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Darwin Le Chat
18 octobre 2015

HelloWorld47831

Chalut.

 

Le message de la tablette que je poste ici, nous orienta de nouveau vers la piste du canular en raison d’une référence explicite mais passablement burlesque à une ville que nous connaissons bien.

 

HelloWorld47831 @MnTardy

Bonjour Emmanuel. Le réseau TCL te souhaite une bonne journée. TCL l’incontournable partenaire des virées liounaises. TCL, tout conduit à Lyoune.

 

Info47831 @MnTardy

Charles de Gauche, ancien chef de file de LGG (La Gauche Gauche) opposant aux réformes fiscales et au rassemblement de la gauche molle, a, sur son blog personnel, fait une courte réponse à Mr Claude Balluchon. Nous la reproduisons ci-après : « Camarade ; tu permets que je t’appelle camarade ? En souvenir d’un passé pas si lointain. Je ne dirais pas que j’ai été déçu par ta sortie médiatique d’hier, elle ne manque pas de piment et traduit si bien la teneur de tes renoncements. L’écharpe en bandoulière, un maire aurait lancé la noce du capital et de la nation ? Dites madame, le bal aura duré longtemps. Vous dansiez ? Eh ! bien couchez maintenant ! D’où vous vient cette tripoté de gamins ? La mariée est une putain mais l’honneur est sauf, le conjoint, maquereau notoire, est son unique client ! A ce point naïf ou malhonnête (j’ai mon idée) on n’en fait (malheureusement) plus que des comme toi. Dans ce naufrage à quoi reconnaît-on un vrai wouineur ? La mer monte à vue d’œil, lui reste droit dans ses bottes, il lève les bras aux ciels et vocifère une phrase sempiternelle : « Manque de liquidité ! C’est à cause d’un manque de liquidité ! » S’il voulait bien faire profil bas et cesser ses coups de mentons, il constaterait que manifestement c’est le contraire. Mais non ! Lui préfère se gargariser : « J’ai renfloué les caisses ! » Erreur ! Les caisses, les vraies, pourries mais sèches, sont à jamais échouées, débris de son bilan parmi d’autres. Chez les tous petits, les carrés et les ronds, c’est confondant. D’où une tendance à voir des caisses là où flottent des tonneaux de champagne. Tu me diras qu’on met aussi le champagne en caisse. C’est bien là le vrai problème, on ne met plus que ça en caisse. Un prétendu sauveur prétendit changer l’eau en vin, ceux qui ont changé l’allouable en rentable méritent-ils le même attribut ? Qu’ont-ils sauvé ? Pas même un système, car si la base est la même son évolution tient de la révolution. Jadis le fiscaliste prenait sur la vente du vin pour distribuer un peu d’eau aux assoiffés. Aujourd’hui il est un homme de services. Au service de qui ? Du riche ! Aussi il ne se contente pas de lui prendre dans la poche de droite pour lui remettre dans la poche de gauche. « Monsieur ! Veuillez me donner 1000 iouros ! » « C’est pour quoi faire ? » « Pour aller vous acheter du vin ! » « J’y allais, justement. » « Eh ! bien comme ça  vous n’aurez même pas à le porter ! »

 

PM @bubble1trooper

Clairement. Mais je ne vais pas demander un jeu open source bidon pour voir s’ils se foutent de ma gueule. De toute façon ça ne changera rien à la donne.

 

PM @TravelerCheik

Avec un pseudo pareil je pensais que tu étais du genre à posséder une carte OMC Gold, voire Platine. Les Vialy résidents sont moins chers mais tu ne peux pas tricher avec ça et encore moins te promener en zone à péage sans Vialy. Techniquement tu peux essayer mais tu seras vite repéré. Par souci d’économie je me paye deux ou trois Vialy annuels, rarement plus. Or, un mois où je n’avais pas de Vialy, je me suis endormi dans une navette et j’ai dépassé la zone libre, je me suis réveillé avec un Digidek municipal face à moi qui me répétait : « Vous êtes dans une zone à péage, veuillez vous acquittez de la somme impartie ! » Ensuite il m’a donné un ultimatum pour sortir de la zone avant débit automatique de mon compte, j’ai piqué un méchant sprint ! Par précaution mieux vaut paramétrer ton implant pour être averti avant de dépasser la ligne rouge !

 

@RedElementMaster

Ne t’en fais pas ! Une heure par jour me suffira amplement pour rester au top !

 

Darwin.

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12 octobre 2015

HelloWorld47830

Chalut.

 

Voici une nouvelle retransmission d’un message de la tablette. En suivant l’hypothèse de Aïcha, celui-ci semblait plus optimiste que le précédent.

 

HelloWorld47830 @MnTardy

Bonjour Emmanuel. Les bonnets connectés Helix te souhaitent une bonne journée. Helix plongée, la finesse inégalée, Helix randonnée, la chaleur contrôlée. Helix, une marque du groupe Clothest. 

 

Info47830 @MnTardy

Claude Balluchon, président du conseil du grand Tarie et numéro deux du Parti des Sceaux Salis, s’est félicité d’avoir reçu le prix Taxinov au nom de l’agglomération. Quoique figurant dans l’opposition nationale lors des premiers pas de la grande réforme fiscale, il a rappelé qu’il l’a toujours soutenue à tous les échelons du pouvoir et que la mise en œuvre à titre expérimental de mesures, à l’époque impopulaires, dans la région tarisienne, devait beaucoup à son engagement personnel. Selon lui, loin des clivages droite-dure gauche-molle, la réforme, bien qu’initiée par la droite-dure, a largement participé à sauver ce qu’il restait des valeurs de la gauche-molle en redonnant des ressources aux collectivités et du pouvoir aux hommes politiques locaux et nationaux. Il s’est réjoui d’un consensus qui a fait boule de neige à l’échelle nationale et a fustigé certaines personnalités, notamment Charles de Gauche, selon lui aveuglé par ses préjugés partisans et qui avait été, par sa conduite irresponsable et sa propagande, a deux doigts d’empêcher la réforme dont la Franquie avait tant besoin. Nous citons ci-après, la fin de son discours : « L’inimaginable s’est produit. La Franquie, à laquelle nous tenons tant, autrefois raillée pour ses incapacités chroniques à se réformer, est devenue en quelques années le fer de lance d’un mouvement international. Il ne fallait pas moins que des hommes d’une clairvoyance innée, due à leur simple appartenance à la nation des lumières, pour résoudre, par un sursaut patriotique, des problèmes qui se posaient à l’échelle internationale. N’en déplaise à nos voisins Cent-Bourgeois, ce n’est pas sans fierté que nous voyons se profiler le jour où les Cent-Bourgs seront le parent pauvre de l’Europe communautaire, amenés à se fondre dans un Lander teutonique ou une région franquaise. L’avantage acquis par leurs traîtres politiques n’aura bientôt plus prise tant les capitaux sont désormais chez eux chez nous. Aux îles paradisiaques qui ont la chance de ne pas voir leurs plages noyées sous l’implacable montée des eaux, je dis ceci : « Préservez vos atouts charmes, c’est bientôt tout ce qu’il va vous rester ! » Aux autres je dis ceci : « Ne vous inquiétez pas ! On vous enverra des bouées gonflables…  ou pas. » »

 

PM @TravelerCheik

En piéton bien sûr ! Les transports en commun ne sont pas compris dans le prix de base d’un Vialy. Tu peux rajouter un pass TCL au Vialy et tu peux aussi, sans Vialy avoir un pass TCL qui te permet de passer d’une zone libre à une autre en passant par le métro d’une zone à péage. Attention, dans ce cas, il ne faudrait pas sortir du métro proprement dit ! J’ignore ce que tu appelles cher car je ne connais pas ton budget.

 

PM @bubble1trooper

Pas possible de charger les paramètres du bonnet Bubble sur un bonnet de bord. Question de brevet. Au pire je vais jouer en manuel avec les tactiles de mon siège.

 

Darwin.

12 octobre 2015

On est que des pigeons !

Chalut.

C’est avec beaucoup d’insistance que Aïcha a prétendu à plus de considération concernant son hypothèse de messages venu d’un univers parallèle. Univers parallèle qui, selon elle est semblable au notre avec quelques années d’avance. Et si elle avait raison ?

 

– Et si j’avais raison ?

– Eh ! bien ?

– Si j’avais raison et que ces messages venait nous avertir d’un grand danger à venir ?

– Quel danger ?

– Mais enfin ! Vous n’avez pas entendu la lecture de Darwin ? Vous ne comprenez pas ce que sont ces BitCopK64 ?

– J’ai cru comprendre que c’était des supers flics !

– C’est des robots espèce d’idiot !

– Ah ! bon ? Marrant.

– Marrant ? Mais c’est flippant oui !

– Pourquoi ?

– N’as-tu pas entendu ? Ils ont éliminé tous les humains du quartier ; et avec eux les chats, les chiens, les lapins et les cochons d’Inde, ceci sans aucun effort ! 

– Oui mais pas les pigeons !

– Est-ce que j’ai une tête de pigeon ?

– Toi non mais moi oui !

– Egoïste !… De toute façon un tel robot fera le ménage chez les pigeons aussi bien que chez les humains !

– Pourquoi il ferait ça ? Nous on a rien à voir avec ces histoires !

– Y a-t-il trop peu, trop ou juste ce qu’il faut de pigeons dans cette ville ?

– Tu me poses la question ?

– Parfaitement !

– Juste ce qu’il faut ! On se régule !

– Si on posait la même question à tous les humains, ils répondraient quoi ?

– La même chose !

– Non je ne crois pas ! La plupart des humains pensent que les autres espèces comptent trop d’individus, sauf peut-être celle des poulets en batterie ! Quant à celle des pigeons proprement dite, dont l’utilité n’est pas flagrante, elle est sans doute tolérée mais assez souvent perçue comme une nuisance. Dans cet univers parallèle il ne fait aucun doute que si la nuisance était jugée trop importante, vous seriez éliminés aussi vite que les chiens, chats, lapins et cochons d’Inde dont il a été question.

– Je ne crois pas car cela serait sûrement déjà arrivé dans cet univers. On dit que l’homme a déjà fait disparaître un grand nombre d’espèces. Or, nous les pigeons, vivons au milieu des humains sans animosité alors que nous ne nous laissons pas aller à des courbettes et basses flatteries comme les chiens et les chats. Nous avons donc de bonnes raisons de penser que nous sommes appréciés pour ce que nous sommes, c’est à dire des oiseaux discrets, distingués et d’une splendeur incommensurable.

– Faut le dire vite ! ai-je dit …  Ne le prenez pas comme un compliment mais à mon avis, si vous n’avez pas disparu comme d’autres espèces, c’est que vous savez faire preuve d’une certaine résilience du fait, il faut le concéder, d’un niveau d’intelligence supérieur à la moyenne. Les rats aussi sont intelligents, certes pas autant que les chats mais sans doute plus que les chiens. Or je crois pouvoir affirmer que, s’ils le pouvaient, les humains élimineraient les rats jusqu’au dernier sans hésitation. Alors rien ne prouve que vous ne soyez pas sur la liste des espèces honnies. Je vais donc plus loin que Aïcha en faisant l’hypothèse que la survie d’une espèce tient à deux choses : la volonté et la capacité des humains à l’éliminer. J’ignore si l’humain a ou aura la volonté de vous éliminer mais quant à sa capacité, cela ne semble être qu’une question de temps. En ce sens nous sommes tous logés à la même enseigne.

– Tu parles faux ! L’humain ne peut pas nous honnir ! Au contraire, il nous adore !

– Les tarés qui vous balancent des tombereaux de grains et de morceaux de pains ne sont pas représentatifs de l’opinion générale !

– Je ne parle pas de ceux-là ! De nombreuses personnes célèbres nous adorent !

– Ah bon ? Qui ça par exemple ?

– Mike Tyson par exemple. Et toc !

– Que voulez-vous répondre à ça ?

– Rien ! Tais-toi ! Moi je dis vive les robots et vive les pigeons !

 

Malgré ce qu’en pensait Riton, le débat n’était pas clos.

 

Darwin. 

11 octobre 2015

HelloWorld47829

 

Chalut.

 

Voici la retranscription de messages reçus sur la tablette. Dans un prochain billet je vous ferai part de ce que l’un d’entre eux nous a inspiré.

 

HelloWorld47829 @MnTardy

Bonjour Emmanuel. L’UNESCO te souhaite une bonne journée. UNESCO, le meilleur accélérateur  de patrimoine. UNESCO, une marque du groupe ONU.

 

Info47829 @MnTardy

Une intervention policière à Last Angel il y a 48 heures a viré au carnage. Un groupe de douze BitCopK64 censé appréhender Julius Griffin, chef présumé d’une organisation criminelle, aurait abattu plus de 260 personnes dans le quartier de Camptan et fait trois blessés graves. Julius Griffin compterait au nombre des victimes, ce dont s’est réjoui Matt Anderson, le procureur en charge du dossier selon qui l’intervention est somme toute un succès. Les réactions outrées émanant de la société civile n’ont pas tardé. Même Gena Scotchwell, éditorialiste au très conservateur Last Angel Post, n’a pas mâché ses mots, exprimant qu’on ne pouvait pas parler de succès à propos d’une opération qui a envoyé outre-tombe plus de 50 femmes et 130 enfants dont une bonne cinquantaine avait vraisemblablement moins de cinq ans. Comment l’arrestation programmée d’un seul homme a-t-elle pu se transformer en véritable bain de sang ? Selon les quelques éléments qui ont filtré en provenance de LAPD les BitCopK64 auraient essuyé un feu nourri d’armes de gros calibres dès le début de l’opération et auraient été contraints de riposter. D’autres sources indiquent que les choses différent vraisemblablement de la version officielle. Un témoin oculaire aurait aperçu les 12 BitCopK64 quitter la zone après les évènements en parfait état de marche et avec peu de traces de combat. D’après Brett Chang, le célèbre concepteur des BitCopK64 au sein de la société GlooGloop et désormais conseiller sécurité pour la société Pink Water, une escouade de douze BitCopK64 ne ressortirait pas sans égratignure d’une zone de tirs intensifs de gros calibre où l’adversaire a toute latitude de se mettre en embuscade. Sous couvert d’anonymat, un membre de LAPD aurait confirmé cette hypothèse auprès du Last Angel Post, estimant pour sa part que les BitCopK64 ont montré hier leurs limites et leur potentiel de dangerosité, chose à laquelle les pouvoirs publics devraient s’intéresser de la manière la plus sérieuse qui soit. Interrogé à ce sujet Brett Chang a infirmé l’hypothèse de dangerosité estimant pour sa part que les BitCopK64 font ce pourquoi ils sont programmés et se seraient laisser mettre en pièce ou auraient battu en retraite si leurs ordres avaient été de ne pas riposter. D’après lui la responsabilité du carnage incombe donc à LAPD qui aurait chargé un programme ordonnant l’élimination de toute cible dans une aire prédéfinie. Il a rappelé le principe de mise en oeuvre des missions BitCopK64 ; ceux-ci ont été vendus aux forces fédérales (2000 unités actives à ce jour), à certains corps d’états et municipaux (280 unités actives dont 50 pour la seule Califourmie) et à Pink Water (1000 unités) accompagnés de la technologie Targeton. Cette technologie vise à repérer en amont, à l’aide de micro-drones, toutes les cibles potentielles dans un rayon d’action afin de les marquer individuellement en capteurs nano. Lors de l’intervention sur site les BitCopK64 sont connectés aux capteurs qui leur indiquent instantanément quelle attitude adopter vis à vis de la cible : ignorer, arrêter, éliminer, blessure non létale etc.. Brett Chang a souligné la fiabilité des BitCopK64 en rappelant les succès obtenus lors de prises d’otages au sein du territoire fédéral ou dans les zones de guerre. Il a terminé son explication en précisant que les programmes de missions étaient à la discrétion de l’acheteur et qu’il était tout à fait possible de se passer de la technologie Targeton en choisissant un mode par défaut ou une réaction à certains évènements. D’après lui l’intervention à Camptan a été faite sans marquage préalable et probablement aussi sans semonce, avec l’intention claire et nette d’éliminer tout mammifère dans une aire donnée si on en croit la rumeur qui fait état, en plus des victimes humaines, de la mort de plusieurs dizaines d’animaux domestiques. C’est là une accusation grave qui tranche avec le discours ouvertement commercial dont nous avaient habitué Mr Chang jusqu’alors. LAPD devra t-elle rendre des comptes pour la mort de personnes qui ne pouvaient pas toutes être taxées de criminelles quand bien même une majorité d’entre elles étaient amenée à le devenir selon les lois statistiques méricaines ? Le gouverneur sortant, actuellement en vacances en Roupie, ne s’est pas exprimé à ce sujet mais le favori des sondages pour lui succéder n’a pas fait mystère de son opinion. Il a déclaré que si Brett Chang avait raison alors, sitôt élu, il s’empresserait de commander 200 BitCopK64 de plus afin de disposer d’unités prêtent à intervenir dans tout l’état. Devant la moue dubitative du journaliste qui l’interrogeait, il a précisé que si la mission de Camptan avait été d’éliminer tout mammifère dans une aire donnée, alors c’était une réussite quasi-absolue (nonobstant les trois blessés graves), preuve indéniable de l’efficacité des BitCopK64. A la question de savoir s’il autoriserait les forces d’état et municipales à utiliser des programmes sans marquage ni semonce, il a simplement répondu qu’il regrettait qu’on n’ait pas épargné au moins les chats, les chiens, les lapins et les cochons d’Inde. Pour la petite histoire, l’animal fétiche de Julius Griffin, un Boa c. Imperator mesurant 2m10 et répondant au doux nom de Juliette, a été retrouvé sain et sauf cherchant son chemin au sein de ce qui s’apparente désormais à une véritable zone de guerre.    

 

@bubble1trooper

Non je n’ai pas de bonnet Bubble. Je vais demander à Daryl s’il est possible de paramétrer un bonnet de bord à cette fin.

 

PM @TravelerCheik

Non, à ma connaissance il n’y a pas de sous-zones pour les Vialy touristiques. D’après mes calculs, au cours d’aujourd’hui, ça devrait te revenir à une vingtaine de doullars par jour en haute saison.

 

Darwin.

11 octobre 2015

Trappe 316

Chalut.

 

A la suite des révélations sur le passé de la fée Odette beaucoup d’entre nous auraient aimé en savoir plus, surtout parmi la communauté des pigeons. Cela arriva mais de manière quelque peu détournée et assez décevante. Comme nous gardions en tête l’hypothèse des univers parallèles émise par Aïcha et que certains pigeons s’amusaient à imaginer leur double dans une autre entité, la discussion bascula peu à peu vers l’étrange. Qu’est-ce qui, d’après nos expériences personnelles, était du domaine du réel et qu’est-ce qui était du domaine du fantasme ? Nous étions tous d’avis que contrairement aux humains, qui prennent pour fous leurs congénères avançant certaines hypothèses, nous pouvions, sur la base de nos expériences communes, en valider quelques-unes. Odette ayant suivi avec intérêt la discussion finit par dire :

– Ce qui m’étonne le plus c’est qu’aucun d’entre vous n’a parlé des trappes.

– Quelles trappes ?

– Personne n’est jamais passé par une trappe ?

– Si bien sûr ! C’est comme une porte mais à l’horizontal.

– Je ne parle pas de ces trappes là ! Je parle des trappes à réponses. Ça vous parle ?

– Absolument pas !

– Mais si voyons ! Vous les pigeons ! Vous avez sûrement déjà vu des feuilles de marronnier numérotées !

– Des feuilles de marronnier numérotées ? A quoi ça sert ?

– On les lit pour passer une trappe. Mais on peut aussi se servir de la clé d’un coffre ou d’une boite car parfois elles ouvrent aussi des trappes. C’est clair ?

– Parfaitement pas.

– Voulez-vous que je vous raconte une histoire pour vous aider à comprendre ?

Nous répondîmes affirmativement unanimement.

– Eh ! bien voilà. J’étais avec Andrea et à côté de chez elle il y avait ce grand marronnier magnifique. J’ai récupéré une feuille, elle portait le numéro 316. Andrea devait le lire à haute voix car c’était son arbre et nous cherchions une réponse à sa question.

– Quelle question ?

– Elle voulait en savoir plus sur la schizophrénie.

– Qu’est-ce que c’est ?

– Chut ! Je raconte !… Un épais brouillard nous a enveloppées et nous ne distinguions plus qu’une lumière bleue clignotante. C’était celle d’une ambulance vers laquelle nous nous sommes approchées. La porte arrière était ouverte et le type au volant nous a fait signe de monter. A peine Andrea avait mis les pieds dans l’ambulance qu’elle a démarré en trombe, peut-être à dessein de me semer, quelle vanité ! Avec moi à ses trousses, je ne forçais pas, l’ambulance est allée à toute blinde jusqu’au Vinatier et a fini sa course par un violent tête-à-queue. Andrea est descendue, moi j’avais déjà repéré une porte entrouverte au bas d’un petit escalier, c’était le chemin à suivre. Derrière la porte un petit couloir débouchait sur une large coursive. Les murs était jaune-pisse et l’éclairage fait de néons assez agressifs, sur le sol il y avait des traces de roulettes et de pas et aussi deux très grosses flèches partant l’une vers la gauche et l’autre vers la droite. Sur la première était marqué : « Par-ici ! » Sur la seconde : « Par-là ! » Andrea a dit : « C’est peut-être un piège ! Allons chacune d’un côté pour le déjouer ! » Ce à quoi j’ai répondu :  « Excellente idée ! Allons chacune de mon côté pour le déjouer ! » Il fallait bien évidemment choisir le côté « Par-ici ! »

– Pourquoi ?

– Tu aurais choisi le côté « Par-là ! » ?

– Pourquoi pas. C’est du cinquante cinquante.

– Con de chat ! Tu files un mauvais coton Darwin !… Je continue !… On est allées par-ici, avons passé une double-porte, derrière celle-ci la coursive n’en était plus une, c’était un couloir proprement carrelé de blanc, proprement lessivé. De part et d’autre il y avait une dizaine de portes et puis il y avait des lits à roulettes avec des sangles. L’une des portes était ouverte, on est passées par-là.

– C’était risqué, mieux aurait valu passé par-ici !

– Chut !… On est passées par-là pour arriver dans une salle ou il n’y avait rien hormis un escabeau et une table supportant quelques bidules marchant à l’électricité.

– Ce qui n’est déjà pas rien.

– Mais vous allez la fermer bordel !… Peu après on a entendu des grincements assez pénibles et puis un lit a débarqué avec une femme allongée dessus. C’était la mère d’Andrea mais plus jeune qu’Andrea.

–…

– Pas de commentaires ?

– Tu nous a dit de la fermer !

– Là vous pouvez parler.

– Ah !… Donc la mère d’Andrea est plus jeune que sa fille. C’est pas un peu pas possible ça ?

– Quand on ouvre une trappe c’est possible. La mère d’Andrea avait plus ou moins 15 ans. Elle avait les yeux ouverts mais regardait dans le vide. A ce moment là un lièvre en blouse blanche est entré dans la pièce. Andrea le connaissait déjà et ils se sont échangé des amabilités assez mal aimables. Comme il était plus petit que le lit, il a pris l’escabeau et a commencé à attacher la mère d’Andrea. C’est là qu’elle a poussé une grosse colère ?

– Qui ça ? La mère d’Andrea ?

– Mais non ! Andrea ! Comme elle était d’humeur à étriper le lièvre, lui s’est carapaté. On lui a couru après mais il a fini par tirer une grille en travers de notre route pour se protéger. Ils ont continué à s’engueuler à distance, le lièvre arguant qu’il ne faisait que son travail. Alors nous on est ressorties comme on était venues mais l’ambulance était partie et Andrea a dû rentrer à pinces.

– Et donc ?

– Ben c’est tout.

– Mais c’est nul. Où est la réponse à la question ?

– Quelle question ?

– Sur la schizophrénie !

– Je sais pas.

– Ces trappes ça sert à rien alors !

– Ça sert à vous prouver qu’elles existent.

– Tu parles d’une preuve ! Autant t’as tout inventé.

– Traite-moi de menteuse et tu vas voir ta gueule !

– Moi je dis que c’est bien la preuve de l’existence des univers parallèles. a dit Aïcha.

– C’est pas un autre univers !

– C’est quoi alors ? Un autre monde ?

– Non c’est le même monde.

– Comment la mère d’Andrea pourrait être plus jeune qu’Andrea elle-même dans le même monde ?

– C’est une trappe temporelle alors !

– Les lièvres portaient des blouses blanches dans le passé ?

– Invraisemblable !

– Faites les hypothèses que vous voulez mais n’oubliez pas la règle qu’on s’est donnée.

– Quelle règle ?

– Qu’on n’écarterait pas une hypothèse simplement parce qu’elle nous paraît invraisemblable.

– Super ! On débat pour se donner des réponses et toi tu nous embrouilles encore plus avec tes histoires de trappes !

