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Darwin Le Chat
darwin le chat
3 octobre 2015

Le Pont de la Guille.

Chalut.

 

Je vous contais il y a peu l’aventure qui me mena dans le jardin du rosaire, accomplissant ainsi l’un des devoirs d’un chat de gouttière de la presqu’île. Aussi vous saviez que je me devais de passer également l’autre fleuve, ceci fut chose faite peu de temps après. J’ignore pourquoi je n’en ai pas gardé le souvenir d’une trouille aussi tenace, car comme vous le constaterez à la lecture de ce nouvel opus, le danger n’était pas moindre. Sans doute, le fait d’avoir été nombreux apporta quelque sérénité, quoiqu’il fut bien un instant où je n’en menais pas large. Ce fut encore Burbulle l’instigateur de ce périple. Il vous faut savoir que Burbulle a une année de plus que moi, comme l’on se doit de passer les fleuves avant sa deuxième année, il connaissait déjà la voie à suivre. Cependant il n’avait pas l’expérience suffisante pour guider un groupe de huit jeunes chats et la présence d’un passeur était requise.

 

Nous étions huit, donc, issus de trois portées différentes, tous du quartier, P’tit Gris faisant partie du nombre. Il n’était pas minuit, nous nous rassemblâmes sous un fourgon garé rue des Archers et Burbulle nous mis immédiatement dans le rythme : « Ne tergiversons pas ! Suivez-moi ! » Il se mit à courir, nous allâmes alternativement sous des voitures, des pots de fleurs, parfois dans le caniveau, ainsi jusqu’au bout de la rue Emile Zola. Burbulle s’avança seul sur le trottoir de la place Bellecour pour s’enquérir d’un danger éventuel, il nous fit signe au moment opportun et peu après je me trouvai à galoper sur cette place immense que je n’avais vu que d’en haut jusqu’alors. Nous allâmes droit vers la statue du roi Louis avant de plonger dans une cage d’escalier, quel ne fut pas mon étonnement arrivés en bas, je n’avais jamais vu un tel rassemblement d’automobiles ; et que de lumière ! Burbulle avait fixé le rendez-vous avec le passeur quelque part au milieu de ce délire bétonné et mécanique. Le passeur, connu sous le sobriquet de « Passe-passe », un chat sans âge, fin mais élancé, tout en muscle, aux oreilles déchiquetées, la mine chat-fouine, il n’inspirait guère la confiance. Son œil malicieux fit un tour rapide du groupe de novices que nous composions, cinq mâles et trois femelles ; sur moi il s’arrêta, à l’époque j’étais chétif, je paraissais aussi sûrement craintif. Il ne m’épargna pas l’offense en s’adressant à Burbulle : « Cha va tenir le coup, cha ? ». « J’en réponds ! » dit Burbulle, bon camarade. Cela ne suffit pas à convaincre Passe-passe : « Il a une tête à faire des rats » Il me fixa encore un moment, d’un air songeur, puis il revint à lui et donna ses consignes : « Toujours l’un après l’autre ! Quand je l’ordonne, stoppez net et acacabozonez-vous comme ça ! » Il m’est d’avis que son parler lyonnais passablement argotique était quelque peu inadéquat car il prit la position d’attente des félins à l’affût avant de se relever prestement : « Allons ! rondo ! » D’emblée le rythme fut soutenu, nous courûmes jusqu’à un trou ressemblant à une bouche d’égout puis rampâmes quelques mètres dans un tube humide. Il fallut ensuite se hisser dans un second tube bien propre, en plastique, je n’y vis plus rien. J’avais également perdu le nord, à trop bifurquer. Je reconnu ensuite une odeur de cave puis nous plongeâmes dans un nouveau tunnel terreux. Soudainement, une raie de lumière frappa ma rétine. Quelques secondes plus tard j’étais dans un tunnel que je sais désormais être celui de la ligne A du métro. J’étais heureux de me sentir moins à l’étroit mais il fallut accélérer le pas, nous courûmes le long de la voie, escaladâmes quelques marches, le quai était désert à cette heure. Nous dévalâmes ensuite des escaliers, croisant là quelques humains, j’entendis distinctement : « Oh ! regarde ! Les chats ! » Le quai du métro D fut franchi tout aussi rapidement et nous nous enfonçâmes dans le tunnel du métro D. Passe-passe ordonna une halte : « Nous sommes ici à l’abri, reprenons notre souffle ! » Le repos fut de courte durée, de nouveau un pas soutenu. « Ne vous écartez pas du mur ! » Quelques minutes plus tard, Passe-passe nous fit stopper à nouveau. Il vrombissait, diabolique, venant pour nous dévorer tous autant que nous étions, un dragon ! J’eus un instant de sidération, je me crus bientôt mort. Le bruit s’amplifia, je vivais mes derniers instants, dieu que la vie est courte ! Ce œil maléfique, gigantesque, on m’avale, je reste tétanisé sur place et puis… encore la vie. La vie toute entière, elle vous traverse le corps, dans son vacarme, ses vibrations magnifiques, il passe le dragon lumineux, le serpent métallique, je vis ! Je vis ! Il est déjà parti ! Reviens dragon ! Mais déjà