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Darwin Le Chat
15 janvier 2019

Le Coincoin du coin du 12 décembre 2018

Chalut !

Sachez que Odette a réapparu l'air de rien au mois de novembre, ce qui, à l'approche de l'hiver, rassura Grabel. En un sens je dois concéder que je fus rassuré moi aussi. Ce retour se fit sans aucun commentaire de sa part, elle est revenue d'humeur plutôt neutre. Depuis il faut dire que la vie a été surtout marquée par les superbes animations du samedi grâce au mouvement des gilets jaunes. Nous n'en avons pas manqué une miette ! Pour vous donner un aperçu du climat ambiant, surtout si vous n'êtes pas en France, le mieux pour moi est de vous poster ci-après des liens vers les pages d'un hebdomadaire local. Son édition du 12 décembre porte vraiment la marque du mouvement des gilets jaunes. 

 

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15 janvier 2019

Qui sème le vent ?

Qui sème le vent ?

J’en reviens à cette journée vouée dans un premier temps aux boites aux lettres récalcitrante. Donc dans un second temps le vent se leva. La discussion porta rapidement sur cette constatation incontestable que le vent souffle de plus en plus souvent à Lyon. La théorie d’Aïcha sur ce sujet fit prendre à la discussion une tournure inattendue.

– C’est normal qu’il y ait de plus en plus de vent car les arbres sont très en colère.

– Les arbres sont très en colère ?

– Oui ! Et c’est normal puisque l’humain ne respecte pas la nature ! Alors les arbres, qui sont une partie de la nature, manifestent leur mécontentement. Et si ça continue ils seront tellement en colère qu’ils feront se lever un vent apte à détruire tout ce que l’humain a créé.

– Allons bon ! Voilà autre chose ! Après les égarements des boîtes aux lettres, nous voilà soumis au caprice des arbres !

– Il ne s’agit pas d’un caprice mais d’une juste révolte !

– Voyez-vous cha ? Sauf qu’aux dernières nouvelles le vent ne vient pas des arbres mais… disons des interactions entre la mer, la terre et le ciel. Les arbres ont une influence sur la météorologie mais ils ne créent pas le vent par caprice !

– Ils créent le vent mais pas par caprice ! Le vent est signe que les arbres ne sont pas satisfaits de la manière dont vont les choses. Comme ils n’ont pas l’usage de la parole, ils s’expriment corporellement, de cette expression corporelle né le vent quand elle est concertée et synchronisée.

– Synchronisée ? Explique-nous cela, histoire qu’on rigole un peu !

– Il n’y a absolument rien de drôle à cela ! C’est une question d’essence !

– Ah non ! On ne va pas se remettre à parler de voitures !

– Quand je dis « essence » c’est dans le sens de « essentiel » ! Voyez-vous ? Les hommes se sont inventé quelque chose qu’ils appellent dieu et qui est surtout une réduction à leur échelle de quelque chose de beaucoup plus grand. Puisqu’ils se prennent pour la merveille de l’univers, dans leur imaginaire, dieu étant leur créateur et leur berger, il est tout. C’est doublement une erreur puisque dieu n’existe pas et qu’il n’est en aucun cas un berger.

– Nécessairement… s’il n’existe pas, il n’est pas un berger.

– Il n’est pas un berger car il est un semeur !

– C’est donc qu’il existe.

– Non ! Il n’existe pas en tant que dieu mais en tant qu’être essentiel.

– Un être essentiel ? Et c’est quoi donc cette chose-là ?

– C’est un semeur !

– Mais encore ?

– Eh bien il sème !

– Il sème quoi ?

– Je l’ignore !

– On est bien avancés alors !

– Tout ce qu’il faut comprendre c’est qu’il sème puis il attend de voir ce qui pousse.

– Et qu’est-ce qui pousse ?

– Cha dépend. Assez souvent il ne pousse rien. Presque tout le temps en fait.

– C’est pas hyper excitant comme boulot alors !

– Ce n’est en rien un boulot.

– Oui mais au final… que récolte-t-il ce semeur ?

– Eh bien la vie ! La vie des chats et des pigeons par exemple.

– Ah ?… En fait ce que tu veux dire c’est que ce semeur sème des molécules élémentaires sur des planètes pour voir ce que cela donne.

– Je l’ignore.

– Ou peut-être même qu’il sème des planètes entières.

– C’est possible mais je l’ignore.

– Si cha se trouve il sème carrément des galaxies entières !

– C’est possible mais je l’ignore.

– Si cha se trouve il sème carrément des univers tout entiers ! Ce qui expliquerait ces histoires d’univers parallèles.

– C’est possible mais je l’ignore.

– Tu ignores tout en fait !

– Ce que je chais c’est qu’il n’y a pas de dieu qui aurait créé ex-nihilo les êtres humains à son image.

– Ah oui euh… je le chavais aussi, foi de Darwin !

– Ce que tu ne chavais sûrement pas, c’est qu’au hasard de ses semences, l’être essentiel voit parfois pousser des êtres qui, eux, sont vraiment à son image.

– Ah ! Voilà qui devient intéressant. J’espère que tu ne vas pas nous dire que tu ignores quels sont ces êtres !

– Non je ne l’ignore pas ! Il s’agit des végétaux et les arbres étant les plus majestueux des végétaux, ils sont encore plus à l’image de l’être essentiel.

– Plus que qui ? Que les herbes à chat ?

– Plus que les herbes à chat et surtout plus que les chats !

– Me voilà fort marri de ce que tu nous dis.

– Moi aussi. Mais dis-nous Aïcha ! Maintenant qu’on sait que les chats valent moins qu’un idiot d’arbre incapable de prendre la poudre d’escampette quand un type à chemise à carreaux débarque avec une hache… est-ce que ce monde-là est à l’envers au point de considérer que les pigeons valent moins que les chats ?

– Dans ce monde-là, et il n’y en a pas d’autre que celui-là auquel nous puissions avoir accès, les chats et les pigeons sont strictement à égalité. Ce qui les différencie des végétaux par contre, c’est qu’ils ne sont pas à l’image de l’être essentiel !

– En fait, si je te suis bien, la vertu essentielle de ton être essentiel c’est l’immobilisme. Ce qui me semble assez contraignant pour un genre de super dieu !

– Ce n’est pas un dieu ! Tu ne comprends rien !

– Ce que je comprends c’est qu’il ne doit pas avoir beaucoup de pouvoir pour un super dieu.

– Mais heureusement parce que sinon il risquerait de toujours tout recommencer à zéro ! Or justement, il est comme un arbre qui ne peut pas grand-chose hormis laisser s’envoler ses graines au gré du vent qu’il crée.

