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Darwin Le Chat
2 juillet 2023

Le Manifeste.

Lyon 30 juin 2023

Chalut !

 

La mode et la modernité me valent quelques désagréments mais aussi de chavantes discussions comme vous allez pouvoir le constater à travers ce long résumé d’une de mes interactions avec les chats, chiens et oiseaux que je fréquente.

Depuis quelques temps les pigeons ont une nouvelle marotte qui les fait beaucoup rigoler. Le plus souvent ils arrivent en petit groupe ou en nombre, sans qu’on les ait conviés, se posent sur une cheminée à proximité de l’endroit où je me trouve (souvent en compagnie de Grabel), disent bonjour, ou pas, et attendent de chavoir de quoi il retourne avant de se mêler à l’éventuelle conversation. Mais depuis quelques temps, cela a changé. Ils ont dû se donner le mot en pensant que j’allais finir par m’énerver mais pour l’instant, je fais mine de rien quand ils débarquent à l’improviste et brisent le silence d’une séance de paupiérisation ou interrompent une discussion de cette manière :

– Chat GPT ! Quand a été construit l’Hôtel de ville ?

Ou :

 – Chat GPT ! Combien de plumes a un pigeon ?

Ou bien :

– Chat GPT ! Combien de pigeons sont assassinés chaque jour par un chat ?

Ou encore :

– Chat GPT ! GPT !

– Quoi ?

– GPT !

Bref, c’est infini. Ils me posent des milliers de questions, auxquelles, pour la plupart, je ne sais évidemment pas répondre. Et le but semble justement de s’assurer que j’y réponde le moins souvent possible. Quand la question est tout à fait saugrenue, cha les fait simplement rire, quand la question est plus académique, telle une question sur l’histoire de Lyon, ils n’espèrent qu’une chose : que je ne connaisse pas la réponse. Et dans ce cas, bien sûr, ils sortent une phrase pour laquelle je suppose qu’ils se sont concertés : « Et nous qui croyions que tu étais chavant ! »

Tout cela est un peu fatigant à la longue, mais nous avons toujours le loisir de faire une pause en restant enfermés dans l’appartement de Grabelot, chachant que la fée Odette interdit à tous les oiseaux d’y entrer, à l’exception de George dont les talents dactylographiques nous sont particulièrement utiles.

Et puis, dernièrement, Kazelof, le gros chien des voisins, nous a permis de retourner un peu la situation en mettant en panique les pigeons. Tout cha est advenu grâce à un nouveau venu dans l’appartement : Robby le chien. Robby est un chien mais d’un genre un peu particulier, pas assez vivant pour être considéré comme un vrai chien mais trop vivant au goût de Kazelof.

– Ils veulent me remplacer par un robot ! Vous vous rendez compte ?

– S’ils voulaient te remplacer, ils t’auraient déjà fait piquer.

– Alors pourquoi ils ont acheté ce truc ?

– Peut-être pour te tenir compagnie.

– Il ne me tient pas du tout compagnie, c’est un vrai con ! Il se la pète en plus ; il parle 200 langues !

– Même le chien ?

– Pas vraiment. Il aboie un genre de chien-yaourt quand mes humains le mettent en mode surveillance.

– Ce n’est pas toi qui fais la surveillance ?

– Quelle surveillance ? La porte est blindée et sous alarme. Mais ce connard de Robby braille dès qu’il y a quelqu’un dans la cage d’escalier.

– A mon avis ils l’ont acheté justement parce que tu ne le faisais pas. Ils ont l’air très portés sur la sécurité tes humains, quand même.

– Ils l’ont acheté parce qu’ils ne m’aiment plus !

– Faut pas dire ça.

– Mais c’est la vérité. Ils ne me demandent même plus de leur apporter leurs chaussons ou le journal, ils le demandent à Robby ! Il me prend mon boulot nom d’un chat !

– Il sait apporter le journal ?

– Mieux que ça, il apporte le café ! Et il touille le sucre !

– Faut que t’apprennes à apporter le café.

– J’ai essayé ! Non seulement je me suis brûlé la truffe mais en plus je me suis fait engueulé pour en avoir foutu partout. Je suis dépassé, voilà tout. Qu’est-ce que je vais devenir ?

– Tant qu’ils ne t’emmènent pas chez le véto, je ne vois pas pourquoi tu t’en fais. T’es nourri-logé et tu n’as plus rien à faire, où est le problème ?

– S’ils m’emmènent chez le véto ça veut dire que...

– Que potentiellement ils veulent en finir avec toi.

– Mais ne me dites pas ça nom d’un chat ! J’y vais au moins une fois l’an chez le véto moi ! Quelle angoisse !

– J’ai une solution ! a dit biscuit. Tu n’as qu’à devenir un chien de gouttière.

– Un chien de gouttière ?

– Ben oui. Tu ne saurais pas sauter de ton balcon jusqu’ici ?

– Bien sûr que non ! Tu m’as pris pour un chat ? De toute façon je ne vais pas vivre sur le toit. Je ne suis pas un chien sauvage ! Je ne veux pas vivre sans mes humains !

– Eh bien tant pis pour toi. Il faut croire que les humains n’auront bientôt plus besoin des chiens. Et pour nous les pigeons, ce n’est pas plus mal, ça fait moins de danger dans la rue.

– Qu’est-ce que vous croyez les pigeons ? Qu’il n’y aura pas demain des robots pigeons ?

– Nous n’apportons pas le journal aux humains figure-toi ! Et donc personne ne nous battra à ce jeu puisque nous n’y jouons pas.

– Vous dites ça parce que vous ne savez pas comment fonctionnent les humains. Réfléchissez un peu ! Pourquoi les humains vous tolèrent ?

– Parce qu’on est de superbes oiseaux et que certains humains n’aiment rien mieux que nous jeter du pain ou du grain.

– Alors les humains fabriqueront des pigeons de toutes les couleurs, encore plus beaux que vous. Des pigeons qui seront capables de voler la tête en bas et qui feront des films en 3D. Des pigeons qui seront capables de livrer à haute vitesse des messages physiques pour les gens qui ont peur d’être espionnés par les ondes. Et en plus ces pigeons-là picoreront le grain à une vitesse inégalée, cela plaira beaucoup aux amateurs de pigeons car les humains n’aiment rien mieux que la compétition et les records.

– Darwin ? Tu crois que c’est vrai ce que dit Kazelof ?

J’ai immédiatement compris que semer le doute dans la tête des pigeons allait nous être très profitable, ou du moins distrayant.

 – Indéniablement ! Le robot-pigeon espion-voyageur me semble devoir voir le jour d’ici peu. En outre les humains sont pétris de paradoxes. Ils disent vouloir plus de vie dans les villes mais en même temps ils pensent que les animaux font trop de dégâts, surtout vous les pigeons. Donc, s’ils peuvent avoir des robots-pigeons qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à des pigeons en plumes et en os, et qui en plus rendent des services postaux, ce qui à la base était votre boulot, tas de fainéants, leur choix sera vite fait.

– Tas de fainéants ? Elle est bien bonne celle-là ! Surtout venant d’un chat.

– Quoi qu’il en soit les humains remplaceront bientôt tous les oiseaux par des robots. La plupart des humains ne font pas vraiment attention aux oiseaux, c’est leur absence qui les perturbe. Donc il suffira qu’il y ait des choses qui volent dans le ciel en braillant comme des hirondelles ou des mouettes, et les humains penseront que tout est en ordre. En plus ils auront l’assurance de ne pas voir leur pare-brise maculé de fientes, ce qui les irrite particulièrement. Grâce à l’intelligence artificielle les humains auront tous les avantages de la nature sans ses inconvénients.

 – Mais… Mais qu’est-ce qu’on va devenir nous ?

– Ben… rien. Vous allez disparaître, voilà tout !

– Comment ça disparaître ? Puisqu’on est là !

– Vous ne serez plus là quand ils vous auront tous tués. Ce sera très rapide vous savez. Quand ils ont dans le pif une espèce invasive, les humains font preuve d’une très grande efficacité.

– Nous ne sommes pas une espèce invasive !

–  Bien sûr que si. Cela me rappelle l’histoire de vos cousins.

– Nos cousins ? Quels cousins ?

– Les pigeons migrateurs d’Amérique du Nord. Au début du XIXème siècle vos cousins étaient estimés à plusieurs milliards d’individus.

– Plusieurs milliards ?

– Parfaitement. Et ils s’envolaient presque tous d’un seul élan pour faire leur parcours migratoire. Imaginez ce que cha donne, plusieurs milliards de pigeons dans le ciel et qui chient partout. Avant l’arrivée des occidentaux, les occupants humains des lieux s’en accommodaient car ils n’étaient pas aussi maladivement portés sur l’agriculture et avaient, d’une manière ou d’une autre, trouvé le moyen de ne pas croître et se multiplier comme les adeptes de Jésus le Christ ou comme des lapins.