Passe-passe a repris sa marche en avant. Quelques minutes à peine et il est déjà temps de se faufiler dans un trou tels des rats. On rampe, on se faufile, on grimpe une échelle, je rate le second barreau, bouscule mes suivants, on râle, je me ressaisis, il faut ramper à nouveau, passer un soupirail, nous voilà au grand air. « Place du pont ! » s’écrie Passe-passe. Pas d’arrêt, nous pénétrons une petite rue sombre, passons une porte défoncée, prenons un couloir ; terminus dans une cour intérieure peu engageante où plusieurs sacs poubelles bien garnis sont posés sur le sol. Passe-passe s’acharne d’emblée sur le premier d’entre eux, l’ouvre de ses griffes aiguisées : « Bon appétit ! » Madame, quelle orgie de viandes ! Et cuite qui plus est, juste comme je l’aime ! Je me suis rempli la panse pour trois jours et je crois pouvoir affirmer que mes camarades en firent de même car aucun ne mouftait. Enfin Passe-passe sonna le rappel : « Sacrés mirons pioteurs ! Il est temps de prendre du souci ! D’avoir tant mâchonné pourrait vous donner la lourde. Retraboulons ! » Ainsi, nous reprîmes la route en sens inverse, le pas moins leste. Sur la place du pont traînaient quelques revendeurs sans patente guère préoccupés de notre présence. Je fis une remarque que je ne croyais pas si risible : « C’est la place Dupont avec un T ou Dupond avec un D ? » Passe-passe et Burbulle se rirent de moi. « En réalité c’est la place Gabriel Péri, appelée aussi place du pont… place avec un pont dessus. » J’en restai bête comme foin et tandis que Passe-passe repartait déjà vers le soupirail, je l’interrogeai encore : « Mais où est le pont ? » Il ne me répondit pas, et le retour se fit en marchant et en un silence qui ne fut brisé qu’à mi-chemin par Burbulle : « Nous sommes ici précisément au milieu du fleuve. Sachez l’apprécier car de sa source à son embouchure, il est peu d’endroit où passer sous le Rhône ! » Ce à quoi le passeur ajouta : « Et ci avant, la même sous la Saône ! » Ceci me fit bondir. J’osai protester un peu : « S’il est possible de passer sous la Saône, pourquoi alors s’obliger à emprunter cette stupide passerelle ? » « Pour la gloire ! » Répondit Burbulle. « Et arrivé à Saint-Jean, mon petit bugnon, je voudrais t’y voir te hucher jusqu’en haut ! » rajouta Passe-passe. Plus rien ne fut dit ensuite, j’espérais presque le retour du dragon mais il dormait à cette heure. Nous quittâmes le métro D à l’entrée de la station pour emprunter un tunnel de rat qui me parut interminable et particulièrement pentu. De nouveau une odeur de cave, on communique, on ne se perd pas, on marche encore un peu à la queue le leu, enfin un peu de lumière ! Il faut faire valoir quelques qualités athlétiques pour bondir vers un soupirail aux barreaux suffisamment larges. Enfin le grand air ! « Gones, il est encore beaucoup du temps avant la pique du jour. Suivez-moi ! Je tenais à vous montrer ce fameux pont ! » Nous étions quai Gailleton, nous passâmes dessus la trémie, et sautâmes sur le muret. « Voici le pont. Arragardez voir comme il est beau ! » Mes compagnons et moi, nous nous regardâmes, aucun décidé à abonder dans son sens, aucun n’osant contredire le passeur. Mais lui-même en rit : « Evidemment qu’il est moche ! Merde c ’qu’il est moche ! » Il fit une pose, me regarda et, voyant ma mine incrédule, rajouta : « Si tu cherches la place du pont, elle est 200 mètres après le pont. » Je ne changeai pas de mine. « C’est simple. C’te pont fait 205 mètres, c’tui-là d’avant en avait 526. C’est longtemps qu’on a passé ce fleuve à gué ou en barlut ; pis quand on faisait un pont… il s’abouchait entièrement ou partie dans l’eau. Enfin, voilà qu’en 1700, le pont de la Guillotière est tout dans sa longueur longue et fort comme un tigre. Des bas-ports y en avait pas, en place c’était le milieu du fleuve, d’un côté le lyonnais, de l’autre la Savoie. Pour avoir les arpions au sec fallait dépasser la place du pont, presque trois septaines d’arches… et de la beauté, avec une superbe tonnelle dressée au centre et une chapelle côté presqu’île où s ‘planquaient les gapians… c’est pour ça que la rue de la Barre s’appelle rue de la Barre d’ailleurs… Ah ! oui c’était du solide ! Même les nazis ont pas réussi à le mettre à plat. Z’ont sûrement manqué de temps parce que les gones l’ont abousé d’eux-mêmes avec plus de succès après-guerre… au bénéfice de la France moche et au grand damne des poètes. » Tandis que Passe-passe nous contait cette histoire à sa manière, l’un de nous s’écria : « Là ! Un fantôme ! » Nous le vîmes tous, un fantôme qui jaillit des flots, vint vers nous en semblant crier son désespoir par une bouche immensément éplorée avant d’être de nouveau happé par le fleuve. Passe-passe sauta du muret. « Triste sort ; je vous déconseille vivement de venir ici un 17 octobre ! »