– Je croyais que le vent était créé par mécontentement, faut savoir ce que tu veux !

– Le vent sert à beaucoup de choses pour les êtres immobiles. Il est porteur des stratégies distantes qu’il ne faut pas confondre avec les stratégies de proximité.

– Les stratégies de proximité ?

– Oui. Par exemple c’est quand un arbre se sert d’un écureuil pour transmettre quelque chose à un autre arbre alors que l’écureuil, totalement obnubilé par son estomac, pense œuvrer dans son seul intérêt. Ou encore c’est quand des arbres de différentes sortes s’arrangent pour pousser les uns à côtés des autres pour profiter des qualités de chacun.

– C’est possible ça ?

– Mais bien sûr ! Mais comme chez les êtres mobiles il y en a qui se croient trop forts et qui préfèrent vivre entre individus de la même espèce.

– Euh Aïcha… sans vouloir te contredire… si tu vois des centaines d’arbres d’une même espèce alignés en rangs d’oignons, ce n’est pas parce qu’ils préfèrent vivre entre eux mais parce que des humains spécialisés dans l’exploitation forestière préfèrent qu’il en soit ainsi par souci de rentabilité. D’ailleurs c’est bien simple, il n’y a pratiquement pas un arbre dans ce pays qui ne soit issu d’une volonté humaine plus ou moins lointaine. Or la volonté humaine se ramène absolument et exclusivement à un terme de rentabilité !

– Ah ouais c’est comme les races de chats en fait !

– Un peu oui, mais vois-tu Riton ? A ce qu’on dit, moi je suis tout à fait proche de l’état dans lequel on a trouvé mes aïeux à l’état naturel !

– Certainement… à ce qu’on dit.

– Oui ! A ce qu’on dit !

– Il n’empêche que cela se retourne contre l’humain car les alignements forcés d’arbres leur permettent d’avoir une meilleure synchronisation quand ils veulent créer le vent !

– Ah bon ? Eh bien j’aimerais bien savoir comment ils font !

– Oh mais c’est que tu n’es pas très observateur Darwin. Si tu étais observateur tu saurais comment font les arbres pour créer le vent. Ils se penchent d’abord d’un côté puis de l’autre, et puis ils recommencent de l’autre côté et ainsi de suite. Et alors, s’ils sont des centaines ou des milliers à faire cela en même temps, ils peuvent créer un vent apte à décorner les bœufs comme on dit.

– Fort bien Aïcha. Il y a néanmoins un petit problème à ta théorie. Je n’ai pas souvent vu des arbres se pencher d’un côté puis de l’autre. En général ils se penchent tous d’un même côté, signe qu’ils sont soumis à un vent qui préexistait à leur propre penchée ! Et je dois dire que je suis désolé d’en arriver à cette conclusion puisque j’aimais beaucoup cette idée d’arbre à vent !

– Oh mais ne conclus pas trop hâtivement Darwin ! Il est possible qu’à Lyon les arbres soient tous penchés dans le même sens, mais penses-tu qu’ils soient très nombreux ces arbres lyonnais ?

– Certes non, ce n’est pas une forêt !

– Eh bien justement, ils sont soumis à un vent qui préexiste parce qu’il a été créé par des arbres beaucoup plus nombreux.

– Il est à craindre que dans les forêts la constatation soit la même.

– Comment tu peux le savoir puisque tu n’as jamais vu de forêt de près ?

– Je peux le savoir de nombreuses façons. Et par exemple par le témoignage de certains individus qui ont des ailes et peuvent facilement rejoindre la forêt la plus proche. N’est-ce pas les pigeons ?

– N’est-ce pas quoi ?

– N’est-ce pas vrai que les arbres ne se penchent pas d’un côté puis de l’autre dans les forêts ?

– Quelle forêt ?

– Mais n’importe laquelle ? Il y a bien des forêts pas bien loin ! J’en vois d’ici !

– Ben si tu les vois d’ici ! Pourquoi tu demandes ?

– Mais parce que je ne les vois pas assez bien pour savoir si les arbres se penchent tous dans le même sens ou alternativement d’un côté puis de l’autre comme le suggère Aïcha.

– Ben ça mon vieux… j’en sais pas plus que toi ! Biscotte ? T’es déjà allée jusqu’à la forêt ?

– Je ne vois pas vraiment ce que j’aurais à y faire.

– Et toi Biscuit ?

– Moi j’ai voulu aller à Fourvière une fois quand Darwin y était et tu m’as déconseillé d’y aller à cause des faucons et des corbeaux !

– A Fourvière y a pas de forêt ! Juste un petit bois !

– Et pourquoi y a des faucons et des corbeaux alors ?

– T’as qu’à y aller leur demander !

– C’est tout de même incroyable que des prétentieux dans votre genre, qui se vantent sans cesse d’être des voleurs hors-pair, n’aient jamais quitté la ville ! A quoi elles vous servent vos ailes ?

– T’as qu’à sauter du toit ! T’auras une meilleure idée !

– Hin hin !… Mais j’ai une meilleure idée justement ! Je vais attendre le retour de George et je lui demanderai. Lui au moins on est sûr qu’il a vu du pays ! Enfin ! c’est tout de même étrange de devoir passer par un oiseau marin pour avoir un témoignage sur les forêts !

– Et oui mon vieux, mais que veux-tu ? Les invasions barbares passent toujours par les fleuves et les forêts !

– Maintenant que j’y pense, il ne sera peut-être pas utile d’en passer par George. Car vois-tu Aïcha ? Même s’il est vrai que je ne connais pas plus l’océan que la forêt, s’il y a bien quelque chose qui est de notoriété publique, c’est que nulle-part ailleurs sur la terre les vents ne soufflent plus fort que sur l’océan, là-même où naissent les ouragans ! Or il est également de notoriété publique qu’il n’y a pas beaucoup d’arbres dans l’océan ! Conclusion ?

– Conclusion ? La flore marine se balance de droite à gauche et de gauche à droite et ainsi crée les vagues et les courants océaniques qui à leur tour créent le vent.

– Ah… Et elle est en colère aussi la flore marine ?

– Visiblement puisque les ouragans sont de plus en plus violents.

– Et pourquoi elle est en colère ?

– A cause du changement climatique !

– Hum… cha se tient. C’est tout en rotondité, j’aime bien.

– La rotondité c’est ma position préférentielle.

– Moi aussi. Surtout l’hiver.

– Y a plus de saisons Darwin !

 

Un peu après, Grabel et moi nous retrouvâmes seuls. Nous en profitâmes pour dormir un peu au soleil afin de profiter de ce début d’automne si chaleureux. Puis Grabel suggéra de profiter de ce début d’automne si chaleureux pour faire un concours de manger de mouches tant qu’il y en avait. Je gagnai assez facilement sous le regard sceptique de Riton.

