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Darwin Le Chat
25 août 2019

Loulou Léonard vs Godillot

Les entretiens citoyens de Loulou Léonard, député de la 15ème circonscription du Rhône.

Objet : Déplacements urbains et écologie.

Citoyen : Monsieur Godillot, piéton.

Date : 25 janvier 2019.

 

– Alors Mr Godillot, qu’est-ce qui vous amène ?

– La peur, c’est à craindre.

– La peur ?

– Mais oui ! Je vis dans une peur permanente à cause des autres !

– Les autres ?… Tous les autres ?

– Non pas tous les autres. J’ai surtout peur des camions, des voitures, des motos, des scooters, des vélos, des trottinettes, des planches à roulettes, des poubelles, des fauteuils roulants, des poussettes, des caddies, des chiens en laisse…  mais de certains piétons aussi,

– Rien que ça ? Mais alors vous vivez dans la peur… depuis toujours ?

– Oh non ! Avant la peur était intermittente ! Quand il s’agissait de traverser quelques carrefours infranchissables par exemple.

– Des carrefours infranchissables ? Je ne vois pas. Vous n’essayiez tout de même pas d’aller à pied sur des échangeurs d’autoroute ?

– Oh non ! Je vous parle de carrefours avec des passages piétons !

– Comment pourraient-ils être infranchissables s’ils ont des passages piétons ?

– Mais parce que les véhicules ne s’arrêtent pas pour vous laisser passer pardi !

– Ah !… Oui je vois ce que vous voulez dire. Mais enfin, il faut se lancer vous savez, si les automobilistes n’ont pas la courtoisie de s’arrêter cela ne veut pas dire qu’ils vont vous rouler dessus une fois que vous vous serez engagé.

– Bien sûr qu’ils vont me rouler dessus ! Vous savez combien de mètres il faut pour qu’un simple scooter s’arrête lorsqu’il est lancé à 50 km/h ? Sachant qu’en plus aucun ne respecte les limitations de vitesse !

– Vous exagérez !

– Non je n’exagère pas !

– Bon. Au pire, si les voitures et les scooters ne s’arrêtent pas vous pouvez toujours attendre l’instant où il n’y a plus de circulation. On n’est pas non plus dans une mégapole de 10 millions d’habitants.

– Ah ben vous en avez de bonnes vous ! Alors en plus c’est moi qui devrait attendre de longues minutes l’arrivée d’un instant où j’ai une chance d’arriver vivant de l’autre côté !

– Je pense que vous avez une notion du danger un peu particulière.

– Pas du tout ! Les gens sont inconscients tandis que je suis prudent. Qui a raison ?

– Là n’est pas le problème ! Je ne vois simplement pas comment vous pouvez vous retrouver apeuré à l’idée de traverser une rue… ou un carrefour comme vous dites. Je tiens à vous rappeler qu’on ne traverse pas les carrefours en diagonale ! C’est la première chose qu’on apprend aux enfants !

– Mais carrefour ou rue c’est pareil ! Et je ne traverse certainement pas en dehors des clous ! Mais comment voulez-vous traverser quand les gens grillent les feux ?

– Les gens grillent les feux ? Voilà autre chose !

– Ils grillent les feux piétons !

– Les feux piétons ? A ma connaissance quand le feu piéton est vert, le feu pour les véhicules est rouge ! Là en théorie vous pouvez traverser sans danger !

– Mais pas du tout ! Ce n’est pas du tout ce qui se passe ! Figurez-vous qu’un carrefour c’est un endroit ou plusieurs rues se croisent !

– Vous m’en direz tant !

– Et donc des conducteurs qui ont le feu vert en profitent pour tourner à gauche ou à droite ! Et alors ils roulent sur un autre passage piéton, pour lequel le feu piéton est vert. Et là ils sont tenus de s’arrêter ! Mais ils ne s’arrêtent pas !

– Vous exagérez ! La plupart s’arrête !

– Mais non! Pas du tout ! A certains carrefours aucun ne s’arrête ! Allez sur les quais ! Allez-y ! On ne peut pas traverser sans risquer sa vie ! Le feu piéton passe au vert, vous vous lancez sur le passage mais avant que vous n’ayez fait la moitié du chemin, des voitures qui étaient en face et tournent vers ce passage vous grillent la politesse ! Et là vous ne savez que faire ! Peut-être que la voiture d’après va s’arrêter en freinant brusquement, vous signifiant ainsi à quel point votre présence l’irrite ; ou peut-être qu’elle va forcer le passage ! Alors vous ne savez jamais quelle est la bonne attitude, faut-il marcher vite ou doucement ? Faut-il marquer un temps d’arrêt au milieu de la rue ? Faut-il garder son rythme coûte ?