– Bon d’accord. Alors pour me faire pardonner vous voulez que je vous chante une chanson ?

– Pas spécialement.

– Alors je vais vous raconter une histoire. C’est l’histoire d’un oiseau qui…

– Un pigeon ?

– Peu importe !

– Evidemment que ça importe !

– Chut ! Je connais un oiseau qui vit dans un pays sans soleil…

– Fallait le dire tout de suite ! C’est une chouette !

– C’est une lubie ?

– Quoi ?

– Quand j’ai raconté cette histoire à Andrea elle a aussi pensé à une chouette ! 

– Parce que c’est évident !

– Mais non ! C’est un con de moineau ! Il vit dans un pays sans soleil parce qu’il pleut tous les jours et toujours à grosses gouttes.

– Ah ! oui il est vraiment con ! J’aurais mis les voiles depuis longtemps moi !

– Moi aussi !

– Mais c’est ce qu’il essaye de faire ! Voilà comment ! Quand il était tout petit cet oiseau était dans un grand nid avec d’autres petits oiseaux et des moyens oiseaux aussi. Les petits oiseaux étaient malheureux dans ce nid parce que les moyens oiseaux leur volaient dans les plumes. Si bien qu’à la fin ils étaient à moitié déplumés. Alors le petit oiseau grandit comme ça, avec des plumes en moins dans un pays où il pleut tous les jours et toujours à grosses gouttes. Dès qu’il met le bec dehors il est mouillé et il a froid, c’est pour ça qu’au début il évite de sortir. Mais un oiseau doit voler, il veut voler, loin, haut, il fait des efforts malgré le froid et l’humidité. Peu à peu il s’endurcit, là où des plumes lui manquent sa peau s’épaissit, devient moins sensible, et malgré son handicap il vole de plus en plus haut, de plus en plus loin. Un jour il tombe sur un rayon de soleil, car à côté du pays sans soleil, il est un pays sans nuages, et entre les deux, une immensité où soleil et nuages se disputent chaque centimètre carré. Ce rayon est comme un poste avancé du soleil en territoire ennemi, il illumine un surplomb rocheux d’une telle clarté que les yeux de l’oiseau, habitués à la grisaille, en sont tout éblouis. Mais il veut y goûter, entrer dans la lumière, alors il se pose sur le rocher, replie ses ailes et s’endort. Enrobé de chaleur il rêve de bonheur au pays sans nuages. A son réveil l’oiseau a mal, là où son plumage est trop fin pour le protéger de la pluie, sa peau épaissie n’a pas empêché les brûlures du soleil. Il s’en retourne sous la pluie pour apaiser ses douleurs mais les gouttes d’eau sont si grosses que chacune d’entre elles diffuse un savant mélange de douleur et de fraîcheur. Mal fichu l’oiseau ne sait plus où aller, alors il regagne son nid et il fait la tête.

– …

– Ça vous a plu ?

– Si j’ai bien compris c’est une variété de moineaux complètement tarée !

– Mais non ! C’est un genre de parabole ! En même temps je me demande pourquoi je m’emmerde à essayer de raconter des histoires à des cons de chats et des pigeons idiots !

– Ben oui ! Pourquoi ?

– Bande cons !

 

Mal lunée la fée.

 

Darwin. 

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5 octobre 2015

HelloWorld47828

Chalut.

 

Ce billet est entièrement consacré à la retranscription d’un message de la tablette. C’est l’un des plus longs que nous ayons reçus à ce jour et il a beaucoup fait réagir Odette.

 

HelloWorld47828 @MnTardy

Hello Emmanuel. La société Afterash te souhaite une bonne journée. De 20000 à 900000 doullars Afterash propose des modèles de serviteurs neufs ou d’occasion pour toutes les bourses en mi-propriété. Afterash rappelle à son aimable clientèle que la société Afterash est seule habilitée à revendre à un tiers des modèles de la société Afterash. Afterash, rien ne fait tâche. Afterash, une marque du groupe Gloogloop.

 

@gamer1253187

Ok ! Ben voilà ce que je propose : je demande une version single on board de Bubbleship et quand je me serai bien entraîné, on comparera les scores.

 

PM @TravelerCheik

Je n’ai pas accès à ton lien mais je crois savoir de quoi tu parles. A la base il y a les quartiers classés UNESCO, qui doivent être faciles à identifier sur la carte. Mais la zone de péage est plus grande car elle s’étend sur l’ensemble des 1er et 2ème arrondissements et en partie sur les 3, 4, 5 et 6ème. Il faut que tu achètes un Vialy touristique hebdomadaire ou journalier, sinon tu ne verras rien d’intéressant

 

Info47828 @MnTardy

 

Après la mise en orbite annoncée du nouveau système satellitaire C-Me de Gloogloop, la commission plancherait d’ores et déjà sur un projet visant à étendre les règles de l’automatisation routière à l’ensemble du territoire roupien. Il faut s’attendre prochainement à de substantielles modifications du code de la route tant les manufacturiers semblent enclins à bousculer les pouvoirs politiques à ce sujet. On en veut pour preuve les modèles exposés aux derniers salons qui ont fait la part belle aux prototypes sans poste de conduite et à usage universel. Si les industriels vont de l’avant sur la base des statistiques et jugements rendus qui leur sont favorables, d’autres intérêts financiers contradictoires entrent en jeu. Quant à la société civile, elle reste très partagée à ce sujet. Nous tentons ci-après de faire le point à partir d’un bilan de ce qui est advenu jusqu’ici en la matière. Il y a lieu de distinguer deux mondes bien séparés, celui des voies rapides pour lesquelles l’autorisation de circuler est réservée aux deux roues, tricycles et quatre roues soumis à des barèmes de cylindres, celui des centres urbains, périurbains ou routes de campagnes où la chaussée est partagée totalement ou partiellement par une mosaïque d’objets roulants, glissants (sans même parler de l’interférence des volants) et par les piétons. Sur ces voies communes la principale difficulté liée à l’arrivée des véhicules automatisés a été autant comportementale que juridique. Un véhicule intelligent, même renseigné en temps réel sur un environnement pouvant avoir prise sur un large rayon, achoppe toujours sur le constat suivant : si son interaction avec d’autres véhicules du même type permet une forme de collaboration bénéfique, il reste soumis aux aléas des comportements des personnes et objets en mouvement qui sont d’un type différent. Nous avons suffisamment de recul pour savoir que techniquement ce n’est pas la sécurité qui est en jeu, il est toujours possible de programmer les véhicules pour un maximum de sécurité, du moins sans commune mesure avec ce que nous pouvons connaître lorsque l’on s’en remet simplement à la sagesse et au civisme de l’être humain. Pour pouvoir imposer leurs produits, les manufacturiers ayant fait le pari du tout automatique ont largement axé leurs campagnes sur cette sécurité sans ignorer que cette obsession sécuritaire posait d’évidents problèmes d’efficacité en environnement partagé. Lorsqu’un piéton traverse nonchalamment la route en dehors des clous à proximité d’un véhicule en mouvement, que fait un humain au volant ? Le plus souvent il s’arrête, parfois en se mettant debout sur les freins et en jurant comme un charretier. Que fait un pilote automatique dans la même situation, il s’arrête et ce d’autant plus facilement qu’il n’est lui-même pas distrait et ne fait pas d’excès de vitesse. Quelle différence sinon, pour le second cas, la probabilité supérieure pour le piéton nonchalant de se retrouver en un seul morceau sur le trottoir d’en face ? La vraie différence est ailleurs, elle est dans la nonchalance induite par la présence d’un véhicule dont on sait qu’il ne vous roulera jamais dessus. On se souvient des scènes épiques de voitures automatiques pratiquement à l’arrêt dans des zones semi-piétonnes fréquentées. Il y avait là tous les prémices des difficultés à venir. Que se fut par jeu, par égoïsme ou dans une lutte préconsciente face à l’invasion des machines, l’habitude humaine de se considérer toujours prioritaire sur le véhicule automatisé a rendu caduques bien des programmes. Là où un humain sait forcer le passage, la machine doit pouvoir le faire à sa manière, mais si on a le plus souvent évité des embouteillages monstres c’est bien parce que les véhicules sont en général occupés par des humains, qui, s’ils ne conduisent pas, n’en gardent pas moins leur caractère belliqueux. Les scènes d’hystéries collectives et les pugilats qui ont marqué l’intronisation du pilotage automatique sur voies communes ont suffisamment défrayé la chronique pour qu’on n’y revienne pas en détail. Il ne faudrait cependant pas oublier qu’elles sont probablement à l’origine de bien des projets de lois, certains ayant abouti et d’autres non, visant à modifier le code de la route et les règles de la responsabilité civile individuelle. D’après certaines sources le lobby des manufacturiers serait allé jusqu’à proposer un changement radical dans la règle qui veut qu’un automobiliste doit se rendre maître de son véhicule en toute circonstance. Se basant sur un grand nombre de cas d’écrasement de piétons ou cyclistes par des automobilistes, les industriels avançaient que la réalité du contrôle d’un véhicule par son pilote était largement relativisée par une assertion populaire, en l’occurrence celle disant : « A l’impossible nul n’est tenu. » Qu’un piéton, un chien ou un chat se jette littéralement sous vos roues en dehors d’un passage protégé, vous n’en n’êtes généralement pas tenu pour responsable du moment que vous n’étiez pas en excès de vitesse au moment de l’accident, et ce, même si les conditions environnementales auraient commandé une vitesse plus mesurée apte à vous permettre d’éviter le drame. Partant, la responsabilité finale est de fait rejetée sur la victime imprudente. Devant cette forme d’hypocrisie latente, les manufacturiers et leurs fournisseurs de programmes souhaitaient qu’on clarifie les choses en désengageant la responsabilité des véhicules, qu’ils soient automatisés ou non, en cas d’imprudence manifeste des tiers impliqués. A leur sens la meilleure manière d’y parvenir était de restreindre la liberté de ces tiers, en demandant par exemple que toute personne traversant une route ou une rue en dehors des passages prévus à cet effet le fasse à ses risques et périls. L’idée était de pouvoir donner à un véhicule automatisé la latitude de rouler à la vitesse maximum autorisée et possible en fonction de la circulation automobile sans avoir à se soucier des mouvements tiers. La difficulté d’un tel concept sautait aux yeux. Imaginons un samedi après-midi dans un quartier chic où les trottoirs débordent de chalands de la bonne société mais où la présence d’automobiles est faible. Va-t-on exiger de ces gens qu’ils se tiennent sagement sur l’espace qui leur est réservé en leur qualité momentanée de piétons pour permettre le passage à 30 ou 50 kilomètres heure de véhicules sinon programmés pour leur rouler dessus ? Même la demande concernant le droit pour un véhicule automatisé d’avancer au pas au milieu d’une foule obstruant une rue n’a pas reçu l’aval des commissaires. Ceux-ci attendaient des garanties concernant l’information en possession des véhicules qui se devait d’être suffisamment complète pour s’assurer qu’un mouvement de foule subséquent n’engendrerait pas des risques de tassement et d’étouffement des personnes. A ce propos Gloogloop prétend que le système C-Me donnera cette garantie par une analyse intégrale en temps réel de toutes les artères environnant un véhicule. Pour l’heure on peut surtout affirmer que le développement sur voies communes du pilotage automatique, et plus récemment celui des véhicules sans poste de conduite, a surtout été rendu possible par un changement de comportement, lui-même largement induit par une éducation légèrement brutale. Si les véhicules automatisés respectent scrupuleusement le code de la route, il doit en aller de même pour les autres. Raison pour laquelle se croire permis de griller un feu lorsque l’on est cycliste coûte aujourd’hui vingt fois plus cher qu’il y a vingt ans. La dernière fois que vous avez vu un inconscient parler tout en conduisant ne date sûrement pas d’hier. Quand vous risquez une amende qui avoisine votre revenu mensuel et à laquelle vous ne pouvez pas échapper, trois caméras hautes définitions vous ayant pris en flagrant délit, vous y réfléchissez à deux fois. L’arrivée massive dans les villes roupiennes des Digidek de la société Totoshimosh aura également grandement réduit les petites incivilités qui ont rendu les premières années de l’automatisation automobile aussi épique. Le citadin si parfait et attentif que demande aujourd’hui la conduite humaine finit souvent par trouver que le jeu n’en vaut pas la chandelle et qu’au fond se laisser conduire n’a rien d’insupportable, ce d’autant moins quand le pilote automatique vous dépose en bas de chez vous avant d’aller seul comme un grand chercher son parking et sa borne de recharge. Désormais, si vous conduisez en ville sans être vous-même membre des forces de l’ordre, pompier ou chauffeur de véhicule à autorisations prioritaires, vous passez pour un ringard. Si vous persistez dans votre entêtement, gardez-vous bien d’avoir un accident responsable, ce qu’on vous reprochait il y a vingt ans, on vous le reproche aujourd’hui au centuple tant provoquer une blessure (ou pire encore) par le truchement d’un véhicule devient une anomalie impardonnable. Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Il y a cinq ans la quasi-totalité des autoroutes et voies rapides a été fermée à la circulation des automobiles ne disposant pas à minima d’un système de connexion contrôlant un régulateur de vitesse et de distance de sécurité. Depuis ce jour pratiquement tous les accidents corporels graves sur les autoroutes, voies rapides péri-urbaines ou urbaines ont impliqué un véhicule non entièrement automatisé ou non statiquement auto-stable tel un deux roues. Dans tous les cas les conducteurs de ces véhicules ont été reconnus responsables pour ne pas avoir respecté la législation en vigueur. Le mois dernier une moto s’est couchée sur une autoroute avant de traverser le terre-plein central et a percuté de plein fouet une voiture tuant sur le coup un couple et ses deux enfants. La vive émotion suscitée par cet accident a ravivé la polémique autour de la cohabitation entre automobilistes et motards, seule catégorie d’individus mobiles ayant jusqu’à aujourd’hui échappé à une modification radicale de son mode de vie, autant du fait des contraintes techniques, de la puissance de son lobby, ou de l’existence de manufacturiers passablement schizophréniques qui sont à la fois constructeurs auto et moto. De son côté la fédération roupienne des deux roues prétend que rien n’a été fait pour aller dans le sens d’un mode de transport qui reste l’un des plus efficaces au monde dans un environnement encombré de quatre roues. Le FRDR regrette que l’on n’ait pas considéré avec plus de sérieux le projet de réserver une partie de la chaussée aux deux roues sur les voies rapides, projet qui, à son sens, était rendu possible par l’uniformisation informatisée de la vitesse des quatre roues. Malheureusement cette uniformisation a fait long feu, les pouvoirs publics ayant préféré discriminer les automobilistes en fonction de la puissance de leur voiture. Une décision fâcheuse pour les motards qui estimaient devoir être les seuls favorisés quant aux limitations de vitesse en raison de la moindre emprise cadastrale et écologique (à vitesse égale) de leur mode de transport. Aujourd’hui il est indéniable que c’est une prime à la puissance financière qui prévaut avec l’autorisation de rouler par endroit au-delà de 200 km/h pour les grosses berlines sur une voie devenue informatiquement inaccessible aux autres voitures qui doivent parfois se contenter de vitesses inférieures à 100 km/h sur des voies souvent encombrées de poids lourds qui, s’ils ne représentent plus guère de danger, n’en rendent pas moins les voyages stressants. Question de tenue de route et de capacité de freinage arguent les heureux élus sans convaincre. Sans croire que l’on puisse en venir à interdire les deux roues sur voies automatisées, la FRDR met néanmoins en garde contre toute tentative de limiter les deux roues à la vitesse des véhicules lents, solution qui, certes réduirait la violence des impacts en cas de chute, mais obligerait les motards à libérer les voies réservées aux grosses berlines pour prendre la file au milieu des voies les plus encombrées, accentuant par la même occasion le risque de chute. Clairement la FRDR cherche le statut quo sur les voies automatisées et pousse ses pions dans les autres secteurs afin de conserver ses prérogatives, sa crainte majuscule étant bien sûr la bride moteur. Les motards ont très bien accepté la plupart des innovations leur permettant d’avoir une connaissance accrue de leur environnement et les sévères augmentations du prix des casques connectés n’ont que peu infléchi les ventes. Le système C-Me qui devraient leur permettre d’être avertis d’obstacles éventuels plusieurs kilomètres en amont pourrait donc être accueilli très favorablement. Cependant, pour des questions de sécurité, ils n’accepteront aucune innovation qui leur enlèverait ne serait-ce qu’une proportion infime de leur pouvoir de décision sur la route. A contrario la sécurité routière craint qu’un surplus d’information concernant la route et ses conditions ne pousse les motards à faire encore plus d’excès de vitesse. C’est un secret de Polichinelle, le lobby motard a accepté un sévère encadrement sur voies urbaines où les amendes sont absolument dissuasives. Parallèlement l’enregistrement informatique des vitesses n’a pas déclenché le tollé attendu. Il y a une raison à ceci, les motards ont obtenu la garantie d’une grande souplesse dans l’utilisation des données qui ne sont récupérées qu’en cas d’accident. De plus la tolérance vis à vis des motards en excès de vitesse sur voies rapides et ères non urbaines et la faiblesse des amendes encourues est connue et largement commentée par les partisans d’une même règle pour tous. Cependant l’avenir n’est pas écrit et même le puissant lobby des deux roues pourrait ne pas peser assez lourd face à la pression des nombreux adeptes d’une automatisation totale seule à même de garantir une sécurité absolue. Ces derniers se rappellent sans doute qu’ils sont venus à bout d’un lobby aussi puissant que celui des motards en contraignant les adeptes du sport auto à exercer leur passion sur des circuits ou portions de bitume réservés à cet effet. Ils ont de plus le soutien inconditionnel de Gloogloop qui se targue de pouvoir fournir une technologie presque sans faille du point de vue sécuritaire sans jamais nuire à la performance. Gloogloop prétend que, même en étendant les zones 30 à l’ensemble des voies communes urbaines et périurbaines, une automatisation totale réduirait de plus de 20 % les temps de parcours. Dans un film promotionnel nous avons pu voir une projection de la ville de demain selon Gloogloop, ville où il n’est plus question de sirènes hurlantes, chaque véhicule étant averti en amont de l’arrivée d’un véhicule prioritaire et faisant le meilleur choix pour céder le passage. Dans cette ville là le véhicule prioritaire devient à son tour un véhicule totalement automatisé mais il se raréfie sur le bitume grâce aux nouvelles possibilités offertes par la connexion totale qui solutionnera également les problèmes d’accessibilité à la chaussée par les moyens de transport aéroportés. En attendant de voir qui imposera ses vues, finissons par les décisions déjà actées en ce qui concerne l’automobile. La commission a décidé de réglementer plus sévèrement les bruits artificiels des moteurs électriques. Les petits plaisantins qui programment des sons farfelus en seront pour leurs frais. 

» » »

– Je ne suis pas d’accord ! Absolument pas d’accord !

– C’est pas la peine de crier comme ça puisqu’il s’agit d’un monde parallèle !

– Qu’est-ce que t’en sais ?

– On a décrété que c’était un monde parallèle ! On ne va pas revenir là-dessus cent fois !

– Peu importe ! Je ne suis pas d’accord pour que dans un monde parallèle les motos soient menacées de disparition !

– La belle affaire ! T’en as pas de moto toi !

– Peut-être mais j’aime la moto ! La moto c’est écolo !

– Qu’est-ce que ça a d’écolo ?

– Réfléchis un peu, con de chat ! Une auto avec une seule personne dedans c’est bien moins écolo qu’une moto !

– Pourquoi n’y aurait-il qu’une seule personne dans l’auto ?

– Mais parce que ça arrive tout le temps que les gens soient tout seul dans leur bagnole !

– Pas tout le temps justement. Sinon ils auraient des motos !

– Ils n’ont pas de moto parce qu’ils ont peur de se mouiller quand il pleut !

– C’est compréhensible.

– Et pourquoi devrait-on avantager les peureux qui polluent alors ?

– Pourquoi ça polluerait moins ?

– Mais parce que c’est moins lourd banane !

– Oui mais ça va plus vite !

– Pas nécessairement.

– Si parce que les motards adorent faire des excès de vitesse. C’est tellement connu que c’est même connu dans les univers parallèles !

– Ah ouais ? Ben même avec des excès de vitesse la moto a un meilleur bilan carbone que la bagnole !

– Pourquoi ?

– Mais parce que la bagnole nécessite plus de matériaux et plus d’énergie pour la construire et surtout elle a besoin d’infrastructures gigantesques pour ses mouvements et stationnements !

– C’est pas faux.

– Donc il faut trouver une solution pour sauver la moto !

– La sauver de quoi ?

– Mais de la disparition espèce d’âne !

– Dans un monde parallèle.

– Mais on s’en fout qu’il soit parallèle, perpendiculaire ou asymptotique ! Il faut sauver la moto point barre !

– Bien… J’ai pas d’idée là !

– Normal parce que t’es qu’un con de chat !

– Alors j’attends.

– Quoi ?

– Que toi tu nous dises ton idée pour sauver la moto.

– Là pour le moment j’ai pas d’idée mais moi c’est pas pareil.

– Pourquoi ?

– Parce que moi je ne suis pas un con de chat, con de chat !

– Hum… En fait j’ai peut-être une idée.

– Dis toujours !

– Ben en fait dans cette histoire de la tablette ; en résumé le problème c’est que la moto, elle n’a pas les attributs de l’auto dont il est question !

– Fatalement puisque c’est une moto et pas une bagnole !

– Oui mais si elle roulait toute seule comme la voiture sans chauffeur.

– C’est pas possible !

– Qu’est-ce que t’en sais ?

– Écoute Darwin ! Je veux bien croire que tu puisses faire rouler un deux roues tout seul, faudra sûrement lui donner un peu d’élan au départ ou lui foutre des béquilles intelligentes… Mais le problème c’est que tu ne mettras personne dessus !

– Pourquoi pas ?

– Mais parce que le pilote et la machine tournent de concert ! C’est en se penchant d’un côté que le pilote incline la moto pour tourner. Si la moto s’incline d’elle-même le pilote va se casser la gueule !

– Pas forcément. Il n’a qu’a se pencher en même temps, je ne vois pas qu’elle différence ça fait !

– Tu ne la vois pas parce que tu n’y connais rien ! Ce serait complètement épuisant d’être sur un engin pareil ! Et ça n’aurait absolument aucun intérêt ! Un deux roues n’a de sens que si on le pilote ! Sinon autant prendre une machine auto-stable, comme ils disent dans les univers parallèles ! Donc une bagnole !

– J’ai une autre solution !

– Dis toujours !

– Il suffit de mettre de petites roulettes à la roue arrière. Comme sur les vélos des enfants !

– Mais c’est complètement con !

– Pas du tout puisque les enfants semblent parfaitement ravis de piloter ce genre de vélos à roulettes !

– Écoute ! Si tu vas par-là, il existe déjà un tas de trucs qui ressemblent à des motos et tiennent debout sans béquilles ! Suffit d’avoir des roues jumelées à l’avant ou à l’arrière et le tour est joué. T’en vois passer tous les jours des trucs pareils !

– Ben alors pourquoi on s’inquiète ?

– Mais bougre d’âne ! Si on peut encore assimiler cela à des motos c’est parce que ça se pilote, certes de manière moins sportive mais tout de même ! Si c’est pour avoir un pilote automatique autant le mettre sur une Renault Twizy !

– Hum… A la réflexion voilà effectivement le meilleur compromis alliant la sécurité et l’écologie ! Une toute petite voiture automatique !

– Et le fun dans tout ça ? T’en fais quoi du fun ?

– Depuis quand est-il question du fun ?

– Depuis quand il n’est pas question du fun ? Une moto c’est fait pour faire des excès de vitesse et avoir du fun !

– Oui mais alors dans ce cas là on ne peut pas parler de discrimination entre voitures et motos. Parce qu’il y a tout un tas de gens qui pensent que la voiture aussi c’est fait pour avoir du fun ! Or tu ne m’as pas demandé de trouver une solution pour que d’un point de vue écologique les adeptes des excès de vitesse à deux roues perdent d’un côté ce qu’ils ont gagné de l’autre ; tu m’as demandé de trouver une solution pour la survivance d’un genre de véhicule qui est écologique dans sa construction et son évolution. Ma Renault Twizy automatique répond à ces critères, CQFD, j’ai gagné !

– CQFD ? CQFD ? C’est Qu’un Félin Débile ! Con de chat !

 

Une nouvelle fois partie sur cette expression familière… je ne l’ai pas revue durant deux jours. Bon…  Quand il y aura une Twizy automatique, n’hésitez pas, je suis sûr que vous allez l’adorer !

 

Darwin.

 

4 octobre 2015

Une fée pas si effacée.

Chalut.