– Au final si tu t’entends si peu avec les hirondelles c’est qu’elles empiètent ton terrain de chasse.

– Pas du tout ! Les hirondelles sont des pestes et profitent des règles éditées par Odette pour s’empester encore un peu plus. Au demeurant j’aime beaucoup les mouches... mais je préfère quand même les pigeons.

– Et oui… mais y a des règles.

– C’est pas dit qu’elles aient cours encore très longtemps…

Ce disant je m’approchai nonchalamment de Riton.

– …des fois que la fée Odette ne revienne jamais ! Si tu vois ce que je veux dire !

Riton s’envola prudemment vers la cheminée la plus proche.

– Dis donc !… Au cas où… Comme on est nombreux, tu pourrais peut-être éviter de t’en prendre à un ami.

– Effectivement je ne m’en prendrai ni à Biscuit ni à Biscotte.

– Hem… Et sinon, euh… la petite Aïcha… elle est toujours autant frappadingue non ?

– Personnellement j’ai décidé d’en retenir une chose. Je ne sais pas à qui elle a volé cette idée d’être essentiel mais je veux bien la considérer comme une hypothèse intéressante.

– Ah bon ? a dit Grabel. Mais alors, du coup il n’y a plus de dieu ?

– Plus de dieu à l’image des humains !

– Oui mais alors, dans tout cela, que deviennent Pristi et Luya ?

– On les oublie aussi, ce qui n’est pas plus mal car le cas échéant nous pourrons boire tout le lait qu’on veut !

– Oui mais si c’est le prêtre qui amène le lait ? Nous n’allons tout de même pas voler un prêtre.

– Non, tout de même pas. Eh bien tant pis, nous mangerons des mouches puisque la semence de l’être essentiel a fini par donner des mouches en veux-tu en voilà !

– Mais alors du coup ? S’il y a un être essentiel, alors c’est donc bien des arbres que naît le vent ?

– Non point Grabel ! Ou alors il faudrait considérer que les arbres sont soit suicidaires soit des assassins avec circonstances aggravantes. Je n’avais pas l’intention de contredire Aïcha outre mesure mais… laisse-moi te raconter une histoire !

– Je t’écoute.

– Non attends ! Comme je ne vais pas la raconter deux fois, je crois qu’il conviendrait de convier Philémon et les autres pigeons.

 

Nous nous rassemblâmes assez nombreux dans la sous-pente et je leur contai une longue histoire, juste à des fins éducatives. Je vous la conterai sûrement un jour.

 

Darwin.

12 janvier 2019

Pigeon Postal

Pigeon Postal.

Ce que j’aime bien quand je suis sur mon toit c’est que j’ai un point de vue sur un objet qui m’intéresse particulièrement. Il est assez facile d’apercevoir la boîte aux lettres de la Poste qui se trouve à l’un des angles de la place des Jacobins. Enfin disons tout de même qu’il est plus facile de l’apercevoir en hiver qu’en été car ils ont planté un arbuste il y a trois ans et celui-ci a bien profité des deux mètres cubes de terre qu’on lui a alloués en pleine propriété et de l’air pur et renommé dans lequel baigne notre belle cité de Lyon. Donc il est déjà suffisamment touffu pour faire de l’ombre à cette fameuse boîte aux lettres et quand il a toute ses feuilles, on ne peut voir que le bas de la boîte aux lettres. Quand il y a une lettre à poster je la confie d’ordinaire à Odette mais à cause de son sale caractère, il est parfois utile de se passer de ses services, surtout quand on n’a pas le choix comme durant sa longue absence. Que l’on soit sur mon bloc ou le très grand bloc je confie la lettre à Biscotte puisqu’elle n’a pas son pareil pour glisser le pli dans la fente d’un seul tour de cou. Je lui confiai donc la dernière lettre qui était adressée à l'une de mes correspondantes sans oublier de lui rappeler les précautions d’usage :

– Tu restes bien concentrée d’accord ? Tu ne fais pas comme ton père qui se laisse distraire par tout et n’importe quoi !

– Oui ben ça va ! J’en ai pour moins de vingt secondes !

– Cette lettre va à Palaiseau alors tu la mets dans la fente… ?

– Évidemment que je la mets dans la fente !

– Oui mais quelle fente ?

– La fente de la boîte aux lettres ! Tu me prends pour une idiote ?

– Oui mais la fente estampillée « Autres départements. »

– Ben oui comme d’habitude ! De toutes façons tous tes correspondants sont sur Paris ou Outre-Atlantique ! A croire que les lyonnais ne sont pas assez bien pour toi ! Espèce de snob !

– Est-ce que c’est ma faute si cette histoire de castor mort m’a rapporté autant de notoriété ?

– Ça non, c’est celle d’Herbert ! Paix à son âme !

– Ben voilà. Donc tu la mets dans la fente… ?

– Autres départements ! C’est bon ? Je peux y aller avant que les humains ne sortent de leur léthargie ? Je me lève aux aurores pour te rendre service, pas pour me faire remarquer par un deux pattes qui balade son chien !

Tenez ! à propos de se lever aux aurores, moi je ne le fais qu’en cas de force majeure. S’il m’arrive de voir le soleil se lever c’est plus souvent à la suite d’une nuit blanche et autant dire que je me rattrape bien dans la journée suivante question dodo. Je me doute que vous avez le loisir d’observer beaucoup de pigeons. Je crois qu’ils fréquentent surtout les villes qui ont totalement des allures de villes, c’est à dire avec beaucoup beaucoup de béton ou de goudron par terre, pas trop fournies en arbre quoiqu’ils soient assez sensibles à la présence de parcs urbains du moment qu’il y a des bancs publics. Donc pour ça, on peut dire que les villes se ressemblent. Les pigeons sont, comme on dit, les rats des toits, sauf qu’eux, je n’ai pas le droit de les manger à cause de l’interdiction formulée par Odette. Je les trouve particulièrement déconcertants notamment dans leurs habitudes personnelles. Certains se lèvent bien avant les autres sans que cela soit toujours systématique. Pas moyen de savoir pourquoi. Si on le leur demande la réponse est invariablement la même :

– Vous les chats, vous ne faites pas tous la même chose en même temps n’est-ce pas ? Ben nous c’est pareil !

Revenons à nos chatons. Biscotte s’apprêtait enfin à prendre la lettre dans son bec mais par précaution je lui posai une dernière question :

– Rappelle-moi de quel côté est la fente « Autres départements » ?

– A droite !

– T’es sûre ?