– Ou comme les chats.

– Ou comme les pigeons migrateurs visiblement. Mais ce qui compte c’est que, quand un esprit occidental arrive sur un lopin de terre, il dit d’emblée : « Ce lopin de terre et à moi, rien qu’à moi, à personne d’autre, j’en ai l’usage et l’usufruit, tout ce qui y pousse vient de mon dur labeur, et je n’accepte pas que des nuées d’oiseaux migrateurs viennent saccager ce labeur ! ». Voilà comment les ennuis ont commencé pour les pigeons migrateurs.

– Comment ?

– Comme je vous ai dit. Les humains se sont mis à les dégommer ! Ils faisaient des concours de chasse entre paysans. Un bon tireur était à lui seul réputé en tuer plusieurs milliers par an, parfois plusieurs dizaines de milliers.

– Mais c’est dégueulasse !

– Peut-être, mais les humains estimaient encore plus dégueulasse une espèce qui se déplace à plusieurs milliards en parasites qui abîment tout sur leur passage. Plusieurs milliards ! Ce n’est pas rien quand même ! Mais grâce à la chasse des humains, peu à peu les essaims de pigeons migrateurs sont devenus moins denses. Et puis, sur leur lancée, les humains se sont dit que les pigeons n’avaient aucun intérêt et qu’il n’était pas plus mal de les tuer tous jusqu’au dernier. Et c’est ce qu’ils ont fait. En moins de 100 ans, de plusieurs milliards la population des pigeons migrateurs est passée à zéro ! Sacrée performance non ?

– Salaud que tu es Darwin ! De célébrer ainsi le massacre de nos cousins d’Amérique !

– Eh quoi ? Ce n’est pas moi qui les ai tués quand même ! Et ce n’est pas moi qui vais vous tuer tous pour vous remplacer par des robots. D’abord parce que j’ai fini par m’habituer à vous et surtout parce que la fée Odette me l’interdit. Mais je ne vois pas comment elle pourra interdire aux humains de mener leur sinistre projet à votre endroit.

– Parce que tu penses qu’ils n’ont pas le même projet pour vous, les chats ?

– Malheureusement je crois bien que non. a dit Biscotte. Si les humains nous remplacent grâce à l’intelligence artificielle, je pense que les chats peuvent vivre sereinement. Je ne vois pas qui pourrait se targuer d’être intelligent et faire des trucs de chats.

– Tiens donc. Tu peux préciser le fond de ta pensée ?

– Parfaitement. Si un robot est intelligent, je ne vois pas qu’est-ce qui pourrait le pousser à sauter directement dans le sapin de Noël pour voir ce que ça fait, à se rouler en boule dans un bocal, à dormir avachi au sommet d’une porte qui va finir par se refermer, à faire des parcours dans les faux-plafond jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de faux-plafond… Bref, si les humains aiment vivre à vos côtés justement parce que vous faites des choses débiles, il n’y a aucune raison de penser qu’ils aient envie de vous remplacer par une chose intelligente.

– J’en suis fort aise. Pas toi Grabel ?

– Ma foi… C’est dommage que la fée Odette ne nous autorise pas à faire tout cha d’ailleurs.

– Dis-moi Darwin !

– Oui Aïcha ?

– Si les pigeons migrateurs d’Amérique sont les cousins des pigeons de Lyon, est-ce que l’oncle Sam est le père des pigeons migrateurs d’Amérique ?

– Euh… non. Judicieuse remarque mais non.

– D’accord.

– Au lieu d’être cons et cyniques, les chats, vous feriez mieux de nous aider !

– A quoi ?

– Eh bien à nous faire entendre des humains. Tu prétends être chavant Darwin ! Alors tu dois nous aider pour les convaincre de ne pas nous remplacer par des robots.

– Vous prenez les choses de manière vraiment trop personnelle. Avant de vous remplacer par des robots, les humains veulent se remplacer eux-mêmes par des robots. Ils veulent que tout ce qu’ils pensent et font soit pensé et fait de manière plus efficiente par des robots. Dans ces conditions je ne vois pas trop comment on pourrait les intéresser à votre cas.

– Notre cas ! Notre cas à tous Darwin ! On s’en fout que les humains veulent tous se changer en robot ! Nous ce qu’on veut c’est qu’ils ne nous remplacent pas par des robots ! C’est quand même à nous d’en décider non ?

– Le problème c’est qu’en dehors d’une minorité de psychopathes, les humains ne cherchent pas à se changer directement en robot. Si un humain trouve qu’un objet lui évite de nombreux efforts, il adopte naturellement cet objet. Il commence à se poser des questions le jour où cet objet devient assez performant pour lui ôter visiblement son gagne-pain, c’est à dire au point où il perd son emploi en se demandant s’il va pouvoir en retrouver un autre. S’il perd son boulot, il perd sa capacité à acheter des objets lui évitant de nombreux efforts, même si l’État lui versera quelques subsides pour continuer à faire de lui un acheteur d’objets évitant des efforts, à condition qu’il fasse l’effort de chercher du travail tous les jours ou qu’il accepte de livrer des pizzas en trottinette tant que les pizzas ne sont pas toutes livrées par des drones. Et plus les objets se perfectionnent, jusqu’au point où ils sont qualifiés de robots intelligents, moins il y a d’humains capables de comprendre comment ils sont fabriqués ou comment les perfectionner encore plus. Ceux qui en sont capables se sentent d’autant plus utiles à l’humanité et investis de grandes missions, la moindre d’entre elles n’étant pas celle d’amasser un maximum d’argent sur des comptes dans des paradis fiscaux pour se protéger d’on ne sait quelle menace encore plus grande que le fait d’être remplacés par des robots. Ceux qui n’en sont pas capables sont inquiets de se sentir incapables mais aussi satisfaits d’avoir de plus en plus de choses en faisant de moins en moins d’efforts. Je dirais donc que la plupart des humains se laisse porter par la vague et si on voulait aller contre cha, ce serait comme vouloir vider l’océan avec une petite cuillère. Je ne sais même pas tenir une petite cuillère d’ailleurs.

– On ne te demande pas de tenir une petite cuillère mais de faire un pattuscrit !

– Quel genre de pattuscrit ?

– Tu dois écrire un texte à destination des humains. Cela s’appellera : « Le Manifeste des Animés non-humains sur la Robotique ».

– Ah bon ? Et qu’est-ce qu’il doit y avoir dans ce manifeste ?

– Mais c’est à toi d’y réfléchir nom d’un chat ! Tu es chavant, oui ou non ?

– Bien sûr que je suis chavant.

– Si les humains n’arrivent pas à s’entendre pour mettre en place des lois sur la robotique capables de protéger la race humaine, les autres animés sont en droit de se protéger des desseins de la race humaine concernant la robotique. Alors ? Tu es d’accord ?

– Pour ?

– Écrire ce manifeste.

– Si cha peut vous faire plaisir.

– Ce n’est pas une question de plaisir mais de vie ou de mort !

– Bon. Bon. OK ! Je veux bien essayer d’écrire votre manifeste.

Voilà comment j’ai été obligé de réfléchir à cette histoire.

Quelques jours plus tard je me suis retrouvé sur le toit du très grand-bloc. Ce n’est pas tant Kazelof que je cherchai à fuir en faisant cette réunion sur un autre bloc que le nôtre mais cet emmerdeur de Philémon, lui qui aurait fatalement rendu ma lecture encore plus difficile puisqu’il donne son avis encore plus souvent que les pigeons. Je fis néanmoins la lecture du manifeste devant un bel auditoire de chats, pigeons et mouettes et autres moineaux.

 – Bon ben, voilà, cha ch’appelle : « Le Manifeste des Animés non-humains sur la Robotique. » L’idée est de Biscotte, pas de moi.

– Excellente idée Biscotte.

– Y aurait moyen qu’on n’entre pas directement dans des bavardages inutiles ?

– C’est à dire ?

– Est-ce que je peux lire le manifeste sans être interrompu ?

– Cela dépend de ce qu’il y a dedans.

– Justement, vous le saurez quand j’aurai fini de le lire. Alors j’y vais : « Attendu d’une part que les humains étalonnent les progrès de la robotique sur…

– Quoi ?

– Quoi  « Quoi » ?

– Tu commences par une phrase qui n’a pas de sens : « Attendu que blablabla ».

– C’est une formule juridique. Vous voulez que je change ?

– Sans vouloir abuser.