 

De nouveaux messages de la part de chats (et quelques chiens) lecteurs me parviennent. Après les remarques de Gribouille dont j’ai fait fi, je crois que le nombre aura eu raison de ma volonté première. On me demande si je vais refaire un jour des billets qui concernent uniquement mes aventures et non pas cette sombre histoire de tablette à laquelle personne ne comprend rien. La réponse est oui ! Cependant il me paraît important de divulguer les informations reçues sur la tablette. A la demande générale j’ai donc décidé de créer deux catégories de blog qui permettront de faire un tri rapide. Celui qui ne veut lire que les billets concernant mes aventures cliqueront sur la catégorie « vie et aventures. » Une autre catégorie concernera plus spécifiquement les messages de la tablette. De plus, à l’intérieur de cette catégorie, j’essayerai désormais d’isoler les messages proprement dits. Cependant il arrivera que certains billets devraient appartenir aux deux catégories, à commencer par celui-ci car, s'il parle des messages, on y apprend aussi des choses importantes sur Odette. Je l'ai classé dans la catégorie "Vie et aventures."

 

Au début nous reçûmes des messages quotidiennement et pour plus de tranquillité je décidai d’en faire une lecture regroupée, environ une fois par semaine. La deuxième lecture se passa sans Aïcha, c’est du moins ce que je croyais car elle s’était cachée à proximité de ma sous-pente. Elle fit son apparition quand j’eus fini ma lecture et, un peu gênée mais sans se démonter, ce qui dénote un caractère que je ne lui soupçonnais pas, elle réaffirma sa position :

– Vous ne me croyez toujours pas ?

– Il n’y a pas de raison Aïcha. C’est vraisemblablement un canular.

– Peut-être mais au sujet de l’hypothèse d’un univers parallèle…

– Pure science fiction !

– Et alors ? ça ne veut pas dire que ça ne peut pas exister.

– Il est vrai que j’ai moi-même déjà vu des reportages parlant d’univers, sinon parallèles, du moins multiples. Il y avait même une fois un scientifique qui, à partir de l’hypothèse d’univers se reproduisant à l’infini, supposait qu’on pouvait supposer qu’il appartenait lui-même à de multiples univers et que dans chacun des univers auxquels il appartenait sa vie prenait une voie différente, ce que à priori on peut associer à l’idée d’univers parallèles. J’ai trouvé ce raisonnement un peu poussé dans la mesure où même s’il y avait une infinité d’univers, il y aurait vraisemblablement une infinité encore plus grande de chemins possibles de la naissance de l’univers à sa mort et qu’il n’y a aucune raison de penser que ce chemin puisse passer, à un instant T, par une forme d’individu spécifique qui aurait la même apparence physique qu’un autre dans un autre univers.

– Bon Darwin, tu nous embrouilles là ! Où tu veux en venir ?

– Je dis simplement que l’idée d’univers parallèle n’est pas qu’une lubie de frappadingue.

– Je ne suis pas frappadingue !

– C’est bien ce que je dis !

– Ah !… Enfin moi, ce que je voulais dire surtout, c’était que ça ne sert à rien de se moquer de ceux qui font des hypothèses juste parce ces hypothèses vous paraissent farfelues. Parce qu’il y a bien au moins un cas où des milliards d’individus, je parle là des humains, jugeraient sûrement une hypothèse farfelue alors que nous avons la preuve qu’elle n’est pas farfelue !

– De quelle hypothèse parles-tu ?

– De l’hypothèse de l’existence des fées !

– Ce n’est pas une hypothèse !

– Ben si ! Les humains qui n’ont jamais vu de fée ne croient sans doute pas aux fées, du moins pour la majorité d’entre eux.

– Qu’en penses-tu Odette ?

– Qu’elle a raison !

– Pourquoi c’est comme ça ?

– Comme ça quoi ?

– Pourquoi vous ne vous montrez pas à tous les humains ?

– Parce qu’il doit y avoir justification à l’apparition d’une fée. Une fée ne se rend pas visible sans raison et a ses raisons d’être invisible.

– Y a-t-il une raison au fait que tu sois la seule fée qu’on connaisse ?

– Il doit y en avoir une mais je ne la connais pas.

– Tu devrais demander aux autres fées.

– Quelles autres fées ?

On en est restés bouche bée. Après un instant de sidération je repris la parole :

– Tu ne vas tout de même pas nous dire que tu es la seule fée.

– Non, ce n’est pas ce que j’ai dit.

– Alors où sont les autres ?

– Aucune idée.

– Tu veux dire que tu n’en as jamais vu d’autres ?

– Si. J’en ai croisé quelques-unes, probablement des punies comme moi. Ça s’est plutôt mal passé ; que des pestes ! J’en vois aussi à l’occasion qui passent au loin mais elles me fuient.

– Ah bon ! Mais pourquoi ?

– Si vous voulez tout savoir…

– Evidemment qu’on veut tout savoir !

– Eh ! bien j’ignore depuis quand je suis sur terre car mes anciens souvenirs ont été effacés.

– C’est pas vrai !

– En fait il semblerait que je sois actuellement mise à l’isolement et si j’en crois la fée Sophie cela devrait durer 100 ans.

– Qui est la fée Sophie ?

– La fée que j’ai vue après qu’on m’ait effacé la mémoire. C’était en 1974.

– Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

– Pas grand chose en fait. Elle m’a expliqué que trop c’était trop et qu’on avait été obligé d’en arriver à cette extrémité ; que j’étais punie pour cent ans et que je devais refaire mes preuves avant d’être de nouveau acceptée parmi mes congénères. Elle m’a conseillé d’essayer de rester zen en privilégiant la compagnie des animaux sans négliger cependant mon devoir vis-à-vis d’un humain. Puis, avant de s’éclipser elle a ajouté : « Pour le reste tes capacités sont intactes alors tu trouveras bien à te débrouiller pendant cette courte période ! »

­– Courte période ? 100 ans ! On dirait le système pénal américain !

– Tout est relatif.

– Alors tu n’as jamais vu le pays des fées ?

– Pas que je me souvienne.

– C’est triste.

– Je mentirais si je vous disais que ça me manque. Je sais pas du tout à quoi ça ressemble.

– Tu ne regardes pas les Walt Disney ?

– Si. Mais je suis pas sûre que ce soit très représentatif.

– Pourquoi pas ? C’est sûrement écrit par des scénaristes qui ont des fées.

– Si c’est le cas alors il doit y avoir plusieurs pays des fées. 

– S’il y a plusieurs pays des fées alors il peut bien y avoir plusieurs univers dont un parallèle au notre.

– Là Aïcha ça vire vraiment à la lubie. En plus il ne suffirait pas qu’il soit parallèle mais aussi légèrement en avance sur le notre.

– Cela peut s’expliquer par une infime différence de vitesse.

– Pas faux. Moi je soutiens Aïcha. Cette hypothèse ne devrait pas être écartée du revers de la patte.

– D’accord… Aucun problème. C’est une hypothèse aussi vraisemblable de notre point de vue que l’existence des fées du point de vue de celui qui n’en a jamais vu.

 

Voilà donc comment nous nous sommes accordés sur l’hypothèse de messages venus d’un univers parallèle en avance sur nous. Mais surtout cette conversation là nous a appris pas mal de choses sur Odette qui n’a jamais été très loquace à son sujet. J’avoue être un peu déçu d’apprendre qu’elle ne connaît pas le pays des fées car j’aurais vraiment aimé pouvoir vous en parler. Pour finir j’ai trouvé, je crois, la façon de nommer efficacement les billets qui concernent les messages de la tablette. Vous verrez.

 

Darwin. 

4 octobre 2015

Drôle d'Aïcha

Chalut.

 

Voici comment Aïcha provoqua l’hilarité quasi générale, seule Odette resta parfaitement stoïque :

– A mon avis ces messages viennent du futur.

Hilarité donc. Aïcha se fit encore plus petite qu’elle ne l’est et P’tit Gris, bon prince, prit sa défense :

– Arrêtez de rire ! Ce n’est pas stupide ce qu’elle dit !… Et même… si on y pense bien… c’est l’hypothèse la moindre absurde.

– C’est absurde parce que c’est impossible ! Ces choses là c’est seulement dans les mauvais films.

– Ou les mauvais blogs !

– Qu’est-ce que vous en savez ? Vous n’avez pas écouté la lecture de Darwin ? Au début il a bien dit : « A l’orée des années 2020. »

– Une simple preuve de plus qu’il s’agit d’un canular !

– Dis P’tit Gris, tu n’es pas le seul à avoir été attentif et il y a un hic dans cette hypothèse.

­­– Lequel ?

– Sauf bouleversements improbables il n’y aura pas en 2020 de pays nommé Franquie, de Roupéens, de doullars ou de iouros.

Osant sortir de sa torpeur, Aïcha a pris le risque de s’enfoncer un peu plus :

– Parce que c’est le futur d’un univers parallèle !

Cette fois-ci nous n’avons pas ri. Nous l’avons regardée ; avant de nous regarder les uns les autres. J’ai lu dans les yeux de certains quelque chose comme : « Pauvre petite, elle est dérangée du ciboulot. »  Aïcha s’en est allée toute penaude tandis que Riton y allait de son commentaire :

– Soit elle a grandi dans une secte soit elle a les ondes de certaines chaînes de la TNT qui lui arrivent directement au cerveau.

A propos de cerveau, tout en écrivant ce billet je viens de recevoir un message de Gribouille, chat habitant à Nantes qui m’a dit exactement ceci : « Darwin ! Je me réjouissais de pouvoir suivre tes aventures mais il n’aura pas fallu trois jour pour que j’en abandonne l’idée. Tu nous abreuves de textes déjà trop longs dans l’ensemble et depuis hier soir c’est pire ! Des paragraphes de plusieurs pages sans même un retour à la ligne. C’est bien simple, je m’endors en essayant de te lire. Désolé Darwin mais nous sommes à l’ère du 2.0, les gens veulent du court et concis. Outre le fait que tu ne vas pas trouver un seul lecteur humain, ce qui ne semble pas forcément ton but, tu vas perdre une grosse partie de ton audience domestique. Si ça peut te rassurer je suis avec un canari qui lui trouve le format parfait. Sauf qu’il est dans une cage et que je suis obligé de faire défiler les pages pendant qu’il lit, ça m’ennuie profondément. »

 

Gribouille, désolé pour tous ceux qui n’ont pas de part de cerveau disponible suffisante mais je n’entends pas changer de méthode. La présentation des messages reçus sur la tablette m’oblige à les recopier tels que je les reçois. Si j’arrive à les lire, si George y parvient également, cela doit être accessible à pas mal de monde. A ce propos, puisque nous n’avions pas été en mesure d’avancer beaucoup sur l’identité de l’expéditeur, nous espérions que de nouveaux messages nous donneraient de nouveaux indices. Je reproduis donc les messages reçus les trois nuits suivantes :

 

HelloWorld47825 @MnTardy

Hello Emmanuel. Les lime-griffes électriques Patrach te souhaitent une bonne journée. Patrach, une marque du groupe Philippe. 

 

Info47825 @MnTardy

Dans l’affaire des bébés ratés opposant 54 familles de 7 pays différents à la firme Genetron au tribunal pénal de Miamiam (FL) le jury rendra son verdict demain après 4 ans de procédures. L’accusation espère des peines d’emprisonnements et 810 millions de dommages et intérêts, la défense espère un non-lieu et s’en tient à sa ligne, affirmant depuis le début que cette affaire ressort d’un tribunal de commerce. Le jury pourrait bien donner raison à Genetron tant le vocable utilisé lors de ce procès a trait à des affaires commerciales. Par exemple on a appris que Mr Cousins Jeff, 1m73, 102 kilos, nez en trompette, front dégagé mais brun sur les côtés, 108 de QI, et Mme Cousins Venus, née Bradford, 1m69, 123 kilos, nez en patate, cheveux roux lisses, 117 de QI, ont commandé un bébé de sexe masculin, programmé pour atteindre un minimum d’1m75 à 13 ans (de manière à devenir quaterback de son équipe de football), un minimum de 1m98 à 18 ans, poids de forme adulte à 105 kilos, nez aquilin, cheveux blonds bouclés, 148 de QI minimum. La société Genetron leur a livré un bébé, allant aujourd’hui sur ses 10 ans mais dont on pouvait assurément dire dès ses 4 ans qu’il était en déficit de croissance et tendant vers l’obésité, chauve, avec un bec de lièvre et con comme ses pieds (ce qui s’est confirmé depuis). La société Genetron, filiale du groupe Gloogloop, prétend que son système est fiable à 99,999999 % et que les cas incriminés remontent à l’époque du rachat de la société franquaise Enfantriage dont le sérieux et les compétences présupposés furent largement contredits par les faits. Les avocats de Genetron ont rappelé que leur client était tout à fait disposé à un accord amiable grâce auquel chacun aurait trouvé son compte et que toute condamnation personnelle au pénal des dirigeants de la société sonnerait comme un signal très négatif aux oreilles des créateurs de richesse investissant en Merica. .

 

@gaminette

Pas forcément ! Je pense que j’aurais aussi eu mes chances si cela avait été pour Bubbleship !

 

PM @Gastrogone

Question de finances et de fierté, je n’avais plus les moyens de me payer un resto par semaine. On en a bien profité néanmoins et j’espère qu’on pourra remettre ça à mon retour.

 

HelloWorld47826

Hello Emmanuel. Bubbleship te souhaite une bonne journée. Bubbleship, l’évasion à moindre prix. Bubbleship, un jeu du groupe Kakami.

 

Info47826 @MnTardy

Trois ans après la fin de sa diffusion en clair et gratuite sur les antennes franquaises le tour de Franquie pourrait bien ne plus être du tout diffusé en Franquie dès l’année prochaine. En effet la chaîne Bling-Bling Sports, propriétaire exclusive des droits, aurait passé un accord avec divers annonceurs pour mettre la pression finale sur les autorités roupéenes afin qu’elles se mettent en accord avec les traités de commerces internationaux en ce qui concerne la publicité sur les accélérateurs de performance, toujours interdite en Roupie.

 

@gamer1253187

Ce n’est pas parce que je suis la caution absolument non-scientifique de cette mission que mes followers peuvent se passer d’éléments de physique élémentaire. Alors non ! Je ne peux pas faire avec toi une partie en live de Bubbleship !

 

@GordonAndGordon

Je te renvoie à mon article d’hier soir.

 

HelloWorld47827 @MnTardy

Hello Emmanuel. NoAdvance.com, spécialiste de l’avance de caution te souhaite une bonne journée. Avec NoAdvance.com et ses taux inférieurs à 1% par jour, pas de galère, t’es locataire ou c’est tout comme. NoAdvance.com, une marque du groupe Crédit Tuticole.

 

Info47827 @MnTardy

Dans la perspective du prochain festival de Palme, on a appris hier que la canne d’or remise l’an prochain serait la dernière du genre. En effet, pour être plus en phase avec son époque, le festival a décidé de remplacer la canne d’or par une femme d’or. Le modèle aurait été déjà choisi et serait du type T33 de la société Afterash en version rare 95D et avec fonction orale améliorée. Si les réalisateurs se disent dans l’ensemble fort satisfaits de cette avancée, les réalisatrices sont montées au créneau pour souligner le caractère absolument misogyne d’un tel choix. Le réalisateur franquais Raoul Mouletabite, devenu célèbre pour avoir filmé le premier film X intégralement en apesanteur et qui organise chaque année un contre-festival dans la région palmaise, a déclaré qu’il était tout à fait disposé à aider le festival à réduire ses coûts en s’engageant à fournir à chaque édition une femme d’or en chair et en os quant à elle tout à fait unique en son genre et à fonction orale (ou autre) optimale. Autre amélioration notable prévue lors de la prochaine édition du festival, après avoir longuement traîné les pieds face à une technologie jugée trop perturbatrice, les organisateurs ont enfin accepté l’idée d’une diffusion des films en version InstantTakeIt.

 

@gamer1253187

Je ne me défile pas ! Et d’ailleurs je n’ai pas prétendu être imbattable à Bubbleship puisque je n’ai pratiqué que les deux premières séries, celles sur console. Mais à l’époque je me défendais sacrément bien.

 

PM @TravelerCheik

Une très belle ville oui. Et je ne dis pas ça parce que c’est la mienne, c’est une vérité intrinsèque.

 

La prochaine fois je vous dirai comment Aïcha vint justifier son raisonnement de manière presque convaincante.

 

Darwin. 

4 octobre 2015

Des hypothèses.

Chalut.

 

Je dois vous dire par avance que le premier message reçu sur la tablette date de plusieurs mois et nous ne sommes toujours pas en mesure d’en comprendre la teneur malgré l’accumulation d’informations qui s’ensuivit ; informations dont je vous ferai part peu à peu. Toujours est-il que cette histoire fit rapidement le tour de quartier (à l’exclusion des humains) et que chacun y alla de son hypothèse. La troisième nuit George suggéra de couvrir la tablette d’un épais journal pour éviter d’être réveillés si elle devait s’allumer. C’est ce que nous fîmes et l’on dormit tranquillement. Au petit matin nous trouvâmes un fichier qui nous délivra le message suivant :

 

HelloWorld47823 @MnTardy

Hello Emmanuel. Brother & Brother te souhaite une bonne journée. Brother & Brother, le cabinet juridique référant en matière de litiges commerciaux. Brother & Brother, en tout lieu, à toute heure.

 

 

 

Info47823 @MnTardy

Suite des remises de prix économiques. Le grand prix de l’Espérance est attribué à la Frique du sud. Il et a été remis à son président par l’intermédiaire de Rutger Celcius directeur de la Dearnod Bank. Déçu de ne pas obtenir le prix, le président du Kari a fait montre d’un certain manque de fairplay en ne reconnaissant pas sa défaite. Il a déclaré que les statistiques étaient tronquées car ne prenant pas assez en compte l’économie informelle ; économie qui, selon lui est favorable aux riches dans son pays (en raison du commerce illégal d’hydrocarbures) tandis qu’elle serait surtout le fait des pauvres en Frique du Sud. Pour rappel le grand prix de l’Espérance est attribué en fonction de certains critères mais dont le principal est le calcul de l’écart de revenu entre les 1 % les plus riches et les 80 % les plus pauvres. Plus l’écart est important mieux le pays est classé. Il s’agit donc bien d’une espérance statistique même si la formule n’est pas formellement juste.

 

 

 

HelenaRackel.bmds.org @MnTardy

Bonjour Emmanuel. Dans le cadre de notre accord commercial je te rappelle que tu es tenu de respecter scrupuleusement les termes du contrat. Toute mention de la marque doit être accompagnée de son slogan et nul terme ne saurait être omis. Tu as manqué hier à cette obligation entrant ainsi sous régime de pénalité. Selon l’échelle logarithmique qui s’applique contractuellement à deux manquements consécutifs, la somme de 100000 dollars sera défalquée de tes émoluments.

 

@Petfriend14

 Je ne m’occupe pas du chat ! Vois ça avec Olga !

 

La nuit suivante le fichier reçu était carrément plus volumineux et je décidai d’organiser une lecture pour les chats et oiseaux du bloc :

 

 

 

HelloWorld47824 @MnTardy

Hello Emmanuel. Les vêtements pour chat Laurencin te souhaitent une bonne journée. Laurencin habille votre compagnon préféré de la tête aux pieds. Laurencin, une marque du groupe Laglar.

 