– Il est certain en tout cas que mes certitudes à ce sujet dépassent sûrement les tiennes ! Au pire je vais vérifier à nouveau si ça peut te rassurer.

– Ce serait gentil de ta part.

Elle s’envola donc jusqu’à la boîte aux lettres, se posa sur le sol, regarda deux secondes la boîte, revint vers moi à tire-d’aile, prit la lettre dans son bec sans mot dire, et repartit en direction de la boîte. Comme elle alla directement se poser sur la boîte afin de glisser le pli dans la fente par en-dessus, je ne la vis plus durant un court instant, cachée qu’elle était par les feuilles de l’arbre. Mais alors que je pensais le pli dans la boîte, je le vis soudainement tomber sur le sol.

– Ma lettre ! m’exclamai-je en mon for intérieur.

Je vis Biscotte sauter sur le sol à côté de la lettre, s’en saisir, remonter sur la boîte, du moins le supposai-je, puis, quelques secondes plus tard, la même scène exactement se reproduisit. Il s’écoula ensuite une bonne vingtaine de secondes avant que je ne visse Biscotte revenir vers moi passablement contrariée :

– Non mais qu’est-ce qu’elle a cette boîte aux lettres ? C’est la première fois que je vois ça !

– Allons bon ! C’est de la faute de la boîte maintenant ! Tu m’avais pourtant promis.

– Mais j’ai fait exactement la même chose que d’habitude ! Je glisse la lettre dans la fente, je m’apprête à mettre les voiles, et voilà que la boîte me la recrache ! Je la ramasse, je retente ma chance : rebelote ! Au troisième coup j’ai tenté de lui donner un peu plus d’élan et ça semble avoir fonctionné. Je l’ai matée on dirait.

– Écarte-toi un peu !… Bon, oui, elle ne semble pas être retombée.

– Au pire un passant la remettra dedans tu sais.

– Oui mais j’ai l’impression que le sol est encore humide. J’espère que la lettre n’était pas trop abîmée !

– Non ça va.

Il faisait très beau ce jour-là et il avait fait très beau les jours précédents. Seulement il vous faut savoir que je vis dans un excellent quartier au goût des humains, ce qui en fait un quartier pas toujours facile à vivre pour les chats de gouttières comme vous avez pu le constater à travers mes aventures. Alors puisqu’il s’agit de l’un des plus beaux quartiers de Lyon et que les gens de passage aiment à y faire un passage, la municipalité le nettoie tous les jours, plutôt la nuit en fait, au jet d’eau. Lyon est une ville très très propre, surtout dans ce quartier. D’après ce qu’en disent les pigeons, si on s’éloigne un peu vers l’Est, on trouve des endroits souvent propres où la municipalité nettoie toutes les semaines. Et si on s’éloigne un peu plus vers l’Est, on trouve des endroits parfois propres où la municipalité nettoie tous les mois. Et si on s’éloigne un peu plus vers l’Est, on trouve des endroits une fois propres où une autre municipalité nettoie tous les ans à l’occasion de ce qu’elle appelle un nettoyage de printemps ; là il faut un jet d’eau très puissant comme ceux des pompiers, du moins assez puissant pour faire rouler un rond en forme de pneu ou un carré en forme de machine à laver. Et si on s’éloigne un peu plus vers l’Est, là une autre municipalité a décidé de laisser la nature suivre son cours. Alors cet endroit fort éloigné pour un chat du centre-ville de Lyon est parfois très propre s’il est fort éloigné d’un panneau avec marqué dessus « Aire de pique-nique » et s’il est fort éloigné d’un cours d’eau que les humains ont confondu avec une décharge et s’il est très fort éloigné d’une décharge que les humains ont confondu avec une décharge de plus grande taille et moins exposée au vent. Et quand toutes ces conditions sont réunies, cet endroit très propre en apparence est parfois très sale de saleté invisible. Et parfois un humain prévenant, signe que les humains font les choses bien, a planté un panneau avec marqué dessus : « Pique-nique interdit. » ou encore « Il est déconseillé d’avaler ou respirer toute substance issue de ce sol durant les 200 000 années à venir. »

Donc voilà, maintenant vous savez pourquoi la phobie de la saleté engendre des lettres mouillées. Et dans un prochain billet vous en saurez un peu plus, ou pas, sur le vent qui souffle sur les décharges ou ailleurs. Mais en attendant laissez-moi vous raconter la suite de cette journée où la lettre que normalement ma correspondante a reçue a normalement fini dans la boîte. Biscotte était assez contrariée par cette mésaventure et décréta que la journée était mal engagée :

– Cette journée est mal engagée ! Je crois que je vais retourner me coucher.

– Je ne sais pas si cette journée est mal engagée mais j’avais de toute façon prévu de retourner me coucher.

Je ne sais pas combien de temps a duré le somme de Biscotte mais personnellement, quand je me suis levé, le soleil était déjà en phase descendante depuis longtemps. Grabel a dormi aussi longtemps que moi. Il se peut que notre réveil ait été un peu précipité parce Burbulle et Aïcha nous ont rendu visite ce jour-là. Je trouve que Biscotte est un peu aux pigeonnes ce que Aïcha est aux chattes, elles ne craignent ni l’une ni l’autre d’affirmer leurs positions quitte à avoir raison, ou tort, seules contre tous. Biscotte n’avait apparemment toujours pas digéré l’affront de la boîte aux lettres et décida de raconter cette mésaventure qui fit beaucoup rire Burbulle, Grabel et Riton. Aïcha ne rit pas et dit le plus sérieusement du monde :

– La boîte aux lettres a refusé cette lettre parce que celle-ci ne lui plaisait pas !

Burbulle, Grabel et Riton rirent de plus belle. D’autres pigeons vinrent partager ce moment de gaieté.

– Et en quel honneur ma lettre lui aurait déplu ?

– Peut-être qu’elle n’aimait pas l’enveloppe.

– Allons bon ! J’ai déjà utilisé ce genre d’enveloppes des dizaines de fois et cette boîte les as toujours acceptées.

– Alors c’est à cause du timbrage ! Peut-être qu’elle a jugé que ta lettre était trop lourde pour un seul timbre.

– J’ai mis deux timbres.

– Tu veux dire que J’AI mis deux timbres !

– Oui… Biscotte a mis deux timbres.

– Au cordeau je dois dire. Je suis devenue plutôt hyperdouée.

– Excuse-moi de ne pas avoir les équipements requis !… Toujours est-il que deux timbres suffisaient amplement pour un tel pli !

– Quel genre de timbres as-tu choisis ?

– Des timbres représentant Mickey. Tout à fait bien choisis.

– Cette boîte aux lettres n’aime pas Mickey voilà tout !