– A mon avis oui ! Il ne vous arrivera rien ! La peur n’évite pas le danger mais dans votre cas je dirais que la peur a de grandes chances de provoquer le danger !

– Ah non ! Je ne peux pas vous laisser dire cela ! Ah certes je peux décréter que si le feu est vert pour moi je n’ai qu’à traverser sans me soucier des véhicules ! Mais moi je peux vous assurer que si j’avais toujours fait cela je serais mort depuis longtemps !

– Non je ne pense pas.

– Prudence est mère de vertu !  

– Si vous voulez.

– Alors vous trouvez cela normal qu’on ne puisse même pas traverser tranquillement à un passage piéton ? Pourquoi on ne règle pas les feux afin de laisser le temps aux piétons de traverser ces carrefours qui posent autant de problèmes ?

– Écoutez ! J’imagine que dans la mesure du possible ces choses-là ont déjà été réfléchies. Régler la circulation est une affaire qui demande des calculs complexes !

– Si je comprends bien vous faites des consultations citoyennes sur les déplacements urbains en ayant des idées préconçues et comme simple réponse aux problèmes qu’on vous expose, vous dites que tout a déjà été réfléchi par plus intelligent que moi ou vous ! Ah ben bravo ! Vous les politiques vous admettez que vous ne servez à rien au juste ! Je me demande pourquoi je suis venu.

– Ne le prenez pas comme cela ! Je suis là pour écouter les problèmes des gens mais en ce qui vous concerne j’ai l’impression que vous avez tendance à les amplifier un peu.

– Je suis un grand marcheur figurez-vous ! Je connais très bien les problèmes des piétons que ce soit en ville ou à la campagne !

– Très bien. Parlons-en !

– La marche c’est bon pour la santé n’est-ce pas ?

– On le dit !

– La marche c’est incommensurablement moins polluant que la voiture n’est-ce pas ?

– Fatalement.

– Et ça l’est sans doute moins que le vélo également. Le vélo il faut l’usiner !

– Nonobstant l’usure de vos chaussures, le vélo est sans doute en effet plus polluant. Mais en vélo on va plus loin.

– Oui mais globalement on peut dire que le marcheur préserve sa santé sans beaucoup polluer ! Et ne dit-on pas qu’un jour nos lointains ancêtres se sont mis debout, ont marché et que cela a changé beaucoup de choses ?

– Je ne suis pas un grand spécialiste de ces questions-là.

– Eh bien moi je vous dis que la marche est le mouvement le plus naturel à l’homme et qu’on ne devrait jamais l’entraver ! L’homme est né pour marcher et partout il est à l’arrêt !

– Un slogan pour la République en marche ?

– Non je paraphrasais un philosophe célèbre si vous voyez qui je veux dire ?

– Certainement.

– L’homme qui marche…

– Après Rousseau, Giacometti ?

– Non ! L’homme qui marche... disons qu’il marche sur le pont Wilson en direction de la Presqu’île ; il marche jusqu’au moment où il arrive au niveau du quai Jules Courmont, quai qu’il veut traverser. Avec un peu de chance il tombe sur un feu piéton vert, avec moins de chance il est rouge. Dans ce cas l’homme qui marche doit arrêter de marcher et faire le poireau ! Il poireaute parfois plus d’une minute avant d’avoir le feu vert ! Enfin il va pouvoir traverser le quai ? Que nenni car quelle solution a-t-on trouvée pour résoudre le problème des piétons qui entravent la circulation des véhicules ? On oblige l’homme qui marche à rejoindre un terre-plein central où il tombe sur un second feu piéton irrémédiablement rouge ! L’homme qui marche poireaute de nouveau ! L’homme est né pour marcher et partout il est un poireau qui regarde passer les voitures ! Tout tout tout, absolument tout a été fait en fonction de la voiture !

– Nonobstant les rues piétonnes !

– Qui sont combien en proportion… en dehors des quartiers construits au moyen-âge ?

– Certes il y en a peu mais la tendance des zones dédiées à la marche est à la hausse !

– A la marche ? Comme vous y allez ! L’homme est né pour marcher, il devrait pouvoir le faire partout, pas uniquement dans des rues piétonnes !

– On va peut-être éviter d’aller marcher sur les voies de TGV ou les autoroutes !

– Vous n’imaginez pas à quel point vous soulevez un vrai problème !

– Non je vous assure, si vous voulez voir des piétons là où il y a des TGV, vous en arrivez forcément à la conclusion qu’on ne peut pas faire de TGV !