 

J’ai eu plus tard un aperçu de ce pont dans la forme qu’il avait au début du siècle dernier. Il n’était déjà plus dans sa splendeur d’origine, raccourci à huit arches alors qu’il en comptait vingt, débarrassé de sa tonnelle et de sa chapelle, sans doute renforcé, élargi grâce à l’apport de parties métalliques… mais tout de même beaucoup plus beau que celui d’aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui disent que le détruire fut une énorme bêtise, sans doute ne convenait-il guère à la navigation de gros tonnages ou aux nouvelles ambitions de l’automobile.

 

Darwin.

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2 octobre 2015

Présentement

Chalut !

 

Je me présente, Darwin, chat de gouttière vivant à Lyon sur le pâté de maisons bordé par la Place des Jacobins au Nord, la rue des Archers au sud et les rues Emile Zola et Gasparin d’ouest en est. La vue y est plongeante sur nombre d’appartements et, bienheureux encore de trouver souvent les stores remontés ou les volets ouverts, je passe une partie de mon temps à observer vos congénères, surtout ceux quelque peu portés sur ce passe-tout appelé communément « clope ». Je ne connais pas l’étymologie de ce terme, malgré que, comme je le crois, je sois assez chavant ; cependant, il est aisé de le faire découler de « clopin-clopant » ou « clopiner », suggérant ainsi qu’il en va de la clope comme d’une béquille dont on se sert en soutien à une marche déficiente. Savez-vous qu’il y a, au 4 de la rue des Archers, un gros matou qui fait dans la contrebande de cigarettes ? Il est en cheville avec un gang de blattes qui crèche dans la réserve du buraliste et fait son beurre avec la clientèle de l’Hôtel attenant, mais… chut ! Moi-même j’eus quelques bobos par le passé, n’étant qu’un chat, qui plus est de gouttière, ce ne fut que clopinettes en mon soutien ; remis d’aplomb, je m’étonne toujours de voir les humains garder durablement l’usage de leur béquille comme si elle faisait partie d’eux-mêmes.