– Ah oui ? Alors explique-nous pourquoi elle a accepté la lettre au troisième essai.

– Parce que quand quelque chose ne lui plaît pas elle renâcle ! Mais elle sait aussi que c’est son travail de garder les lettres alors si on insiste un peu elle comprend qu’elle ne peut pas insister de son côté. Les travailleurs n’aiment jamais trop être accusés de ne pas faire leur travail.

– Tout cela c’est bien joli, a dit Riton, mais cette boîte n’a pas refusé cette lettre pour une simple raison : une boîte aux lettres est un objet et un objet ne pense pas !

– Comment cela un objet ne pense pas ! s’est offusquée Aïcha. Il ne pense peut-être pas comme toi et moi mais à sa façon un objet saura toujours te faire passer ses messages !

Burbulle et Grabel tentaient de dominer leur envie d’hilarité tandis que les pigeons présents, Biscotte mise à part, ne se dominaient pas du tout. Aïcha ne sembla pas s’en émouvoir et rajouta :

– Puisque vous êtes si malins, expliquez-moi pourquoi cette lettre a été refusée deux fois par la boîte si la boîte n’a pas voulu la refuser ?

– Je vais te l’expliquer le plus simplement du monde. répondit Riton. Cette boîte était presque pleine et la lettre est tombée toute seule. Quand Biscotte l’a poussée un peu plus fort, elle a réussi à la coincer derrière d’autres lettres, voilà tout. Et je rajoute que si un jour une boîte refuse d’elle-même les lettres, c’est que les humains lui ont greffé un ordinateur et une balance pour faire un tri directement à la source. Pas le bon timbre, hop ! Refusée ! Adresse illisible ou incohérente, hop ! Refusée ! Je suis même étonné qu’ils ne l’aient pas déjà fait. Moi à leur place c’est ce que je ferais.

– Ça m’étonne à peine de toi. Mauvais que tu es !

– Ah ah ! Voilà une chose qui te pend au nez Darwin ! Un jour les boîtes refuseront vraiment tes lettres !

– Ça m’étonnerait puisque je mets toujours suffisamment de timbres.

– Tu veux dire que JE mets toujours suffisamment de timbres. a dit Biscotte.

– Un jour chaque timbre aura un code unique et tous les timbres issus de carnets volés par une fée voleuse seront décrétés caduques et les boîtes aux lettres toutes équipées de faisceaux laser refuseront les lettres timbrées avec ! Et tu feras comment à ce moment-là, gros malin ?

– J’utiliserai des pigeons voyageurs à la place, petit malin !

– Il y a quelque chose qui ne tient pas dans ton histoire Riton. a dit Aïcha revenant à la charge. Depuis quand cette boîte aux lettres, qui est relevée tous les jours, déborde de courrier ?

– Depuis qu’ils ont supprimé celle de la rue des Archers !

– Ils ont supprimé la boîte de la rue des Archers ? Pourquoi ?

– Sûrement parce qu’elle gênait !

– Elle gênait qui ? Le trottoir est très large comparé à ceux de cette rue.

– Elle gênait parce qu’une boîte aux lettres aux couleurs de la Poste ça fait mauvais genre sur le mur d’une boutique Louis Vuitton !

– Oh ! Blague à part ?

– J’ai l’air de blaguer ?

– Oh !… Non, il doit y avoir une autre explication !

– Je ne crois pas, non !

– Je pense plutôt que c’est à cause du fait que les gens n’ont plus de correspondants. Alors il y a moins de courrier et la Poste essaye de faire des économies.

– Ben alors ça ne change rien, c’est toujours une question d’argent !

– Moi j’ai la vraie explication ! a dit Aïcha. Cette boîte a été supprimée parce qu’elle refusait trop de courrier.

Est-il utile de préciser que les rires repartirent de plus belle ? Moi je ne ris pas car cette idée d’objets animés n’est pas qu’une lubie née dans l’esprit d’Aïcha. C’est une croyance que bien des humains ont eu avant elle et toute croyance est digne d’un certain intérêt. Bien sûr je pense que Riton a raison concernant la lettre que ma correspondante a reçue ou peut-être pas reçue. C’est comme un vase que l’on remplit d’eau, il y a bien un moment où il va déborder. C’est évidemment mieux de disposer de deux verres quand la quantité de liquide qu’on veut y déverser ne rentre pas dans un.

 

Dans mon prochain billet je vous raconterai comment Aïcha nous entraîna plus loin dans ses pensées dès après que les rires se sont éteints et que le vent s’est levé.

12 janvier 2019

Darwin est dans la lune !

Début octobre nous étions toujours sans nouvelle de la fée Odette. Comme je le disais dans un précédent billet Odette a commencé à être de plus en plus souvent mal lunée dès le printemps et avant même le fameux jour où elle a mis les voiles, elle avait déjà émis plusieurs fois l’idée que ma vie n’était rien sans elle et qu’il en allait de même pour celle des pigeons. Je dois concéder que malgré sa mauvaise humeur réccurrente, à l'approche de l'automne nous étions tous dans l'attente de retrouver les avantages que nous procurent sa présence ; mais il n’empêche que j’ai passé un excellent été même sans elle. Donc ma vie n’est pas nulle du tout et je dois dire que si c’est pour revenir avec la lubie de me jeter dans un trou, je préfère autant qu’elle reste là où elle est. Vous allez comprendre !