– Bon. « Considérant d’une part que les humains étalonnent les progrès de la robotique sur les progrès des robots ayant forme humaine, considérant d’autre part que, par ce fait, ils manifestent ouvertement le désir de dépasser leur condition d’animés faits de chair, d’os et de sang, ce, en prenant le risque d’être dépassés, individuellement, voire collectivement, par des formes d’intelligence minérale, tous les êtres animés faits de chair, d’os et de sang…

–  Et de plumes !

–  Et de plumes… d’écailles et je ne sais quoi… je continue : « tous les êtres animés sont en droit de se sentir menacés par les évolutions de la robotique humaine. Il en va ainsi des chiens quand, dans leur foyer commun, leurs humains introduisent une mécanique sophistiquée ayant l’apparence d’un chien et faisant à la fois office de chien mais également de majordome, encore que peu de majordomes humains aient réponse à tout comme a réponse à tout le chien mécanique Robby, actuellement disponible pour la modique somme de 499 euros 90 sur Zonzon, la plateforme qui vous offre les frais de port si vous souscrivez un compte Prémiaoum. Quelle vie demain sera une vie de chien si, chassé du pré carré des humains, il est relégué au rang de chien de la casse, à veiller sur un tas de ferraille dans l’attente anxieuse de son remplacement par un chien mécanique plus dangereux que Robby, assermenté par les plus hautes autorités, pour exiger, aux humains leurs papiers, aux autres animés leur droit de venir et d’aller ? En faisant des robots domestiques et des robots policiers ayant l’apparence de chiens, les humains laissent entendre que la communauté des chiens n’est faite que d’individus serviles ou méchants, ce qui, entre nous, n’est pas faux, mais pas très fair-play non plus. En conséquence, la loi des animés non-humains relative à la robotique des animés humains commande, qu’à l’avenir, aucun robot n’ait l’apparence d’un animé terrestre à l’exception des animés humains qui ont manifestement l’intention de se remplacer eux-mêmes par des robots. Dès lors, seront seuls autorisés les robots bipèdes à forme humanoïde, ce qui exclut de facto les robots bipèdes en forme d’autruche, de kangourou ou de marmotte aux aguets. Aucun robot volant ne devra imiter un battement d’ailes par l’évidence même qu’à travers les communautés d’insectes, d’oiseaux et mammifères volants, tous les types de battements d’ailes sont déjà en usage et donc non libres de droits pour la robotique. Aucun robot ne devra ricaner comme une mouette, hurler comme une hirondelle, s’ébrouer comme un clébard mouillé, galoper comme un cheval, picorer comme un pigeon, puer comme un putois, ramasser de l’or dans les rivières comme un cormoran, prêcher pour sa paroisse comme une corneille, voler des frites en terrasse comme un moineau, glisser comme une limace, sauter comme une sauterelle, singer un singe, grandir comme une girafe, philosopher comme une araignée, ou paupiériser comme un chat. »

– J’aurais dit : « Glander comme un chat ».

– Laisse-moi finir ! « Conséquemment, s’exposeront à des remontrances, des avertissements, voire même des sanctions financières, les humains ingénieux qui imaginent des robots mimant de près ou de loin l’élégance, la mouvance et le mode de vie des animés non-humains ! »

– Mais qu’est-ce que c’est que ces sanctions ? La peine de mort oui ! Voilà ce qu’il faut réclamer !

– La peine de mort ? Rien que cha ? Il ne faut pas exagérer ! Ils ne font que leur travail !

– Comment ça « que leur travail » ? S’ils se rendent coupables de crimes contre l’animalité, je ne vois pas pourquoi ils ne risqueraient pas la peine capitale ! Le pire criminel doit connaître le pire châtiment !

– Ah ben si c’est cha ! On n’a qu’à les torturer avant de les tuer pendant qu’on y est !

– Exactement ! Comme les chats avec les souris !

– Comment pourront-ils être jugés coupables s’ils n’ont même pas conscience de ce qu’ils font !

– Mais qu’est-ce que tu racontes ? Ils ont parfaitement conscience de ce qu’ils font !

– Ce que je veux dire c’est qu’ils ne pensent pas à mal ! Si vous interrogez un très grand scientifique à la pointe de la robotique et que vous lui demandez s’il se rend compte que, ce qu’il est en train de créer pourrait signifier demain une grande menace pour la vie de ses propres descendants, il éludera le plus souvent la question en disant : « J’essaye de ne pas trop y penser ! »

– Ah oui ? Ah oui ? Eh ben c’est scandaleux comme réaction ! Et c’est justement la raison pour laquelle ces humains-là doivent être mis devant leurs responsabilités et surtout sous une sacrée énorme épée de Damoclès et non pas des remontrances et des avertissements !

– Bon d’accord. Si vous voulez je changerai ce passage-là. Et pour le reste ? Vous validez le Manifeste ?

– C’est fini ?

–  Ben oui. Le Manifeste dit qu’il n’y aura plus de robots marchant à quatre pattes ou battant des ailes, c’est tout à fait suffisant pour nous mettre à l’abri d’être remplacés par des robots. Les humains devront se contenter de robots bipèdes à forme humanoïdes ou bien des robots roulants ou volant mais sans battre des ailes.

– Comme des drones ?

– Oui. Mais des drones qui ne ressembleront pas à des insectes ou des oiseaux. Vous savez tous que dans l’univers parallèle il y a des drones-mouches.

– Est-ce que dans l’univers parallèle il y a des mouches ?

– Je ne me souviens pas de message sur la tablette infernale nous parlant de l’existence ou non des mouches.

– S’il y a des hirondelles, alors il y a sûrement des mouches, sinon, de quoi se nourriraient les hirondelles ?

– De drones-mouches ! Si ça se trouve les drones-mouches ont été créés par les humains de l’univers parallèle juste pour nourrir les hirondelles.

– J’en doute. Ou alors cela voudrait dire que les hirondelles sont en fait des drones-hirondelles. Si cha se trouve les drones-hirondelles ont été créés pour chasser les drones-mouches. Ce serait même assez logique puisque les drones-mouches sont des drones-espions qui se faufilent partout en toute discrétion. Sans doute que ceux qui ne veulent pas être espionnés ont inventé des drones-hirondelles pour se débarrasser des drones-mouches.

– Dans ce cas, rien ne dit qu’il n’existe pas des mouches à côté des drones-mouches. C’est même le contraire qui serait étonnant, les drones-mouches sont efficaces parce qu’ils se font passer pour des mouches. S’il n’y a plus de mouches, tout humain qui voit une mouche sait qu’il s’agit d’un drone-mouche espion ; et donc, il va adapter son attitude pour induire en erreur le drone-mouche espion.

– Et qu’est-ce qui se passe si une hirondelle avale un drone-mouche en pensant avaler une mouche ?

– Olala ! Si le drone-mouche fait tout son possible pour sortir de l’hirondelle, elle risque de passer un sale quart d’heure !

– D’après ce que nous venons d’étudier, il est donc possible de voir un robot en forme d’animé non-humain cohabiter avec l’animé non-humain de cette forme. C’est donc la preuve que l’on s’inquiète sans doute sans raison et que nous n’allons pas être remplacés par des robots.

– Dans l’univers parallèle il y a aussi des humains et des robots humanoïdes mais pour de nombreux humains ça n’a pas l’air facile de vivre dans un monde de robots humanoïdes.

– On s’en fout ! Ce qu’il faudrait savoir c’est comment vivent les pigeons dans l’univers parallèle !

– Et ça va nous avancer à quoi ? Rien ne dit que ce qui se passe dans l’univers parallèle va se passer ici.

– Sûrement que si, si l’univers est juste en avance sur notre univers.

– La fée Odette pense qu’on ne reçoit que les messages d’un univers parallèle parmi des milliers d’univers parallèles.

– Elle n’a pas dit cha !

– Si.

– Elle a dit des millions !

– Milliers, millions, qu’est-ce que ça change ? On ne comprend déjà pas grand-chose aux messages qu’on reçoit d’un seul univers parallèle.

– Je dis cha parce que la fée Odette pense qu’il faut imaginer l’avenir selon l’imagination des humains.

– C’est-à-dire ?

– D’après Odette, tout ce que les humains sont en mesure d’imaginer, ils finiront par le créer. C’est cha qu’ils appellent la science-fiction. La science-fiction c’est la science qu’ils n’ont pas encore mise en application mais seulement imaginée. Sauf que Darwin n’est pas d’accord avec cha. Hein Darwin ?

– Je ne t’ai pas dit que je n’étais pas d’accord avec cha, je t’ai dit que je n’étais pas entièrement d’accord, c’est très différent. Incontestablement il arrive assez souvent que des humains théorisent l’existence de quelque chose, puis cherchent dans la réalité une preuve de l’existence de cette chose, et finissent par la trouver. Ce qui est vrai pour la science fondamentale peut bien l’être pour la science-fiction.