 

Vous voudriez sûrement savoir comment j’en suis venu à être aussi chavant, et peut-être la façon dont j’ai appris à lire. J’aurais pu apprendre grâce aux monceaux de prospectus publicitaires qui s’entassent à un rythme effréné dans le hall. « Sauvez un arbre, tuez un castor ! » disent les plaisantins. Ce à quoi les castors répondent : « Sauvez cent castors ! Tuez un publiciste ! » (Sic) J’espère que vous prenez soin des arbres. C’est important les arbres, ça permet, entre autres choses, aux chats de trouver un refuge quand un chien les poursuit d’un peu trop près. Je dis cela sans pour autant pouvoir me disculper entièrement, en tant que chat chavant, j’ai ma part de responsabilité puisque j’ai appris à lire grâce aux journaux. Je ne dirais pas que j’en lis beaucoup, ce serait peut-être beaucoup trop dire, j’en lis de moins en moins en fait, tributaire d’un environnement instable. Le matou du 4 rue des Archers ne deale pas la presse, uniquement les cigarettes, cela m’oblige à trouver mes sources d’information ailleurs. Le plus aisé est de visiter les appartements avec Velux, régulièrement ouverts, sauf au cœur de l’hiver bien sûr. Il y a de bels appartements sous toit rue Gasparin qui ne manquent pas de journaux. Le vieil homme qui allait tous les jours chercher son Figaro et son Progrès m’accueillait volontiers chez lui, mais il n’est plus désormais et je suis devenu persona non grata dans ce logement. Un autre vivait au 2 de la rue et avait coutume de s’absenter toute la journée en laissant s’aérer sa chambre par un dispositif qui me laissait le loisir de me glisser sans trop de contorsions. Lui lisait surtout des revues et mensuels. Je tiens de cet appartement le gros de mes premières réflexions sur le comportement humain. Ne le prenez pas pour vous… pour un être qui se croit le seul dépositaire de la conscience universelle, l’humain a l’heur de vouloir absolument prouver le contraire dès que l’occasion lui en est donnée, ce qui n’est pas rare ; du moins, s’il est conscient, il est surtout passablement inconséquent. Il est peu de signe laissant espérer une amélioration car toutes ces analyses dans les journaux prouvaient au moins qu’on tâtonnait la voie à suivre. Or depuis quelques mois, depuis que mon vieil ami a passé l’arme à gauche et que l’homme du 2 a déménagé, mes sources ont tari. Je trouve toujours le moyen de visiter des appartements mais partout ce n’est qu’étalage de papiers aux noms divers et variés : « Métro, 20 minutes, Direct Soir, Gala, Voici… » Vous serez peut-être tenté de penser qu’un chat se complait dans la rubrique chiens et chats écrasés, mais si une telle rubrique existait je préférerais de beaucoup ne pas la lire (hormis la colonne « chiens écrasés » peut-être) et quant au reste… c’est un néant certes capable de prêter parfois à rire (surtout les clichés savoureux de Voici) mais un néant tout de même. Je me sens vraiment démuni ; aurait-on volontairement fermé les écoles de journalisme ? Diable ! Pourquoi aurait-on fait cela ?