Info47824 @MnTardy

Suite des remises de prix économiques. Prix régional notable, le prix roupien décennal Micron pour l’élimination des archaïsmes sociaux, a été remis à la commission roupienne pour l’ensemble de son œuvre depuis sa création. Dans un autre registre, le prix décennal Taxinov revient à Tarie, capitale de la Franquie. Quoique n’ayant pas été l’initiatrice des péages urbains intra-muros, c’est à Tarie que revient le mérite d’avoir développé à grande échelle le principe de l’usage-péage. Il est intéressant de revenir sur l’historique de l’usage-péage tant il a modelé le paysage roupien depuis sa diffusion. A l’orée des années 2020 le modèle franquais apparaissait à bout de souffle et son incapacité à tenir ses engagements roupiens était chronique. En état de quasi-faillite et faisant face à une lente hémorragie de capitaux trouvant meilleurs rendements ailleurs, sa capacité à lever l’impôt dans une volonté redistributive au profit des pauvres oisifs n’était plus qu’un lointain souvenir. A travers le redécoupage territorial, l’idée d’un large transfert de compétence au profit de structures sous-étatiques avait fait son chemin. Plus efficientes ? Voire… les régions chargées de trouver leur propre voie de financement devant des besoins accrus se trouvaient rapidement confrontées aux mêmes problèmes que l’état . Dans une note destinée à Alain Dupé et tenue secrète durant de longues années, un comité de douze sages experts en économie et proches de LVP (Les Vrais Publicains) dirigé par Elie Hélicon et Jean-Marie Quatremaird entendait donner des pistes aux pouvoirs publics en quête d’argent. Nous reproduisons ci-après cette note. « Notre grand pays, certes toujours fort de certains atouts, n’en subit pas moins une lente érosion de son pouvoir de séduction vis-à-vis des milieux d’affaires. Le manque d’entretien de nombreuses infrastructures finit par donner une image dégradée de la nation toute entière. Dans les zones dynamiques le foncier est déjà bien bâti et notre rhétorique des décennies passées nous pose aujourd’hui quelques soucis tant la multitude des propriétaires tenant à leurs biens immobiliers comme à la prunelle de leurs yeux rend hors de prix toute expropriation visant à des projets de grande envergure. Si les collectivités locales peuvent faciliter les projets privés par les amitiés heureusement entretenues entre les milieux d’affaires et les cercles politiques, quand ceux-ci aboutissent elles n’en retirent guère les bénéfices. Dans l’optique de réduction des dépenses inutiles nous avons un peu trop longtemps regardé les déficits publics d’un œil bienveillant ; il est temps de changer notre fusil d’épaule. Dans un environnement ultra-concurrentiel mais en manque de croissance notre confiance en la vertu du secteur privé a été quelque peu érodée. Nous avons encouragé des transferts massifs de services du public vers le privé mais l’appétit des actionnaires (nourri par des ententes de salons, nous le savons car nous y étions) a contredit les baisses de prix attendues par la chute des bas salaires et les progrès technologiques. Prendre la mesure du monde d’aujourd’hui c’est se souvenir que, lorsqu’il est dans de bonnes mains, l’état n’est pas l’ennemi du capital mais son allier principal pour ne pas dire la condition sine qua non de son existence. Redonner des capacités d’agir à l’état et aux collectivités locales c’est redonner confiance au capital en lui apportant la garantie que nous jouons un jeu gagnant-gagnant. Pour y parvenir il nous faut pénétrer le domaine de la psychologie individuelle élémentaire. Prétendre que les riches refusent systématiquement l’impôt est une idée reçue, les riches ne refusent pas l’impôt, ils refusent l’impôt injuste, l’impôt injuste étant celui qui leur prend leur argent sans donner quoi que ce soit en retour. C’est avoir une vision typiquement franquaise des riches, une vision basse et déformée, de croire qu’ils aspirent tous à avoir une piscine olympique dans leur jardin pour y nager seuls. Les riches sont sociables, sans doute infiniment plus que les pauvres, sinon comment expliquerait-on leur réussite ? Les riches ne refusent pas le contact d’autrui, ils le refusent si autrui leur cause du désagrément, ce qui ne manque jamais d’arriver si autrui n’a pas reçu la même éducation et n’a pas la même finesse d’esprit qu’eux. Les riches veulent-ils avoir un parking privatif partout où ils sont susceptibles de se rendre ? Même s’ils le désiraient ils ne le pourraient pas, ce qu’ils veulent c’est la garantie qu’ils pourront se garer là où ils sont susceptibles de se rendre. Si les pouvoirs publics ne peuvent pas leur apporter de telles garanties alors ils se tournent vers le privé. Construisez une belle piscine municipale et imposez un tarif d’entrée la rendant financièrement inaccessible au tout venant, les riches viendront s’y baigner, joyeux de retrouver ceux qui partagent leur sens des valeurs. Ainsi, tout comme il y a des stations de ski pour les riches, qui ne sont pas privées pour autant, et des stations de ski pour les budgets plus modestes, nous devons construire des piscines pour les riches et des piscines pour les pauvres. Dès lors la chose publique est et demeure. Pour d’autres choses l’affaire s’avèrera plus compliquée. Comment garantir une place de parking à tout créateur de valeur dès lors qu’il a besoin de se déplacer dans le cadre de ses affaires, lui qui a constamment le souci de ses affaires, ne s’accorde que peu de répit et n’a pas de temps à perdre ? La meilleure façon d’agir pour le bien de la communauté n’est-elle pas d’accorder une forme de privilège à ceux qui créent de la richesse pour tous ? Une privatisation informelle d’espace public par une taxe qui ne dit pas son nom selon le concept de l’usage-péage prétend y participer : qui a les moyens de payer a l’usage de l’espace, qui n’a pas les moyens n’a pas l’usage de l’espace bien qu’il reste un espace ouvert au public. Disons-le, pour un pays archaïque telle la Franquie, le concept, quoique éprouvé depuis longtemps sur les autoroutes, devient, lorsque appliqué à grande échelle, révolutionnaire. Cela ne manquera pas de susciter des protestations, il nous faudra tenir le cap. Les technologies modernes nous laissent entrevoir de multiples possibilités quant au contrôle des masses, les Moïsiens, grands précurseurs en la matière dans les territoires occupés, doivent nous servir d’exemple et d’encouragement. Nous devons avancer sans complexes et ne jamais perdre à l’esprit que nous agissons toujours pour la justice selon le sens que nous lui donnons. L’ingratitude et la mauvaise foi des masses paresseuses est manifeste. N’oublions jamais que la critique de l’attitude des riches devant l’impôt émane d’une plèbe hypocrite qui s’est comportée exactement de la même manière bien qu’elle se savait être la réelle bénéficiaire d’un système exagérément redistributif. Nous devons savoir gré aux gauchistes de tous poils d’avoir poussé le bouchon un peu loin. Dans le contexte très particulier et chaotique du mitant du siècle dernier, ils trouvèrent les conditions pour la mise en œuvre d’une politique inique et, par telle, vouée à l’échec. Grandes furent les leçons tirées d’un égalitarisme forcené que nous avons heureusement laissé derrière nous. Ainsi, de l’idée saugrenue que riches et pauvres devaient recevoir le même enseignement scolaire naquit le constat éclatant de la vanité d’un tel concept. Si nous-même ne doutions pas du résultat, son incarnation dans la réalité eut à terme un impact électoral absolument satisfaisant. C’est un fait établi que les enfants de bonne famille sont en moyenne plus réceptifs, plus intelligents et plus compétents que ceux de basse extraction, voilà pourquoi ils réussissent mieux à l’école et pourquoi l’ordre naturel qui prévalait avant la gauchisation de notre société prévaut encore. On a dit beaucoup de choses sur l’héritage et la transmission des fortunes, on a trop vite oublié que l’héritage, le vrai, était génétique et culturel. Ne soyons pas ingrats, l’école publique aura eu du bon, une instruction minimale étant nécessaire à l’émergence d’une classe moyenne consciente de sa place, de ses limites et devoirs, et par là bénéfique au fonctionnement d’une économie capitaliste moderne. Mais le désastre, oui le désastre, c’est cette irrésistible tentation de tout niveler par le bas en demandant sans cesse à celui qui a les moyens d’aller vite d’attendre celui qui va lentement. Voilà pourquoi la Franquie s’est retrouvée à la traîne des autres nations tandis que nos enfants n’étaient pas moins brillants que ceux de nos voisins. Par le principe de l’usage-péage nous entendons libérer les ambitions et la création de richesse sur la base d’un calcul absolument rationnel. Donnons le coup de pouce supplémentaire à ceux qui ont statistiquement les meilleures chances de réussite ! Certains objecterons que d’éminents personnages se sont extirpés des bas-fonds par l’entremise de l’école publique et qu’ils comptent aujourd’hui au nombre des plus grands créateurs de richesse. Nous disons qu’il n’est ni question de le nier ni de s’en soucier. Il arrive effectivement que sur un tas de fumier pousse une fleur éclatante mais statistiquement on a plus de chance de trouver des roses dans une roseraie que dans un champ d’orties. Celui qui a le talent et la volonté de pousser sa chance le fera quelles que soient les conditions. Ainsi, lorsque, béni des dieux, un pauvre est destiné à devenir riche, il le devient sans aucun doute. Le fait qu’il y parvienne par l’entremise de sa seule volonté est de plus absolument bénéfique à l’intégration psychique de son mérite, ce qui le rend imperméable à toutes les idées subversives et révolutionnaires des derniers gauchistes indécrottables. Par le principe de l’usage-péage nous opérerons une subtile inversion de paradigme. Formons-nous l’élite de la droite niou-libérale dont le mot d’ordre serait « Laissez passer ! Laissez faire ! » ? Sans doute ; mais pour le besoin de la cause nous nous changeons en niou-niou-libéraux. Avons-nous dit : « Moins d’état ! » ?  Contentons-nous de convaincre chacun, à commencer par nous-même, que nous avons toujours pensé « Mieux d’état. » Vouloir mieux d’état c’est d’abord constater qu’aujourd’hui, le seul impôt marqué du sceau de la justice, et donc ne souffrant guère de contestation, s’appelle Taxe sur la Valeur Achetée. Voilà une taxe sur quelque chose que l’on n’a pas encore et que l’on convoite, bien dosée son acceptation est inhérente à la nature humaine. Cependant, dans l’état actuel des choses, on gagnerait à écarter le mot « taxe » de notre vocabulaire, quant au mot « impôt » il faut le bannir à jamais du dictionnaire tant il traîne derrière lui toutes les casseroles de la mauvaise tambouille d’économistes à la petite semaine. Mais dans quel esprit malade est née l’idée d’imposer le revenu ? Quel crasseux ignorant du moteur des grandes œuvres humaines peut croire que l’on devrait imposer la fortune ? A celui qui, comme toute fortune, n’a qu’un chien, lui réclamera-t-on la queue en guise de paiement de l’impôt ? Exigerons-nous l’enlèvement du toit à celui qui n’a qu’une maison, dût-elle mesurer cent mètres de long et autant de large ? Cela ne se peut pas. Il s’ensuit que tout ce qui est possession légitime ne peut pas être séparé de soi-même et, partant, ne peut servir de base à un quelconque calcul de l’impôt. Qu’ont fait les égalitaristes de cette loi naturelle ? Ils l’ont foulée aux pieds ! Pour eux la base de l’impôt est le monde tout entier ! De barèmes en exceptions aux barèmes, ces oiseaux là nous ont pondu une véritable identité culturelle qui, à défaut de rendre notre pays attractif, a au moins le mérite d’être si labyrinthique qu’une chienne n’y retrouverait pas ses petits. Armé d’une solide volonté et la certitude que le labyrinthe a toujours un minimum de deux sorties, aidé d’un plan précis vous indiquant les culs de sac, oubliettes, haies infranchissables, puits sans fond, chausse-trappe et passages secrets, la fortune vous sourira peut-être. Alors vous finirez par vous trouver devant un écriteau marqué « Ici c’est la Suite ! (autrement appelée Confédération Hérétique) » ou « Crocodiles à gauche, Caïmans à droite. » Les moins chanceux seront condamnés à tourner en rond au milieu du labyrinthe, sans aucune possibilité d’en sortir et assez certains de devenir fou à force de passer devant un panneau indiquant « Contribution Super Géniale payable ici ! » puis un autre dix mètres plus loin « CSG sur la CSG payable ici ! » On exagère ? A peine, car de toute leur délirante ingéniosité, la plus grande invention de ces psychopathes est bien celle-ci : l’impôt sur l’impôt ! De l’inefficacité de tels procédés, quelle leçon en ont-ils tirée ? Aucune ! Alors nous disons stop ! Le changement, c’est maintenant ! Mais un changement tout en subtilité pour ne pas réveiller la bêtise des masses populaires apte à s’incarner dans des mouvements insurrectionnels et alcoolisés du type « les Gros Nez Rouges » L’usage-péage deviendra l’axe central de notre politique fiscale par une mutation progressive de la collecte. Toute instauration d’une forme de péage, le plus souvent passant par de subtiles et répétées hausses des tarifs de services existants et déjà payants, sera compensée par une amélioration très ciblée de ces mêmes services au profit des créateurs de richesse et par l’annonce, à grand renfort de communication, de la baisse progressive des taxes et impôts dont le niveau dépend directement des revenus ou du capital et ce jusqu’à leur disparition totale. A cette fin, tenez-vous bien, nous sommes même favorables au retour dans le giron direct de l’état de la gestion des sociétés d’autoroutes (bien sûr à condition que les actionnaires, au nombre desquels nous comptons, puissent faire le deuil de ce capital par une généreuse gratification de leurs incommensurables efforts passés.) Les expériences tentées dans d’autres pays roupiens sont concluantes et prouvent que les entreprises fonctionnent comme des individus et que l’attrait de territoires où certains prix pourraient être poussés à la hausse n’est jamais menacé si l’on met dans la balance tous les services et faveurs qu’elles réclament justement. De plus les obstacles en provenance de la commission n’ont rien d’insurmontables, nous pensons même que les traités et règlements nous donnent de larges marges de manœuvre dans la mesure où les autorités publiques agiront exactement comme toute entité privée avec l’ambition affichée de faire du profit en utilisant les moyens de leur propriété et toute leur capacité à pressurer les sous-traitants. Nous ne vous cacherons pas qu’après avoir reçu tout notre soutien dans ses réformes de politiques publiques, la commission nous semble désormais avoir une tendance exagérée à l’enflure bureaucratique qui heurte nos convictions libérales. Sa mission est globalement accomplie et il est grand temps de dégraisser le mammouth avant de nous retrouver confrontés aux mêmes travers que les régimes communistes. Il n’est plus rare aujourd’hui, lorsque vous voulez simplement faire votre travail honnête de lobbyiste, de devoir demander audience plusieurs semaines à l’avance auprès de petits scribouillards montés en grade que nous avions pourtant installés là à seule fin de confier la défense de nos intérêts à des mains dociles. Au train où vont les choses, bientôt un chef d’unité demandera à être mieux rétribué que le plus riche d’entre nous, nous qui cumulons, à nous douze, plus de 300 postes de haute compétence dans divers conseils d’administrations. Par le sentiment patriotique que suscitera notre démarche nous ne doutons guère de récupérer un bon nombre de nos brebis égarées dans le pré carré du Front Nataliste, quant au Parti des Sots Salis il tombera naturellement dans le piège qui lui sera tendu en votant massivement pour les mesures proposées mais dont le mérite nous reviendra seuls. »

  

@MillyTheCat89

Ok je ne suis guère à mon avantage sur cette vidéo mais si j’ai ainsi sursauté c’est que j’étais en plein rêve. Je ne me souviens pas du rêve mais les griffes de la chatte se sont greffées sur lui en élément franchement flippant.

 

 

 

PM @Gastrogone

 

Je me disais aussi que seul ce bon vieux David pouvait connaître ce détail. ça fait un bail dis donc ! Qu’est-ce que tu deviens ? 

 

A peine eus-je terminé la lecture que les commentaires allèrent bon train. On s’accordait globalement sur le fait qu’il s’agissait d’un canular et que Odette n’en était pas l’instigatrice. On suggéra que le canular ne nous était pas destiné, raison pour laquelle nous n’y entendions rien. Peut-être fallait-il rendre la tablette à son propriétaire ?

– Vous l’avez volée où ?

– Pas bien loin. Mais je ne pense pas que ce canular puisse être destiné aux propriétaires originaux. Famille bourgeoise tout ce qu’il y a d’insipide.

– Qu’est-ce que ça prouve ?

– Crois-moi ! Il y a plus de chance que tu sois le vrai destinataire de ces messages que n’importe quel habitant de cette ville.

– Pourquoi ?

– Parce que c’est sans queue ni tête et que ça te convient parfaitement.

– J’ai une queue et une tête ! Et du genre haut de gamme !

– Justement.

– Moi je dis qu’il faut changer la tablette !

– Et moi je te dis que ça ne changera rien si on la change !

– On ne le saura jamais si on n’essaye pas ! 

– Ben change-la !

– Tu sais très bien que je ne peux pas le faire sans toi !

– Oui mais moi j’ai pas envie ! Elle est très bien celle là !

– C’est sûrement la preuve que tu as trafiqué cette tablette là et que ces messages viennent de toi !

– C’est la preuve de rien du tout ! Si je voulais t’envoyer de tels messages je pourrais le faire sur n’importe quelle tablette !

– C’est un aveux ?

– Ta gueule matou ! Tu me gonfles ! Ça ne vient pas de moi ! Pigé ?

– D’accord. Pas la peine de crier !

– Puisque t’es si chavant tu devrais te pencher un peu sur le contenu des messages. Tu trouveras peut-être un indice.

– Pour l’instant je ne trouve rien.

– Il y a néanmoins une référence locale, a dit George.

– Laquelle ?

– Tu as parlé d’un Gastrogone. » Or les Gastrogones sont des supporters de l’OL.

– C’est juste.

– On a une piste.

– Il a été aussi question d'une chatte et de vêtements pour chats. Quelqu’un a déjà entendu parlé de ça ?

– Des vêtements pour chats ? En tant que De Gouttière ça peut nous paraître ridicule mais les bourgeois ont déjà prouvé maintes fois qu’ils avaient un sens du ridicule assez affirmé. Ce qui pourrait nous ramener à cette famille à laquelle nous avons volé la tablette.

– Sauf qu’elle n’a pas de chat mais un misérable cabot vociférant…  avait devrais-je dire car j’ai un peu forcé la dose.

– Est-ce que je peux donner mon avis ? a dit Aïcha de sa voix fluette.

 

Dans mon prochain billet je vous révélerai ce que Aïcha pensait devoir nous révéler.

 

Darwin. 

3 octobre 2015

Canal canular

Chalut.

 

Je vais vous raconter comment les choses ont un peu changé après un anniversaire où je reçus un cadeau plutôt hors du commun. C’était le 21 mars et bizarrement personne n’avait songé à me souhaiter mon anniversaire. Pour avoir ma petite célébration annuelle je me rends dès le réveil chez les pigeons. Pas un pigeon dans la sous-pente ! Bon. Je me mets en quête de quelque aliment chez mes pourvoyeurs principaux puis d’un peu de lecture. De retour dans ma sous-pente avec l’idée de faire une petite sieste, je suis accueilli par un « Bon anniversaire ! » plutôt tonitruant. Se trouvaient là tout un bataillon de pigeons, Odette, George, Burbulle, P’tit Gris et Aïcha.

– Bonjour les amis ! Ah ! ben merci ! ça c’est gentil dites donc !

­– On a un cadeau pour toi Darwin.

– Ah bon ?

– Tu nous pardonneras de ne pas l’avoir emballé.

– Certainement.

Deux pigeons se sont alors un peu espacés et derrière eux il y avait, posé sur le sol, une petite tablette.

– Oh ! Qu’est-ce que… ? C’est une… ? Mais… Elle marche ?

– Evidemment ! Totalement tactile. ça marche avec les coussinets de chat, on a testé.

– Mais pas avec les pattes d’oiseau.

– Faudrait leur signaler.

– C’est un genre d’ordinateur mais… comment je vais sur l’1-Terre-Nette ?

– Grâce au Wifi du voisin d’en dessous. Ça passe très bien et pour ce qui est des mots de passe, c’est un jeu d’enfant.

– Et pour la recharger.

– Je pourrais m’en occuper au coup par coup mais c’est fatiguant. Ça ne doit pas être bien compliqué de tirer deux fils et de pirater le réseau.

– Ah ?… Dommage qu’il n’y ait pas de clavier.

– J’étais sûr que t’allais dire ça ! On a pris ce qu’on a trouvé de plus léger et on en a bavé quand même. Demande à George !

– Sure.

– Vous l’avez trouvée où ?

– Pas loin ! Mais t’inquiète pas, ils ont les moyens d’en acheter plein.

– Ah ?… Vous n’en parlerez pas à Grumpy alors !

– Pourquoi voudrais-tu qu’on lui en parle ?

– Comme ça.

– Allez ! allez ! Pas de scrupules injustifiés ! Vois le bon côté des choses ! Tu pourras aller sur l’1-Terre-Nette plus souvent en te mettant à la distance qui sied à tes yeux myopes. Ça te plait ?

– Bien sûr ! C’est super ! Un très beau cadeau ! Merci beaucoup.

 

Un très beau cadeau mais qui s’avéra rapidement source de prise de tête. Outre le fait que les pigeons se crurent en droit de venir plus souvent dans ma sous-pente avec chacun une idée différente de choses à regarder, il advint quelques bizarreries. Cela a commencé au beau milieu de la nuit tandis que je rentrais d’une petite escapade. La tablette, que je n’omets jamais de mettre en veille, clignotait affreusement, je crus tout d’abord qu’elle rendait l’âme. Je n’arrivais même pas à regarder dans sa direction et dus attendre qu’elle se calme. Ceci fut fait cinq minutes plus tard, elle arrêta de clignoter, l’écran devint noir mais ne s’éteignit pas pour autant. Je m’approchais d’elle et soudainement des mots commencèrent à s’afficher, les caractères étaient verts. Cela dura un peu et voici exactement ce qui s’afficha cette nuit là :

 

HelloWorld47821 @MnTardy

Hello Emmanuel. Ton partenaire, Bison Maudit, la magnifique boisson régénérante aux extraits naturels de plantes, te souhaite une bonne aventure. Bison Maudit, une marque du groupe BM Drinks & Sodas.

 

Info47821 @MnTardy

Dans le cadre de sa préparation aux prochains jeux de l’avenir, Dieter Gluckman, 14 ans et ex-recordman du monde du sextuple saut en longueur, est décédé par décapitation lors du meeting Untel Inside. Testant ses nouvelles prothèses, il aurait fait une erreur de réglage fatale. Lors de sa deuxième impulsion il serait monté à une hauteur inhabituellement élevée pour la discipline, heurtant un câble d’une caméra mobile Nitron. Sa tête a atterri sur celle de Egor Smirmork qui se préparait de son côté pour le 2000 mètres sprint. Le corps de Gluckman a continué machinalement sur son élan, établissant pour l’occasion un nouveau record du monde avec un saut total de 64 mètres et 17 centimètres. Malheureusement la fédération internationale des sports haute densité a refusé d’homologuer ce record, arguant que, quoique ce cas de figure ne figura pas dans les règlements, Dieter Gluckman avait bénéficié d’un avantage manifeste et déloyal en perdant la tête (et donc en s’allégeant) au cours de son saut. Dieter Gluckman ayant bénéficié depuis sa naissance du programme TrackAll de chez GlooGloop, ses parents ont bon espoir de le retrouver sous une forme ou une autre.

 

@RiskyUSM12

Non je n’ai pas essayé d’imaginer ce que donnerait une panne de l’aspiration dans les toilettes. A priori ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus…  le truc est éprouvé depuis des lustres. Ils n’ont pas dû trouver mieux. 

 

Après lecture de ces messages je réfléchis une minute. Il m’apparut alors clairement que tout cela n’était qu’un vaste canular imaginé par Odette. Je rigolai un bon coup à l’idée de m’être fait piégé de la sorte et m’endormis en me disant qu’il était quand même bon d’avoir une amie si facétieuse. Je n’entendis pas rentrer George mais à mon réveil il dormait encore, j’étais impatient de lui raconter ce canular et vérifiai que je n’avais pas rêvé. Puisque l’intégralité des messages était encore bien gravée dans mon esprit, j’en déduisis ce qu’il y avait à déduire. Cependant, quoiqu’elle ne manque pas de place, il n’était guère utile d’encombrer ma mémoire. En allumant la tablette je vis qu’il y avait un icone que je ne connaissais pas. Cela ressemblait à une photo de Mars, je posais ma patte dessus, un autre icone apparut, ressemblant au premier mais légendé du nombre suivant : 47821. Je posais ma patte dessus et l’écran se remplit à nouveau du même message que durant la nuit. Au moins j’avais une preuve. Quand j’eus l’occasion de montrer cela à George il resta un instant circonspect.

– Je crois que c’est un canular d’Odette.

– Ah !… Well… Possible… Nous lui demanderons.

– Elle va nier.

– Possible.

 

Odette nia farouchement être à l’origine de ce message et j’eus la tentation de la croire. Si elle ne disait pas la vérité alors elle jouait parfaitement la comédie. Elle regarda longuement le message avant de porter un avis assez matérialiste :

– Merde ! J’espère que t’as pas chopé un virus ! Je ne vais pas monter un truc pareil tous les mois !

– Ça peut faire ça un virus ?

– Ça peut. Et si ça se contente de ça on aura de la chance.

D’une certaine manière on peut dire qu’elle s’est contentée de ça en qualité mais pas en quantité. Dès la nuit suivante, alors que George et moi étions couchés plus tôt qu’à l’accoutumée, nous fumes réveillés par une nouvelle crise d’épilepsie de la tablette. Et là encore l’affaire se conclut par l’apparition d’un message dans la même veine que le premier.

 

HelloWorld47822 @MnTardy

Hello Emmanuel. Les toilettes Intest vous souhaitent une bonne journée. Toilettes Intest, pour l’analyse rayons instantanée de vos selles. Toilettes Intest, une marque du groupe Villeboche.

 

Info47822 @MnTardy

Le très prisé prix Morgan récompensant le meilleur entrepreneur de l’année a été attribué a Juanito Peritez. Un lauréat passablement controversé puisque ne figurant pas dans les positions de tête des plus grandes fortunes ou progression de fortune. Certains autres nominés estiment que Peritez aurait surtout bénéficié de sa proximité avec des hommes d’influence tels les présidents méricains et roupéens ou les directeurs de l’OMC et du FMI. Rien néanmoins pour remettre en cause le charisme et la volonté d’un homme né dans un bidonville de l’agglomération de Toxico. Ayant fait ses gammes dans le commerce des armes et de la drogue il fut un temps déclaré ennemi public numéro 1 par les forces de l’ordre toxicaines et méricaines. Son visage fut connu du grand public lorsqu’il se mit lui-même en scène dans une vidéo qui fit le tour du monde et où il affirmait d’un air tout à fait convaincu que les forces de l’ordre toxicaines étaient la véritable plaie du Toxique. Se proposant de libérer le peuple toxicain par les armes, il n’en passa pas moins un accord secret avec les autorités méricaines qui lui permit de mener une véritable guerre des gangs sans risque d’être la cible d’un drone assassin. Eliminant la concurrence par un bain de sang généralisé et ayant toute latitude de faire appel aux plus grands cabinets juridiques méricains pour le montage de circuits de blanchiments quasi légaux, il montrait rapidement son désir de légitimité en investissant dans des secteurs très éloignés de ses compétences initiales. Poursuivi par la cour de justice internationale pour crimes de masses, il fut condamné par contumace à 30 ans de réclusion criminelle avant de bénéficier, il y a sept ans, de la grâce accordée aux criminels à hautes compétences économiques (et repentants) initiée par l’OMC. Installé depuis aux USM, son indéniable sens de l’humour et de l’autodérision fait de lui le client idéal pour les mass-médias. Parallèlement à ses apparitions publiques il mène ses affaires avec brio et est reconnu imbattable dans l’art de siphonner les aides publiques des municipalités pauvres en mal d’activité. C’est sans contexte à ce créneau porteur, tout autant qu’à ses amitiés utiles, qu’il doit ce prix Morgan assorti d’une montre à exemplaire unique de marque Rox & Rolette d’une valeur de 1 million de doullars méricains.

 

JeanCaisse.lcl.org @MnTardy

Bonjour Mr Tardy. J’ai l’honneur de vous annoncer qu’un virement de 10000 doullars méricains en provenance de la société BMDS est passé cette nuit à 2h02 et 37 secondes GMT. Déduction faite de votre découvert vous étiez ce matin créditeur sur votre compte courant de 7214 iouros. Vos agios au titre du mois écoulé s’élèvent à 121,62 iouros, la prochaine échéance de votre crédit CCMNT3TXVAR2029 est dans huit jours, la projection est de 235,56 iouros. Malgré des projections à long terme sur les taux hyper variables assez défavorables, il m’est agréable de vous signaler que nous relevons votre Credit Power à 380 sur une échelle allant de 100 à 900. Il serait néanmoins dommage de laisser dormir 7000 iouros sur un compte courant et je me permets de vous signaler la perspective d’une opération à risques limités que nous menons en partenariat avec le fond Fistfix actuellement leader sur le marché spéculatif des terres rares. L’historique trimestriel du panier proposé affiche une progression de plus de 22 % et, les tendances géopolitiques étant favorables, les projections à la hausse sont très bien cotées chez les bookmakers. Une entrée aujourd’hui vous donnerait une grande probabilité de gains à l’horizon de quelques mois voire de quelques semaines si vous souhaitez prendre vos bénéfices rapidement.

 

HelenaRackel.bmds.org @MnTardy

Bonjour Emmanuel. Dans le cadre de notre accord commercial je te rappelle que tu es tenu de respecter scrupuleusement les termes du contrat. En sus de ton article hebdomadaire tu ne dois pas laisser s’écouler plus de 12 heures sans une référence spécifique à la marque. Tu as manqué hier à cette obligation entrant ainsi sous régime de pénalité. La somme de 10000 doullars sera défalquée de tes émoluments à venir.

 

@Boissansoif73

Pour les promos sur le Bison Maudit, la magnifique boisson aux extraits naturels de plantes, clique sur les bannières appropriées ! Bois-en un litre par jour !

 

Le canular semblait devoir prendre de l’ampleur. 

3 octobre 2015

Point de vue d'Odette sur la vue des chats

 

Chalut.

 

Je vais vous relater une petite discussion que j’eus avec la fée Odette peu après le concert du Macadam Bazar. Elle est bizarre quand même cette fée, elle a des lubies. Là voilà qui débarque un matin avec quelque chose dans les mains et qui d’emblée me prend de haut :

– Ah ! ah ! monsieur je sais tout je vois tout, devine ce que j’ai là ?