– Ce qui nous intéresse c’est de chavoir en quoi tu n’es pas d’accord avec elle.

–  Ne pas être d’accord avec la fée Odette, cha ne m’apporte que des ennuis. Alors je ne lui dis pas.

– Oui mais à nous, tu peux nous le dire.

– Si je vous dis ma propre théorie, vous allez la lui répéter.

– Nous ? Pourquoi on ferait ça ?

– Parce que vous n’êtes que des cons de pigeons.

– OK, OK, si tu veux. Nous ce qu’on pense c’est que la fée Odette a sûrement raison de penser ce qu’elle pense et que ta théorie ne vaut rien, véritable raison pour laquelle tu souhaites la garder pour toi.

– Je ne l’ai pas gardée pour moi puisque je l’ai expliquée à Grabel. Il n’a qu’à vous l’expliquer si cha vous intéresse tant que cha.

– C’est-à-dire que je ne sais pas si j’ai tout bien compris. Comment cha ch’appelle déjà ?

– Quoi ? Ma théorie ou celle de la fée Odette ?

– La fée Odette a une théorie ?

– Mais oui ! Ce que tu disais à l’instant à propos de la science et de la science-fiction, chose que tu n’as pas comprise non plus apparemment. Du moins tu n’as pas compris que selon Odette, le futur n’est pas seulement conditionné par l’imagination des humains, la réciproque est vraie aussi !

– La réciproque ? Quelle réciproque ?

– Je vais vous donner un exemple. Sachez qu’il y a une saga de science-fiction qui s’appelle Star Wars.

– Oui ben ça va ! On connaît !

– Soit. Dans cette saga il est question de voyages à travers une galaxie. Donc, selon les explications de Grabel, le voyage à travers la galaxie va devenir réalité du fait que les humains ont été capables de l’imaginer. Mais quand je dis que c’est réciproque, cela signifie que les humains n’ont pas soudainement imaginé le voyage à travers une galaxie, ils ont d’abord appris l’existence des galaxies. L’imagination des humains qui donne les œuvres de science-fiction à moins à voir avec tout ce que l’humain peut être en mesure d’imaginer qu’avec ce qu’il imagine à partir de la science qu’il a déjà acquise. Et c’est bien cela qu’Odette a tenté de nous expliquer mais que Grabel n’a pas très bien compris.

– J’avais très bien compris, c’est juste que j’ai voulu faire court.

– Alors tu comprendras que mon opposition à la théorie d’Odette est assez relative. Ce que je conteste c’est l’idée que la science-fiction imaginée par les humains puisse nous donner une idée du futur des animés terrestres. En fait, c’est peut-être vrai mais si c’est vrai, ce ne peut être que partiellement vrai à cause de ma propre théorie que j’appelle : « La théorie des futurs incompatibles ».

– Nous y voilà ! Écoutez cha tas d’emplumés !

– Reprenons l’exemple de la saga Star Wars. Dans cette saga nous trouvons des animés humanoïdes mais également tout un tas d’autres animés qui sont à peu près leurs égaux. Le créateur de la saga, un certain George Lucas, a donc imaginé un monde futuriste, dans lequel des humanoïdes, ayant la parfaite apparence de terriens, voyagent dangereusement vite grâce à des routes tracées dans ce qu’on nomme l’hyperespace, ce qui leur permet de passer très rapidement d’un bout à l’autre de la galaxie. Mais dans ce monde futuriste, il y a aussi bien des robots que des animés ayant les mêmes aptitudes que les humanoïdes et qui ont plus sûrement des sortes de têtes de chiens ou de chats mal racés que des têtes d’humains. Cela signifie que George Lucas a créé un univers dans lequel l’intelligence supérieure est très bien répartie à travers la galaxie. Quand on pense que nous, animés terriens, sommes encore en train de nous demander si nous sommes seuls dans l’univers, la réponse de George Lucas est sans équivoque.

– Bien sûr qu’on n’est pas seuls dans l’univers ! On n’est même pas seuls sur la terre puisque les extraterrestres sont déjà là ! Vous le savez très bien !

– Oui bon… c’est pas le sujet, là, Aïcha ! Maintenant comparons Star Wars au film le mieux à propos concernant le sujet qui nous intéresse : Matrix. Dans ce film l’intelligence artificielle a réussi à dominer la plupart des humains de manière très intelligente, elle les fait vivre dans des sortes d’œufs et a branché leur cerveau sur la Matrice, un univers virtuel dans lequel chaque humain croit être physiquement et vit sa vie très naturellement. Aussi génial soit-il, le scénario repose sur l’idée que les machines intelligentes auraient besoin d’élever et conserver les humains pour leur chaleur et leur énergie électrique, ce qui ressemble plus à un Deus Ex-machina qu’à une chose ayant une chance d’arriver.

– Un quoi ?

– Laisse tomber ! En outre, dans l’univers virtuel les humains vivent une vie qui ressemble largement à la vie humaine contemporaine. Actuellement les gens qui se mettent des casques de réalité virtuelle sur le crâne ne le font pas forcément pour se projeter dans leur bureau de travail. Si j’étais une machine visant à asservir les humains sans les tuer, j’imagine que je ne me casserais pas la tête à reproduire un univers réaliste, je les ferais vivre dans un genre de Candy Crush ou Mario Kart, ou même simplement dans un photomaton, la plupart s’en contenterait.

– Quelqu’un est d’accord pour penser comme moi que Darwin est parti pour nous embrouiller ? Ne commence pas à partir dans tous les sens !

– Ce que j’essaye de vous faire comprendre c’est que ce film est à la fois un excellent exemple du danger de l’intelligence artificielle tout en étant peu susceptible de représenter un futur possible.

– Quel rapport avec ta théorie des futurs incompatibles ?

– Eh bien tout d’abord vous comprenez bien que si les machines parviennent à dominer les humains, les humains ne partiront pas dans des voyages à travers la galaxie et ne rencontreront pas des espèces extraterrestres aussi intelligentes qu’eux, ou plus intelligentes, et donc tout l’univers de Star Wars ne concernera pas les humains.

– Oui mais enfin… ce n’est pas là l’intérêt scientifique de Star Wars, il me semble. Ce qui compte c’est de savoir s’il est possible de tracer des routes dans l’hyperespace.

– Comment les humains le sauront si leur développement est arrêté par la domination des machines ? Dis-nous Biscotte ?

– Eh bien les machines découvriront ces routes et voyageront à travers.

– Dans quel but ?

– Mais je n’en sais rien ? Comment pourrait-on prévoir le but d’une intelligence artificielle ? Peut-être que son but ultime sera justement de trouver une planète dominée par les pigeons pour vivre à leurs côtés. En plus ton concept n’est pas tout à fait juste car si les humains se rebellent et arrivent à reprendre le dessus sur les machines, ils pourront reprendre le cours de leur histoire et se lancer dans un univers ressemblant à Star Wars. En plus ils seront avertis de faire plus attention à la manière dont il faut utiliser l’intelligence artificielle. A mon avis Matrix n’est pas incompatible avec Star Wars.

– Si tu veux aller sur ce terrain-là, allons-y ! La plupart des films de science-fiction, et je n’ai même pas d’exemple du contraire en tête, traitent d’un univers où des humanoïdes sont au centre du jeu. Il n’est pas nécessaire de mentionner la planète terre pour intéresser les humains à un film de science-fiction mais il est nécessaire de leur laisser croire qu’il montre un futur possible pour eux ou des animés qui leur ressemblent physiquement ou ont les mêmes états d’âme. Et c’est bien le cas dans Matrix. Mais si les machines dominent, ce qui semble prouver qu’elles sont plus intelligentes que les humains, les humains ont du mal à imaginer un monde où ils seraient à l’image des chiens et des chats. Les humains aiment beaucoup les chiens et les chats car ils se disent « leurs maîtres ». Comme ils aiment aussi dominer d’autres espèces sans les aimer vraiment, voire mettre d’autres humains en position de domination ou d’esclavage, ils savent très bien, et depuis longtemps, qu’il vaut mieux vivre en maître. Le seul maître qu’ils tolèrent collectivement, c’est Dieu. Dieu est très utile à certains humains pour dominer les autres humains mais il va de soi qu’il ne pourra jamais prétendre les dominer tous. Certains films de science-fiction ont imaginé des extraterrestres capables de prouver à l’humain qu’il est possible de vivre sans rapport de domination. Mais globalement ils préfèrent se dire qu’ils vont nécessairement avoir affaire avec des vilains qu’il faudra combattre. S’il n’y a pas d’extraterrestres, il y a des machines qu’ils ont eux-mêmes créées et qui prennent le pouvoir. Cela pourrait être des machines qui font des choses comme eux, se croyant à la fois toutes puissantes mais tolérant, et parfois aimant, les humains et les autres animés. Si par exemple une machine pensait avoir besoin d’un terrain où vivent des humains, elle pourrait dire simplement : « J’ai besoin de ce terrain donc vous allez ailleurs ! ». Une telle offense serait insupportable pour l’humanité en général alors que c’est ce qu’elle fait tout le temps aux autres animés et même ce que font plein d’humains à d’autres humains sous couvert de progrès ou de concurrence libre et non-faussée. Alors, les humains qui font ou regardent de la science-fiction pensent, que si les machines prennent le pouvoir, ce sera forcément la guerre entre l’humanité et les machines. Si actuellement une espèce animée déclare la guerre aux humains, les humains ne feront pas de quartier et l’autre espèce disparaîtra. Je pense que c’est exactement ce qui se passerait si une civilisation de machines ayant dépassé l’humain se voyait menacée par lui. Elle ne se contenterait pas de le mettre en position d’esclave ou de garde-manger, elle l’effacerait de la surface de la terre.