Un matin d’avril je sortais de mon sommeil, un sommeil bien mérité je dois dire, Odette se tenait devant moi d’un air enjoué et m’agressa d’emblée avec une histoire de chocolats qu'elle avait volé la veille dans un boite aux lettres de l'immeuble :
– Tiens toi bien Darwin ! Il n’y a pas de numéro 13 en Belgique !
– De numéro 13 ?
– Chez les belges ! Il n’y a pas de numéro 13.
– Désolé, je ne te suis pas.
– J’ai été chez Jeff de Bruges et il n’y a pas de chocolat numéro 13 !
– Et alors ? C’est sûrement par superstition.
– C’est exactement ce que je me suis dit !
– Alors ?
– Alors cela veut dire qu’il n’y a pas de n°13 en Belgique !
– En Belgique je ne sais pas mais chez Jeff de Bruges, j’imagine que c’est par souci commercial.
– Non non matou ! Les belges ont banni le n°13 !
– N’importe quoi !
– Je t’assure !
– C’est impossible Odette ! On ne peut enlever aucun nombre sinon tout le système arithmétique est faussé !
– Et pourquoi donc ?
– S’il n’y a plus de 13 il ne peut pas y avoir de 14 non plus puisque tu ne peux plus faire 13 + 1 = 14.
– Il suffit de faire 12 + 2 et le tour est joué.
– Certes. Mais alors que devient la somme 12 + 1 !
– Elle est bannie !
– N’importe quoi !
– Je t’assure ! Il est tout à fait possible de se passer du n°13.
– Mais bien sûr… Alors quand un carrefour est situé à 13 km d’une ville, que dit le panneau ?
– Aucune ville n’est située à 13 kilomètres de quoi que ce soit puisque c’est banni ! Tout est à 12 + 1 kilomètres ! Quand Napoléon a vu l’indication « Waterloo 12 + 1 kilomètres » il a pensé que c’était son jour de chance.
– Ok ! Tu m’as redonné sommeil là ! Mais du coup, le meilleur chocolat c’est quel numéro ?
– En tout cas c’est pas le 11 !
– Il est à quoi le 11 ?
– Il n’y a pas de numéro 11 en Belgique !
– Oh !
– Tout est une question d’équilibre Darwin ! Pas de 13, pas de 11. Par souci de symétrie ! Mais tu es trop bête pour le comprendre !
– Allons donc ! Cette journée s’annonce vraiment longue et fastidieuse.
– Non je ne crois pas car j’ai l’intention de faire une expérience avec ton vilain corps de chat !
– Du genre ?
– Si je te jette du toit tu retombes sur tes pattes n’est-ce pas ?
– Arrête avec ça !
– Peu importe d’ailleurs. Même si tu retombes sur la tête l’essentiel c’est qu’on a la certitude de te retrouver sur le sol.
– Ah ben chat, c’est sûr que je ne vais pas m’envoler. Dure loi de la gravité !
– Mais admettons que je creuse un trou partant d’ici et qui traverse la terre en passant par son centre pour aboutir je ne sais où aux antipodes.
– Ce je ne sais où est très facile à calculer mais le problème c’est que tu ne peux pas creuser un trou qui passe par le centre de la terre !
– Tu crois que je n’ai pas assez de pouvoir pour ça ?
– Toi ? Une petite fée ? Tu ferais le poids de Vénus que ça ne changerait rien à l’affaire puisque, à supposer que tu sois capable de percer le noyau interne qui est solide mais à 6000 degrés, personne ne peut faire un trou dans le noyau externe puisqu’il est en fusion. C’est comme vouloir faire un trou dans la mer !
– Bon d’accord ! Alors on n’a qu’à dire que mon trou je le fais sur la lune et…
– C’est pareil ! Une partie du noyau de la lune est supposée en fusion !
– Supposée ? Et bien admettons que ce ne soit pas le cas et qu’on puisse y faire un trou ! Tu peux l’admettre ou bien tu es décidé à m’énerver pour de bon ?
– D’accord, admettons. Et alors ?
– Alors je troue la lune de part en part et comme dans le film j’y emmène Darwin Le Chat.
– Dans le film ? Quel film ?
– Le film avec Darwin Le Chat ! Dis-moi pas que tu ne l’as jamais vu !
– Jamais entendu parler de ce film.
– Et moi qui croyais que c’est toi qui l’avait écrit. Déception.
– Tu blagues là !
– Peu importe ! Donc Darwin Le Chat est sur la lune et se tient au bord du trou que j’ai percé. Tu vois le genre de trou ? T’es du côté de la face cachée et tu peux mirer la terre rien qu’en jetant un coup d’œil à travers le trou ! Enfin pas toi vu que t’es myope comme un chat !
– Hin hin. Parce que toi tu crois que tu peux regarder à travers un trou de plusieurs milliers de kilomètres ?
– Exactement matou ! Alors voilà ! Quand j’ai fini ma contemplation je te pousse dans le trou et tu tombes ! Loi de la gravité !
– Super sympa !
– Donc tu tombes vers le centre de la lune, tu tombes, tu tombes. Mais qu’est-ce qui se passe au bout d’un moment ? Tu ne va pas te retrouver de l’autre côté du trou vu que si je t’avais jeté par l’autre bout tu serais tombé quand même.
– Pas faux. Alors j’imagine que je vais m’arrêter de tomber quand je serai pile au centre de la lune.
– D’accord mais comment ?
– Comment ça comment ?
– Est-ce que tu vas t’arrêter en décélérant peu à peu ou bien vas-tu t’arrêter tout net comme si tu t’écrasais sur une énorme plaque de verre ?
– Je pense que je vais décélérer peu à peu et m’arrêter au centre de la lune.
– Bon d’accord. Mais alors, dans quelle position tu vas te retrouver une fois à l’arrêt ? Moi je pense que tu auras les quatre pattes écartées et que tu ressembleras à une descente de lit ! Tu sais comme les peaux de tigres chez les gens qui ont beaucoup beaucoup d’argent et encore plus de mauvais goût !
– Je ne vois pas à partir de quel phénomène physique tu en arrives à cette conclusion !
– Alors dis-moi dans quelle position tu seras puisque t’es si malin ! 
– Mais je n’en sais rien! T’as qu’à sauter dans le trou, tu verras par toi-même !
– Je suis déçue de toi Darwin ! Je pensais que tu aurais une théorie pour me décrire exactement ce phénomène.
– Ben non. Désolé !
– Alors je crois qu’en fait tu seras plutôt dans une position proche de ta position préférentielle. Genre en boule ! A peu près comme quand tu dors gros fainéant de chat ! Sauf que tu seras plus ratatiné ! T’auras l’air franchement débile ! Tes moustaches seront collées à tes joues et les pointes de tes oreilles seront retournées vers l’intérieur ! Et je t’assure que tu feras beaucoup moins le malin ! Voilà ce qui arrive à ceux qui passent leur temps à dormir ! Quand on les jette dans un trou ils finissent en position de dormeur mais vraiment, vraiment inconfortable !
– Maintenant que tu le dis je pense que tu viens d’apporter la preuve que ton histoire de trou est invraisemblable, même à travers une planète complètement dure !
– Et pourquoi donc ?
– Eh bien effectivement il n’y a aucune raison qu’au centre de la lune j’aie les pattes dans un sens plutôt que dans l’autre. Il est plus probable que les forces de la gravité me compriment le corps et de manière un peu moins romantique que celle que tu as décrite à propos des chats qui dormiraient trop. Mais en vérité si moi je suis compressé, toute la matière qui est autour de moi l’est aussi. Et elle l’est bien avant que je n’atteigne le centre de la lune. Donc tu ne peux pas creuser un trou à travers la lune même en supposant qu’elle soit faite d’une roche dure, la roche va s’effondrer sur elle-même ! Il y aura toujours de la roche pour prendre la place de celle que tu auras enlevée en creusant un trou ! 
– C’est pas dit !
– Si !
– Non !
– Si ! 
– Alors dans ce cas pourquoi il y a des tunnels ?
– Il n’y a pas de tunnels là où la force de la gravité est plus forte que les forces de cohésion de la roche dans laquelle tu cherches à creuser un tunnel !
– Donc toi tu penses que je ne peux pas creuser un trou dans lequel toi tu finiras comprimé sans toucher quoique ce soit !
– Exactement.
– Donc tu te crois plus solide que de la roche !
– Ce n’est pas ce que j’ai dit.
– Si ! Si je creuse un trou dans lequel tu tombes c’est qu’il y a de la gravité. Et comme tu es moins solide que de la roche je peux continuer à creuser jusqu’au point où toi tu ne supporteras pas la gravité tandis que la roche la supportera encore. 
– Sans doute, mais pas un trou sans fond !
– Si un jour les astrophysiciens te montrent une photo d’un astre géant qu’a la forme d’un donut, tu fermeras bien ta bouche !
– Ça ne prouvera pas que tu peux trouer la terre à la manière d’un donut. A la limite tu peux prendre ta pelle et ton seau et tenter d’aller creuser un trou à travers la première comète qui passe dans les parages.
– C’est exactement ce que je vais faire ! Et puis je te jetterai dedans !
– Sauf que je ne vais pas vraiment tomber parce que la gravité ne sera pas très forte !
– Dis donc monsieur matou-j’ai-réponse-à-tout ! Moi j’ te dis qu’il y a dans l’univers forcément un endroit et une matière telle qu’ont peut y creuser un trou sans fond et jeter un chat dedans jusqu’à ce qu’il finisse ratatiné par la seule force de la gravité ! As-tu l’outrecuidance de prétendre le contraire ?
– Je n’irai pas jusque-là ! Je ne suis pas physicien !
Vous le savez, quand Odette commence à monter dans les tours, il vaut mieux lâcher l’affaire plutôt que de la fâcher pour de bon. Mais si comme elle, vous voulez savoir dans quelle mesure il est possible de creuser un trou passant par le centre d’une planète à seule fin d’y jeter un chat histoire de savoir dans quel sens vont friser ses moustaches, commencez à creusez dès que possible, ça risque d’être long. 