Puisque je suis là à vous écrire, j’en profite pour vous conter une petite histoire. Si vous avez déjà visité Lyon peut-être connaissez-vous le jardin du Rosaire qui se situe sous la basilique de Fourvière. Moi, de loin, je le connaissais à peine avais-je ouvert les yeux mais de là à y mettre les pattes, il y avait un monde, un monde tout humide. Quand j’étais tout jeune j’étais, sinon téméraire, du moins assez prompt à me laisser entraîner dans certaines aventures. Je me laissai tenter par Burbulle, un gros chat hirsute, et P’tit Gris, l’un de mes frères. Selon Burbulle, tout chat de gouttière de la Presqu’île se doit de passer au moins une fois dans sa vie les deux fleuves, à commencer par la Saône, laquelle donne un accès à la colline qui donne un point de vue imprenable sur les toits que nous habitons. Nous nous mîmes en marche très tardivement par une nuit froide du début de semaine, façon de limiter les risques d’une rencontre malvenue. Le chemin le long des rues ne m’inquiétait pas beaucoup, nous allions d’une voiture en stationnement à une autre, sans grand risque. Le quai des Célestins était presque désert mais nous le passâmes en toute hâte par crainte d’un chauffard peu scrupuleux. Enfin nous touchions à ce qui m’effrayait le plus : la passerelle ! Ce n’était que quelques dizaines de mètres à franchir en courant le plus vite possible et à cette heure nous avions de grandes chances d’y être seuls. A l’aller j’étais dans une certaine excitation qui m’ôta un peu d’appréhension, je suivis mes camarades sans réfléchir. Un autre quai, désert, nous longeâmes le palais de justice, remontâmes la rue de la Bombarde d’un pas toujours alerte… enfin la montée des Chazeaux. Un imbibé cuvait son vin dans les escaliers mais il ne prêta guère attention à nous, déjà nous touchions au but. Oh quel joli paradis que voici ! Havre de paix et petit pays des arbres et des plantes. On le dit très fréquenté de jour, mais de nuit, fermé à l’homme ordinaire, il va bien aux chats. D’ailleurs nous en croisâmes quelques-uns, que Burbulle salua d’un air entendu, pas de conflit de territoire dans ce lieu là. Nous montâmes jusqu’à la table d’orientation, je découvris Lyon sous un nouvel angle. Cependant des voix d’hommes écourtèrent ce moment de grâce. Burbulle n’en prit pas ombrage, il nous commanda de le suivre et nous filâmes sous la Basilique, empruntâmes quelque raccourci au milieu des arbres avant de rejoindre un endroit encore plus merveilleux et où nulle âme humaine ne traînait son fiel à cette heure tardive. Si vous ne le connaissez pas encore il faut absolument que vous alliez vous asseoir un jour là-bas avec votre ami. Certes il est moins haut que le « belvédère » de la basilique, mais l’environnement de plantes et l’absence de balustrade donne véritablement l’illusion d’avoir la ville à ses pieds. De ce que je peux en voir de mon toit, peu de monde passe par ce côté là du jardin du Rosaire. C’est pourtant le plus bel endroit et facile d’accès. Lorsque vous arrivez en haut de la montée des Chazeaux, pénétrez dans le jardin, montez au troisième virage, passez la statue qui représente peut-être l’homme que l’on nomme Jésus, qu’en sais-je ? Là, allez sur la gauche, faites cent mètres à peine, un petit escalier vous mène vers ce lieu que je vous recommande. Si vous le faites à la tombée de la nuit, que point d’autres humains ne sont présents, vous ressentirez probablement la même chose que moi. Croyez bien qu’il m’en a coûté d’aller jusque là-haut, surtout à cause du retour. Je fus soudain pris d’une terrible angoisse à l’idée de reprendre cette fameuse passerelle. Je m’imaginai qu’on ne pourrait avoir deux fois la même veine et qu’inévitablement nous tomberions nez à nez avec l’un de ses énergumènes qui ont la fâcheuse idée de promener leur chien à point d’heure. Et si, dans un mouvement de panique, je m’en allais sauter dans la Saône ? Burbulle dut jouer les éclaireurs en se postant au milieu de la passerelle avant que je ne l’emprunte à mon tour. Par dieu, jamais je n’ai couru aussi vite de ma vie ! Quel soulagement de rallier l’autre rive tandis que P’tit Gris moquait ma couardise. Voilà donc comment je connus ce petit coin de Lyon.

 

Vous avez, avec Burbulle et P’tit Gris, un petit aperçu de mon entourage. Il faudra que je vous parle de mon ami George le mouet. Vous voudriez sûrement savoir ce qu’est un mouet. Eh bien je vais vous le dire. Je suis de ceux qui trouvent quelque peu anormal de donner du féminin et du masculin à certains animaux et point à d’autres. Donc, puisque George est de l’espèce des mouettes et qu’il est de mon genre plus que du votre, c’est un mouet, et un mouet pas muet pour un sou. Vous voudriez sûrement savoir ce qu’un mouet fait à Lyon. Eh bien je vous le dirai une autre fois.

 

 

Darwin Le Chat.

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