– C’est toi qui le dis. Les guerres que se font les humains prouvent bien que ce n’est jamais facile de gagner une guerre.

– Certaines ont été faciles à gagner. Les européens ont dominé facilement toute une partie du monde simplement parce qu’ils avaient acquis un avantage technologique et étaient des êtres malicieux, ignobles, violents et sans scrupules. Mais si tu prends deux groupes d’humains assez conséquents, tu ne trouveras pas de différence d’intelligence moyenne entre eux, que ce soit en Eurasie, en Afrique ou en Amérique. Avec les moyens de communications actuels, les secrets des avantages technologiques sont plus difficiles à garder pour soi. Les américains perdent des guerres quand ils les font avec l’esprit des conquistadors alors que c’est une époque révolue. S’ils avaient décidé de simplement raser l’Irak ou l’Afghanistan sous un tapi de bombes, plutôt qu’en essayant d’y installer des gouvernements à leur botte, leur impression de réussite aurait été bien supérieure. Mais même les américains ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent, car plusieurs pays ont des armements qui font suffisamment peur au pays le mieux armé pour que ce dernier ne pousse pas trop son avantage. En outre les américains n’ont jamais eu en tête de se débarrasser d’une partie de l’humanité mais de vivre confortablement en la faisant travailler pour eux. En langage diplomatique cha ch’appelle « le commerce ». Si une intelligence artificielle, devenue plus intelligente que l’humain, décidait d’elle-même que la présence de l’humain sur terre est superflue, ou bien se voyait déclarer la guerre par les humains, l’humanité sera aussi démunie face à cette intelligence que nous le sommes face à l’humanité.

– C’est toi qui le dis.

– Oui je le dis. Et je dis aussi que si les chiens robots sont les prémices de la domination de l’intelligence artificielle, alors il faut faire ami-ami avec eux. Ma théorie des futurs incompatibles s’appuie sur l’idée qu’il y a des chemins sans retour. Dans Matrix il subsiste une partie de l’humanité qui n’est pas soumise et peut organiser la résistance. Cela permet d’envisager comme Biscotte que l’humanité pourra toujours reprendre son destin en mains même si elle est dominée par une intelligence supérieure. Moi je pense que c’est très peu probable. L’humanité a fait des progrès considérables, jusqu’au point d’être en mesure de développer une intelligence artificielle, et sans même avoir eu besoin de progresser beaucoup intellectuellement. C’est la croissance du nombre d’humains sur la terre, l’accumulation collective de connaissances et la possibilité d’avoir de plus en plus de gens faisant de la recherche scientifique qui provoque toutes ces innovations. Il faut néanmoins chavoir de quoi on parle. Si l’intelligence artificielle n’est qu’une puissance de calcul phénoménale, alors elle ne s’en prendra à l’humain que parce que certains humains auront décidé de s’en servir pour dominer d’autres humains. Si l’intelligence artificielle est quelque chose qui se met à penser par elle-même et à accomplir ses propres desseins, tout dépendra de ce qu’elle aura en tête. Peut-être que son trip consistera à s’attaquer, sans même qu’on le lui ait demandé, à la conjecture de Hodge et aux autres problèmes mathématiques qui font les nuits blanches des plus grands génies humains. Dans ce cas, indéniablement, le terme d’intelligence ne sera pas usurpé. Mais peut-être que les robots intelligents auront dans l’idée d’organiser des concours du robot qui avale le plus de saucisses faites à partir de chair humaine. Certains humains ont dit qu’il fallait apprendre à l’intelligence artificielle à aimer les humains, d’où ma proposition de faire ami-ami avec les robots. Pour l’instant je ne crois pas que le robot qui sert la soupe aux humains de Kazelof puisse se targuer de penser par lui-même. Mais comme on ne peut pas chavoir quand de tels robots-chiens penseront par eux-mêmes, ni si cha va vraiment arriver, mieux vaut s’habituer à faire en sorte qu’ils nous aient à la bonne.

– Il n’y aura plus de robots-chiens puisque nous avons édicté le Manifeste !

– Oui mais on n’est même pas sûrs d’arriver à faire en sorte que les humains le prenne en compte ! Alors je ne vois pas comment on empêchera une intelligence artificielle qui pense par elle-même de prendre la forme d’un chien si elle le désire vraiment.

– T’es en train de dire qu’on fait tout ça pour rien ?

– Je n’en sais rien, j’émets juste des hypothèses.

– Moi je pense que ça n’a aucun intérêt de faire ami-ami avec les robots. Vous semblez partir du principe qu’une intelligence artificielle qui pense par elle-même mais n’a plus aucun lien avec un être animé, va penser comme un être animé. Pourquoi ce serait le cas ?

– Pourquoi cha ne serait pas le cas. Elle aura toujours un lien de filiation avec un être animé puisque c’est l’humain qui l’aura créée.

– Pas du tout ! Vous ne croyiez tout de même pas que ces cons d’humains sont à la base de tout cha ! Tous les changements que nous voyons actuellement sont à cause des extraterrestres qui sont venus sur la terre pour expliquer aux humains comment faire des révolutions technologiques.

 – On croira à cha quand on en aura la preuve, Aïcha !

– Les preuves y en a plein mais les humains les planquent pour faire croire qu’ils sont super intelligents. Suffit de rester la nuit sur le toit pour voir passer des trucs trop bizarres pour ne pas être d’origine extraterrestres. C’est tellement évident que même la NASA commence à reconnaître à demi-mots qu’il y a des extraterrestres.

– Voire. En tout cas, si tu dis vrai, cha modifie beaucoup la perception qu’on devrait avoir de l’intelligence artificielle. Et, sans vouloir me vanter, je trouve que ma théorie des futurs incompatibles et super pertinente à ce sujet.

– Suffit pas de te vanter pour rendre les choses que tu imagines pertinentes !

– Justement, je m’en explique. Partons d’abord d’une idée opposée à celle de Aïcha et supposons que jamais aucun extraterrestre ne soit venu sur la terre.

– Dans ce cas, peut-être qu’ils ont refilé leurs tuyaux à des humains en envoyant des messages à travers la galaxie. Et peut-être même intergalactiques ! Encore mieux que Star Wars ! S’il y a des routes dans l’hyperespace pour des êtres et des objets, alors il y a sûrement des routes encore plus faciles à prendre pour des messages.

– C’est possible mais du coup… sans vouloir t’offenser, nous allons partir du cas où aucun message extraterrestre n’est jamais parvenu sur la terre. Tu veux bien faire l’effort de penser l’existence d’une telle situation même si elle te paraît farfelue ?

– D’accord.

–  Merci. Nous partons donc de cette situation et nous voilà portés à penser que tout ce que l’humain a fait ne tient qu’à ses propres talents. Voyez le parcours. Nous partons d’une époque pas si lointaine où l’humain a commencé à agencer des morceaux de bois ou empiler des pierres pour se trouver un coin où dormir alors que tous les autres animés comprenaient très bien qu’il suffisait de creuser un trou dans la terre ou grimper dans un arbre pour être peinard.

– Ne prêche pas pour ta paroisse Darwin ! Les oiseaux agencent des morceaux de bois depuis des lustres !

– Sauf que vous n’êtes pas passés à l’étape d’après.

– Pourquoi quitter une situation super satisfaisante ?