– Je pense exactement le contraire ! Évidemment je ne dis pas que les gens doivent marcher sur les voies ! Seulement, quand on construit une ligne à grande vitesse, vous savez bien qu’on réserve une bande plus large que celle nécessaire pour la construction des voies proprement dites. Il y a un espace de plusieurs mètres entre guillemets « végétalisé », puis on plante un grillage pour éviter que des gens viennent s’égarer sur les voies. Quitte à exproprier des milliers d’hectares de terres agricoles et faire du terrassement sur de très grandes lignes droites, vous croyez pas qu’on aurait pu y adjoindre des pistes pour les piétons et les cyclistes ?

– En bordure de TGV ? Vous croyez vraiment que des gens voudraient se balader à quelques mètres de trains qui roulent à 300 km/h ?

– Et pourquoi pas ? Au moins les trains ne vous crachent pas du CO2 à la gueule !

– Je ne sais pas… Pourquoi pas en effet ? Je pense qu’on veut aussi éviter de voir trop de promeneurs à proximité des voies. Il y aura toujours des abrutis avec la tentation de jeter des pierres sur les trains.

– Vous êtes sérieux ? Si quelqu’un veut le faire il trouvera toujours le moyen de le faire !

– Oui mais bien souvent c’est l’occasion qui fait le larron. En plus ce serait un peu ridicule d’élargir des viaducs et des tunnels au-delà du strict nécessaire pour y ajouter une piste cyclable ou un chemin piétonnier.

– Je ne prétends pas qu’on doive aller jusque-là ! Le piéton ou le cycliste aura un chemin dans la vallée ou contournant la montagne. Je dis juste qu’on a raté de nombreuses occasions de redonner le droit aux gens de se déplacer à pied ou à vélo sur des distances importantes sans risquer d’être renversés par des véhicules ! A ceux qui veulent se déplacer vite on dédie des milliards, à ceux qui veulent retrouver le sens du déplacement naturel à l’homme, peanuts ! Le plus symptomatique de ce problème c’est justement à la campagne ! Il y a de très vieux chemins qui peu à peu sont devenus des pistes pour les attelages de chevaux. Pour le piéton la sécurité n’était déjà pas toujours assurée, les attelages de chevaux ont fait des victimes mais globalement on avait encore le temps de se décaler dans le fossé. Ensuite est venu le temps de l’automobile, d’abord guère plus rapide que le cheval, les pistes sont devenus des routes sur lesquelles on pouvait encore marcher sans trop de risques. Et puis les voitures sont allées de plus en plus vite, ont été de plus en plus nombreuses, on a amélioré les routes, on les a élargies, mais pas pour garder un espace pour les piétons, non, juste pour que des voitures de plus en plus larges puissent se croiser de plus en plus vite. Ainsi sur ces chemins ancestraux plus aucun piéton ne peut marcher sans crainte ! Et vous seriez bien en peine de trouver le nouveau chemin dédié à la marche, il n’existe pas ! C’est bien simple, il y a partout en France des villages distants de quelques kilomètres que personne ne s’imagine franchir en toute sérénité à pied. L’homme est né pour marcher et il ne le peut pas ! Vous trouvez cela normal ?

– Non mais mon propos c’est surtout le transport urbain.

– Mais en ville le danger est encore plus grand ! Les piétons sont nombreux mais l’espace qui leur est dédié est souvent ridicule ! Le matin les trottoirs sont encombrés des bacs à ordures ! Sans compter les innombrables commerces qui font mines d’oublier qu’il s’agit d’un espace public ! Là où le trottoir est large vous trouvez toujours quelqu’un pour le rétrécir par une occupation plus ou moins légale ! Tenez ! Exemple typique ! Je me suis engueulé durant des années avec le tenancier d’un bar de mon quartier qui mettait deux rangées de tables sur le trottoir en ne laissant entre les deux qu’un espace restreint pour les piétons…

– S’il le faisait c’est qu’il avait l’autorisation de la municipalité.