– Un morceau de papier ? Que sais-je ?

– Des photos !

– Des photos de qui ?

– Pas de qui mais de quoi.

– Ah ! Et de quoi donc ?

– Ce quoi là qui prouvera que tu as menti aux chèvres.

– Moi j’ai menti aux chèvres ?

– Oui !… Ça c’est quoi ?

– La tour du crédit lyonnais pardi !

– Hum, bizarre… Et ça ?

– Facile ! C’est le mont blanc !

– Hum… Au fond cela ne prouve rien ; tu as très bien pu les voir en photo avant.

– Oui, et alors ?

– Alors pourquoi leur as-tu dis que tu voyais le crayon et le mont blanc en vrai ?

– Je n’ai pas dit que je voyais le mont blanc mais les Alpes !

– C’est impossible !

– Comment cela impossible ?

– C’est impossible parce que tu es complètement myope et que tu n’as pas de lunettes !

– Je suis myope moi ?

– Mais bien sûr ! Comme tous les chats ! Tous les chats sont myopes et tu es un chat ! Donc tu es myope !

– Si tu le dis… Et bien admettons que je sois myope. Cela prouve que les myopes peuvent voir le crayon et les Alpes d’ici.

– Mais non ! Bien sûr que non ! Tu ne les vois pas ! Tu vois des formes qui leur ressemblent mais tu ne peux pas dire que tu les vois.

– J’ai du mal à te suivre Odette.

– C’est pourtant simple. Tiens, pour preuve… regarde encore cette photo !

– Pas de doute Odette, il s’agit bien du crayon.

– Oui mais dirais-tu que tu le vois mieux en vrai ou sur cette photo ?

– Sur cette photo indéniablement puisque je l’ai sous les yeux.

– Et comme ça ?

– Comme ça je vois flou Odette.

– Ah ! c’est bien ce que je pensais ! En plus d’être complètement myope tu es carrément presbyte !

– Voilà autre chose.

– Tu es incapable de lire de très près !

– Sans doute. Et toi ?

– Moi évidemment que je peux… Ah ben non tiens…

– Mais Odette ! Tu as les yeux collés à la photo, fatalement…

– Ça alors. Est-ce que comme les fées les chats auraient un sixième sens ?

– Je ne te suis toujours pas.

– Si tu ne vois pas avec tes yeux alors c’est que tu vois autrement.

– Mais enfin Odette ! Je vois très bien voyons !

– Très bien mais très peu comparativement à d’autres espèces… sauf la nuit bien sûr. Et quand tu regardes la télé je parie que l’image est toute saccadée.

– Saccadée n’est pas le terme approprié. Mais certainement ils ont encore du progrès à faire !

– Mais pas du tout matou ! C’est tes yeux qu’ont du progrès à faire ! Tiens ! Devine quelles couleurs je porte ?

– Facile, les couleurs de la ville.

– Qui sont ?

– Rouge et bleu.

– Comment le sais-tu ?

– Comment pourrais-je l’ignorer ?

– Tu ne peux pas voir le rouge !

– Comment ça je ne peux pas voir le rouge ? Je vois très bien les feux rouges !

– Ça ne prouve rien ! Même les daltoniens savent situer le rouge, ça ne veut pas dire qu’ils le voient !

– Je ne comprends pas.

– Du vert et du rouge, dirais-tu que ce sont des couleurs qui se ressemblent ou qui sont très différentes ?

– Sans doute elles se ressemblent un peu mais elles ne sont pas similaires, c’est une question de nuance.

– N’importe quoi matou ! Le vert et le rouge ne se ressemblent pas du tout ! Il faudrait être idiot pour faire des feux de signalisation avec des couleurs qui se ressemblent !

– Pourquoi ?

– Mais parce que cela multiplierait les accidents !

– Pas du tout puisque chacun sait que le rouge est en haut et le vert en bas. C’est logique !

– C’est absurde !… Oh ! et puis tu m’énerves matou ! J’en ai marre d’avoir des amis qui me contredisent tout le temps ! Eh ! ben tu passeras la journée tout seul ! Daltonien !

 

Ah ! souvent je me demande qu’elle mouche la pique. Enfin… je ne crois pas avoir le pouvoir de la changer et je l’aime bien comme ça quand même. Contrairement à ce qu’elle disait je n’ai d’ailleurs pas du tout passé la journée tout seul puisqu’elle est revenue cinq minutes plus tard comme si rien ne s’était passé.

 

– Ramène tes poils ! J’ai besoin de tes services.

– On va où ?

– Jouer ! Pour changer…

 

Nous voilà partis dans un appartement voisin que je n’ai guère l’habitude de fréquenter faute d’y trouver mon intérêt. Le genre d’appartement où l’on ne trouve que des restes de pizzas desséchées et où l’1-Terre-Nette n’est en général disponible que sur les genoux du locataire des lieux, locataire par ailleurs très bien équipé en matière de télévision. Odette prend possession des lieux, très à son aise ; claque des doigts, la télévision s’allume ; claque des doigts, une petite boite noire ronronne. On attend un peu :

 

– J’espère que ce gros sac a laissé le bon jeu, ça m’évitera des manipulations… hum… Tu sais conduire matou ?

– T’as de ces questions Odette. Evidemment non !

– Ce sera pas utile. Contente-toi de faire ce que je te dis ! Je suis Danica Patrick !

– Qui ?

– Laisse tomber matou ! Tiens ! Monte là ! Sur la table basse !

– Qu’est-ce que je dois faire ?

– Ce truc là c’est une manette de jeu, vois-tu ?

– Odette ! Depuis le temps que j’observe ce genre d’énergumènes, tu penses bien…

– Ok ! Le problème c’est que si je ne veux pas me contorsionner, je ne peux manier que le volant durant la course. Donc il faut que tu accélères et que tu freines à ma place quand je te le dis !

– Ah !…

– C’est très simple, tu appuies sur la croix pour accélérer et sur le carré pour freiner.

– Oh !… Je mets une patte là et l’autre là alors ?

– Parfaitement ! Appuie sur la croix !… Encore !… Encore !… Attends !… On va pas lambiner, je prends la voiture la plus puissante possible ! Attends !

 

Mazette ! Je n’ai pas beaucoup rigolé. Engueulé comme du poisson pourri pendant près d’une demi-heure avant que je ne maîtrise un peu mieux la situation :

– Freine ! Mais freine bordel de merde ! Accélère ! Accélère ! Mais écoute-moi au lieu de regarder l’écran bordel ! Je te demande de faire deux choses ! C’est tout de même pas compliqué !

– Mais je veux voir ce que je fais Odette !

– Mais ça ne sert à rien puisse que tu ne peux rien voir !

– Tu ne vas pas recommencer avec ça Odette ! Puisque je te dis que je vois très bien !

– Mytho !

– Là on arrive dans un virage alors je freine !

– Mais non ! Mais non ! C’était bien trop tôt ! On est au ralenti putain de bordel de merde ! C’est bien la preuve que tu vois tout en saccades con de chat !

Alors apparemment les jeux à la télé ça détend pas plus que le sport. Il faudra beaucoup de persuasion de la part d’Odette pour me convaincre de jouer à nouveau avec elle mais je m’y essayerai peut-être avec quelqu’un de plus calme. Et je prendrai le volant !

 

Darwin.

3 octobre 2015

Macadam, quel bazar !

Chalut.

 

Aujourd’hui je vais vous conter une soirée de la fête nationale qui fut tout à fait mémorable. D’ordinaire je me contente de regarder le feu d’artifice de mon toit mais il advint un petit événement vers le 10 juillet 2013 : mon frère me rendit une visite inattendue alors qu’en général c’est plutôt moi qui les retrouve, lui et son inséparable Burbulle, sur le très grand bloc. Il ne fit pas le déplacement sans raison mais pour m’annoncer une grande nouvelle :

– Darwin ! Mon frère ! J’ai une grande nouvelle à t’annoncer !

– Dis-moi P’tit Gris ?

– Devine qui vient à Lyon le 14 juillet ?

– Je ne sais pas ? Le président de la République ?

– Et qu’est-ce que j’en aurais à foutre de cette rose en plastique fanée ? Non ! Cherche un truc qui nous intéresse vraiment !

– Dis-moi ! Ce sera plus rapide !

– Ok ! Si tu veux. Eh  bien sache que le Macadam Bazar vient jouer dans notre quartier !

– Non ! C’est bien vrai ? Mais où ? Où mon frère ?

– Juste à côté. Sur les quais, en face des hospices civils.

– C’est bien vrai ?

– Mais oui ! C’est dans le programme !

– Oh ! mais en voilà une grande nouvelle ! On ne peut pas rater ça ! Il nous faut les voir !… Oui mais… comment ferons-nous ? Il n’y aura peut-être pas de voitures sous lesquelles se cacher à proximité et les toits sont difficiles d’accès.

– Hé ! bien je pensais que tu pourrais venir sur notre bloc, on entendra assez bien de l’extrémité nord-ouest.

– Mais avec les arbres on ne verra pas du tout la scène ! Oh ! ce serait trop dommage ! Il nous faut monter sur le toit des hospices.

– On n’est jamais allés là Darwin. Ce bloc est un casse-tête pour les De Gouttière.

– Pas si Odette nous trouve un accès au toit et nous ouvre les portes.

– Hé ! bien, si Odette est d’accord, je te suivrai volontiers.

 

Je ne sais pas si vous connaissez le Macadam Bazar très cher lecteur, très chère lectrice, ce n’est certes pas un groupe qu’on entend souvent à la radio mais si les humains avaient les mêmes goûts que moi et mon frère, il serait en tête des ventes. Notre passion pour leur musique notre prime jeunesse, après avoir été recueillis par Burbulle. Nous l’entendîmes pour la première fois en provenance d’un petit appartement du dernier étage du très grand bloc qui était alors occupé par un jeune homme sympathique. Dès les premières notes captées nous nous sommes arrêtés pour écouter, nous sommes regardés d’un air entendu, c’était du son pour nous ! Et puisque le jeune homme en question semblait aussi fan que nous, nous eûmes le loisir d’écouter souvent les morceaux et aussi de créer nos propres danses sur certains d’entre eux. Dès lors vous comprendrez aisément pourquoi je ne pouvais pas manquer cette occasion unique de voir en chair et en os des artistes humains dignes de notre intérêt. J’en parlai à la fée Odette dès que je le pus et elle ne me fit qu’un chantage de courte durée histoire de me faire enrager. Après quelques supplications elle fut d’accord pour exécuter mon plan et partit en éclaireuse avant de revenir une heure plus tard :

– C’est bon matou ! Je crois que j’ai un accès par le cœur du bloc. Porte électrique en bas, ce qui facilite les choses. Mais par contre, puisque je ne vous imagine guère vous promener dans les rues un soir de 14 juillet, cela suppose de passer toute la journée sur le toit.

– Oh ! ce n’est pas un problème. Une sieste de six ou sept heures fera passer le temps.

 

Voilà comment nous nous sommes retrouvés à grimper sur le bloc des hospices civils dans la nuit du 13 au 14 juillet. Nous sommes montés le plus naturellement du monde par un escalier et nous avons sauté d’une fenêtre sur un toit. La plaie des chats de gouttières lyonnais est la succession fréquente d’immeubles de tailles très différentes. C’est aussi le cas sur ce bloc mais, comme souvent sur les gros blocs, il y a des passages et nous n’eûmes même pas besoin de faire valoir nos qualités athlétiques. D’ailleurs nous n’étions pas que deux car je vis arriver P’tit Gris à notre lieu de rendez-vous accompagné de Burbulle, Passe-passe et d’une petite minette qui m’était inconnue et répondant au nom de Aïcha. Elle est marante celle-là, toute menue et bariolée, et surtout avec une toute petite voix fluette. Odette nous a menés vers un toit en terrasse où elle nous assura qu’on serait tranquilles, sans personne pour nous observer et avec potentiellement de l’ombre toute la journée. Alors, pour le coup, on n’a pas fait grand chose d’autre que pioncer jusqu’à l’heure H. Peu avant l’entrée des artistes Passe-passe tenta de grimper sur une cheminée démesurément grande afin d’avoir le meilleur point de vue. Il fut à deux doigts de réussir lors de son troisième essai et j’avoue qu’il m’impressionne par sa détente, surtout sachant qu’il n’est plus tout jeune. Odette, Riton et George, qui nous avaient rejoints, l’encouragèrent à réessayer mais c’était peine perdue. Heureusement il y avait une petite plate-forme bien située et sur laquelle P’tit Gris et moi allions pouvoir montrer nos danses, surtout notre danse du Hibou sur la chanson Ounichlibou mais qui ressemble d’avantage sans doute à une danse de kangourou.

 

Passons sur le feu d’artifice qui fut pas mal mais qualitativement un poil en dessous de l’année précédente. Au fond cela importait peu car le véritable feu d’artifice fut la prestation de haut vol du Macadam Bazar. Mazette ! Quel Bazar ! Exactement le genre de groupe qui donne sa pleine mesure en concert ! Et il faut savoir qu’ils chantent tous, sauf Julian le batteur mais qui est par ailleurs un excellent musicien. Il fit un solo tonitruant qui marqua les esprits. J’ai bien cru comprendre que certaines chansons étaient en langue tsigane, quoique j’ignore tout de la langue tsigane, mais pour ce qui est du français, vous entendrez aisément pourquoi nous avons des félinités particulières avec ce groupe. Quand vint le moment d’Ounichlibou, mon frère et moi fûmes le clou du spectacle, du moins du côté du toit vers lequel bien sûr aucun humain ne regardait : « Si j’avais su, j’aurais pas venu, maintenant qu ‘t’es là, mangeons avec les doigts ! … » Nous étions très excités et l’effet contagieux gagna Odette qui passa la plupart des chansons à danser sur les gens dans la foule, allant d’une tête à l’autre, légère comme une mouche, ou bien s’envolant soudainement telle une hirondelle. Entre les morceaux elle revenait s’asseoir entre George et Riton, passait ses bras par-dessus leur cou, eux impassibles, tout en intériorité. De tout le concert George se contenta de ce commentaire à la fin de notre chanson préférée qui n’est certes pas la plus dansante mais dont la métaphore nous passe par tous les pores : « Avez-vous entendu ? C’est une réussite à mettre pigeons voyageurs et chats de gouttière dans même phrase. » Ah quel concert ! Lors d’une chanson un peu calme, j’avoue qu’une folie me traversa l’esprit. Je pensai soudain à la vie du Macadam Bazar sur la route, à l’esprit de la liberté qu’il souffle. Je me suis dit : « Et si j’en étais ? » Sûrement que si je me présentais à eux à la fin du concert, ils se diraient : « Oh ! le superbe chat ! » Et moi, insistant un peu à tourner autour de leur camion, je saurais bien leur faire comprendre mon envie de partir. Alors j’aurais la vie bohème ! Oui mais il faudrait dire adieu aux toits de Lyon, qui sont presque tout pour moi, et aussi à mon frère, mes amis, et à la fée Odette sûrement car elle ne pourrait pas trop s’éloigner d’Andrea qui peut encore avoir besoin d’elle. Et puis aussi mettre fin à mes désirs d’écrire. Ainsi je sortais rapidement de ce rêve éveillé. Aussi les meilleures choses ont une fin. Minuit vingt, l’heure du couvre-feu municipal approchait même si le groupe en avait encore sous le coude. Tout d’un coup je m’exclamai : « Odette ! Il me faut le disque ! »

– Pourquoi faire ?

– Mais pour l’écouter bien sûr !

– T’as pas de mange-disque !

– Moi non mais je vais souvent chez des gens qui en ont. Si j’utilise leur Terre-Nette je peux bien utiliser leur mange-disque.

– Certes. Mais alors tu me demandes de voler ton groupe fétiche. Ce n’est pas très correct, surtout qu’ils n’ont pas l’air de rouler sur l’or.

– Ce n’est pas comme si j’avais le choix ! Ou alors… J’ai une idée !

– Dis toujours !

– Tu piques un billet dans le portefeuille d’un type qu’est pas sans le sous… ou alors dans la caisse de la buvette. Et tu le laisses en échange du disque.

– Bon… si ça peut te faire plaisir.

 

Voilà la fée partie direct à la buvette. Nous la perdîmes de vue mais elle réapparut dix minutes plus tard en semblant faire rouler deux lunes argentées dans le creux de ses mains, très satisfaite de son petit effet.

– Ils ont deux albums, vois-tu matou ?

– Ah ! Tant mieux. Mais les pochettes ?

– C’est plus léger comme ça ! Tu crois que je peux faire voler indéfiniment des poids sans me fatiguer ?

– Tu ne peux pas ?

– Pas sans recharger mes batteries, si je puis dire… Et puis comme on n’en a pas besoin, j’ai jeté les pochettes dans la Saône !

– Oh !

– Bon d’ailleurs je vais aller mettre les disques dans ta sous-pente.

 

Odette partit tandis que le Macadam Bazar remballait ses instruments. Riton et George s’envolèrent d’un même élan en direction de la Croix Rousse, preuve s’il en faut que ses deux là ont des affaires en commun. De notre félin côté nous n’étions pas tout à fait calmés et, hilares, on chantait à tue-tête la fin de « Ça serait bien – C’est vrai qu’au fond ch’uis qu’un salaud, si j’étais un chat monsieur… si j’étais un chat… j’ boufferais des oiseaux ! » Sur ces entrefaites la fée fait retour, nous entend et pique une colère magnifique :

– Non ! Non ! J’ai dit non ! On ne bouffe pas des oiseaux ! C’est compris ? Toi Passe-passe ! T’en bouffes des oiseaux ?

– Pas trop.

– Non ! Non ! C’est pas pas trop ! C’est jamais ! Jamais on bouffe des oiseaux ! C’est compris ? Toi Aïcha ! T’en bouffes des oiseaux ?

– Non madame, répondit Aïcha de sa petite voix fluette et en baissant la tête.

– Je ne veux pas qu’on bouffe des oiseaux ! Jamais ! Jamais ! Jamais !

– Mais enfin Odette ! Calme-toi ! Tu sais bien que nous on est surtout des glaneurs. Les oiseaux c’est vraiment exceptionnel. Et que des qu’on connaît pas !

– J ’m’en fous ! Je ne veux pas d’exception ! Sinon je vous laisse sur ce toit et c’est la fourrière qui viendra vous récupérer !

– Tu ferais pas ça Odette. Dis Odette ?

– Je vais m ‘gêner !

La voilà qui nous tourne le dos, suspendue dans sa position préférentielle pour bouder.

– Oh ! aller Odette ! Fais pas la tête ! Dis-nous Ounichlibou ? Ounichlibou Odette ? Ounichlibou ?

– Dans ton cul !

– Rôôôôôô… Allez Odette ! Ounichlibou quoi ?

 

Odette a parfois mauvais caractère mais toujours bon fond. Elle sembla oublier l’affaire du chant d’oiseaux quelques minutes plus tard. Puis la France laissa derrière elle sa fête nationale, assez rapidement car les gens rechignent à se coucher tard le dimanche, ce qui nous arrangea bien. A deux heures du matin la voie était sûre, autant dans les immeubles que sur le macadam. Nous redescendîmes de ce toit et nous nous séparâmes dans la rue Emile Zola. En quittant Passe-passe et Aïcha, j’entendis cette dernière murmurer de sa petite voix fluette : « Et des chauves-souris ? On a le droit d’en manger des chauves-souris ? »

 

Retrouvant Odette le jour suivant je voulus savoir si nous avions récompensé les artistes à leur juste valeur :

– Au fait Odette ? Combien as-tu payé les disques ?

– Payé les disques ? Ne m’avais-tu pas dit de les voler ?

– Non, nous avions convenu que tu prendrais des sous dans la caisse de la buvette.

– Ah ! oui ? Et bien justement… une fois arrivée à la buvette je me suis retrouvée à proximité d’un bac de glace à la fraise de chez Nardone. Alors je crois bien que j’ai oublié pourquoi j’étais allée à la buvette. Mais la glace étant délicieuse, vraiment, je n’ai pas fait le déplacement pour rien.

 

Bon vous voyez, nous devons quelques euros au Macadam Bazar mais j’ignore si nous pourrons un jour payer notre dette.

 

Darwin.

3 octobre 2015

L'Aurore

Chalut.

 

Nous étions donc Odette et moi en route vers l’autre duo de chèvres. La route fut courte bien que ponctuée d’un arrêt casse-croûte dans une poubelle qui n’attendait qu’à être visitée. Nous nous rendîmes dans une propriété plantée d’arbres et sise de l’autre côté de la montée. Les chèvres en question sont plutôt petites, ont la tête assez noire et le corps globalement marron. Elles somnolaient paisiblement et Odette les réveilla en touchant délicatement le bout de leur museau.

– Bonjour Harmonie, bonjour Amalthée.

– Oh ! bonjour Odette. Tu es bien matinale.

– Hé ! bien c’est que je suis accompagnée du chat Darwin et il n’aime pas trop s’aventurer dans des endroits inconnus de plein jour.

Harmonie et Amalthée me contemplèrent quelques instants.

– Ainsi voici ce fameux Darwin.

– C’est bien moi et je suis venu vous voir pour en savoir un peu plus sur les chèvres.

– Combien sont elles ?

– C’est à dire ?

– Les chèvres qui t’intéressent. Vivent-elles en troupeau ?

– C’est possible.

– Sont elles gardées par un berger ou une bergère ?

– Une bergère ! a dit Odette.

– Comment s’appelle-t-elle ?

– L’Aurore !

– Hum… joli. Et où vivent l’Aurore et ses chèvres ?

– Eh ! bien… Dans la montage de Savoie j’imagine.

– Parfait. dit Harmonie. L’Aurore est sœur de Lune et d’Hélios. Fille du titan Hypérion elle fut enfantée d’Euryphaessa. Elle s’éprit de Thiton qui fut changé en cigale. Elle s’éprit également du géant Orion qui était d’une grande beauté et qui fut piqué par un scorpion envoyé par Artémis. Orion et le scorpion furent métamorphosés en constellations mais d’ici il n’est pas très évident de les apercevoir.

– Alors l’Aurore doit souvent les apercevoir puisqu’elle vit dans la montagne de Savoie !

– Certes Darwin, reprit Amalthée, c’est bien là l’un des avantages à vivre à la montagne. Dans quelle montagne de Savoie au juste ?

– Non loin de l’endroit où le géant Gargantua projeta une pierre avec le pied et qu’on appelle la Pierra Menta.

– Ne serait-ce pas plutôt la Pietra Menalda, l’une des pierres du Pinacle ? Un titan l’aurait bien pu envoyer de Lipari en Savoie.

– Oh ! non ! Cette pierre là doit être encore à sa place car la Pierra Menta vient du massif des Aravis.

– Sans doute. Mais dis-moi Darwin, l’Aurore est-elle l’Aurore aux doigts de rose ou bien l’Aurore aux belles boucles ?

– Oh ! très certainement elle est l’Aurore aux doigts de rose car elle n’a pas beaucoup de boucles bien qu’elle ait de beaux cheveux.

– Darwin tu es tombé dans le piège que je t’avais tendu. L’Aurore est à la fois l’Aurore aux belles boucles et l’Aurore aux doigts de rose. Sans doute peut-elle se parer de belles boucles car de beaux cheveux se parent de tout ce qu’ils veulent. Mais sûrement elle préfère mettre en avant ses doigts de rose.

– Oh ! oui ! Surtout qu’elle a des chèvres laitières ! Et n’est-ce pas indispensable d’avoir des doigts de rose pour pratiquer la traite ? Les chèvres laitières du monde entier devraient exiger d’être traites par l’Aurore aux doigts de rose !

– Bien vrai et il faudrait le leur suggérer ! Alors ainsi l’Aurore aux doigts de rose vit dans la montagne de Savoie avec ses chèvres.

– Et son amoureux.

– Certainement. Elle a un amoureux car l’Aurore aux doigts de rose est une grande séductrice.

– Cependant l’Aurore aux doigts de rose ne doit guère s’en laisser compter et s’il lui plaît de rester seule avec ses chèvres, personne ne peut l’en empêcher ! Elle croise parfois le chemin de son frère qui commande à ses chevaux et surveille ses troupeaux de moutons et de vaches.

– Mais si l’Aurore a un troupeau de chèvres et son frère un troupeau de vache et de moutons, intervint Odette… quel genre de troupeau a la lune ? Peut-être un troupeau de hiboux ?

– Je crains qu’ils ne soient guère grégaires.

– Alors de pipistrelles !

– Plus probablement, mais à ma connaissance, ce ne fut pas légendé. Cependant il m’est permis d’affirmer que l’Aurore aux doigts de rose, cette toute divine, trouve la voie d’un bonheur à nul autre pareil. Je le sais car nombreux sont nos aïeux qui foulèrent la montagne de Savoie. N’est-ce pas Harmonie ?