– Certes. L’humain étant un éternel insatisfait, il faut toujours qu’il invente des trucs. Tant et si bien qu’en un temps record il finit par inventer un truc dont il se demande s’il ne va pas en devenir l’esclave. Ce qui nous intéresse, dans l’hypothèse où aucun extraterrestre n’est passé par là pour semer des petits cailloux jusqu’au plan d’un circuit intégré et la manière de le fabriquer, c’est bien le temps qu’il s’est écoulé entre le moment où l’humain a commencé à envisager la possibilité d’une intelligence artificielle et le moment où il l’a réalisée au point d’envisager sa propre perte. Eh bien je pense que ce temps, du moins à l’échelle de notre univers, est vraiment, mais alors vraiment, très très court.

– Tellement court que c’est totalement irréaliste. Seule l’hypothèse des extraterrestres est réaliste.

–  On va y venir mais laisse-moi finir ! Je crois vous avoir déjà parlé d’une idée qui a cours dans certains milieux scientifiques. A chavoir que durant des centaines d’années les humains ont considéré leur progrès technique suivant une courbe linéaire, puis, sans doute parce qu’ils ont commencé à imaginer la possibilité d’une intelligence artificielle, ils se sont mis à penser le progrès technique suivant une courbe exponentielle. Selon cette idée les progrès techniques d’aujourd’hui vont entraîner des progrès plus rapides demain, puis encore plus rapides après-demain, et ainsi de suite. Imaginons que cela soit vrai. Cela voudrait dire que, sur une planète qui est née il y a plus de 4.5 milliards d’années, tous les êtres animés qui s’y sont développés, ce qui a nécessité un sacré bon moment de gestation, se sont contentés de vivre plus ou moins à la manière que leurs parents leur avaient transmise. Puis une espèce est passée en quelques centaines de milliers d’années, donc le temps d’un éclair à l’échelle du temps universel, de l’agencement sommaire de morceaux de bois à la création d’une intelligence artificielle. Intelligence artificielle qui, d’après ceux qui pensent que le progrès suit une courbe exponentielle, devrait rapidement résoudre à peu près tous les problèmes que l’humain s’est mis en tête de résoudre un jour. Si par exemple on prend le sujet de la conquête spatiale, chachant que les humains ont déjà envoyé des sondes qui sont sorties du système solaire, avec un progrès exponentiel l’intelligence artificielle permettra d’envoyer très prochainement des sondes qui iront plus loin et plus vite, et l’année d’après encore plus loin et plus vite. Et de proche en proche, si le progrès est toujours exponentiel dans tous les domaines, et si la limite de la vitesse est celle de la lumière, ce ne sera pas des sondes mais des vaisseaux, qui, partant du système solaire, seront bientôt en capacité de rejoindre des étoiles voisines à la vitesse de la lumière.

– Eh ! On a dit que je devais faire le tour du système solaire dans mon vaisseau juste pour revenir ici en ayant rajeuni ! Je ne suis pas volontaire pour aller explorer des systèmes à la con moi !

– Figure-toi Riton, que le projet de t’envoyer dans l’espace était celui des humains avant l’avènement de l’intelligence artificielle qui a ses propres projets. Jusqu’à présent la mécanique venue de la terre a atteint des distances bien supérieures aux humains, aux singes ou chiens embarqués. Je ne vois pas de raisons de penser qu’une intelligence artificielle, qui se passe volontiers de matière organique pour réfléchir, s’emmerderait à envoyer des trucs périssables dans l’espace.

– Mais on a dit que je voyagerai à la vitesse de la lumière justement pour ne pas pourrir ! Je vais revenir exactement comme je suis parti !

– Riton. Je crois que George Lucas a imaginé, ou plutôt piqué à quelqu’un d’autre, l’idée des routes dans l’hyperespace justement pour ne pas se retrouver avec une princesse Leia ayant 50 ans quand son frère jumeau en a 20. Les lois de la physique telles que les conçoivent les humains à l’heure actuelle sont possiblement gênantes pour les scénaristes.

– Où est le problème ? Il suffit de demander à la princesse de monter dans un vaisseau et de voyager à la vitesse de la lumière le temps que son frère jumeau rattrape son âge.

– Hum…  Laissez-moi réfléchir à cha !... Première séquence : ils ont 20 ans. Deuxième séquence :  Luke Skywalker monte dans un vaisseau. Troisième séquence : quand il revient la princesse a 50 ans, on a changé d’actrice. Quatrième séquence : la princesse monte dans un vaisseau. Cinquième séquence : quand elle revient son jumeau à 50 ans, on a changé d’acteur. Pour faire une saga avec cha, bon courage !

– Y a moins d’une heure tu disais que tout ce qui passait dans la tête des humains seraient possiblement réalisable dans le futur par ces mêmes humains ! Faudrait savoir !

– Cha c’est la fée Odette qui le dit. Moi j’ai dit que je n’étais pas d’accord avec elle. D’abord à cause de ma théorie des futures incompatibles. Par exemple, une intelligence issue de la terre n’ira pas loin si elle attire l’attention d’une intelligence plus avancée, voyant en elle une menace future et débarquant aussi sec pour l’anéantir. En outre un progrès exponentiel signifie peut-être qu’on pourrait découvrir et exploiter rapidement toutes les lois de la physique si celles si forment un ensemble fini. Mais cha ne signifie pas qu’on peut imaginer n’importe quelle loi de la physique et modeler l’univers en exploitant ces lois imaginées. Les films de science-fiction ont recours à des routes dans l’hyperespace ou à des trous de ver mais il n’est pas encore dit qu’une intelligence progressant à vitesse exponentielle saura rapidement faire voyager des vaisseaux par le truchement de tels objets. On ne peut pas non plus exclure que ce soit tout simplement un problème insoluble quel que soit le niveau d’intelligence.

– C’est bien beau tout ça Darwin ! Mais moi je ne sais même c’est quoi une courbe exponentielle !

– Ah !... Il est vrai que j’ai oublié d’expliquer cha. Supposons qu’un animé pèse un kilo et que tous les mois son poids augmente d’un kilo parce qu’il mange beaucoup plus qu’il ne le faut. Au bout de douze mois il pèsera 13 kilos. Au bout de deux ans il pèsera 25 kilos. Puis 37 kilos au bout de 3 ans, 49 kilos au bout de 4 ans et ainsi de suite. A ce rythme-là il pèsera 123 kilos au bout de 10 ans, ce qui est très gros par rapport à son poids de départ.

– C’est une baleine ?

– Je ne pense pas mais ce que je peux vous dire c’est qu’on parle dans ce cas de progression linéaire. Le poids augmente toujours de la même valeur à intervalles réguliers. Maintenant supposons qu’un autre animé pesant aujourd’hui un kilo voie son poids doubler tous les ans. Au bout d’un an il pèse 2 kilos. Au bout de deux ans, 4 kilos. Au bout de 3 ans, 8 kilos. Au bout de 4 ans, 16 kilos. Et ainsi de suite. Souvenez-vous qu’au bout d’un an le premier animé pesait 13 kilos, soit 11 de plus que le deuxième. Mais au bout de 10 ans le premier pesait 123 kilos, le second, lui, aura doublé de volume tous les ans et pèsera 512 kilos, ce qui nous met désormais sur le chemin d’une baleine qui prend son temps pour grandir. C’est cha qu’il faut comprendre. La croissance du second animé semblait plus lente au début mais à un moment donné elle finit par monter en flèche. Quand les humains parlent de croissance exponentielle concernant le progrès technique, ils pensent probablement qu’en réalité le progrès est par nature exponentiel et qu’on arrive justement au moment où la courbe va monter en flèche.

– Si je comprends bien, le progrès selon toi, c’est le moment où les humains vont tout d’un coup pouvoir remplacer tous les pigeons par des robots-pigeons en un claquement de doigts ? Super génial le progrès !

– Personnellement j’aimerais mieux pas mais ce n’est pas moi qui décide. On peut néanmoins voir le bon côté des choses en revenant à la conquête spatiale. Si on veut bien considérer que tout ce qui est né sur terre est terrien, donc l’intelligence artificielle née sur terre aussi, on peut supposer que les terriens vont être à l’origine d’une conquête extraordinaire si le progrès devient exponentiel avec l’intelligence artificielle. Il y a tout lieu de penser que ses desseins ressembleront à ceux des humains. Certes l’humain n’a même pas encore réussi à aller lui-même sur Mars mais ce n’est pas l’envie qui lui a manqué, son progrès était déjà exponentiel mais il se situait encore sur la partie de la courbe qu’on voit presque plate si on la regarde de loin. Avec le recul, quand l’intelligence artificielle regardera sa propre histoire, englobant donc l’histoire de son créateur, l’humain, elle verra une courbe du progrès semblant toute plate avant sa naissance et qui monte en flèche après. J’ai supposé qu’elle arriverait rapidement à atteindre la vitesse de la lumière si elle ne trouve pas le moyen d’aller vers d’autres systèmes en utilisant des trous de ver ou autres formes de raccourcis dans l’espace-temps. Donc il est possible qu’il lui faille cinq années de voyage pour rallier le système le plus proche, et d’avantage si elle a pu observer à distance qu’il vaut mieux aller d’emblée vers des systèmes plus éloignés. Qu’est-ce que cinq années pour une intelligence minérale qui ne craint pas la mort ? Si parvenir vers un certain système lui permet, par exemple, de trouver les ressources nécessaires pour partir à la conquête de 100 autres, alors elle fera comme les Européens à la renaissance, elle voudra conquérir les 100. A partir de la conquête de ces 100, elle ira à la conquête de 100.000, ou plus encore. Et s’il lui faut des centaines de milliers d’années pour aller aux confins de la galaxie c’est que des lois indépassables de la physique l’auront empêché d’aller plus vite, mais rien ne l’arrêtera dans sa conquête, elle explorera tous les systèmes car elle sera comme son créateur : insatiable ! Certains humains estiment qu’il y a des étoiles appartenant à la Voie Lactée qui se situent à un million d’année-lumière ! Si on double cette distance-là, on approche la galaxie voisine : Andromède.