12 janvier 2019

Fée fâchée !

A la fin du printemps Odette finit par se fâcher pour de bon mais au départ, nous, les habitants du toit, nous ne fûmes pas vraiment fâchés de la voir fâchée. Je dois dire qu'elle n'a pas vraiment volé la somme de remarques désagréables qu'elle a reçues puisque, au préalable, elle ne s'était pas privée pour nous offenser. Après tout une fée est un être absolument déconcertant d’un point de vue physique contrairement à l’élégance toute naturelle que possède un chat, même un chat mal fichu. Tout cela est parti d’une banale discussion à propos d’une lettre reçue dans laquelle il était question de remerciements, remerciements qui, me semblait-il, auraient dus m’être adressés. De proche en proche Odette a fini par s’attribuer tout le mérite en arguant au passage que ma vie aurait vraiment été nullissime sans elle et qu’elle était en quelque sorte mon Deus Ex-Machina ! Ce à quoi j’ai rétorqué que je ne l’avais pas attendue pour avoir des correspondants et, les pigeons témoignant en ma faveur, la discussion a rapidement pris une tournure désagréable quand Odette s’en ai prise aussi à la vie des pigeons. Là je crois qu’elle aurait mieux fait de se taire car ils en avaient en réserve plus que je ne le soupçonnais. Alors voilà, elle s'est fâchée et nous, quoique soulagés au départ, nous nous sommes rapidement dit que la vie avec une fée avait tout de même quelques avantages. Nous avons cependant dû nous débrouiller de longues semaines sans elle et, lorsque la canicule a frappé la région, j'ai pris le parti de m'échapper avec Grabel dans un endroit un peu plus frais que ma sous-pente, le cimetière de Loyasse en l'occurence. Je passai un mois là-haut, un mois reposant et axé sur la contemplation. Début septembre je rentrai en ville mais Odette n'avait toujours pas réapparue. Je décidai de passer quelques temps sur le très grand bloc en compagnie de Burbulle, P'tit Gris et Aïcha. Burbulle prétend que je perds beaucoup à m’évertuer à vivre sur mon petit bloc qui n’offre pas les mêmes point de vue que le très grand bloc bordé par la place Bellecour d’un côté. Mon endroit préféré reste néanmoins le bâtiment adossé au quai des Célestins. On y croise régulièrement une bande de pigeons particulièrement doués à jouer les commères mais aussi transformer la contemplation des humains en évènements ou en jeux. L’un des jeux les plus prisés et qui, étonnement, arrive plus souvent que je ne l’aurais cru, consiste à faire des paris sur la capacité des gens à attraper leur bus. Il se trouve que les quais sont à sens unique et ceux qui vont vers le nord doivent aller attraper leur bus à l’arrêt d’en face. Comme du pont on a une bonne visibilité sur plusieurs centaines de mètres de ce quai, on voit les bus arriver de loin. Mais selon la couleur des feux les bus arrivent plus ou moins vite et les humains traversent plus ou moins facilement. C’est il est vrai assez drôle de voir une personne constater que son bus arrive et qu’en se hâtant un peu elle pourra l’avoir et économiser dix minutes ou plus de son temps. Certaines sont lestes et athlétiques et traversent le pont à grandes enjambées. Cela ne suffit cependant pas toujours si le bus est trop avancé. Les pigeons font des paris sur l’issue de la course au bus mais aussi sur la réaction du coureur quand le bus s’éclipse juste avant son arrivée et malgré les appels de bras désespérés : « Attendez-moi ! Attendez-moi ! » Peine perdue le plus souvent. Du côté des pigeons les commentaires ressemblent à ce qui suit :

– Allez ! Allez ! Allez !

– Elle l’aura jamais cette grosse vache !

– Dix graines que si !

– Tenu !

– Allez ! Allez la grosse !

– Balance ton sac dans la Saône connasse !

– Elle ferait mieux d’arrêter de bouffer ! Regardez-moi ce derrière ! Quand elle l’aura raté je parie qu’elle va trépigner en tapant du pied !

– Elle va l’avoir. Cours connasse ! Y a des graines en jeu !

– Je parie qu’elle va lui faire un bras d’honneur !

– Bordel ! Avec des écrase-merde pareils, c’est sûr que ça aide pas !

– Tiens ! Les mains sur les genoux ! Un doigt aurait été justifié à minima !

– D’ici là que le chauffeur s’arrête et descende lui péter la gueule ! T’imagines ?

– Ça s’est jamais vu ça !

– N’empêche que ce chauffeur est un trou du cul ! Il était pas à deux secondes près !