– Ah mais je n’en doute pas ! Sauf que ce trottoir n’était pas si large et assez passant ! Avec les serveurs au milieu de tout cela, c’est limite si vous ne deviez pas vous excuser pour passer ! Un vrai goulet d’étranglement ! Puis un jour la municipalité a décidé de supprimer les places de stationnement adjacentes et le trottoir est devenu plus large de deux mètres ; Alléluia ! La municipalité aurait très bien pu en profiter pour allouer un espace vraiment séparé pour que ce bar ait une terrasse à travers laquelle on ne passe pas ; côté rue il y aurait alors eu un espace bien large pour les passants et sans les serveurs au milieu ! Mais non ! On préfère faire dans le ni-ni ! On ne veut pas que le tenancier pense que l’espace devant chez lui appartient, mais on ne veut pas non plus entraver le commerce. Alors on l’autorise à rajouter des tables du côté de la rue ! Résultat : on passe encore entre les rangées de tables, au milieu de ses emmerdeurs de serveurs qui se croient prioritaires parce qu’ils sont au travail ! Et puisqu’il y a plus de tables il y a plus de serveurs et le goulet d’étranglement est encore pire qu’avant ! J’enrage ! Tout cela est tellement typique du monde politique actuel ! C’est comme ce con de maire qui récupère des hectares de terrains liés à la désindustrialisation du centre-ville mais n’a pas planifié d’y planter un arbre parce que ça gâche la vue sur les beautés architecturales dont on s’enorgueillit, puis à l’orée des années 2020 apprend dans la presse l’existence d’un phénomène appelé réchauffement climatique et celle d’un autre phénomène qui dit que la végétation apporte beaucoup plus de fraîcheur que le béton ! Que faire ? pense-t-il alors en son fort faible for intérieur. Alors lui vient l’idée géniale, par le biais d’un souffleur bien entendu, de semer des bacs à arbustes plein les trottoirs ! Voici le programme à venir de végétalisation de cette ville de bétonneurs : des bacs à arbustes, à arroser tous les jours en cas de canicule ! Et là où on aurait pu raisonnablement espérer l’émergence d’un tronc d’un demi-mètre carré surplombé d’un gros feuillage on aura dans son chemin un bac d’un mètre carré et demi faisant de l’ombre à un arbuste minable.

– Vous exagérez ! Il y a des projets de bacs à arbustes dans des rues qui n’avaient déjà pas d’arbres au début du siècle dernier, un temps où l’urgence climatique était somme toute moins prégnante ! C’est pas de la faute du maire si la ville a été faite ainsi.

– Mais c’est de sa faute si à la place d’un parc boisé la confluence s’est dotée d’une marina à la con pour y garer les yachts des meilleurs pollueurs d’entre-nous !

– Oui si vous voulez. C’est pas non plus le seul à blâmer dans l’histoire.

– C’est lui qui se tresse la couronne pour ce qu’il considère être une œuvre très réussie, je rends à César ce qui lui appartient.

– Pour ce qui est de la végétalisation vous devriez surtout vous réjouir car au contraire de ce que vous dîtes beaucoup de bacs prennent la place des voitures, ils ne sont pas mis sur les trottoirs mais sur les places de stationnement. Cela va donc dans le sens d’une moindre circulation.

– Verrons-nous !

– A propos de maire, celui du deuxième a la volonté d’aller vers une interdiction totale du stationnement en surface. Donc d’une manière ou d’une autre on va réellement vers une remise en question du modèle actuel et vous verrez que ce sera forcément en faveur des piétons

– Oui, j’imagine que pour lui c’est facile de décréter cela ! Il a sûrement la certitude de pouvoir garer sa propre voiture à l’abri dans un garage proche de chez lui. Mais l’ensemble de ceux qui votent pour lui n’ont pas tous cette possibilité !

– J’ai l’impression que vous n’êtes jamais content. Maintenant vous allez vous soucier des difficultés de ceux que vous vous êtes évertué à critiquer dans leurs choix !

– Je dis simplement que j’attends de le voir pour le croire ! Car pour le moment je marche surtout sur des trottoirs sur lesquels on ne peut même pas se croiser sans se contorsionner ! Et je ne vous parle pas d’y croiser un fauteuil roulant et une poussette ! C’est infernal !

– Il y a déjà de nombreux progrès ! Justement à destination des fauteuils et poussettes. Les trottoirs sont mis à niveau de la chaussée là où…

– Ne m’en parlez pas ! Il y a des endroits où l’on ne fait même plus la distinction entre la chaussée et le trottoir ! Mais c’est complètement flippant ! Si je ne fais plus la différence, pourquoi les automobilistes la feraient ?

– Vous exagérez !

– Et puis c’est devenu l’enfer ! Avant quand je sortais de chez moi je m’avançais sur le trottoir et je regardais à gauche pour voir si une voiture arrivait ! Mais désormais j’ai toutes les chances d’être percuté ou de tomber à peine ai-je franchi le palier !

– Comment cela ?