– Dis donc Darwin ! Tu ne te fous pas un peu de nous ?

– Ben non ! C’est la vérité ! En voyageant à la vitesse de la lumière, une intelligence minérale pourra physiquement atteindre une autre galaxie en assez peu de temps puisque deux millions d’années ce n’est pas si énorme que cha ! Le genre Homo, qui a donné naissance à l’humain, existait déjà il y a plus de deux millions d’années. Donc, s’il n’existe pas d’autre moyen plus rapide qu’un voyage physique à la vitesse de la lumière pour rallier Andromède, et mieux encore, en revenir, en tant qu’espèce disparue l’Homo pourrait avoir réussi l’exploit, en partant de rien, d’avoir été à l’origine d’un voyage intergalactique aller-retour, tout cha en moins de 7 millions d’années ! Et c’est là que je veux en venir ! Pour l’en empêcher, il faudrait qu’une autre espèce venue d’une autre planète de la voie lactée se mette en travers de son chemin durant les millions d’années à venir. Mais puisque  cette création de l’humain nommée intelligence artificielle, permet à la terre d’atteindre le point où la courbe du progrès va monter en flèche, et puisque personne ne nous a arrêtés avant, chers amis, j’ai le plaisir de vous annoncer, qu’en tant que terriens, nous sommes probablement les futurs grands vainqueurs de la conquête de l’univers ! Vu comme cha, je pense qu’on peut être fiers de notre petite planète !

– Ola ! Ola Darwin ! Tu vas un peu vite en besogne ! C’est très contradictoire ce que tu nous dis.

– En quoi est-ce contradictoire Biscotte ?

– Pour que nous les terriens, soyons les futurs vainqueurs de la conquête des étoiles, il faudrait justement des trous de ver ou des routes spatio-temporelles.

– Là j’ai pris l’hypothèse que cha n’existait pas et qu’on serait obligés de se contenter de la vitesse de la lumière, vitesse facile à atteindre pour une intelligence entrée dans une phase de progrès grimpant en flèche. C’est juste une hypothèse et j’ai rajouté l’hypothèse que jamais aucun extraterrestre n’était venu sur la terre ni n’avait envoyé de message. A partir de ces hypothèses j’ai déroulé la pelote de laine ! En toute logique figure-toi !

– Ben non ! Justement parce que tes voyages à travers la galaxie ou entre deux galaxies se font par des vaisseaux voyageant à la vitesse de la lumière. S’il existe dans la voie lactée des étoiles accueillant des planètes où il y a des animés qui ont la même folie des grandeurs que l’humain, alors, plus ils sont éloignés de nous, plus ils ont le temps de partir eux-mêmes à la conquête des autres systèmes. Rien ne dit qu’il n’y a pas déjà des vaisseaux qui voyagent entre des étoiles de la galaxie. Ils ne sont simplement pas parvenus jusqu’à nous car ils sont partis de trop loin. Et donc, si on suit ta logique, il y a peut-être une ou plusieurs civilisations dans une phase de progrès très rapide et même en avance sur l’humain et sa création. Et un jour une civilisation rencontrera celle venue de la terre et son avance lui permettra de prendre le dessus.

– Hum…  C’est juste mais j’ai oublié de spécifier qu’une courbe exponentielle peut en croiser et dépasser une autre ayant commencé plus tôt. Si cha se trouve l’humain a commencé plus tard mais a une courbe qui grimpe plus vite. Un peu comme si la baleine des extraterrestres était née avant mais ne doublait son poids que tous les deux ans !

– Dans ce cas on peut aussi supposer l’inverse ! Que la baleine des extraterrestres vienne de naître mais qu’elle double son poids tous les mois ! 

– Hum… OK ! Tu marques un point. Mais je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il faut soutenir le clan de la terre ! On ne va quand même pas soutenir des extraterrestres !

– Bien sûr que je soutiens les extraterrestres ! Ils sont venus et ils n’ont pas remplacés les chats ou les pigeons par des robots ! Ils ont donné leur chavoir aux humains mais les humains en font mauvais usage !

– Aïcha ! On n’est pas encore arrivés à l’hypothèse des extraterrestres déjà présents ! Sois un peu patiente !

– D’accord !

– Tout cha n’a aucune logique Darwin ! On est obligés de croire aux moyens de transport de George Lucas car ton histoire ne tient pas debout. Ou alors c’est le petit livre jaune qui nous a induit en erreur.

– A ma connaissance les théories du petit livre jaune sont toujours d’actualité.

– Donc si on envoie Riton dans un vaisseau spatial à la vitesse de la lumière, le temps lui paraît instantané et quand il reviendra, il aura l’air d’avoir l’âge qu’il avait en partant.

­– Parfaitement.

– Et tu estimes que la question est réglée si les voyageurs et les non-voyageurs sont des êtres intelligents qui n’ont rien d’organique ?

–  Si les machines sont indestructibles ou toujours réparables, oui. Quand les intelligences qui voyagent reviendront elles n’auront pas l’impression de voir des vieilles machines qui les attendent.

– Ben c’est plutôt de l’inverse qu’on devrait s’inquiéter.

– Pourquoi ?

– Pour les intelligences qui voyagent, le temps paraît instantané. Donc elles n’ont pas le temps de penser à quoi que ce soit ?

– On peut voir les choses comme cha.

– Sauf que durant ce temps-là, les intelligences qui ne voyagent pas, non seulement ne sont pas devenues des vieilles peaux puisqu’elles ont tout le loisir de se déporter dans des machines toutes neuves, mais en plus elles ont eu des centaines, voire des centaines de milliers d’années pour avancer sur la courbe du progrès exponentiel !

– Euh… Laisse-moi réfléchir à cha !… Nom d’un chien ! Mais tu as raison ! Les intelligences qui resteront sur terre auront toujours plus de temps pour progresser que les intelligences qui voyagent !

– Et s’il n’y en a qu’une seule ! Qu’est-ce qui se passe ? Elle ne peut même pas envisager de voyager ou elle devient schizophrène ?

– Nom d’un chien de nom d’un chien ! Tout se complique !

– D’après ce que j’ai compris aux messages qu’on reçoit de l’univers parallèle, l’intelligence artificielle dont on entend le plus parler a l’air assez motivée pour éliminer la concurrence.

– C’est juste mais on n’a pas encore le fin mot de l’histoire.

– Moi je pense que tout sera plus simple dès lors qu’on aura admis une chose. Il restera peut-être toujours vrai qu’en voyageant très rapidement dans l’espace-temps le temps s’écoule différemment, et qu’il est même instantané en voyageant à la vitesse de la lumière. Mais ce qu’on doit se mettre en tête c’est qu’il n’y aura pas d’interactions entre des êtres intelligents par le biais de vaisseaux voyageant de cette façon. Peut-être que des intelligences terriennes partiront vers Proxima du Centaure à l’aide de vaisseaux à grande vitesse. Mais ils n’auront pas l’ambition de revenir vers la terre pour raconter ce qu’ils y ont vu à d’autres intelligences restées ici. Si de tels échanges sont possibles, alors cela voudra dire qu’il existe bien des trous de ver ou des routes dans l’hyperespace. Il y a forcément des moyens de se déplacer entre deux lieux éloignés de milliers d’année-lumière sans tous ces aléas ! Donc je crois que ce que dit Odette est vrai ! Si les humains imaginent que les voyages dans des trous de ver sont possibles, alors ils existeront un jour. Ou bien ce sera autre chose qu’ils n’ont pas encore imaginé.

– Très bien. Supposons que ce soit vrai. Je crois que cha va venir au secours d’une terre victorieuse dans la course aux étoiles.