– Vous exagérez ! Un chauffeur peut ne pas s’arrêter à 18h et le faire à 23h ! 

– Pourquoi ? Un trouduc est un trouduc !

– Les chauffeurs ont aussi un timing à respecter ! Et s’ils savent qu’un autre bus suit quelques minutes plus tard ils ont raison de tracer leur route ! Celui qui conduit le dernier bus de la soirée ne va pas laisser en plan quelqu’un qui lui fait signe dans le rétro !

Faut tout leur expliquer à ces pigeons ! Et aussi, il ne faut peut-être pas leur faire confiance. Ça vous allez pouvoir me le dire. Bien sûr les premiers pigeons venus me voir à mon retour sur le grand bloc furent Riton, Biscuit et Biscotte. A croire que je leur ai manqué ! Ils auraient pu venir me voir à Loyasse puisque cela reste beaucoup plus facile d’accès aux pigeons qu’aux chats. Mais voyez-vous, il n’y a pas de pigeons à Loyasse. Ils ont la trouille des faucons et peut-être même des corneilles. En plus ça manque cruellement de béton et y a trop de verdure pour eux ! Décidément les pigeons sont une énigme de la nature. Je vais commencer à m’intéresser à une théorie qui dirait que chaque pigeon porte une partie de la conscience (la mauvaise) des humains qui vivent en-dessous d’eux ! On dit qu’il y a un rat pour chaque citadin, je crois que les pigeons sont aussi nombreux. Il faut donc s’intéresser au trio rat-humain-pigeon qui au fond, peut-être, ne fait qu’un !

 

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12 janvier 2019

Où l'on prend connaissance de la vraie palme d'or de la laideur automobile

Après que Odette eut déclaré que la Porsche Cayenne était la voiture la plus moche du monde et que Philémon prétendit qu’elle avait été dessinée pour Mickey Parade, je trouvai rapidement de quoi m'inscrire en faux contre la position d'Odette. Il se trouve que j’ai zieuté un peu Mickey Parade et je vois à quels véhicules il faisait référence. L'un d'entre eux me semblait avoir réellement été transposé dans la réalité

– Dis donc Odette ! Tu vois cette voiture garée en bas ? La jaune !

– Comment tu peux savoir qu’elle est jaune ? Daltonien !

– Elle a la même couleur que le jaune donc elle est jaune.

– Admettons ! Cette chiotte est une Nissan Juke. Ils voulaient l’appeler Nissan Joke mais c’était pas vendeur. Je parie qu’elle te plaît !

– Pas du tout mais cette charrette est exactement la même que celle que conduisent les Rapetou dans le Picsou que j’ai lu.

– Tu lis Picsou toi ?

– Par curiosité.

– Et donc ?

– Et donc elle est beaucoup plus moche que la Porsche Cayenne !

– Pas en rapport prix/mocheté car elle est beaucoup moins chère que la Porsche Cayenne.

– Oui mais là la copie est si flagrante que ça pourrait tomber sous le coup de l’espionnage industriel.

– Tu sais Darwin, les Mickey et les Picsou existent depuis si longtemps que les dessins sont peut-être tombés dans le domaine public.

– Cela n’explique pas pourquoi des gens se lèvent un matin en se disant : « Tiens, aujourd’hui j’ai bien envie de m’acheter la même voiture que les Rapetou, histoire d’avoir l’air d’un Rapetou. 

– Ou peut-être que ce sont des gens qui se regardent dans la glace le matin en se disant : « Avec la gueule de Rapetou que j’ai, il me faudrait la voiture des Rapetou ! »

– Ah oui ! Comme pour les chiens ! Les gens qui ont des gueules de bulldogs s’accompagnent d’un bulldog et ceux à tête de caniche s’accompagnent d’un caniche. C’est une question d’harmonie en fait.

– Je crois surtout que c’est pas l’aspect qui les pousse vers cet achat malheureux mais l’équipement.

– Oui c’est sûr, elle est bien équipée ! Elle est équipée de l’avant le plus moche, des ailes les plus moches et de l’arrière le plus moche. C’est quasiment un record du monde ! J’ai bien envie de demander à une escouade de pigeons de faire le nécessaire pour pousser ce genre de personnages insondables à aller se garer ailleurs.

– Si tu y mets le prix. a dit Riton.

– Dis donc Darwin ! A propos de voiture. Dimanche en quinze vous me laissez la télé de Grabelot ! Et sans rechigner cette fois-ci !

– C’est à propos de voitures ? Je croyais que tu ne regardais plus de courses depuis que Danica Patrick a été virée pour nullité manifeste !

– Fais gaffe à ce que tu dis matou ! Elle est très forte mais ces connards de machos ne veulent pas d’elle ! Sauf pour la course d’Indianapolis dans quinze jours.

– Ah bon ? Déjà de retour ? Sa combinaison ne sent même pas encore la naphtaline.

– Oui ben ce coup-ci c’est vraiment sa dernière course !

– Tant mieux ! Je parie un pilom qu’elle verra le bac à graviers avant le drapeau à damier.

– Pari tenu ! Débrouille-toi pour avoir un pilom d’ici-là parce que sinon je te pousse du toit en contrepartie !

– Je ne crains pas grand-chose du coup. Alors après on sera tranquille ? Plus d’histoire de courses de voitures ?

– Yep !

– C’est une bonne chose parce que franchement, je trouve quand même que c’est pas très écologique cette affaire-là ! Tous ces pneus et cette essence qui partent en fumée. Sans compter qu’ils cassent une bonne partie des voitures à chaque course !

– Sans doute. Mais par ailleurs je t’ai déjà expliqué que les courses automobiles permettent de mettre au point des technologies innovantes qui servent les performances énergétiques et la sécurité de la voiture de madame Toulemonde.

– Hin hin ! A quelque chose malheur est bon ? Pour un peu le progrès technique de 1939 à 1945 pourrait laisser envisager 50 millions de morts comme un dégât collatéral.

– Ne dis pas n’importe quoi ! La course automobile ça n’a rien à voir avec la guerre mais avec le bonheur et le fun !

– Boum ! Bruitage de l’enfer. Vroum ! Un son dans l’antichambre.

– N’importe quoi ! Con de chat !

 

Je regardai néanmoins la course d’Indianapolis en compagnie d’Odette et sans trembler. Un tiers avait été parcouru quand Danica Patrick partit droit dans le mur, ce qui n’est guère mieux que de finir dans la bac à sable. Après m’avoir traité de chat noir et de quelques noms d’oiseaux, Odette s’en alla de fort mauvaise humeur. Une mauvaise humeur dont elle ne devait guère se départir durant les semaines qui ont suivi. 

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