la porte, tu verras, c’est bien mieux que chez moi. » ? Ben non, chez eux elle ne trouvera pas du Gruyère bio à 40 euros le kilo ! Donc vous comprenez bien que c’est impossible ! Donc la seule solution que je vois c’est de donner cette souris à un chat. Si vous permettez je vous laisse la souris et je récupère la nasse, au cas où.
− Mais bien sûr ! J’ai une meilleure idée ! Vous prenez votre nasse, votre souris, et vous allez simplement faire ce que tout individu doué de raison ferait dans de telles circonstances, trouver un endroit où relâcher la souris en extérieur. Un bout de parc fera très bien l’affaire !
− Ah oui ? Un bout de parc. Une souris, toute seule, loin des siens ! Ben elle est bien barrée tiens ! Imaginez en plein hiver !
− Vous êtes en chemise à manches courtes et en short… Pourquoi vous portez toujours la même chemise ?
− Ce n’est pas la même qu’hier ! J’en ai cinq de ce modèle ! En lot c’était moins cher. Et d’abord ne changez pas de sujet ! Qu’est-ce que je ferais si on était en hiver ?
− Mais on n’est pas en hiver ! Pourquoi vous me parlez de l’hiver ! Allez donc relâcher cette souris dans un parc et arrêtez de supposer qu’elle sera incapable de s’en sortir ! Comment vous pourriez le savoir ? Ça devient pénible là !

J’ai dû aller jusqu’à Saint-Georges pour trouver un parc digne d’accueillir cette souris, juste à proximité d’un compost, elle a sûrement trouvé de quoi se nourrir. Quand je l’ai relâchée, elle n’était pas encore morte de crise cardiaque mais je crois qu’il s’en est fallu de peu.

Après quoi je suis rentré chez moi. Les choses se compliquèrent sérieusement quand je m’aperçus qu’une seconde souris était prise au piège dans la seconde nasse tandis qu’une autre se carapatait à mon arrivée. Infesté ! J’étais infesté !
− Bordel ! Il me faut un chat !

Je suis retourné à Saint-Georges libérer la souris au même endroit que sa congénère. Je ne saurai jamais si j’ai libéré deux mâles, deux femelles ou bien si ces souris ont potentiellement reconstitué une famille outre-Saône. Cela m’a tout de même intrigué de le savoir, histoire de mettre quelque chose dans la balance de la vie, étant donné que mon idée d’alors était de faire une hécatombe parmi le gang de souris ayant manifestement un plan de conquête de tout mon appartement. Avant de me mettre en quête d’un chat je suis retourné avec mes nasses vides au magasin de bricolage.
− Chère madame ! Je vous prierais de bien vouloir me rembourser le prix de cet achat malheureux que vous m’avez forcé à faire.
− Que je vous ai forcé à faire ? Dernière nouvelle !
− Vous m’avez empêché expressément d’acheter les plaques de glu dont j’avais manifestement besoin.
− Je ne vous ai empêché de rien et en outre, vous aviez une souris à attraper et vous l’avez attrapée. Nous on ne loue pas des nasses, on les vend ! Si à votre tour vous voulez vendre des nasses, vous les prenez en photo et vous les postez sur le bon coin !
− En quoi ça vous dérange de reprendre ces nasses ? Vous voyez bien que je n’ai pas enlevé les étiquettes ! Personne ne verra la différence !
− Vous rigolez ? Elles sont souillées !
− Et quoi ? C’est de la pisse de souris ! C’est sûrement la meilleure chose pour attirer d’autres souris !

Cette conne n’a pas voulu entendre raison. Voilà comment on détruit la planète ! En entassant chez soi des choses qui pourraient servir à d’autres. J’ai remis l’opération chat au jour suivant car comme chacun le sait, le jour suivant, le matou revient, il est toujours vivant. J’ai aussi remis les nasses en place mais comme je n’avais plus de crevettes, j’ai ressorti le Gruyère.

Jour 10/ Avec les souris qui décident de transformer les immeubles en Gruyère, je crois qu’on pourrait boucher, avec du Gruyère, les trous que les souris font dans les immeubles. Soit certaines souris n’aiment pas le Gruyère, soit elles le sentent de moins loin que les crevettes. Ou bien la troisième souris a prévenu tout le reste du gang que l’endroit était dangereux. J’ai réfléchi à l’idée d’avoir un chat en sortant la balance bénéfice/risque. Le risque est facile à évaluer, il est d’abord financier car un chat ça coûte très cher. Et puis ça donne du boulot. Mais d’un autre côté les souris ça rend fou !

J’ai trouvé sur le net une association qui refourgue des chats pour pas un rond. J’ai laissé croire que j’aimais les chats, ce qui n’est pas forcément faux, ça dépend des chats. Toute petite association, il n’y avait pas un très gros stock, seulement trois femelles et un mâle. J’ai pris le mâle, pas trop mal, ni trop gros ni fluet, jeune. La fille m’a dit qu’il s’appelait Chubacha, j’ai décidé de le renommer Grabel, je ne l’ai pas dit à la fille de l’association mais je l’ai dit à la fille du magasin de bricolage.
− C’est quoi votre premier prix pour la litière pour chat ?
− Vous avez pris un chat ?
− Finalement oui. Vous connaissez la maxime : « Sans un chat tacherdu ! »
− Eh oui ! Sans un chat tacherdu ! Comme on dit.
− D’habitude les maximes ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais au moins, pour celle-ci, ça dit ce que ça dit !
− Oui, pour le coup…
− Mon chat s’appelle Grabel.
− Parce qu’il est bel et gras ?
− Non, c’est pour l’association Grabel et Grabelot.
− Il vous ressemble à ce point-là ?
− Pour l’instant, pas du tout, c’est pour l’y encourager.