– Certes et je me damnerais pour y finir ma vie ! Et s’il est quelque bosquet dans les champs de l’Aurore, c’est à ses côtés que je voudrais être, cette toute divine. Je ne crois pas devoir beaucoup apprécier les alpages par habitude de l’ombrage. Mais sûrement un chat vivant sur les toits penserait autrement. As-tu une belle vue de là où tu vis ?

– Très belle d’un côté, moins de l’autre à cause du crayon qu’ils ont planté là et qui me bouche un peu la vue sur les Alpes. Et ça ne va pas en s’arrangeant, y a un truc encore plus moche qui s’élève !

– L’Aurore aux doigts de rose, elle, grimpe jusqu’au sommet de sa montagne. Aucun crayon ne gêne sa vue, elle voit loin au nord, au-delà de Lyon à l’ouest, au sud ce n’est que succession de monts et sommets. Ce sont des titans qui ont chacun leur nom, ils ne peuvent plus se mouvoir car ainsi en ont décidé les dieux. Alors ils se tiennent là, serrés comme des sardines. L’Aurore les caresses du bout de ses doigts de rose, cette toute divine est pleine de piété. Les titans la remercient et du souffle de leur bouche naît le vent. Les titans n’ont pas l’élocution des dieux, ils postillonnent. Le vent soulève les cheveux de l’Aurore aux doigts de rose qui s’humidifient dans ce crachin quasi-divin ; ainsi naissent ses belles boucles. Jamais elles ne sont si belles que lorsqu’elle se tourne vers l’Est, comme pour contempler tout le chemin parcouru, car c’est de l’Est qu’elle est venue. Elle a passé par-delà les épaules du plus grand des titans d’Occident, celui qu’on appelle Blanc à cause de sa longue barbe blanche ; il est mont et derrière lui est sise la belle Italie à la langue chantante. Celle de l’Aurore aux belles boucles est d’une grande douceur et elle ne parle jamais en méchanceté. Quand elle est en colère, elle pleure ; elle pleure aussi quand elle est triste, c’est pourquoi sa montagne est assez humide.

– Mais pourquoi est-elle triste ? Je ne veux pas qu’elle soit triste moi !

– Peut-être parce qu’elle a croisé un chat noir. Mais rassure-toi ! Le plus souvent elle ne pleure pas, elle préfère cueillir des marguerites. Elle aime jouer au jeu de « je t’aime » en ôtant un à un les pétales des marguerites de ses doigts de rose. Elle se demande si elle aime les chats noirs un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout… et toujours elle constate qu’elle ne les aiment pas du tout.

– Ce n’est pas très gentil ce que tu me dis là.

– Je plaisantais Darwin. En réalité l’Aurore aux doigts de rose préfère souffler sur les aigrettes des Dent-de-lion. Elle les souffle de son souffle divin et ce blanc coton s’envole jusqu’à Lune, cette toute divine, cette sœur. Lune le renvoie de son souffle divin et cristallin, il retombe sur nous en froids flocons.

– Aime-t-elle les autres fleurs ?

– Mais oui ! Bien sûr ! L’Aurore aux doigts de roses adore les fleurs ! Tout d’abord elle adore les roses, cela se conçoit. Et elle connaît leur langage.

– Comme le petit prince ?

– Parfaitement. Mais l’Aurore aux doigts de rose connaît le langage de bien d’autres fleurs.

– Et que lui disent-elles ?

– Hé ! bien les fleurs souvent sont craintives car presque sans défense. Elles tentent de plaider leur cause afin de ne pas être cueillies.

– Ni mangées si l’Aurore emmène paître son troupeau.

– Ah ! mais si une chèvre vient à manger une fleur c’est sûrement qu’elle l’a mérité ! Certaines fleurs sont un peu sèches dans leurs propos… mais l’Aurore aux doigts de rose ne s’en formalise pas. L’une lui dit : « Ne t’assieds pas sur moi ! » Alors l’Aurore s’assied ailleurs.

– Quelle fleur lui dit cela ?

– Le Tabouret à feuilles rondes bien sûr ; et quand l’Androsace lui dit : « Ne me mets pas dans ta besace ! » Elle y met des cailloux à la place. Alors vois-tu Darwin ?… toutes les fleurs n’étant pas de très bonne compagnie, l’Aurore aux doigts de rose préfère celle des fleurs qui lui ressemblent.

– Il y a des fleurs aux belles boucles ?

– Hé ! bien il y a un Rhododendron hirsute et une Campanule barbue, mais leur poil n’est-il pas trop court pour boucler ?

– Trouvons une fleur chevelue alors !

– Mauvaise Raiponce car à ma connaissance, elle ne pousse pas dans la montagne de Savoie. Mais à n’en point douter, sa fleur préférée, hormis la rose, est sûrement la Spirée sylvestre qui porte barbe de bouc en épithète.

– N’est-ce pas plutôt l’Edelweiss ?

– Non car elle lui préfère la Biscutelle à lunettes. Et comme toutes les bergères et chevrières, elle aime aussi beaucoup l’Aconit étrangle-loup mais pas du tout la Polygale des Alpes.

– C’est compréhensible.

– Mais sais-tu que de ses doigts de roses l’Aurore cueille le fruit du Raisin d’ours ?

– Il est comestible ?

– Elle ne le mange pas.

– Pourquoi le cueille-t-elle alors ?

– Mais au cas où elle croiserait un ours en redescendant de la montagne bien sûr.

– En croise-t-elle souvent ?

– Non car ils ont disparu depuis longtemps de la montagne de Savoie.

– Et que fait-elle une fois redescendue de la montagne ? Elle trait ses chèvres ?

– Elle le voudrait bien mais elle ne peut pas atteindre sa maison parce que son frère a empilé tous ses moutons dans le fond de la vallée. Il en a tellement que cela dépasse le toit de sa maison, on dirait une mer toute blanche qui renvoie l’éclat de son visage. C’est très beau mais très gênant. Alors l’Aurore aux doigts de rose supplie son frère : « Oh ! C’est assez comme ça mon frère ! Va-t-en ranger tes moutons ailleurs ! » Tout d’abord Hélios en rit. Alors elle pleure, et lui, commandant à ses chevaux, il s’en va ranger ses moutons de l’autre côté de la terre, mais il y en a toujours qui lui échappent et s’en vont boire au ruisseau des larmes de l’Aurore aux doigts de rose. Alors ils se sentent légers, légers, et ils s’envolent dans le ciel.

– Et l’Aurore dans tout cela, peut-elle enfin traire ses chèvres ?

– Oui mais pas avant d’être allée voir les arbres près de sa maison. D’abord elle s’en va voir le tilleul au goût de miel…

– N’est-ce pas plutôt le miel qui a le goût du tilleul ?

– Possiblement. Donc elle s’en va voir le miel au goût de tilleul… non… voilà que tu m’as fait perdre le fil de mon récit… Bon ! Elle s’en va voir le tilleul qui donne son goût au miel et lui dit : « Tilleul ! J’aimerais abaisser tes basses branches et en donner les feuilles à manger à mes chèvres ? Y consens-tu ? » Ce à quoi le tilleul répond : « Si tu fais cela elles mangeront mes fleurs et tu n’auras pas de tisane cet hiver. » « C’est juste ! » répond l’Aurore aux doigts de rose avant de s’en aller voir le bouleau pour lui dire : « Bouleau ! J’aimerais abaisser tes basses branches et en donner les feuilles à manger à mes chèvres ? Y consens-tu ? » Ce à quoi le bouleau répond : « Je n’ai pas de basses branches ! » « C’est juste. » répond l’Aurore aux doigts de rose avant de s’en aller voir l’Erable pour lui dire : « Erable ! J’aimerais abaisser tes basses branches et en donner les feuilles à manger à mes chèvres ? Y consens-tu ? » Ce à quoi l’Erable ne répond rien. « Il doit dormir, nous reviendrons lui poser la question demain. » dit l’Aurore aux doigts de rose avant de s’en aller voir l’Orme pour lui dire : « Orme ! J’aimerais abaisser tes basses branches et en donner les feuilles à manger à mes chèvres ? Y consens-tu ? » Ce à quoi l’Orme répond : « Je ne suis pas un Orme, je suis un Tilleul ! » « Oh ! le pauvre !… » dit l’Aurore aux doigts de rose à ses chèvres « …il se prend pour un tilleul. Ne l’accablons pas plus qu’il ne l’est et allons voir s’il reste quelques feuilles aux basses branches du frêne. »

 

– Et maintenant l’Aurore peut enfin les traire !

– Parfaitement, et je ne m’étendrai pas sur le sujet. Mais puisque tu es si pressé de les voir traites, sache que le chat n’a pas le droit de goûter au lait de chèvre.

– Pourquoi ?

– Parce que ce serait comme donner de la confiture aux cochons.

– Ce n’est pas juste !

– C’est ainsi. Maintenant la journée de l’Aurore aux doigts de rose s’achève et ses cheveux ont perdu leurs belles boucles, elle s’en va s’asseoir dans le champ qui jouxte sa maison et elle contemple la vallée en souriant. Son chien vient à ses côtés et pose sa tête sur ses genoux. Elle lui caresse tendrement la tête de ses doigts de rose.

– A son chien ? Tu veux dire son chat, n’est-ce pas ?

– Oh ! non Darwin ! Sans aucun doute c’est de son chien dont il s’agit. Et puis ses chèvres viennent aussi à ses côtés. Elles lui mordillent les cheveux pour leur redonner leurs belles boucles. Ainsi la boucle est bouclée et l’Aurore aux doigts de rose s’endort dans son berceau de brume. Ainsi comme dans les épopées, une nouvelle journée pourra commencer quand l’Aurore aux doigts de rose se sera levée de son berceau de brume.

 

Ainsi fut ma première entrevue avec les chèvres marron.

 

Darwin.

3 octobre 2015

Matière agricole.

Chalut.

 

Ayant quitté Grumpy je suivis Odette, mon guide. George vola à ses occupations. Nous allâmes jusqu’au cimetière de Loyasse sans pour autant y pénétrer, puis nous descendîmes les escaliers de la montée de la Sarra. C’est dans une propriété séparée de ces escaliers par un haut mur que nous trouvâmes les chèvres quelques moments avant l’aurore. Deux chèvres blanches parquées dans un petit enclos sis lui-même dans quelques centaines de mètres carrés parsemés d’arbres et visiblement déjà bien soumis aux dents voraces de ces jardiniers particuliers. Elles virent arriver Odette avec satisfaction et s’empressèrent de solliciter ses services :

– Ah ! Odette ! Te voilà ! Ouvre-nous vite, il va bientôt faire jour !

Odette ouvrit rapidement l’enclos avec la dextérité d’une habituée des lieux. Puis elle ouvrit la porte du parc et les chèvres se précipitèrent dans un petit bois étalant sa verdure un peu plus haut. Voilà les caprins très occupés à se remplir la panse et ne prêtant guère attention à moi, certes peu visible dans la pénombre. Mais quand Odette vint à mes côtés l’une des chèvres s’intéressa enfin à savoir qui j’étais :

– Qui est ce chat à tes côtés Odette ?

– C’est Darwin Le Chat De Gouttière. Je vous ai déjà parlé de lui.

– Ah ! Peut-être bien !… Et que fait-il là ?

– Il est venu pour vous voir ?

– Ah ! bon ? Et que nous vaut l’honneur de cette visite ?

– Eh bien il se trouve que j’aimerai en savoir plus sur la vie des chèvres.

– Ça se comprend.

– Ce afin d’enrichir ma connaissance.

– Ah ! Mais rends-toi compte que globalement les chèvres n’ont pas grand chose à voir avec nous. Nous sommes des chèvres paysagistes et accompagnatrices vois-tu ? Et que font les chèvres en général ?

– Du lait.

– Bonne réponse ! Elles sont du type fromager, section du domaine plus général qu’est l’agriculture. C’est ton jour de chance !

– Pourquoi ?

– Parce que nous sommes de grandes connaisseuses de l’agriculture grâce aux livres que nous a donnés Odette.

– Odette vous a donné des livres ?

– Odette nous a donné des livres.

– Odette ! Tu leur as donné des livres ?

– Ben oui.

– Comment as-tu fait pour porter des livres ?

– Je ne les ai pas portés.

– Comment les as-tu amenés alors ?

– Je les ai fait voler, pardi !

– Tu peux faire voler des livres ?

– Evidemment !

– Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu savais faire voler des livres ?

– Parce que tu ne m’as pas demandé si je savais faire voler des livres.

– Comment pouvais-je savoir que tu sais faire voler des livres ?

– J’ouvre bien des portes… c’est basé sur le même principe.

– Hum ! Pas faux. Et donc tu leur as donné des livres d’agriculture ?

– J’en sais rien, je ne les ai pas lus moi-même.

– Mais parfaitement. Nous connaissons beaucoup de choses sur l’agriculture. N’est-ce pas ma très chèvre amie ?

– Parfaitement très chèvre amie.

– Hé ! bien vous seriez fort aimables de partager un peu votre savoir avec moi.

– Rien de plus simple, nous avons dévoré tous ces livres avec délectation. Autant dire que nous les connaissons par cœur.

Je cite le premier d’entre eux : « Placez sur les hauteurs des gens avec des fourches pendant la moisson. Lorsque la pluie emmènera tous ses remèdes placez deux olives de Campanie au fond d’un trou avec des balais. Jetez-y quatre livres de gramens et de mauvaises herbes. Il faut écarter les rigoles d’un demi-travers de doigt quelque part avec vos pieds. Procédez de même avec le chou et les cyprès, arrosez doucement avec les voies urinaires au point que la terre s’infiltre dans l’eau. Il faut arroser chaque fois que le besoin s’en fait sentir, cela relâche le ventre si vous avez l’épigastre embarrassé. Pendant l’hiver ou l’automne il faut se débarrasser des moutons, ficelez-les au milieu des futailles et laissez sur le feu. Quand il pleuvra sur la ferme, fermez votre cuve à vin, boire largement de l’eau dans une coupe en terre de la contenance d’un culleus. Débarrassez-vous du repas qui s’oppose à son écoulement. Faire une élévation des champs. Vous aplanirez la surface avec une planche afin d’avoir des terres arables pendant l’hiver. Vous retournerez le sol, vous incorporerez l’engrais avec un bâton. On sème au printemps. Passer par le crible la semaille. Distribuer sur le terrain des plantes adventices, un grain de lentille, du cumin, les blés et les choux. Il faut détourner l’appétit de l’acheteur de chèvre, surtout à l’entrée de tous les bâtiments. Manière commode : percez la terre d’un trou avec le bident ou des sarcloirs, disposez un paillis ou des ramilles sèches prises sur un orme. Vous ménagerez un sentier. Mettez ensuite les acheteurs dans une marmite pleine d’eau et d’une espèce de chou et fermée par un robinet. Dès que les acheteurs commencent à germer, retirez-les, pilez-les et faire macérer dans du vinaigre pendant les trente jours qui suivent. Remplissez le pressoir et exprimez-en le suc. Il se digère à merveille, et c’est dans tous les cas une nourriture saine. Vous recouvrirez le gros sel d’une bonne couche de fumier. Manière de mesurer les mains à la méthode de Manlius et Memius… » Tiens c’est joliment dit cela, n’est-ce pas ce que l’on nomme une amplification ma très chèvre amie ?

– Non ma chèvre ! C’est tout au plus une allitération, mais faiblarde au demeurant.

– Faiblarde ? Taratata ! Si tu t’avances sur ce versant verbeux terreux aussitôt je t’arrête, espèce d’étiquetée entêtée tarée!

– Oh ! oh ! oh ! Garde ton calme ! Chèvre, qui de chaque mouche se pique ! Chèvre, nul chic à monter sur tes grands chevaux ! Chèvre, ou bien carne munie de l’esprit d’un chevreau !

– Tu crois avoir fait une allitération là ?

– Pas du tout ! C’est une anaphore.

– Bizarre, je ne ressens aucunement l’envie d’en découdre.

– C’est de l’ironie ? Moi je n’ai rien contre.

– Alors ta vie sera brève ma chèvre ! Voudrais-tu savoir ce qu’il se passera ?

– Je suis tout ouïe !

– Je me recule de cinq pas, feins le désintérêt, concentre ma raison, réserve mes vertèbres, mobilise ma devise. Puis d’un coup, d’un geste, je jaillis, je bondis, je touche, mouche. Ma très chèvre amie aura vécu !

– J’aimerais bien voir cela en pratique.

– Vraiment ?

– J’en meurs d’envie !

 

Croyez-moi si vous voulez mais elle a sauté les premières étapes de sa figure de style et lui est rentré dans le lard de la manière la plus directe possible. A cet instant commença un vilain combat tête contre tête dont nous ne vîmes pas la fin tant il semblait parti pour durer. Je m’en désintéressai rapidement pour repenser à ce livre d’agriculture.

– Dis-moi Odette. L’agriculture à l’air d’être quelque chose d’un peu compliqué. Il me semble que le passage récité était un poil obscur.

– Hé ! bien c’est sans doute parce qu’il n’est tout à fait dans le bon ordre. Quand je leur amène un livre ces deux là se précipitent dessus et chaque fois que l’une veut manger une page, l’autre veut la même. Elles finissent par la déchiqueter, ce qui naturellement les conduit à avaler des pages incomplètes.

– Tu veux dire qu’elles dévorent littéralement les livres ?

– Mais bien sûr ! C’est ainsi que les chèvres apprennent. Mais le problème c’est qu’elles doivent analyser les passages lors de la rumination. Cela laisse beaucoup de place à l’imagination.

– Oh ! mais alors il faudrait que je lise moi-même ce livre. Te rappelles-tu duquel il s’agit ?

– Pas vraiment. Sûrement l’un de ces vieux livres d’auteurs grecs ou romains que je prends dans la grande bibliothèque.

– Tu donnes de vieux livres à manger aux chèvres ?

– Elles disent que le papier est plus digeste.

– Oh !… Ma foi…

– A mon avis tu n’apprendras pas grand chose de ces chèvres là mais celles d’à côté sont plus sages et plus douées pour la littérature.

– Il y a d’autres chèvres à-côté ?

– Oui, deux autres.

 

Ainsi nous laissâmes les deux chèvres blanches à leur combat épique pour aller voir les chèvres d’à-côté. La rencontre fut plus digne d’intérêt et je vous la conterai bientôt.

 

Darwin.

3 octobre 2015

Darwin vs Grumpy

Chalut.

 

Nous étions en juin et j’étais sur mon toit, non pas à roupiller mais à me baigner d’un chaud soleil retombant doucement entre la basilique et la tour Eiffel lyonnaise. Les hirondelles multipliaient les acrobaties dans les airs en se lançant des défis insensés tandis que les pigeons bavassaient dans leur sous-pente. Soudain je crus apercevoir une silhouette connue venant vers moi en provenance de la Saône. Je me dressais sur mes pattes : « Bon sang mais c’est… George ! » Oui ! Il revenait ! Je le fêtais comme jamais je n’aurais pensé fêter un oiseau : « Oh George ! George ! Te revoilà enfin ! » Il se posa à mes côtés.

– Hello Darwin ! How are you ?

– Bien ! Oui bien ! Et heureux de te revoir !

– As-tu reçu ma carte postale ?

– Oui merci ! Merci George !

– Et quoi de neuf ici ?

– J’ai rencontré quelques chats. Mais toi ? En as-tu croisé ?

– Des dizaines Darwin. Maintenant que je te connais je fréquente un peu plus les toits et un peu moins les bords des fleuves. Je leur ai beaucoup parlé de toi et ils aimeraient bien lire tes aventures un jour. Il faudrait que tu tiennes un blog.

– Oh oui c’est vrai ! Deviendrai-je célèbre ? Peut-être bien.

– Peut-être. En passant par Paris j’ai remarqué tu étais un peu l’archétype d’un De Gouttière parisien, du moins dans sa représentation artistique.

– En plus beau et plus costaud sans doute.

– Pour dire vrai, il y a plus de variété chez les De Gouttière que l’imagerie ne le laisse voir et la plupart des chats flânant sur les toits ne sont pas des De Gouttière mais d’heureux jouisseurs d’appartements bien situés.

– Comme partout George. Tout cela traduit sans doute l’évolution de la société car lorsque les derniers étages étaient dévolus à de misérables chambres de bonnes, la population féline des hauteurs était plus indépendante. Mais dis-moi George ! Ce soir le temps est clément et j’ai un service à te demander. Je voudrais bien retourner du côté de Fourvière car, d’après ce que m’a dit Odette, j’ai la possibilité d’y rencontrer des chèvres. Saurais-tu avec elle assurer une surveillance aérienne de mon chemin ?

– No problem ! Où est Odette ?

– Oh ! elle va venir ! Elle t’aura sûrement vu survoler la Saône si elle est chez Andrea.

 

Comme je le pensais Odette nous retrouva un peu plus tard dans la soirée. J’allai m’avitailler un peu chez un bon pourvoyeur pour ne pas partir le ventre trop léger , puis George nous fit le récit de son voyage et de ses activités pour le compte de la Gull Internationale. Vers trois heures, comme nous étions en début de semaine, la ville était déjà assez calme. Nous nous mîmes en route et je n’avais pas trop d’appréhension. J’allais devenir un De Gouttière De La Presqu’île aillant franchi trois fois la Saône dans les deux sens ! Bon c’est vrai que Passe-passe l’a déjà fait des centaines de fois mais il est un cas très particulier. Alors après avoir profité quelques instants du jardin du Rosaire, je proposai à mes camarades d’aller réveiller Grumpy pour le titiller un peu. Je crois qu’il nous a sentis venir de loin car il s’est caché en croyant nous surprendre. Malheureusement pour lui, Odette le débusqua facilement :

– Sors de derrière ce buisson cabot !

De prime abord je suis plus cordial qu’Odette, il me semble. Je ne voulais pas l’énerver d’emblée mais démarrer une discussion sur un ton presque normal tout en me maintenant sur le mur d’enceinte, hors de sa portée :

– Bonjour Grumpy ! Je suis bien content de te revoir.

– Je ne te renvoie pas le compliment !

– Ce serait pourtant fort sympathique de ta part.

– Pourquoi devrais-je être sympathique ?

– Bon après tout… Allez demander cela à un chien ! Pas étonnant que les humains vous méprisent autant !

– Les humains ne nous méprisent pas du tout ! Bien au contraire !

– Oh ! que si ! D’ailleurs leurs éléments de langage ne laissent de le souligner. Ne dit-on pas : « Un temps de chien. » pour désigner un temps pourri ?

– C’est idiot ce que tu dis ! Un temps de chien est un temps qui convient aux chiens mais pas aux humains simplement parce que les chiens sont des êtres très vaillants capables d’affronter les éléments mieux que les humains.

– Hum… Mais mener une vie de chien n’est-ce pas mener une vie dont personne ne veut ?

– Chacun ses goûts !

– Quand c’est bon à donner au chien c’est sûrement dégueulasse.

– Vu ce que vous bouffez tu pourrais allègrement remplacer chien par chat.

– Etre chien !

– A quoi je te réponds : « Avoir du chien ! »

– Ne pas jeter sa part au chien !

– Qui m’aime aime mon chien !

– Arriver comme un chien dans un jeu de quille !

– Bon chien chasse de race ! Allez du vent ! J’ai d’autres chats à fouetter ! Ah ! ah !

– Se regarder en chiens de faïence !

– Du vent j’ai dit ! Sinon je te rends la monnaie de ta pièce ! Je paye en chats et en rats ! Ah ! ah !

– Aucun problème, moi j’achète chat en poche !

– Certes,… puis tu te rends compte que c’est du pipi de chat !

– Appelons un chat un chat ! N’admettras-tu pas que le péjoratif penche côté chien ?

– Oh ! oh ! Pour être honnête je crois qu’il y a match mais pour te voir débarrasser le plancher je veux bien te donner raison.

– Ah ! Parfait ! A la prochaine alors !

– Ouais c’est ça !

Je m’éloignai tranquillement en marchant sur le mur, pas tout à fait convaincu de ma victoire. J’entendis Odette souffler à George : « Ces deux là s’entendront toujours comme chat et chien ! » Je m’apprêtais à sauter du mur pour rejoindre le chemin menant à la passerelle des quatre vents quand Grumpy m’interpella :

– Hé Darwin ! Le meilleur ami de l’homme te salue ! Hé oui mon vieux ! Bon allez ! Vas t’en avec ta mine de chat fâché ! Oh ! oh ! oh ! oh !

 

J’espère pour vous que si vous avez un chien il est moins pénible que ce Grumpy là ! Il ne m’a pas mis dans les meilleures dispositions pour allez voir les chèvres mais ça je vous le conterai dans mon prochain courrier.

 

Darwin.

3 octobre 2015

Avanti Roploplos !

Chalut.