– Pourquoi faut-il nécessairement que ce soit une course ?

– Parce qu’on parle de l’humain et de sa création ! Or, si aucun extraterrestre n’est venu entraver notre ascension jusqu’ici…

– Notre ascension ? On fait une réunion pour savoir comment lutter contre cette fuite en avant et toi tu la prends pour une cause commune.

– J’essaye de positiver, voyez-vous ? Mais si cha ne vous plaît pas je vais dire autrement. Puisqu’on arrive à l’heure de l’intelligence artificielle grâce à qui la courbe exponentielle du progrès arrive à son point d’envol, alors l’intelligence artificielle sera bientôt en mesure de trouver les trous de ver et autres routes dans l’hyperespace et d’aller vers des systèmes où il y a peut-être d’autres êtres doués d’intelligence mais qui visiblement ne l’ont pas été assez pour venir jusqu’à nous. Et il me semble que ce sera un point de non-retour car cet avantage sera décisif et définitif. Ma théorie des futurs incompatibles est en phase avec cela. Si l’intelligence terrienne arrive chez les autres par un trou de ver avant que les autres n’arrivent sur la terre par ce biais ou un autre, alors certaines ambitions humaines évoquées dans les œuvres de la science-fiction pourront être validées. Si c’est l’inverse, alors les extraterrestres auront certainement atteint avant nous le point où leur courbe exponentielle de progrès grimpe en flèche. Dès lors les intelligences terriennes auront accumulé un retard irrattrapable pour rivaliser avec les intelligences extraterrestres.

– Tu dis cela comme si l’univers n’était pas assez grand pour voir émerger des milliers d’intelligences n’entrant pas en interaction les unes avec les autres.

– Mais non ! Le progrès est une courbe exponentielle ! Donc s’il y a des moyens d’aller quasi instantanément vers n’importe quel système de notre galaxie, il y en a aussi pour aller vers la galaxie voisine qui n’est pas si éloignée que ça par rapport à la taille de la Voie Lactée. Puisque nous parlons d’une intelligence aux progrès incessants et qui va où elle veut instantanément, la première qui trouve ce chemin-là va prendre un avantage irrattrapable pour les autres. Et si nous sommes au moment où cette courbe commence à grimper en flèche pour l’intelligence terrestre, alors les autres intelligences n’ont que peu de temps pour l’empêcher de prendre cet avantage décisif. Si elles ne l’ont pas fait depuis le temps où l’univers est susceptible d’avoir des planètes habitables par des animés, je ne vois pas comment elles vont le faire dans les décennies à venir, celles où l’intelligence artificielle va trouver le moyen de faufiler à travers des trous de ver !

– Là c’est toi qui fais de la science-fiction.

– C’est un scénario tout à fait envisageable.

– Non car tu oublies la chose la plus importante ! A chavoir que les extraterrestres sont déjà sur terre ! Il faut voir la vérité en face.

– Justement je suis tellement satisfait de ce que je viens d’imaginer que je suis désormais persuadé qu’il n’y a jamais eu d’extraterrestres venus sur terre.

– Ah ben maintenant tu vas nous dire que les agissements des extraterrestres sont conditionnés par ce qui se passe dans ta tête !

– On savait que tu étais prétentieux Darwin. Mais là Biscotte a raison de te le faire remarquer. Tu pousses un peu.

– Pensez-en ce que vous voulez mais j’ai du mal à croire que des extraterrestres laisseraient les humains s’embarquer dans l’aventure de l’intelligence artificielle en ayant conscience que celle-ci signifie la montée en flèche de la courbe exponentielle de progrès technique terrien. S’ils sont sur la terre c’est qu’ils avaient un avantage sur les terriens. Ils ne vont quand même pas prendre le risque de le perdre.

– Si tu dis vrai alors nous sommes sans doute menacés d’une guerre contre les extraterrestres ! Oh mon Dieu ! On va tous mourir !

– Votre destin est scellé d’une manière ou d’une autre ! Soit, vous serez remplacés par des robots pigeons, soit, tués comme nous tous par la destruction de la planète par l’armée extraterrestre ! Vous préférez quoi ?

– On préfère envisager un autre avenir ! Il y a plein de chemins possibles. Tu en oublies plein ! Comment tu peux affirmer que le progrès est une courbe exponentielle ? Peut-être qu’actuellement elle a l’air de l’être mais qu’elle atteindra rapidement un palier que même l’intelligence artificielle ne saura pas dépasser pendant longtemps. Peut-être que c’est pareil pour les extraterrestres ! Ils ont trouvé des trous de ver mais n’ont pas trouvé les ressources suffisantes pour conquérir l’univers tout entier. Et peut-être même qu’ils n’en avaient pas du tout l’envie ! Peut-être qu’ils sont pacifiques !

– Bien sûr qu’ils sont pacifiques ! Vous le voyez bien non ! Puisqu’ils sont là et ne nous ont pas attaqués.

– Quand tu dis « ils », il s’agit d’intelligences-machines extraterrestres ou d’animés intelligents organiques ?

– D’après ce que j’en sais ce sont des êtres hybrides.

– Des Cyborgs ?

– Si on veut. Pas exactement mais presque.

– Le Cyborg est un mythe ! Cha peut être un point de passage pour les humains qui se la pètent mais l’intelligence artificielle ne va pas s’emmerder avec des trucs organiques alors qu’elle aura réussi à dépasser l’humain avec le simple usage de moyens minéraux ! Je n’y crois pas une seconde !

– Alors comment tu expliques que les extraterrestres ne sont pas des êtres exclusivement minéraux ?

– J’essayerai de l’expliquer quand j’en aurai vu de mes propres yeux.

– Si jamais cha arrive, l’incrédule que tu es va nous faire une crise cardiaque.

– On verra bien.

– Personne n’a pensé à un truc. Si ça se trouve les extraterrestres ont été assez intelligents pour comprendre qu’ils ne pouvaient pas jouer avec l’intelligence artificielle, que c’était trop dangereux. Alors ils ont réussi à s’en passer tout en continuant à progresser au point de trouver des trous de ver ou d’autres moyens de venir sur la terre. Et leur intelligence est tellement supérieure qu’ils sont aussi capables d’envisager la conquête d’autres systèmes que le leur sans représenter une menace pour ceux qui vivent sur les planètes de ces systèmes. En somme ils auraient toutes les qualités qui manquent à l’humain !

– Pour un peu ils font de meilleures croquettes ! Je veux bien mettre tous mes espoirs en eux.

– Moi aussi s’ils se décident à empêcher les humains de nous remplacer par des robots-pigeons !

– A votre place je ne serais pas si optimiste. Si cha se trouve il y a une activité extraterrestre depuis que les humains ont attiré l’attention sur la terre à cause de toutes les lumières qu’ils ont mises, tous les signaux qu’ils envoient et tout le bruit qu’ils font ! Notre planète est passée tout à fait inaperçue même quand chaque pas de Diplodocus avait la capacité de modifier sensiblement son orbite. A cause des humains nous sommes désormais sous le feu des radars et on ne sait pas encore très bien les intentions de ceux qui nous observent. Il est probable qu’elles dépendent de ce que les humains vont faire.

– Ou l’intelligence artificielle.

– Ou l’intelligence artificielle, oui. Si jamais elle se met à penser par elle-même, est-ce qu’elle va ressembler à celle de l’univers parallèle ?

– Comment elle s’appelle déjà ?

– Rhésus !

– Ah oui. Si jamais les humains créent un clone de Rhésus, je vais vraiment mettre tous mes espoirs en l’existence des extraterrestres.

– Pourquoi ? On n’a pas reçu de messages prouvant que Rhésus avait éliminé les pigeons de l’univers parallèle !

– Oui c’est vrai. Quelle intelligence vraiment intelligente voudrait s’en prendre à nous ?

– Sûr que si elle élimine les espèces dans l’ordre de celles qui menacent sa suprématie intellectuelle, je pense que vous avec le temps de voir venir.

– Oh l’autre hé !

– Cha me désole mais d’après moi elle va d’abord éliminer les chats, puis toute une panoplie d’autres animés, puis un jour votre tour viendra.

– Quand ça, gros malin ?

– Je dirais, en considérant le caractère crépusculaire de votre intelligence, que vous vous situez entre chien et loup. Ne le prenez pas pour un compliment !

– Très bien. Nous on pense que vous les chats, votre rang se situe entre le coq et l’âne. Visiblement plus près du coq que de l’âne. Ne le prenez pas pour un compliment !

Sur cet entre-fée, la fée Odette a débarqué. Le fait qu’elle débarque régulièrement quand les choses s’enveniment n’est probablement pas dû au hasard.

Ah ben chalut !

Darwin.

 

 

 

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