J15/ Je ne sais pas si Grabel fait le boulot pour lequel je le nourris. Il ne m’a pas ramené de souris pour témoigner de sa bonne volonté mais je n’en ai pas revu depuis près d’une semaine. Je suppose que sa simple présence suffit à les tenir à l’écart. Du coup j’oublie les souris et j’ai tendance à reconsidérer la balance bénéfice/risque de la présence d’un chat parce que ce chat m’énerve ! Je ne peux pas savoir ce qu’il fait quand je dors, pas trop de bruit au moins, mais en tout cas, il semble décidé à dormir dès que je suis éveillé. On pourrait croire que ça m’arrange mais ça m’énerve ! Je me demande si ce chat sur le sofa ne va pas finir par incarner à mes yeux tous les défauts de cette société, quel gland ! J’ai bien envie de le renommer Glandel !

J16/ Ce matin, prenant l’air par le Velux, j’ai aperçu à nouveau ce très gros chat noir qui hante les toits de ce pâté d’immeubles. Ni une ni deux, j’ai dévalé les escaliers jusqu’au séjour, j’ai attrapé Grabel sur le sofa et je suis remonté dans ma chambre avec le matou sous le bras. Puis je l’ai jeté sur le toit. Durant une fraction de seconde j’ai cru, pour la première fois de ma vie, que j’allais voir un chat qui retombe sur le bide faute de trouver la force de se servir de ses pattes. Finalement non ! Grabel a atterri sur ses coussinets et s’est retourné vers moi avec l’air de ne pas piger ce qui lui arrivait. J’ai dû lui expliquer :
− Va donc jouer avec tes congénères !
Après quoi j’ai refermé le Velux. Il a pas mal plu ce jour-là, quand j’ai rouvert le Velux Grabel faisait passablement la gueule.
− Va falloir que tu t’habitues mon vieux !
Finalement j’ai peut-être trouvé le meilleur compromis, un chat la nuit ça semble suffire pour éloigner les souris. »

− Fin de l’histoire matous ! Ça vous a plu ?
− Carrément !
− Carrément pas !
− Ça se passe de commentaires non ?
− Pas du tout. Ça appelle plein de commentaires. D’abord il y a quelque chose que je voudrais bien chavoir : c’est quoi la tribu des Krokkrionos ?
− Les Krokkrionos, ce sont des filles tatouées, qui ont les cheveux rouges et portent des vêtements noirs et de grosses chaussures noires.
− Elles aiment les chats ?
− Carrément ! Surtout les chats noirs !
− Et les fées les aiment ?
− Assez.
− Grabelot ne devait guère s’entendre avec cette tribu.
− On ne peut pas plaire à tout le monde. Dis donc Grabel, t’aurais pu faire un effort !
− Comment cha ?
− Quand Grabelot t’as accueilli chez lui.
− Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ?
− Chasser les souris par exemple.
− Qu’est-ce que c’est que cette lubie ? Quand je suis arrivé, une souris s’est pointée quelques heures plus tard dans le séjour. Je n’avais pas le goût de lui sauter dessus alors je lui ai juste conseillé de ne jamais remettre les pieds dans cet appartement. Faut croire que le message est passé parce que je n’ai jamais revu de souris ici. Alors je ne vois vraiment pas pourquoi on me fait des reproches.
− T’aurais pu essayer d’être plus avenant. De donner une meilleure image des chats !
− Avec Grabelot ? Un type que je ne connais pas, débarque dans un lieu où je me sentais très bien et en charmante compagnie, il m’emmène chez lui où il n’y a rien à faire, me change mon prénom pour un autre, me donne à peine à bouffer dans l’idée que je devrais me nourrir de souris, puis, sans crier gare, me jette sur le toit un jour de pluie pour que j’aille bavarder avec un gros chat noir.
− Et quoi ? T’es pas content de m’avoir connu ?
− Ben au départ, moi je ne chavais pas qui t’étais. Comment je pouvais chavoir que t’allais pas me pousser par-dessus la gouttière ? Mettez-vous à ma place !
− Moi ? Je ne ferais pas de mal à une mouche ! Sauf quand on fait des concours de manger de mouches bien sûr. T’es toujours aussi nul à ce jeu d’ailleurs mais passons. Odette, une autre chose m’a interpelé dans le texte de Grabelot. Nous avons désormais la preuve que la maxime de papillote que tu croyais incomplète est une vraie maxime.
− C’est exact Darwin. Ce qui d’ailleurs m’étonne vraiment ! « Sans un chat tacherdu ! » Je ne suis pas très sûre de comprendre ce que ça veut dire mais tout à fait sûre de ne jamais l’avoir entendue avant de l’avoir lu dans une papillote.
− Eh bien je crois que c’est une expression écrite dans un patois local qui dit exactement ce qu’on a cru que ça disait : « Sans un chat, tâche ardue ! » Et c’est bien vrai, surtout pour ceux qui ont peur des souris.

Grâce à Grabelot nous avons donc la confirmation de la très grande utilité des chats ! Mais qui en doutait ?

Avec tout cha je ne vous ai pas raconté comment Grabel s’était retrouvé dans un petit refuge pour chats qu’il aurait souhaité ne jamais quitter. Ce sera peut-être pour une autre fois et le cas échéant le texte s’appellera sans doute « Grabel, le prépréquel !

Ah ben chalut !

Darwin.

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