 

Parfois George s’en va longuement pour son travail et à chaque fois nous lui demandons de nous envoyer une carte postale qu’il adresse à un habitant du bloc qu’on appelle Petit Bonhomme et qui se trouve être le biographe d’Andrea, la fille de qui Odette est la fée attitrée, ce qui explique sans doute pourquoi elle traînait souvent dans le quartier avant de se manifester à moi. On se connaît aussi un peu lui et moi parce que j’ai passé pas mal de temps à l’observer par sa fenêtre à distance raisonnable. Il se trouve qu’un jour je l’ai croisé dans l’escalier. Il était minuit et je descendais dans l’idée de rejoindre Burbulle et P’tit Gris sur le très très gros bloc. Là je tombe nez à nez avec lui. Je rase le mur, passe à ses côtés tandis qu’il me regarde l’air incrédule. J’accélère le pas mais lui m’interpelle : « Hé ! Monsieur Darwin Félix ! Je sors tout juste du cinéma ! Je viens de voir Gasby le Magnifique. Tu sais quoi ? C’est l’histoire d’un type qui a attendu cinq ans l’amour de sa vie et qui en fait tout un plat ! Ah ! ah ! Cinq ans… Petit joueur !… Passons ! J’ai deux mots à te dire Félix ! Toi et la fée arrêtez de mettre le bordel dans ma boite aux lettres !… Sa boite aux lettres, nous étions bien obligés de la fouiller pour intercepter la carte postale de George !

 

J’ignore si la voix de mes zéro lectrices humaines à quelque ressemblance avec celle d’Odette mais si c’est le cas, cela doit être assez pince-oreille pour leurs amoureux. Je ne dirais pas qu’elle chante mal, mais certainement elle chante trop. Quoique son sens de l’improvisation soit louable, son sens de la parodie tourne un peu à l’obsession. Remarquez qu’étant moi-même rarement au fait des versions originales, je ne peux pas toujours juger de sa réussite artistique. Mais alors quand elle est lancée… Elle venait de se réconcilier avec Boobi, du moins je le crois, et revint vers moi avec une idée en tête :

– Tout cela m’a bien chauffé la voix. Tu veux que je te chante une chanson ?

– Ça dépend.

– De quoi ?

– Du style de la chanson.

– Tu connais les Bérurier Noir ?

– Non. Mais je connais bien le dernier album de Rihanna parce qu’il y a une jeune fille sous ma sous-pente qui l’écoute souvent.

– C’est nul ! Mieux vaut que je te chante les Bérus… Disons plutôt ma version de l’Empereur Tomato-Ketchup.

– Qui est-il ?

– On s’en fout ! Ma version s’appelle « Avanti Roploplos ! » et c’est une chanson féministe ! T’as quelque chose contre les féministes ?

– Pas vraiment.

– Tant mieux parce que nous les matous machos on les envoie se faire foutre au Machu Picchu.

– Ah ! oui, le Machu Picchu que l’Empereur Pachacutec fit…

– Silence le chat ! Ni Ketchup ni Pachacutec ! Rois Roploplos ! Attention j’y vais !… Un, deux.

 

Avis à la Population !

Au pays des erreurs du macho « Kès T’as ? »

Les filles sont reines et voici leur règne

Tournicoti, tournicoton…

C’est l’année zéro de la rébellion

L’heure de la révolte a enfin sonné…

L’action féminine est partout enclenchée

Palampalam… Pam Palam Pam Palampalam

Pam Palam Pam Palampalam

Pa palam Pam Pam

 

Les travaux forcés pour les prédicateurs

Qui ont des avis de braquemards en fleur

Dans la capitale une action générale

On est en mission contre tous ces crotales

Un jour les machos qui se croyaient si beaux

S ‘ront ceux qui racolent dans le caniveau

Partout dans les villes, les nanas poursuivent

Les garçons qui bourrent comme des lapins débiles !

 

Palampalam… Pam Palam Pam Palampalam

Pam Palam Pam Palampalam

Pa palam Pam Pam

La chorale des Mômes

 

Et tous ces cochons n ‘pourront plus disposer

De plusieurs femmes pour se faire aimer

Mais toutes les filles pourront se marier

A qui leur plaira et pourront même divorcer

Les garçons violeurs seront pendus par les couilles !

Les zizis-flingueurs seront réduits en nouille !

Aux grands cavaleurs la bite en vadrouille !

Le drapeau en berne devant la patrouille !

 

Palampalam… Pam Palam Pam Palampalam

Pam Palam Pam Palampalam

Pa palam Pam Pam

Les chœurs de la Sagesse des Belles

 

Alors les garçons il faut bien vous tenir

La colère des filles est vraiment terrible

Alors les garçons, il faudra être sages

Si vous voulez pas vous r ‘trouver en cage

Mais combien y a-t-il de filles ligotées ?

Le scotch sur la bouche et les mains liées ?

Mais combien y a-t-il de filles enfermées ?

Et dans les placards, elles crient dans le noir !

 

Palampalam… Pam Palam Pam Palampalam

Pam Palam Pam Palampalam

Pa palam Pam Pam

Les chœurs des Nanas-Soldats

 

Les filles sont armées et sont bien décidées

A zigouiller tous ces glands patentés

A couper l ‘zizi du satyre du lycée

A faire ce qu’elles veulent d ‘leur sexualité

Et à se faire ouvrir toutes les portes du plaisir

Des tas de chatouilles, des cures de désir

En courant toutes nues dans toutes les rues

Drapeau Rose au vent en criant « En avant »

 

Palampalam… Pam Palam Pam Palampalam

Pam Palam Pam Palampalam

Pa palam Pam Pam

La chorale des filles en mission

 

Viva la Révolucion !

Avanti Roploplos !

Hasta la Vittoria !

Las chicas unidas jamas serán vencidas !

Hay, viva las nanas !

Hay viva mes nibards !

Haribo gros lolos, hasta la Vittoria !

Géniale Marie Brizard, quando se bebe aqui ?

Como sé pastis aussi ?

Olé ! Olé ! Olé !

 

Imaginez bien qu’elle ne s’est pas contentée de chanter, elle a beaucoup virevolté aussi sans jamais perdre le contrôle de sa voix, avantage des fées sans doute. Alors vous serez tout de même d’accord pour dire que cette fée là est un peu trop paillarde et je m’excuse pour elle si elle vous choque.

– Ça t’as plu ?

– Un peu.

– Comment ça un peu ? Dis-moi oui ou dis-moi merde ! Hypocrite !

– C’est, comment dire ? Energique !

– Hum… Forcément, tu peux pas comprendre toi ! T’es un garçon ! Je l’ai chantée aux chèvres l’autre jour et je peux te dire qu’elles ont trouvé ça génial !

– Aux chèvres ? Quelles chèvres ?

– Ben les chèvres ! Celles qui vivent pas loin de chez Andrea.

– Il y a des chèvres pas loin de chez Andrea ? Mais pourquoi ne me l’as-tu pas dit ?

– Pourquoi ne m’as-tu pas demandé s’il y avait des chèvres pas loin de chez Andrea ?

– Mais parce que j’ignorais qu’il y avait des chèvres pas loin de chez Andrea !

– Et pis ça fait quoi d’abord ?

– Mais Odette ! Voyons ! En tant que citadin tu comprends bien qu’il me paraisse très intéressant de rencontrer des chèvres !

– Si tu le dis.

– Il faut que j’aille les voir ! Allons les voir dis ?

– Si tu veux… Mais crois-tu pouvoir traverser la Saône sans George ?

– Ah ! oui c’est vrai… George n’est pas là.

– D’autant plus que la Saône est encore très haute en ce moment et… TERRIFIANTE pour les peureux dans ton genre !

– Je ne suis pas peureux ! C’est juste que les fleuves… Si on me noyait !

– Pourquoi on te noierait ?

– On noie les chats Odette ! C’est connu !

– Pas les chats adultes !

– T’es sûre ?

– Evidemment ! Pourquoi noyer les chats quand on peut les manger ?

– ….

– Je blague matou. Vous vous en sortez pas mal, crois-moi !

– Bon… De toute façon George ne devrait pas tarder maintenant.

– Je pense aussi.

– Alors attendons.

– Oui voilà… Tu permets que j’aille m’occuper en attendant ? A moins que je tu veuilles une autre chanson ?

– Oui. Enfin non ! Je veux dire… Occupe-toi si tu veux.

 

La prochaine fois je vous raconterai cette aventure qui me conduisit vers les chèvres.

 

Darwin.

3 octobre 2015

Odette clashe Boobi le chat chatteur de chip-chop

Aventure n°13 / Odette clashe Boobi le chat chatteur de chip-chop.
Chalut.
Cha va ? Moi oui, bien, merci. Dans cette aventure je vais vous raconter ma rencontre avec Boobi. J’étais avec Odette et l’on bavardait de tout et de rien quand soudain vint un jeune chat bizarrement arrangé. Il était noir avec un peu de blanc aux pattes et sur les oreilles, jusque-là rien d’anormal. Sauf qu’il avait aussi des tâches de peintures blanches et rouges sur le dos, arrivées là de manière accidentelle pensais-je avant de connaître le gus. De plus il avait un collier fait d’une chaîne métallique dont les deux bouts étaient reliés par un petit cadenas et à laquelle pendouillait une montre imitation or aux aiguilles cassées. Il marchait au sommet du toit en se dandinant exagérément de gauche à droite. A un moment il s’est arrêté, a pissé de manière ostentatoire puis s’est remis en route pour s’arrêter deux mètres plus loin. Là il s’est couché sur le dos et, tout en se maintenant en équilibre, a fait un tour sur lui-même en jetant deux fois ses pattes vers le ciel. Il s’est relevé et est venu tout près de la cheminée toujours en se dandinant. Je pus constater qu’il avait le poil très rêche et qu’il ne sentait pas la rose mais un mélange de déodorant pour homme et d’eaux usées. Il s’est présenté :

– Chalut ! J ‘m’appelle Boobi.
– Chalut ! D’où t’arrives ?
– D’en bas. Là où j ‘vis quoi !
– Des caves ?
– Des caves et d’ailleurs. Rues, parkings, métro ; égouts surtout.
– Ah ! Alors à part pisser sur mon toit, qu’est-ce qui t’amène Boobi ?
– C’est toi Darwin ?
– Présentement. Et elle c’est la fée Odette.
– Ouais chalut ! Alors c’est ça une fée ? Je voyais pas ça comme cha ?
– Hé matou ! Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de dire une connerie ça vaudra mieux. J ‘suis pas d’humeur !
– Bon Boobi. T’as pas répondu à ma question. Qu’est-ce qui t’amène ?
– Paraît que t’as un blog de chat.
– Ça se pourrait.
– Alors je me suis dit que tu pourrais parler de moi.
– Ah ! Et en quel honneur ?
– Ben… Chuis un artiste. Chuis chatteur, j ‘fais du chip-chop quoi !
– Ah ! du chip-chop ! Je vois, je vois, je vois…
– Moi je vois pas. Je connais le hip-hop mais le chip-chop…
– Ben c’est pareil mais pour les chats quoi !
– Et t’es doué ?
– Ben ouais quoi ! Ben le meilleur au moins ! Vous voulez que je vous chante un truc ?
– Non !
– Mais si Odette ! Hein ? Ce jeune chat est monté jusqu’ici… Ecoutons-le voyons !
– Ben ouais, cool quoi ! Alors j’y vais quoi !… One ! Two !
Chuis chat noir à toute heure, tu sais j ‘porte pas bonheur
Dis-toi bien qu’ j’ai pas peur, est-ce que j’ai l’air d’un chien en laisse ?
Dessous j ‘fais mon beurre, dessous j fais mon beurre
Beurre, passion du beurre, j’ mets ma tête dans ta plaquette
Passe-moi du lait, casse-moi pas les couilles !
J’ kiffe la langue de bœuf tu me connais, y a pas d’ dégoût
Catman dans ces putains d’égouts, pas ceux d’ Paname
Fuck les félins d’ Paris, 69 gravé sur la dalle
Drague, luttes et vigueur, fuck le félin siffleur
Ramolli comme un fruit confit, moi j’ai niqué sa sœur
La Rue j ‘la connais par cœur
C’est crache ou crève, retiens ta chienne et ferme ta gueule
Mister Retriever, ici personne n’a peur des loups loosers
Un gato + dos gatos : deux chats en trop à mon compteur
Yoda m’a dit « Tu m’as fait peur »
Comme depuis j ‘suis devenu chatteur
Chat d’ici ou d’ailleurs, le bitume a l ‘goût d ‘ma sueur

On mord jeunes, on se mord les lèvres
Trop la dalle, les ascaris
Longs comme des spaghettis
Plus jamais on perd ses vers
J ‘tiens ces putes en laisse
J’reviens d ‘loin, j ‘vis sous terre
L’égout tout ce qu’il me reste
Je vis dans l’égout tout ce qu’il me reste

Couplet d ‘gato, la fée peut pas piger !
Bréék ! bréék
Chop ! Chop ! Yo ! Chip ! Chop !
Cy chicha crrr cy chaco chet
Frrruuu fruu cy frrrrii cha
Fruck a crri frou ffrrr frrrr
Aaaahh chachachachachacha Aaaahh
Aahmi Aahmi Aahmimimiouaouaouuuu !
Aaaahh cha ! Aaaahh cha ! Aaaahh chachachachachacha !
Frrrr frrr frrr !
Bréék bréék
Chop ! Chop ! Yo ! Chip ! Chop !
Chip ! Chop ! Yo ! Yo !

– J’ai très bien pigé ducon ! Si jeune et si mal poli !
– Elle parle le chat ? Tu pouvais pas m’ le dire ?
– Elle bluffe.
– Pas du tout ! Entre autres choses aimables il a dit que les fées étaient toutes des putes.
– Ah ! Bon c’est vrai que t’as l’insulte un peu facile tout de même ! Mais tu chantes pas mal.
– Ne t ‘fais pas d’illusion Bibou ! Darwin est un rien hypocrite ! Je peux te clasher ?
– Me clasher ? Moi ? Tu peux pas test la fée !
– Bien ! Alors toi ! Clashe-moi !
– Ok ! T’as un mouchoir ?
– J’ai tout ce qu’il faut ! T’inquiète !
– Yo ! Chip ! Chop ! Yo ! Yo !
Hé ! La fée ! Ton prénom c’est Odette ?
Aussi moche que ta tête !
Je vais t ‘mettre les ailes en miettes !
Après j ‘vais te faire ta fête !
Chuis chatteur de compète !
Faut qu’ t’arrêtes de t ‘la pète !
Tu crois qu ‘tu peux d t’ permettre ?
De défier un esthète,
Dans l’art de la conquête.
Ta défaite s ’ra complète
Délestée d ’tes pépettes
T’auras plus qu’à t ‘faire mettre
Pour rembourser tes dettes !
– Hum… Intéressant. Monorime ? Voyons voir… Alors Bibou…
– Boobi !
– Boobi… Ah ! Boobi Boobi ! Bi bop, bi bap boup…
Six phrasés sous l’caillou, ça veut donner des coups ?
Tout doux, mon minou, laisse-moi tourner l’écrou
Maigre comme un clou, le chien Milou, aurait niqué ton crew
Tu rappes, en voyou, faudrait s ‘mettre à genoux ?
T’es pas fou ? Tes miaou, ça fait gueuler les loups
Boobi ou Bibou, on n’entend que des Bouhhhhh !
Car ton art, entre nous, me déroute à l’écoute
Des relents, dans la toux, du trente-sixième dessous
Ton talent, fut soufflé, par un coup de grisou
Sans bagout, chat-minou, t’as trop bouffé du mou
Après tout, on s’en fout, tu dégages, allez zou !
Le matou et ses poux, s’en retournent à l’égout.

– Akkrrr Akkrrr frrrr frrrr. Achachachachachacha… pfrrrr… Ah…
– T’es pas très gentille Odette !
– Il va s’en remettre.
– Akkrrr… Quoi ? Tu crois qu’ tu m’as clashé là ? Attends ! Yo !
Hé ! Oh ! Yo ! Chip ! Chop ! Hé !
Yo la fée ! Yo !
Tu t’appelles fée Odette ?
En fait que dalle !
Retourne vite dans ta malle !
Ton rap est féodal !
Décédé d ‘puis un bail
Appelle le FBI !
Avant de crier « Aïe ! »
Quand j ‘t’aurais mise à mal
Tu seras la fée des râles !
Ou bien est-ce la fée selles ?
Car ton flow s’ fait la belle
Du côté du trou de balle
Ôte-moi vite ce futal !
Une fois déculottée
On t’appellera fée C !
Oh ! Oh ! Arfff ! Arfff ! Pfrrr ! Pfrrr ! Arfff ! Arfff !…

Boobi était parti dans un méchant fou-rire et Odette le regardait l’air consternée. Je me suis contenu, son rire étant contagieux, je ne voulais pas me fâcher avec Odette. Elle l’a laissé reprendre ses esprits avant d’en remettre une couche :

– Bibou, Bibou… Mon petit Bibou
Tu vises aux disques d’or
Quand tu rappes, j’ m’endors
Ni or ni platine, toi tu côtoies l’abîme
Bling-bling sans standing car dans tes chimères
On n’a vu que la pierre de ta mise en bière
Ta rime est vulgaire mais surtout d’hier
T’as fourbi tes armes, y a rien qui t’alarme ?
Tout ce que tu balances, des couteaux sans lame
Ca sent la carrière éclair à la Diam’s
Chut !...
J’ l’entends déjà qui rend l’âme
Mâche du vent, aucun relent d’IAM !
Vraiment…
T’es chat noir à toute heure, es-tu noir sur le cœur ?
Tes yeux montrent ta pâleur
T’as une montre mais pas l’heure
Une breloque dont tout le monde se moque
Même le mac avec qui t’as fait du troc
Qui se pique d’un tas de bestioles en stock
Tiques et toc sont les Chakras du chat crade
L’époque pathétique est au pire en pratique
Le chic est au moche et sans rire a ses rites
Des shoots aux médocs et du peint sur la poche
Les neurones en loques à trop chopper des loches
Chip-chop pas de potes mais ça poque et se poke
Pour des pitchs indécis et des speechs imbéciles
Plus rien n ‘me choque…
Psssit ! Viens par ici que j ‘t’explique !
Pssshit m’a fait le rap gangchat
J’fais pas la queue des petites chattes qui prennent bas
Celles qui triquent à l’Amérique Bullshit
Nommées « Ronger Rabbit » à trop sucer des bites
Là, tu vois, j’en ai autant pour toi
Tu rappes mais c’est pas ça
Désolée si j ‘bande pas !

Boobi a ouvert de grands yeux furieux, s’est retourné et s’en est allé, toujours en se dandinant et pissant ça et là au gré de sa marche, ce qui fit brailler Odette :
– Et les gouttières ? C’est pour les chiens ?
Boobi a tracé sa route.
– Odette, Ce n’était pas la peine d’être aussi cruelle !
– Qu’est-ce qu’on s’en fout ? C’est une caille-rat ! Beaucoup plus rat que caille, j ‘te l’accorde ; ça vole pas haut !
– Tu te trompes Odette. Il est juste un peu perdu. Et s’il est vrai qu’il vit dans les égouts, alors il a bien du courage.
– C’est bien ce que je dis, c’est un rat. N’y vois aucun jugement de valeur !
– Non c’est un chat. Mais qui s’en sort dans un milieu hostile. Il n’est pas très poli, c’est vrai, mais il ne faut pas prendre les paroles du chip-chop pour argent comptant. C’est un mode d’expression avec ses excès de langage. Il ne pense pas tout ce qu’il dit.
– Moi non plus je ne pensais pas tout ce que je disais.
– Eh bien tu devrais aller le lui dire et t’excuser.
– En quel honneur ?
– Mais pour qu’il ne se sente pas rejeté pardi ! Comment veux-tu qu’on évolue si chacun rumine dans son coin ?
– C’est pas mon problème !
– Que tu crois ! Aller… va donc lui demander pardon !
– Tu devrais savoir que je déteste faire ce qu’on me dit !
– Ah !… Alors reste là et ne demande surtout pas pardon !
– C’est exactement ce que je comptais faire. Ravie de te l’entendre dire.
Elle est restée bras croisés, suspendue dans les airs un bon moment, triomphante. Enfin elle est partie en disant :
– Aller, j ‘te charrie ! M’en vais te le remettre sur les bons rails ce Bibou !

Je ne sais pas ce qu’elle lui a dit mais je l’ai revu ensuite et les choses étaient arrangées.

Darwin.

3 octobre 2015

Le cas Steve Bartman

Chalut.