– Parce qu’une fois sur deux il y a une trottinette qui me barre la route ! Quand ce n’est pas une rangée entière de trottinettes ! C’est un monde tout de même ! Quelqu’un pose cinq ou six trottinettes en rang d’oignons là où bon lui semble, il s’en va sans se soucier de la météo, et au moindre coup de vent la rangée tout entière dégringole comme des dominos. Si je n’ai pas affaire à des trottinettes en stationnement sauvage il en est une en mouvement qui arrive à pleine vitesse sans se soucier le moins du monde de ma présence ! Et si j’arrive entier à hauteur de la chaussée je ne dois plus jamais perdre de vue la possibilité de voir surgir un vélo qui remonte la rue à sens unique parce que vous les politiques, vous pensez qu’il est raisonnable d’autoriser les cyclistes à emprunter des rues étroites à contresens !

– Décidément.

– Ah non c’est devenu impossible ! Tout cela finira par me rendre fou !

– Vous ne croyez pas que c’est plus une question d’affluence que de moyens de transports ?

– C’est à dire ?

– Vous vivez dans l’hyper-centre à ce que je vois.

– Certains prétendent que le centre est à Bellecour, moi je dis effectivement qu’il est à l’Hôtel de ville.

– Que faites-vous durant la fête des lumières ?

– Je m’enferme chez moi durant quatre jours ! C’est trop infernal !

– Donc vous le marcheur, durant les jours où les véhicules sont interdits de séjour dans les rues du centre, vous décidez de ne pas marcher ?

– Marcher ? Vous appelez cela marcher ? On ne peut pas mettre un pied devant l’autre !

– Eh bien si à la place de ces centaines de milliers de piétons il n’y avait en centre-ville que quelques camions, quelques voitures, quelques motos, quelques vélos, quelques trottinettes, quelques poussettes… je pense que vous sortiriez sans crainte.

– C’est la faute à qui si tout le monde vient au centre ?

– Pas la mienne !

– Mais bien sûr que si ! Vous les politiques vous avez décrété que les gens ne devaient plus jamais avoir un travail, des commerces, des loisirs et de la culture à proximité de l’endroit où ils habitent !

– Ces choses-là ne se décrètent pas sur un claquement de doigts ! Qu’est-ce qu’on y peut si les gens veulent voir de la vieille pierre ?

– Il ne veulent pas tant voir de la vieille pierre que fuir des endroits sans âme ! Personne ne se demande plus de quelle façon on construit des endroits qui ont de l’âme !

– Si, on se le demande justement, mais cela ne veut pas dire que le fruit de notre réflexion aboutit à quelque chose. Quand vous visitez le quartier Saint-Jean dites-vous que ceux qui l’ont habité à l’époque de sa construction n’ont certainement pas pensé qu’ils vivaient au cœur d’une merveille architecturale où il faisait bon vivre !

– Peut-être ! Mais quand on a décidé de poser des boites à sardines géantes dans des champs à la périphérie des villes pour y entasser des tonnes de choses, vous allez me dire qu’on ne savait pas que cela tuerait les épiceries des centre-ville !

– Oh vous savez ? Il paraît que les hypermarchés attirent de moins en moins de gens !

– Voire !… De toute façon le mal est fait ! On a construit des milliers de quartiers, qu’ils soient faits de tours ou pavillonnaires où les gens n’iront jamais faire leurs courses à pied ! Ils n’iront pas non plus au cinéma à pied mais à l’hypercomplexe de la communauté de communes à qui vous les politiques, vous avez donné le droit de s’implanter ! Ils n’iront pas non plus à pied dans une base de loisir attractive, quand ils en auront marre de la balançoire du minuscule square d’à-côté, ils iront en voiture à Euro-Disney ! Ils ne travailleront pas de chez eux ou dans des fab lab dont on nous a dit il y a dix piges qu’ils allaient tout changer ! Non ! Ils iront à l’autre bout de l’agglomération enchaîner des contrats précaires pour ne pas perdre leurs droits au chômage, les plus ingénieux iront dans des pépinières géantes de start-up, car il faut créer de l’émulation vous savez, ne pas laisser le génie se perdre dans son coin ! Ils ne cultiveront pas non plus des légumes dans le champ d’à-côté, le champ a été bétonné depuis longtemps et celui qu’on aperçoit au loin est en sursit !

– Oui, oui, je comprends ce que vous voulez dire. Mais enfin… il y a des choses sur lesquelles il est difficile de revenir en arrière.

– Alors elles servent à quoi vos consultations ?

– A explorer des pistes !

– Pas besoins de pistes ! Explorez la manière dont on pourrait faire un maximum de choses à pied sans être obligé de marcher dans le caniveau, le chemin est là !

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