Je pense qu’aucun de mes zéro lecteurs humains n’est devenu expert en Baseball à la lecture de mon dernier billet, pas plus que moi d’ailleurs, mais nous en savons suffisamment pour comprendre la mésaventure qui arriva à Steve Bartman, un jeune homme de 26 ans, fan absolu des Cubs. Nous sommes le 14 octobre 2003, les Cubs sont en finale de la league nationale contre les Marlins de Miami. Cinq matchs ont déjà été joués et les Cubs mènent trois victoires deux. Il leur reste deux matchs à domicile pour tenter d’empocher cette quatrième victoire qui les enverrait aux World Series. Les supporters sont fébriles mais pleins d’espoir, le stade est bondé. Steve Bartman est venu en compagnie d’un couple de ses amis, ils ont de très bonnes places, au premier rang des gradins latéraux côté troisième base, en territoire des fausses balles donc mais non loin du territoire des Home Run. Steve porte une casquette des Cubs et un polo de la petite équipe de quartier dans laquelle il entraîne des jeunes. Il a des écouteurs car il écoute parallèlement les commentaires du match à la radio. Dans cette partie les défenses ont pris le pas sur les attaques et à l’entrée de la huitième des neufs manches les Cubs mènent trois à zéro. Il y a donc seulement trois batteurs des Cubs qui ont réussi à faire un tour complet du circuit et aucun des Marlins. Vient la huitième manche, les Cubs en défense ont déjà réussi à éliminer un batteur, les spectateurs sont surexcités, stressés, ils font le compte des batteurs à éliminer pour aller aux World Series : plus que cinq ! On le dit, en baseball, surtout quand le match reste serré, on ne doit pas faire le décompte des éliminations de batteurs, par superstition et parce que la situation peut vite s’inverser. Oui mais on le fait quand même ! Pour les Marlins vient à la batte le dénommé Luis Castillo. Il saisit sa chance, frappe une balle longue et haute dans l’espoir d’un Home Run. La balle part sur la gauche, le stade comprend qu’elle va sûrement sortir du côté des fausses balles et se rassure. En défense Moisès Alou suit la balle et courre vers les gradins dans l’espoir de pouvoir la rattraper, car souvenez-vous, si la balle est rattrapée de volée le batteur est éliminé, tandis que si elle sort simplement en fausse balle, il aura encore sa chance. La balle redescend pratiquement à l’aplomb du mur, tous les spectateurs se lèvent de concert, lèvent les bras, certains pour tenter de la saisir, d’autres pour ne pas être frappés par les premiers ou recevoir la balle en pleine tête. La trajectoire est incertaine en raison du vent. Moisès Alou pense pouvoir la capter, il se détend, allonge le bras par-dessus le mur… mais la balle ne vient pas à lui car Steve Bartman l’a touchée sans pour autant l’attraper. La balle roule entre les bancs du premier rang, Steve tente de ramasser son dû, trop tard, elle est dans les mains d’un certain Jim qui la brandit, hilare. Moisès Alou est furieux, jette son gant, hurle sa rage : « J’aurais pu l’avoir ! » Le stade comprend qu’un spectateur l’a empêché dans sa tentative d’éliminer Luis Castillo : « Oui ! ON aurait pu l’avoir ! » L’ambiance devient soudainement irrespirable. Les Cubs demandent une interférence à l’arbitre, qui la refuse, sans doute à tord, arguant que la balle était bien dans les gradins et que le spectateur avait le droit de la toucher. Oui possiblement, et si le défenseur avait été un Marlins, le spectateur serait à cet instant acclamé en héros. Tandis que les amis de Jim lui conseillent de faire profil bas, Steve Bartman comprend peu à peu la portée de son geste. Dans les gradins on se passe le mot : « Qui l’a touchée ? » « Le garçon à la casquette bleue et au col vert. » « Ah ! c’est donc lui ! Le traître ! Que quelqu’un lui casse la gueule ! » Il n’y a pas d’écran géant dans le stade mais le diffuseur repasse l’action en boucle et une clameur venue de l’extérieur finit par retentir à l’intérieur du stade : « Asshole ! Asshole ! Asshole ! » Voyez ce qu’il reste du Friendly Confine, une enceinte qui se laisse glisser dans une haine irrationnelle au lieu de continuer à encourager son équipe. Après tout rien n’est perdu puisque les Cubs mènent toujours trois à zéro… Oui mais voilà ! La malédiction de la chèvre est de retour ! Luis Castillo va profiter de la nouvelle chance qui lui est offerte pour permettre aux Marlins de marquer leur premier point. Puis un défenseur des Cubs manque une occasion en or de conclure la huitième manche par un raté inhabituel. Les Marlins vont revenir dans la partie. Les joueurs qui ont fait des erreurs, et dans d’autres circonstances auraient dû porter le chapeau, seront bien heureux de voir la diversion opérée par le cas Steve Bartman. Quand il a entendu à la radio que son geste malheureux avait sans doute fait basculer le match, quand il a compris que les insultes proférées l’étaient à son égard, Steve est resté assis sur sa chaise, regardant la suite du match sans en mémoriser un geste, sans enlever ses écouteurs, sans parler à ses amis encombrés de sa présence. Un voisin de siège lui tend sa carte de visite de façon ironique en lui disant : « Tu te rends comptes de ce que tu as fait ? » Steve la refuse, demande simplement à d’autres voisins s’ils pensent qu’il a fait quelque chose de mal. Ils lui répondent que non, que tout le monde aurait fait la même chose, au fond tous soulagés de ne pas avoir touché la balle et sans manifester plus de solidarité. Quand le match est définitivement perdu la colère collective monte d’un cran, les insultes se multiplient « On va te tuer ! » des morceaux de papiers, de pizza, volent dans la zone de Steve. Un fan descend de plusieurs rangs à seule fin de lui jeter sa bière au visage. Steve s’essuie, triste, d’une tristesse à faire pleurer, mais digne. Il aurait fallu qu’il soit lui-même une brute, qu’il s’insurge dès le début, qu’il prenne ses voisins à partie : « N’as-tu pas toi-même essayé de toucher cette balle ? Et toi ? Et toi ? Quelle différence cela fait entre vous et moi si cette balle est tombée sur moi ? » Il aurait fallu qu’il cogne la première personne osant mettre en doute son amour des Cubs. Ainsi il aurait été évacué des gradins pour une échauffourée et tout le monde aurait compris qu’il n’était pas disposé à servir de bouc émissaire. Mais Steve est un garçon discret, peu expansif, peu querelleur, il garde ses écouteurs, reste assis, il est un bouc émissaire parfait. Les responsables du stade comprennent que sa vie est en danger, c’est qu’ils le lyncheraient ces salauds là, ils décident de l’évacuer, lui et ses amis. Bien entouré il traverse des couloirs pleins d’hostilité, des bras se tendent pour tenter de lui ôter sa casquette, les mots sont abjects : « Mettez-lui un flingue dans la bouche et tirez ! » Ses « amis » s’éclipsent discrètement pendant qu’on le met à l’abri. Sur les lignes des radios locales les auditeurs viennent chanter leur haine, car oui, pour les fans c’est certain, sans lui, les Cubs auraient gagné ce match. Pendant ce temps Steve est fagoté en stadier, emmené incognito dans un hôtel tandis que, souvent à seule fin de moquerie, les médias se déchaînent sans mesurer le poids destructeur des mots. Le lendemain matin, ses noms, adresse et employeur sont divulgués. La police envoie six véhicules garder sa maison. Steve fait passer un communiqué dans lequel il fait part de sa désolation d’avoir causé tant de peine aux fans des Cubs, sans minimiser la portée de son geste mais simplement en expliquant qu’il avait eu les yeux rivés sur la balle et n’avait pas perçu l’effort de Moisès Alou pour la rattraper. Parallèlement il reçoit le soutien des jeunes joueurs qu’il entraîne et tous ceux qui le connaissent le décrivent comme un garçon adorable. Devant le déferlement de haine dont il est l’objet les Cubs se sentent tenus de prendre sa défense, arguant que ce n’était qu’un fait de match comme un autre et qu’ils n’auraient pas nécessairement gagné sans cela. Rien n’y a fait, Steve Bartman est devenu célèbre malgré lui, icône culturelle mangée à toutes les sauces mais bannie à jamais du Wrigley Field. On a tout dit sur lui, qu’il avait déménagé en Angleterre, en Californie, qu’il payait toujours tout en liquide. En Floride où on a gardé un bon souvenir de lui, les fans des Marlins lui offrant même des cadeaux, le gouverneur lui a paraît-il proposé « l’asile politique. » Les demandes d’interviews ont été nombreuses, il les a toujours refusées et n’a jamais monnayé son infortune bien qu’elle lui ait beaucoup coûté au-delà de simples considérations financières. Steve est un solitaire, un bouc émissaire parfait. Ce n’est peut-être pas à vous que je vais apprendre l’origine du bouc émissaire mais, puisque l’explication me fut donnée dans ce même reportage, je l’expose pour les fées, mouettes et chats lecteurs de mon blog. On dit que dans l’antiquité un bouc innocent était mené auprès d’un prêtre. Celui-ci apposait ses mains sur sa tête afin de transférer en lui les pêchés de son peuple. Puis le peuple insultait copieusement le bouc. On sortait le bouc de la ville et on fermait les portes pour qu’il ne revienne jamais (plus probablement on s’assurait de son trépas rapide.) Le reportage soulignait la troublante similitude avec Steve Bartman, jeté hors le stade sous les injures. Pauvre Steve, pauvre bouc émissaire.

Hé ! mais… attendez ! Les Marlins ont gagné le sixième match pour égaliser à trois victoires partout. Mais il en faut quatre pour gagner une série ! Il restait donc une chance aux Cubs de l’emporter, pas plus tard que le 15 octobre 2003 et toujours au Wrigley Field. S’ils en ont gagné trois, pourquoi pas un quatrième ? Ils ne vont pas le gagner car les joueurs, les fans, les journalistes… tout le monde se raccroche à ses superstitions. Moisès Alou, qui est dominicain, a même déjà réservé son avion pour le 16. Quand à Jim, celui qui a récupéré la balle, il se dit que si les Cubs gagnent le septième match, tout le monde oubliera Steve Bartman. Mais il songe au prix de cette balle si les Cubs perdent. En effet les Cubs, convaincus de perdre, perdent. Et en effet, la balle de Jim vaut de l’or, 113000 dollars plus exactement, acheté par le propriétaire d’un grand restaurant pour la détruire lors d’un fastueux cérémonial et toujours dans l’idée de conjurer le sort. Si Steve Bartman est un parfait bouc émissaire, cette année là les joueurs et le public des Cubs furent vraiment des chèvres pour ne pas avoir cru plus que ça en une victoire qui leur tendait les bras. Qui croit à la malédiction sera maudit !

Darwin

3 octobre 2015

Darwin et la malédiction de la chèvre

Chalut.

Aujourd’hui je vais vous parler de Baseball. Non pas parce que ce sport m’intéresse beaucoup, je le trouve assez ennuyeux, mais parce que j’ai vu un reportage qui m’a fait un peu réfléchir. Au dernier étage d’un immeuble de la rue Emile Zola se trouve un type qui regarde beaucoup la TV et presque exclusivement du sport. Il y a là un avant-toit où je peux m’installer confortablement et regarder avec lui quand j’y trouve un intérêt. Comme il fume beaucoup sa fenêtre est toujours ouverte, ce qui me permet de bien entendre les commentaires. On passait donc ce reportage dédié aux Cubs de Chicago, une équipe historique de la League Nationale de Baseball, ou plutôt à l’un de ses fans malheureux. Il vous faut savoir qu’aux Etats-Unis il y a deux ligues de baseball, la Nationale et l’Américaine. Les champions de chaque ligue se rencontrent dans les World Series, un terme prétentieux puisqu’il ne s’agit que des Etats-Unis et non pas du monde entier mais qui reste le Graal absolu en matière de baseball. Les Cubs jouent dans un très vieux stade nommé Wrigley Field et ils ont eut beaucoup de succès durant la première moitié du vingtième siècle, notamment avant la première guerre mondiale, gagnant par deux fois les World Series. S’ils sont toujours aussi populaires les Cubs sont depuis longtemps devenus une équipe de loosers ; on attribut cette incroyable disette à une malédiction : la malédiction de la chèvre !

6 octobre 1945, Mr William « Billy Goat » Sianis, propriétaire de « The Billy Goat Tavern » veut aller encourager les Cubs qui jouent les World Series contre les Tigers de Détroit et mènent deux victoires à une après les trois premiers matchs joués à Détroit. Il ne leur manque donc que deux victoires à domicile pour empocher la série. William Billy Goat Sianis a tout comme vous la passion des chèvres et se persuade qu’elles sont un parfait porte-bonheur pour son équipe fétiche. Il achète donc deux places et se présente avec Murphy, une de ses chèvres, à l’entrée du stade. Les contrôleurs lui refusent l’entrée arguant que le stade est interdit aux animaux. Furieux Billy en appelle à PK Wrigley, le propriétaire des Cubs. A son tour celui-ci répond que Billy peut entrer mais pas Murphy. « Pourquoi pas elle ? » s’insurge Billy. « Parce qu’elle pue ! » lui répond Wrigley. Selon la légende Billy serait parti furieux en brandissant un bras vengeur et criant : « Cette équipe ne gagnera plus jamais les World Séries tant que les chèvres ne seront pas admises au stade! » Selon d’autres témoignages Billy aurait envoyé le télégramme suivant à Wrigley après le match : « Vous allez perdre cette série et vous ne gagnerez plus jamais le championnat ! Vous ne le gagnerez plus jamais parce que vous avez insulté ma chèvre ! » ou bien cet autre : « Qui pue maintenant ? » une fois les Cubs défaits. Quoiqu’il en fut les Tigers de Détroit gagnèrent effectivement trois matchs au Wrigley Field et furent sacrés champions au nez et à la barbichette des Cubs. Pis, non seulement les Cubs n’ont plus jamais gagné les World Séries mais ils ne les ont plus atteintes depuis 1945. Ainsi la malédiction de la chèvre hanta peu à peu l’esprit des fans des Cubs. Ceux-ci n’en perdirent pas leurs bonnes manières car le Wrigley Field est communément appelé « The friendly confine » , un stade amical en somme… prétendument.

A toute malédiction supposée s’opposent des tentatives de conjurer le sort. En 1969, un an avant sa mort, Billy Goat prétendit que la malédiction était levée et les Cubs firent une saison magnifique et possédaient une confortable avance sur les Mets de New-York début septembre. Le 9 septembre les Mets sont déjà sur les talons des Cubs suite à plusieurs défaites inattendues de ces derniers. Les Cubs rendent justement visite aux Mets. Comme si les malheurs des Cubs liés aux chèvres ne suffisaient pas, les Mets lancent leur propre arme vivante dans la bataille. Une poule avec des dents ? Non non ! Un chat noir, tout noir, et presque aussi beau que moi, sort de nulle-part, se dirige vers le marbre là où se trouve le batteur des Cubs, fait un tour complet du joueur avant de passer derrière le banc de l’équipe et de disparaître. Le coup de grâce ! Il est notoire que nous les chats noirs sommes des porte-bonheur, le porte-bonheur des Mets en l’occurrence. Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, les Cubs ont perdu leur baseball et s’écroulent définitivement pour finir la saison à dix victoires des Mets. En 1973 le neveu de Billy, Sam Sianis se rendit au stade avec Socrates, descendant de Murphy, arborant une cape rouge sur laquelle était inscrit : « Tout est pardonné. » On lui dénia le droit d’entrée. En 1984 les nouveaux propriétaires des Cubs invitèrent Sam Sianis et l’une de ses chèvres à parader sur le terrain lors du premier match de la saison. Les Cubs réalisèrent leur plus belle année depuis 1945 et ne perdirent qu’en finale de la ligue Nationale mais sur un raté grotesque d’un défenseur qui laissa penser que la malédiction œuvrait encore. En 1989 Sam Sianis fut de nouveau invité à parader avec une chèvre et les Cubs firent une brillante saison régulière mais déçurent une fois de plus au moment important. En 1994 le début de saison fut catastrophique, à tel point que la foule réclama Sam et sa chèvre : « Let the goat in ! » Sam a connu bien des égards dans sa position de neveu de Billy mais il a affirmé que la malédiction ne pourrait être levée que si les propriétaires des Cubs laissaient les chèvres entrer au stade avec une réelle affection pour elles et selon leur propre envie d’y venir plutôt qu’à des fins publicitaires. Depuis la malédiction a parfois tourné vaudou, comme ce 10 avril dernier où le propriétaire des Cubs reçut par la poste une tête de chèvre. Certains fans ont aussi espéré inverser la malédiction en tentant de forcer l’entrée d’un autre stade en compagnie d’une chèvre ; ainsi, certains d’être refoulés, ils pensaient déplacer la malédiction de la chèvre sur leurs adversaires. Mais la malédiction est tenace et elle semble avoir pris une dimension supplémentaire à la faveur d’un fait de jeu survenu en 2003, année de la chèvre.

Je ne comprends pas grand chose au baseball mais je crois pouvoir résumer simplement certains principes. Le jeu se déroule en 9 manches et durant chaque manche les deux équipes sont tour à tour en attaque et en défense. La défense à la balle, le lanceur doit tenter de la passer au receveur qui se trouve derrière le batteur adverse. Le lanceur ne peut pas lancer n’importe comment mais dans une zone jugée par un arbitre et où la balle doit être accessible au batteur. Si le lanceur lance régulièrement en dehors de la zone, le batteur n’aura même pas besoin de toucher la balle pour avoir le droit d’accéder à la première base. Si par contre le lanceur lance trois fois dans la zone et que la balle parvient au receveur, alors le batteur est éliminé. Si le batteur parvient à taper la balle alors il peut disposer d’un certain temps pour courir vers la première base voire la seconde, ou la troisième. Pour cela il doit envoyer la balle dans les limites latérales du terrain, territoire des bonnes balles, là où des défenseurs pourront tenter de la rattraper et de la renvoyer vers une des bases. Si la balle sort des limites latérales du terrain, c’est une fausse balle, le batteur aura d’ordinaire une nouvelle chance sauf dans certains cas qui nous intéresseront plus tard. Lorsque la balle est bonne, le batteur doit arriver à la base qu’il vise avant que la balle ne parviennent dans les gants d’un des défenseurs qui gardent les bases, sinon il est éliminé. Parvenu sur l’une des trois bases, le batteur attend un coup d’un autre batteur de son équipe pour tenter de progresser vers la base suivante selon les mêmes principes. Chaque attaquant parvenant au marbre, l’endroit d’où il est parti en position de batteur, marque un point. Une manière efficace de marquer des points est le Home Run. Si le batteur parvient à frapper suffisamment haut et loin pour faire sortir la balle dans la profondeur du terrain (mais toujours dans les limites latérales) alors il aura tout le temps nécessaire pour passer toutes les bases. S’il y a déjà d’autres batteurs sur les bases ils finiront eux aussi leur tour et plusieurs points seront marqués ainsi. C’est un coup difficile et risqué car si un défenseur parvient à attraper la balle de volée sans qu’elle touche le sol, alors le batteur est éliminé même s’il a atteint une base. La défense doit éliminer trois batteurs pour mettre un terme à l’attaque.

Dans les petits stades un simple grillage peut marquer les limites du stade. Dans les stades assez grands il y a des gradins sur les côtés parallèles aux bases 1 et 3 mais également assez souvent des gradins surplombant un mur délimitant le fond du terrain. Rien n’interdit à un défenseur de tenter d’attraper la balle par-dessus le mur. Non seulement il peut tenter de le faire par-dessus le mur du fond du terrain pour éviter un Home Run, mais également sur les côtés, pourtant territoire des fausses balles. En effet, même dans le territoire des fausses balles un arrêt de volée signifie l’élimination du batteur. Les possibilités d’attraper une balle par-dessus le mur restent limitées par la faible détente des humains, très handicapés en la matière. Un balle arrivant dans les gradins sera donc généralement captée par un spectateur et celui qui y parvient peut se la garder en souvenir, sous les applaudissements. Tout fan de baseball espère un jour avoir cette chance. Cependant les spectateurs n’ont pas le droit d’attraper une balle en avançant leur bras par-dessus le mur, empêchant ainsi le défenseur de le faire, sinon il y a interférence et les arbitres peuvent accorder l’arrêt de volée. J’espère avoir été simple et concis pour un jeu qui ne l’est guère, une compréhension très minimale est nécessaire pour la lecture de mon prochain billet.

 

Darwin.

3 octobre 2015

Khan, chat persan

Chalut.

 

Un jour j’ai repéré une famille de chats sur le bloc sis de l’autre côté de la rue des Archers… pas le très gros bloc, le moyen gros bloc. Trois chats, deux adultes et un encore très jeune, très proches physiquement, de race persane si je puis utiliser une catégorisation trop humaine à mon goût. Hélas il faut bien l’admettre, la variété actuelle du monde du chat est largement due à l’intervention humaine mais nous ne nous interdirons guère de remettre tout cela à plat lorsque vous aurez disparu de la surface de la terre. Pour votre information sachez que je me considère d’ailleurs issu d’une race réputée naturelle, le chat européen, bien qu’ayant vraisemblablement aussi un autre lignage dont j’ai nécessairement tiré le meilleur. Il faut le dire, je suis d’une très grande beauté et ma robe noir de jais est absolument splendide. Au fait, je me suis pesé dernièrement sur une balance électronique lors d’une petite exploration d’appartement et si elle est fiable, ce que je crois, il semblerait que je pèse actuellement 6 kilos et 200 grammes. Donc si je fais 6,2 kilos, cela fait pas mal de kilos de grammes pour un européen. Revenons à nos chatons. Donc les persans d’en face sortent parfois sur le toit par un Velux. Les deux adultes ne restent jamais trop longtemps, le jeune semble plus intéressé par l’extérieur bien que manifestant un profond ennui si j’en crois ses mimiques. Un certain mardi le temps ne se prêtait guère à un petit roupillon sur une cheminée, je décidai de passer en face pour bavarder un peu avec ce jeune dépressif. Ce fut fait, non sans difficultés. Une fois sur le toit, je m’avançai vers lui en feignant de passer tranquillement par-là. Il m’a regardé venir avec un peu d’inquiétude dans le regard mais n’a pas bougé.

– Chalut !

– Chalut !

– Je m’appelle Darwin. Du toit d’en face.

– Oui oui. Je vous ai reconnu. Moi c’est Khan.

– Depuis quand vis-tu là ?

– Septembre dernier. Mais, un chat là, on ne restera pas longtemps, un chat là !

– C’est un appartement très bien situé… et avec Velux, que demander de mieux ?

– Que demander de mieux ? Mais monsieur ! Mes parents sont du pays du soleil. Un chat là, on y retournera bientôt, un chat là !

– Oui c’est vrai que le soleil se fait souvent désirer. Mais ce n’est pas tous les ans comme ça. Cependant, l’an dernier, ce mardi-là il pleuvait aussi.

– Ah ! vous voyez !

– Oui mais le samedi suivant il faisait 28 degrés !

– Vous vous rappelez de la météo de chaque jour ?

– Oui bien sûr.

– Eh bien je vous parie qu’il pleuvra samedi. Un chat là !

– Soit ! Et donc ? Est-ce une raison pour être morose ?

– Oui.

– Tu es vraiment baromatique. Pourtant il y a plein de choses à faire quand il pleut. Voudrais-tu me suivre pour te balader ?

– Non car j’ai froid.

– Quoi ? Avec tous les poils que tu as. Si tu as froid c’est parce que tu restes là tout recroquevillé.

– De toute façon je ne peux guère m’éloigner car les autres chats de ce toit ne m’aiment pas. Ils se moquent de moi !

– Ça m’étonne beaucoup ce que tu me dis là.

– Mais si monsieur ! Ils me traitent d’étranger à face plate !

– Oh !

– Vous trouvez que j’ai la face plate ?

– C’est à dire que… je…

– J’en étais sûr ! Les chats d’ici sont racistes !

– Mais pas du tout ! Ça n’a rien à voir ! C’est juste affaire de goût.

– Dites que je suis moche pendant que vous y êtes !

– Ce n’est pas ce que j’ai dit. Et je serais curieux de savoir qui t’a traité d’étranger.

– Le deux européens du troisième Velux vers le sud. L’un est tigré et l’autre noir et blanc.

– Je vois. Voudrais-tu qu’on aille leur dire notre façon de penser ?

– Non.

– Pourquoi ?

– Parce que quand vous serez parti ce sera pire.

– C’est mal connaître le pouvoir de persuasion des chats de gouttière. Et puis tu ne dois laisser quiconque te traiter d’étranger ! N’es-tu pas né ici ?

– Si.

– Et n’as-tu jamais entendu parler du droit du sol ?

– N’essayez pas de me faire avaler des couleuvres, monsieur ! Ah ! vivement que nos humains s’en retournent au pays !

– Que font-ils vos humains ?

– L’homme est diplomate et sa femme le suit là où il va. Un chat là, il y aura de nouveaux bouleversements politiques et il sera rappelé au pays. Un chat là !

– Au fond, toi tu n’as jamais été plus loin que le troisième Velux.

– Par force.

– Mais peut-être que si tes humains s’en retournent au pays, il n’y aura pas même un toit sur lequel sortir.

– Il y aura beaucoup mieux ! Nous avons une grande maison avec un grand jardin ! Et de grands arbres ! Et le soleil brille plus de trois cents jours par an ! Un chat là, je le verrai le pays du soleil, un chat là !

– Alors c’est tout le mal que je te souhaite. Mais tu sais… peut-être que cela n’arrivera pas de sitôt et tu ne peux pas passer tes plus belles années à te morfondre. Tu ne peux pas laisser les autres te traiter d’étranger et t’empêcher de te promener sur le bloc ! Ne laisse jamais personne, mais vraiment personne, te traiter d’étranger !

– Facile à dire ! Déjà qu’on me traite de face plate, si en plus je me fais raboter le portrait.

– C’est un risque à courir. Mais s’il ne s’agit que de faire ton chemin sur ce bloc de chats embourgeoisés, dis-toi que le risque est minime… tant que tu ne cours pas après les minettes bien sûr.

– Oh ! cela n’est pas près d’arriver.

– Pourquoi ?

– Parce qu’à ma connaissance il n’y a pas de persane ici.

– Mais si ! Il y a Dentelle. Elle vit au fond du bloc.

– Dentelle ? Oui je vois. Mais elle est mélangée.

– Oh ! Pourtant elle te ressemble beaucoup.

– Vous n’êtes peut-être pas capable de reconnaître une pure persane mais moi oui !

– Et qu’est-ce que ça change ? Dentelle est très belle et sympathique et elle ne te traitera jamais d’étranger.

– Je vous l’accorde. Elle est venue une fois nous amener du foie.

– Eh bien voilà ! Tu as donc une amie.

– Non car mes parents l’ont chassée.

– Et pourquoi donc ?

– Mais monsieur ! Chez nous nous ne mangeons pas de foie !

– Vous ne savez pas ce que vous perdez mais après tout, c’est votre problème. Lève-toi et suis-moi ! Qu’on te voie en balade avec un De Gouttière sera déjà un gage de tranquillité pour toi. Les De Gouttière sont une famille respectée… sinon par les humains du moins par les chats.

– J’aimerais mieux pas car vous m’avez l’air un peu casse-cou. D’ailleurs, comment avez-vous fait pour monter jusqu’ici ?

– J’ai pris par un trou de rats, puis par les égouts, puis par un trou de rats, puis par une gaine, puis par un escalier, puis une gaine de nouveau. Ah ! il est vrai que c’est de plus en plus compliqué, fors les échafaudages qui sont aux chats ce que l’ascenseur est aux humains, toutes ces réfections d’immeubles nous ferment beaucoup de chemins d’accès. Heureusement nous vivons une époque de gens pressés. Ils veulent de beaux immeubles mais ils veulent du vite fait bien fait. Le fait est que c’est souvent bien fait en apparence. Qui se soucie vraiment de l’intérieur d’une gaine que personne ne voit jamais sinon des techniciens de télécommunication ? Alors assez souvent je me huche dans une gaine, ce qui demande néanmoins quelque aptitude physique.

– Et comment rentrez-vous dans la gaine ?

– Eh bien désormais j’ai une fée qui m’aide beaucoup en ce sens. Sinon je fais comme tous les chats, je fais appelle au service des rats.

– Des rats !

– Oui car ils savent creuser des trous… surtout dans les matériaux faussement solides. Vive le placoplâtre et le contreplaqué !

– Et ils demandent quoi en échange ?

– La paix.

– Vous croyez que je saurais me hucher dans une gaine moi ?

– Sans doute… mais de toute façon, pour un chat d’appartement, les escaliers sont souvent plus faciles d’accès. Veux-tu que je te montre comment on se huche sur cette cheminée de briques ?

– Je veux bien.

– Il faut s’aider avec l’antenne… regarde !

Je lui fis l’étalage de mes talents de grimpeur.

– Tu devrais monter, on voit mieux d’ici.

– Je ne crois pas que je saurai faire ça.

– Simple question d’entraînement. Pour autant je n’arrive pas à monter partout.

Je redescendis vers lui d’un bond.

– Alors ? Viens-tu ?

– Non car ma mère ne veut pas.

– Elle ne veut pas quoi ?

– Que je traîne avec des étrangers.

 

Croyez-moi ! J’en suis resté couillon.

 

Darwin.

 

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Darwin Le Chat
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